l'Oiseau en cage

Une nouvelle fable sans morale

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Aedelrik


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(vide)

« Entrez, ma chère. »

Comme prévu, le cygne noir était entré dans la large pièce qui servait de bureau de travail à Fendril Rekis, dit "le coucou". Ce surnom lui venait de l'oiseau capable d'introduire ses oeufs dans le nid d'un autre, afin que ce dernier nourrissent ses petits à sa place. Un parasite menteur et sans scrupules, on pouvait également présenter cet homme ainsi. Mais c'était avant tout une figure importante au bourg d'Hyrule, une forte tête qui contrôlait une partie de la pègre de la capitale. Fendril mordait comme un bouledogue, et ne lâchait jamais sur l'essentiel : l'influence et l'argent. Il avait des deux en grandes quantités, et dans le monde de la nuit, c'était tout le nécessaire pour obtenir le pouvoir.
Fendril était assis dans un immense fauteuil en chêne, sculpté de la même manière que son bureau, derrière lequel il se tenait. L'homme était assez court mais râblé, avec un cou ainsi que des épaules de taureau, ce qui compensait sa petite taille. De là où Swann, se trouvait, à l'entrée de la pièce, elle ne pouvait sans doute pas distinguer clairement son visage, furtivement éclairé au hasard des flammes, dont la lueur chaude éclairait faiblement la salle. Pas de bougies superflues, pas de lampe à huile ni de processus magique. L'obscurité régnait en partage avec une lumière tamisée qui donnait à la fois une ambiance confortable, ou oppressante, selon les personnes. Après un long silence à peine brisé par le crépitement du feu, Fendril se pencha en avant, dans la direction de son invitée, et sa tête tomba sur le bureau.


« Je suis ravi de vous retrouver. Kihn. »

Une rune scintilla dans l'ombre, derrière le fauteuil, ainsi que sur l'unique porte de sortie, qui se referma aussitôt, parcourue de sillons d'énergies qui la scellèrent. Le fauteuil fut alors brusquement repoussé vers l'un des murs du lieu, et Aedelrik sortit de l'ombre, passant d'un saut agile juste au dessus du bureau, pour arriver dans la lumière des flammes, à quelques mètres de Swann Dragmire, un sourire malicieux, presque malsain, aux lèvres.

Le Renard pouvait être fier de son tour : il avait pris au piège le Cygne, dans une cage aux barreaux solides. Il lui avait fallu un certain temps pour élaborer son plan et y mettre les moyens de sa mise en oeuvre. Repérer une cible assez facile, mais susceptible de faire un bon appât pour celle qu'il chassait réellement. Étudier son repaire, lui envoyer un message avec la fausse signature de Swann, intercepter sa réponse et envoyer une nouvelle missive à la Dragmire, faire croire à chacun que l'autre a eu l'idée du rendez vous et que chacun a un marché juteux à proposer. Enfin, le soir même seulement, s'introduire chez l'appât et s'en débarrasser. Attendre, refermer le clapet du piège. Aedelrik eut un regard en coin pour le pauvre Fendril, mené en bateau jusqu'au bout. Sa réputation était largement surestimée, au final. Il n'avait fallu au voleur qu'un peu de discrétion et une rune de disparition pour que les yeux dits si vifs du "coucou" ne soient bernés. Son regard à lui vint se poser à nouveau sur Swann, dont il n'avait de toute manière perdu aucun mouvement. Il s'en méfiait trop pour aborder la situation avec légèreté.


« Il n'a opposé aucune résistance, quand je lui ai tranché la gorge. » Il parlait sereinement, comme si la mort de l'homme l'avait autant marqué que celle d'une poule pour un boucher. Sa main tira une dague de sa ceinture, du sang séché en maculait la lame. « Les solutions les plus directes sont toujours les meilleures. J'aurais dû le savoir. »

Une bile acide lui restait dans la bouche, depuis qu'il avait perdu contre elle. Aedelrik ne se pardonnait pas ses erreurs, notamment d'avoir voulu faire du spectacle quand il aurait dû chercher la victoire la plus aisée. Un bras brisé, disloqué, et le Cygne était fini, son influence évaporée, sa réputation ruinée. Mais la jouissance de se retrouver maître de scène, comme le premier acteur d'une pièce de théâtre, avait submergé et aveuglé son jugement. Swann avait su en tirer partit. Un fil tendu, un tour de passe passe, et il avait fini hors du ring. Son dos ne cessait de le faire souffrir depuis l'impact qu'il avait subit, sur le sol de pierre, plusieurs mètres plus bas. Mais il ne savait si c'était son corps ou son orgueil qui souffrait le plus. Sans doute les deux également, mais c'était le second qui lui importait le plus. Un muscle guérissait plus vite qu'une fierté.

