Deux poings saisirent ses tempes et ses genoux flanchèrent. Sa main n'avait pas eu le temps de trouver sa dague que déjà il s'effondrait tandis que ses yeux se voilaient d'un noir qui n'était pas celui de la nuit. Arwen sentait doucement son corps chuter, ses membres s'affranchir d'un contrôle qu'il n'avait plus. Et bien tôt, bien trop tôt, sa joue s'écrasa sur les tuiles. Il n'aurait su dire s'il poussait râle ou soupir, ou même s'il avait le moindre bruit. Le monde, autour de lui, s'était comme bloqué sur un crépuscule éternel. Ses doigts effleurèrent la toiture alors qu'il commençait à dériver dans l'obscurité. Bien trop tôt, et sans doute pour bien trop longtemps.
*
Gerald renifla, lourdement, appuyé sur sa hallebarde. Elle ressemblait beaucoup à celle qu'il avait manié, du temps où il s'était engagé dans l'armée royale menée par Llanistar van Rusadir. Il l'avait quittée assez vite, d'ailleurs : quelques uns de ses amis lui avaient indiqué cette planque. Le duc de Cherbar - qu'il n'avait jamais vu, au demeurant - payait autrement plus cher que ne le faisait la gamine qui dormait dans la soie tandis que ses hommes se faisaient charcuter aux confins du Royaume. Ici, il n'avait pas grand chose à faire, sinon garder l'oeil ouvert de jour comme de nuit. Des fois que quelqu'un voudrait du mal à cet homme si bon qu'il offrait gîte et pitance à l'intégralité des hommes qu'il embauchait (ou débauchait, c'est selon) dans l'armée Hylienne. Certains avaient évoqué la crainte de voir des forces indépendantes se dresser un peu partout dans la ville, mais ça n'était pas là son problème. Ce qui l'inquiétait, c'était de ramener suffisamment d'or pour nourrir sa soeur et les enfants qu'elle avait eu avec feu son époux ; mort pour le Prince.
"
Hé, débile, envoie la picole !" Beugla-t-il à l'attention de son camarade. La bouteille de vin vola et manqua de l'assommer. «
Abruti ! Eul'Duc a payé cette vinasse sûrement plus cher qu'on payerait ta femme ! » Les doigts de sa main gauche fermement vissés autour du goulot, il chiqua le liège jusqu'à l'arracher. Et quand il renversa le crâne, l'alcool coula à flot au fond de sa gorge, en plus de venir irriguer le début de barbe qui lui mangeait le menton. Finissant le fond qu'il restait, il jeta la bouteille sans ménagement. Ils avaient réussi à en piquer un plein sac : puisque le Duc donnait sa petite réception, il avait également fait l'acquisition d'une large cargaison d'un vin qu'aucun d'entre eux n'aurait pu se payer. Et puisqu'ils savaient tous que rien n'arriverait, autant s'accorder les loisirs que s'autorisait leur maître.
"
T'as entendu ça ?" Souffla l'autre, dont la gueule apeurée se distinguait à la lueur de la torche qu'il portait. «
Ta gueule. Envoie une autre bouteille, j'ai soif. » Son camarade lui lança un regard noir, en dépit de l'inquiétude qui marquait ses traits. «
T'as déjà bien assez bu, Gerald. J'te dis qu'il y a eu un bruit.
—
Tu sais que tu fais chier, petit con ? Y'a rien ! » Grogna Gerald, non sans jeter sa main à la gorge de son co-équipier. L'alcool lui montait toujours vite à la tête, et celui-ci était d'autant plus trompeur qu'il était plus délicieux qu'aucun de ceux qu'il avait déjà goûté.
Eagen posa sa propre main bardée de fer, de mailles et de cuir, sur le poignet de son compagnon. Si ses oreilles l'avaient poussé à la suspicion un instant plus tôt, le ton qui montait l'avait ramené sur terre. De la même façon, semble-t-il, que quelques faiblesses dans la toitures du Châtelet suffirent à mettre fin prématurément à l'accrochage. Du toit chuta un corps — sans armure ni couleurs. Quelques tuiles suivirent, et le bruit sourd qui s'éleva dans le dos d'Eagen finit par convaincre Gerald. Jusqu'à ce que sa main lâche le cou du deuxième garde. «
T'as... T'as raison, allons voir... » Bredouilla-t-il tant bien que mal. Les cottes des deux hommes cliquetèrent dans la nuit, tandis qu'ils se mettaient à courir. Bientôt, ils parvinrent jusqu'au point de chute. Gerald se pencha, le bras en arrière et la main ouverte. Ses doigts se refermèrent sur la torche de son binôme. «
Foutredieu ! C'est Arwen ! » Il n'avait jamais vu les ravages de la guerre, comme il aimait s'en vanter devant son idiote de soeur et ses trois clampins de neveux. Pourtant, l'horreur s'était fait le nouveau masque qu'il ne parvenait pas à retirer.