« Je suis mauvais perdant, Swann. Et je déteste rester sur un échec. »

Pour la première fois depuis le début de cette mascarade, le Renard laissait sa colère s'exprimer et sa voix s'en ressentait. En vérité, des torrents de fiels attendaient de se déverser sur la Dragmire, mais Aedelrik n'aimait pas se noyer dans les mots. Sa main libre se déplaça furtivement vers son dos, hors de la vision de son invitée. Son regard se fit dur. Dans tous ses gestes, il faisait au mieux pour ne rien trahir. Elle ne devait pas soupçonner l'essentiel. Elle le savait rusé, mais il ne fallait pas qu'elle comprenne à quel point un renard pouvait se montrer retord, jusqu'à abandonner toute morale, et tout honneur. A présent, sa voix était d'acier, forte et coupante.

« Je veux réparation. Et je ne vous laisse pas le choix. »


Swann

Championne d'Aegis

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(vide)

    La politique. Swann Dragmire détestait la politique.

    Et pourtant elle ne pouvait y faire abstraction compte tenu de ce qu'elle tentait d'accomplir. Au fond d'elle-même, elle était reconnaissante envers le monde de la nuit et souhaitait leur donner ce dont il était dépourvu, même si cela passait par un ennuyeux jeu de séduction qu'elle n'affectionnait pas. Comme toute population, comme tout peuple, les petites gens issues des bas quartier du Bourg avaient besoin d'une femme comme elle pour les guider vers des jours meilleurs. Elle se souvenait du premier pas qu'elle avait fais dans cette direction lorsqu'elle avait rencontré le chef des Soleils Rouges, ce groupe de mercenaires tordus qui dorénavant officiait sous les étendards dragmires. Comme tous, ils rendaient un service en échange d'un autre et la lionne avait été obligé de leur procurer les richesses qu'ils ambitionnaient. Le parallèle pouvait être fait pour la pègre d'Hyrule, sauf qu'elle devait gagner une influence plus grande que ce dont elle jouissait déjà, et cela passait par... de la politique.

    Fendril Rekis avait eu toutes les cartes en main pour permettre au Cygne d'accélérer les choses ; mais il n'était plus de ce monde désormais. Si le sombre regard de l'assassin pouvait parler, il insulterait Foxclaw de tous les noms possible et imaginable. La perte de temps dû à ce décès était grande et dans un premier temps elle manqua de laisser libre cours à sa rage. Mais la déception avait pris le pas sur tout le reste : elle garda son air impassible pendant que Goupil étalait en long et en large son auto-satisfaction comme on le fait pour du beurre sur un morceau de pain. Quand bien même il ne déblatérait pas inutilement, mais la jeune femme était agacée un peu plus à chaque mot prononcé, et le temps lui parut long.

    Agacée car le rouquin n'acceptait pas la défaite. Si Swann avait jusque là tués tous ceux qu'elle avait vaincu, celui-ci avait la chance de pouvoir lui survivre et il avait - visiblement - décidé de ne pas se saisir de la bonne fortune qui l'accompagnait. Elle pesta contre ce règlement stupide et contre les maîtres du tournoi qui l'avait écris. Doucement, son regard se déporta d'Aedelrick à Fendril. Sa main gauche alla se poser sur son avant-bras droit dans un léger frottement, contemplant en silence la funeste œuvre du voleur. Un soupire lui échappa.

    Prise au piège, Swann Dragmire ? Mais quelle audace ! Aedelrick avait autant de cran qu'il était stupide de s'attaquer à elle. D'abord parce qu'elle ne lui céderait en rien ; qui était-il pour l'obliger à quoique ce soit ? Il était un anonyme perdant contre une gagnante renommée, et au fond il n'avait rien perdu au-delà de sa propre estime. La dragmire avait bien envie d'en finir une bonne fois pour toute.

    Mais deux problèmes se posaient à elle ; tout d'abord, combattre ici, dans un espace aussi confiné, ne lui plaisait pas du tout. Elle avait bien les capacités pour, mais elle manquait de place pour éviter les coups de l'étranger, ce qui nous amenait au second problème : elle ne pouvait pas se permettre la moindre blessure. Elle était encore engagée dans le Tournoi et comptait bien mettre toutes les chances de son côté pour le remporter. Cela l'obligeait à aborder la situation plus pacifiquement que ce qu'elle désirait. Elle contint sa rage, et tandis que Foxclaw finissait de piailler, elle glissa lentement le long d'un mur jusqu'à ce que son épaule gauche se repose contre le bois d'une bibliothèque.

    « Que pourrais-je bien t'offrir qui t'intéresse tant ? » Demanda-t-elle sans lui accorder le moindre regard.

    Après tout, rien n'empêchait Swann de lui mentir pour sortir d'ici. Il n'y avait pas de raison pour qu'elle ait des scrupules à le faire alors qu'il l'avait dupé. La jeune femme jouissait de certaines richesses par son Clan et sa position privilégiée dans la famille, pour autant, ce n'était sans doute pas ce qu'il désirait. On ne pouvait également pas changé le résultat du Tournoi. Ou alors... ou alors désirait-il partager la récompense ? Voir l'obtenir en totalité ? Le Cygne Noir tourna enfin la tête vers Goupil à cette hypothèse. Elle le dévisagea ; pendant qu'elle gardait son masque de glace.


Aedelrik


Inventaire

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(vide)

Elle le méprisait. Le Renard pouvait le voir dans sa posture désinvolte, son regard sombre mais condescendant, son léger rictus moqueur... Il l'avait piégé et elle semblait à peine agacée par la situation. Au lieu de la retrouver d'égal à égal, dans un cadre où elle aurait pu l'esquiver ou l'affronter équitablement, Aedelrik était parvenu à la faire entrer dans la gueule du loup. Avec Fendril, il venait de claquer une première fois ses dents, de lui montrer qu'il était prêt à tout, même à la violence la plus crue, la plus dangereuse. Et Swann, dans cette situation, en retour, ne lui répondait qu'avec mépris.
Le Renard savait déceler la peur masquée chez autrui. Il ne se laissait plus berner par des numéros de mauvais acteurs ni même par des maîtres dans l'art de se contrôler soi même. Et, il devait bien l'admettre, ou bien la Dragmire jouait un rôle à la perfection, ou bien elle se tenait là, naturelle, orgueilleuse, droite, au bord de l'abysse.

Car le voleur conservait un avantage sur elle, décisif. Une donnée que Swann ne pouvait ignorer. Lui n'avait plus de combat à mener ces jours là, tandis qu'elle aurait une demi-finale et peut être - sans doute même - une finale à disputer. Aprement. Le cygne allait devoir mobiliser toutes ses forces pour cela. Elle s'en était bien tirée de leur premier combat, mais qu'adviendrait il si elle devait se blesser, ce soir là ? Si elle subissait une entorse ou un bras cassé, voire pire ? L'idée était alléchante. Le cygne aux ailes brisées, forcée d'abandonner le tournoi. Un bon moyen de la faire payer. De la forcer à adopter une autre attitude que ce mépris qui lui était insupportable, qu'il vomissait intérieurement.


« Que pourrais-je bien t'offrir qui t'intéresse tant ? » lui demanda t'elle, son mépris perceptible dans chaque mot.

Aedelrik compris aussitôt où elle voulait en venir. Elle le prenait pour plus vénal qu'il l'était, un simple voleur qui l'aurait attiré là pour lui soutirer des richesses dont le clan des Dragmire ne devait pas manquer, voire le prix du tournoi. Avec du recul, le Renard n'aurait pas pu lui en vouloir, car cela lui ressemblait bien... Mais cela aurait voulu dire qu'il avait participé au tournoi pour s'enrichir.
Sa main tremblait sous l'effet de la colère, lorsqu'il répondit, d'une voix lourde et profonde,


« Rends moi ce que tu m'as pris. Ma fierté. »

Il eut un regard pour elle, comme un tir de semonce, un avertissement. Dans ce regard était déversée toute sa colère, sa malveillance, et son désir brûlant de se venger d'elle. C'était un regard qu'aucune bête dans la nature n'aurait jamais, celui d'un homme à qui on a pris ce qu'il avait le plus cher, un homme qui a vu son orgueil être brisé et traîné dans la boue, un homme qui n'a plus rien à perdre. Et qui est prêt à abattre toutes ses cartes, même celles qu'il gardait dans sa manche.
Cette fois, le cri transperça le silence comme une dague lancée comme l'éclair,