*
D'un bref sourire, le Baron salua une des connaissances qu'il n'avait jamais pu supporter. Bien trop lui reprochaient de n'être issu que de petite famille, et parfois d'avoir les dents trop longues. Pour autant, aucun d'entre eux ne comprenait ce qu'il cherchait véritablement. Certainement pas la compagnie de tout ces hommes et toutes ces femmes qui ne raisonnaient qu'en termes de lignées et qui, pour cela, le méprisaient autant qu'il les haïssait. S'il avait daigné venir - tout en sachant que son hôte espérait qu'il déclinerait l'invitation - c'est parce qu'il avait appris que le frère Dehan, du Castel-Royal, serait également présent. «
Allons frère ! Ne pouvez-vous pas accélérer ? Il me tarde de quitter ce petit monde ! » Siffla-t-il si bas qu'il lui était possible de le faire. Sous son sourire de façade persistait sa rancoeur. «
Je viens, je viens ! Mieux que quiconque, vous savez le protocole qui incombe à ce genre de situations ! »
Ils finirent par arriver à s'extraire à la foule et s'isoler dans un des salons privés du Duc. «
Vous avez ce que je vous ai demandé, mon frère ? » Souffla-t-il, si vite et si prestement que le sacerdoce le dévisagea un instant. «
Oui... Oui, bien sûr. Comment aurais-je pu l'oublier ? » De la manche de la bure glissa une petite bourse de veau velours qu'il rangea soigneusement dans une poche intérieur, après s'être assuré qu'ils étaient à l'abris des regards. «
Vous pourriez oublier votre tête si elle n'était visée à votre corps. » Le moine lui lâcha un regard qu'il préféra ignorer. «
Très bien. Il est temps de nous séparer. » Lança-t-il, la voix toujours basse. Sa main attrapa celle de l'homme d'Eglise, et il la secoua vivement tandis que quelqu'un arrivait. «
Ce fut un plaisir de vous croiser, et d'admirer ces quelques tableaux en votre compagnie, frère Dehan. Je dois néanmoins prendre congé. » Il se fendit de son plus beau sourire, salua la femme du Duc, tout en s'octroyant l'insolence de la déshabiller du regard. Cette femme avait toujours été trop belle pour ce qu'elle était intelligente, et un jour il lui ferait payer.
Le Baron inspira lourdement, alors qu'il faisait de nouveau face à la foule. Ses yeux d'or - les mêmes que ceux du plus lointain de ses oncles dont on disait qu'il avait siégé au Ban avant d'être retrouvé pendu à crochet de boucher - la balayèrent, habités par une profonde lassitude. Jusqu'à tomber sur deux silhouettes inconnues. Et s'il n'avait pas la moindre envie de les côtoyer, il avait malheureusement croisé leurs regard. Il pouvait se permettre d'être insolent, pas malpoli. Aussi s'avança-t-il jusqu'à la jeune femme et son vieillard de compagnon.«
Messire, ma Dame, bonsoir ! » Tona-t-il de sa douce voix, avant de tirer une fleur d'un des deux arbres nains qui ornaient les escaliers de marbre. «
Si vous le permettez, ma Dame, voilà pour vous ! » Glissa-t-il alors, dans sa révérence, un air mesquin sur le visage. «
Je ne crois pas que nous ayons déjà été présentés ? » Reprit-il ensuite, interrogeant l'homme plus que la femme, mais en cherchant davantage le regard de cette dernière.
... Alea Jacta Est ...
Un unique dé à six faces (D6) sera lancé pour déterminer l'état d'Arwen, le garde assommé par Aedelrik, après sa chute du toit de la demeure du Duc de Cherbar. Selon les conséquences de cette chute, la progression du RP prendra un cours différent.
D6 : La chute
Si le résultat est compris entre 1 et 5 :
Arwen chute lourdement, et se rompt la nuque avant de toucher terre. La collision disloque sa colonne vertébrale, laissant son corps dans un état horrifiant une fois au sol. Gerald, horrifié, ne bouge pas. Cependant, Eagen qui comptait Arwen parmi ses meilleurs amis bouillonne d'une rage meurtrière qui le rend aussi imprévisible que dangereux, tant il est désireux de venger son camarade. Pour autant, Gerald parvient à tempérer sa colère le temps de mettre le Duc au courant. L'alarme est donc donnée immédiatement, et l'intrusion connue de la garde (pas des convives). Les hommes du Duc débutent les recherches.
Si le résultat est 6 :
Arwen chute lourdement, mais survit par un miracle dont seules les Déesses ont le secret. Plutôt que donner l'alarme immédiatement, les deux gardes décident de commencer à soigner leur ami pour pouvoir ensuite l'interroger plutôt que de déranger le Duc sans savoir à quoi ils ont affaire. L'intrusion n'est pas encore révélée.
Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.