« Krigh ! »

Un air profondément mauvais gravé sur son visage, Aedelrik retourna du pied le coin d'un des tapis qui jonchait le sol de la pièce. En dessous, une rune blanche s'illumina, puis grésilla en produisant un son strident comme deux lames frottées l'une contre l'autre. L'instant d'après, un éclair en jaillissait, suivit par d'autres. Partout devant le Renard, le sol fut parcouru de morceaux de foudre, sortant des nombreuses runes qu'il avait auparavant tracées puis camouflées. Toute sa poudre d'enchantement y était passée. Mais le spectacle valait bien ce sacrifice. Car Swann ne manquerait pas de goûter le piquant de la scène, jusque dans sa chair.
Dés lors que les runes furent vidées, c'est à dire à peine une poignée de secondes plus tard, le Renard bondit vers sa proie, aussi vivement qu'il le pouvait afin de profiter de son avantage. Alors, il saisit Swann d'une main dans son abondante chevelure et la tira vers lui, tandis que son autre main dégainait sa lame. Mais tandis que la lame s'approchait du visage de la Dragmire, Aedelrik sentit sa détermination vaciller. Il approcha un peu plus son arme de sa proie, mais son bras lui même semblait lui résister. Son regard croisa à nouveau celui du Cygne Noir, et sa main, si assurée, gouvernée par la rage, s'abaissa. La poigne de fer qui raidissaient ses deux mains perdit sa force, et lui même resta interdit, comme frappé par ses propres éclairs runiques. Non. Il avait eu beau se mentir à lui même, tenter de se nourrir de sa colère et de ses idées morbides depuis plusieurs jours, Aedelrik n'était pas un sadique, ni un assassin. Et cette évidence que son esprit fatigué avait oublié, quelque chose en lui venait de le lui rappeler. Il soupira, profondément las de tout cela.

Sa main acheva de relâcher la chevelure noire de Swann, qui s'écarta vivement de lui. Elle allait sûrement vouloir riposter, lui faire payer cela, le faire déguster... Le Renard, lui, fixait ses mains avec un mélange d'incompréhension et de tristesse. Elles lui semblaient être celles du garçon dont on avait tué le père et qu'on avait emmené loin, très loin du seul endroit au monde où il avait connu le bonheur. Alors, sans prendre la peine de viser, il envoya sa dague se planter dans la porte, où elle transperça la rune, détruisant du même coup le verrou qu'elle constituait.
Puis, lentement, Aedelril releva la tête. Son regard se posa sur cette femme qu'il avait tant haït, et dont le visage vint dans la lumière du feu de cheminée.


« Mighty gods. »

Sa langue natale avait jaillie dans ce juron incontrôlée, tant le Renard restait médusé, incapable de réagir comme sa colère le lui commandait à peine quelques instants plus tôt. Swann était belle. Pas de ce charme qu'avaient les catins et qui excitaient les plus bas instincts des hommes, ni de l'élégance raffinée des dames de haute naissance, inaccessibles et donc désirables. La beauté de la Dragmire était incroyable. Pouvoir observer ses traits avait agit comme un déclencheur. Tout ce qu'il avait refusé de voir auparavant, ses formes tout en rondeur et en équilibre, son élégance calculée et maîtrisée, la grâce de sa chevelure en cascade, tout ce qu'il s'était efforcé d'oublier avant leur duel, Aedelrik le voyait comme jamais. Et puis, il y avait ces traits, magnifiques, fins, dignes d'une statue de maître. Le Renard ne pouvait plus décrocher le regard de la jeune femme. Il n'en avait de toute façon aucune envie. Il eut un sourire triste avant de déclarer,

« Je n'aurais jamais espéré pouvoir mourir d'une si belle main. »


Swann

Cygne Noir

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(vide)

  • Swann restait interdite.

    Ses deux yeux étaient braqués sur la lame que lui offrait le voleur, tandis que doucement elle retrouvait l'usage de son corps, de ses mains, de ses bras, de ses jambes... Une puissante décharge d'adrénaline l'avait prise au moment même où le Goupil l'avait attrapé de sa poigne, mais elle n'avait rien pu faire, ni même tenter, pour s'extraire à lui. Et pour une étrange raison, il ne mit pas fin à ses jours ; il se tenait lui aussi immobile, à laisser les secondes s'écouler, laissant à Swann de pouvoir se saisir discrètement d'un couteau dans son dos, sans pour autant l'utiliser immédiatement. Il ne fallait qu'un mauvais mouvement chez Aedelrick pour qu'elle se décide à frapper aussi.

    Le souffle court et étonnamment bruyant, elle le toisa de son regard autant surpris... qu'offusqué. Le bougre allait loin, trop loin même ! D'abord, il lui faisait perdre son temps, ensuite la menaçait-il directement d'une lame acérée. Le Cygne Noir ne concevait pas qu'il soit encore possible à quiconque de s'en prendre aussi ouvertement à elle sans penser aux conséquences que cela engendrerait. Visiblement, le voleur oubliait tout d'elle ; et notamment le fait qu'elle soit les Larmes du Clan Dragmire. S'en prendre à elle, c'était s'en prendre à sa famille. Et s'en prendre à sa famille, c'était s'en prendre à Ganondorf. S'il apprenait la mort de sa fille... qui sait ce dont il serait capable ? Même Swann l'ignorait. Aussi restait-elle abasourdie que le voleur s'y risque.

    Mais doucement, la lame qui la menaçait redescendait le long du corps de son agresseur et elle sentit sa poigne doucement relâcher sa chevelure. Le Cygne Noir, qui décidément peinait à comprendre ce qui passait par la tête de cet homme, se dépêcha de repousser le voleur et de reculer de quelques pas, aussi loin que ses jambes raidies par la foudre pouvaient l'emmener. Elle ne le lâcha pas du regard, arquant un sourcil discrètement. S'était-il seulement maintenant rendu compte de ce qui allait lui arriver s'il la tuait ? Elle en doutait, notamment à cause de la rage qui avait gagné l'étranger juste quelques dizaines de secondes avant. Il ne semblait pas vraiment réfléchir à ce qu'il faisait... plutôt devait-il faire confiance à son instinct et se laisser guider par ses émotions. Du moins en cette nuit.

    Lorsqu'il détruisit la rune scellant la porte, l'assassin comprit qu'il abandonnait la partie. Tout seul. Sans qu'elle ne fasse quoique ce soit. Elle crut tout d'abord à un piège, une nouvelle feinte des plus sadiques pour lui faire croire à sa liberté pour mieux l'abattre, aussi resta-t-elle profondément méfiante. Les doigts resserrés sur le petit couteau dont elle s'était armée. Il releva la tête sur elle, et doucement il dit quelques mots dont elle ne comprit pas la signification. Son regard venait de changer du tout au tout.
    Celui d'un homme fataliste, à la fois un brin mélancolique et émerveillé devant sa propre destinée ; mais sans peur devant la mort, ou du moins celle qui la représentait à ses yeux. En la relâchant, il laissait évidemment à Swann la possibilité de lui trancher la gorge, ce qu'elle désira le plus au monde l'espace de quelques instants. Mais après avoir rencontré son regard, sa colère et son indignation avaient disparu. Il acceptait sa mort. Mieux que cela...

    « Je n'aurais jamais espéré pouvoir mourir d'une si belle main. »

    Il semblait même l'attendre. Si Swann eut un temps songé à cette idée, la résignation de cet homme face à son destin n'avait pas le gout escompté. C'était trop facile. Elle s'en était facilement délectée au cours de ses nombreux meurtres, mais cette fois, cela ne prenait pas.

    « "Mourir" ? » s'étonna-t-elle dans un souffle. Nerveusement, elle eut un sourire inexplicable et inexpliqué qui lui barra le visage ; il était hors de question qu'elle lui fasse ce plaisir. « Va te faire foutre. »

    Son sourire l'avait quitté aussitôt qu'elle avait délivré ces mots avec une froideur implacable. La sombre jeune femme retrouva un air plus que jamais condescendant tandis qu'elle s'approcha, un pas après l'autre, d'Aedelrick. Elle leva sa main droite pour désigner le corps inerte de Fendril, bien que dans un premier temps elle ne parvienne à trouver les mots. Un sentiment de frustration s'était emparée de la dragmire et il lui était impossible dans ces moments-là de réfléchir complètement. Cet homme venait de la prendre au piège et de pointer une arme devant ses yeux, ce qui aurait valu à beaucoup une réaction immédiate de la jeune femme ; pourtant s'y refusait-elle. S'il voyait dans la mort une délivrance, ou un soulagement, elle ne le lui accorderait pas. Mais alors, que faire de lui... ?
    L'idée de la torture traversa un moment son esprit, mais elle trouva bien mieux. Puisqu'il avait ruiné ses plans, il allait maintenant l'aider à les reconstruire et les mettre en œuvre.

    « Fendril aurait pu - aurait dû ! - me donner beaucoup. Me faciliter la tâche », déclara-t-elle dans une colère contenue, alors qu'elle arrivait juste en face du voleur, y plantant son regard aussi férocement qu'elle l'aurait fait avec des couteaux. « Maintenant, tu vas m'aider. Je ne te laisse pas le choix ; je connais des choses pires que la mort. »

    Ses pensées se tournèrent vers sa sœur sorcière, Songe, adepte d'une magie terrifiante pour le peu qu'elle en ait vu jusqu'à présent. Ce pouvait être une bonne option pour terrifier le jeune homme ; mais elle préféra garder secret ce petit atout dans sa manche. La simple torture pouvait aussi être une bonne... "punition", si le renard se refusait à l'aider.

    « Tu vas prendre sa place. Et tu vas rallier la pègre du Bourg pour moi. Qui sait, ça te redonna peut-être même goût à la vie ? Et là, je pourrais te l'ôter », souffla-t-elle avec une touche de sensualité malsaine dans la voix.


Aedelrik


Inventaire

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(vide)

« "Mourir" ? »

Et bien oui, mourir. Hey, quoi ?! Etait ce si dur à comprendre qu'il n'ait plus envie que de ça depuis plusieurs jours ? Qu'y avait il de si surprenant là dedans ? Des tas de gens mourraient chaque jour, volontairement ou non, de par le monde. Un de plus ou de moins, qu'en avait elle à faire ? Aedelrik connaissait sa réputation d'assassin, il savait que commettre ce genre de crime ne l'effrayait pas d'ordinaire, alors demandé comme il venait de le faire... Pourquoi refuserait...

« Va te faire foutre. »

...Elle ?
La Dragmire aurait pu le gifler que le Renard aurait eu la même impression, tant ses mots étaient durs et sa voix sèche. Il se redressa, aussi perplexe que heurté dans ce qu'il pensait savoir d'elle. La fameuse Swann Dragmire était donc différente de ce qu'on en disait ! Faisait elle un tri parmi les vies qu'elle s'autorisait de prendre. Un rictus de colère déformant son visage, Aedelrik eut envie de bondir vers elle, de s'emparer de cette belle main et de la forcer à lui passer sa dague sur la gorge. Quelque chose l'en empêcha, qui émanait de la jeune femme, de sa démarche, de son air hautain. Bien qu'affecté par sa beauté, nouvelle à ses yeux, le voleur se refusait à lui laisser la supériorité. Si elle devait le tuer, soit, il en serait apaisé, mais il ne comptait ni mendier ni supplier. Il releva le menton tandis que Swann s'arrêtait tout prés de lui. Puisse les dieux être damnés de l'avoir fait si belle !


« Fendril aurait pu - aurait dû ! - me donner beaucoup. Me faciliter la tâche », lui asséna t'elle, avec un regard d'acier. « Maintenant, tu vas m'aider. Je ne te laisse pas le choix ; je connais des choses pires que la mort. Tu vas prendre sa place. Et tu vas rallier la pègre du Bourg pour moi. Qui sait, ça te redonna peut-être même goût à la vie ? Et là, je pourrais te l'ôter. »

Le Renard plissa les yeux et un sourire malicieux lui vint tandis qu'il jetait un regard vers la tête décapitée, grotesque accessoire de sa petite mise en scène, qui avait si bien fonctionné. Alors, Aedelrik fut pris d'un fou rire nerveux et irrépressible, du genre à réveiller les morts et à lui causer bien des souffrances si Swann le confondait avec du sarcasme. Plié en deux, il ne put le réfréner qu'après plusieurs instants empreint de l'angoisse d'un coup de poignard, et il s'efforça alors de corriger le tir, afin d'éviter que cette crainte ne se concrétise.

« Excuse moi, Cygne, mais tu te trompe à propos de Fendril. Le vieil homme te craignait, et tenait à sa liberté. Ce soir, il projetait de t'assassiner. Pour rien au monde il ne t'aurait aidé. Et je ne m'avancerais pas sans preuves... »

Alliant le geste à la parole, il tira aussitôt d'un pli de sa tunique un parchemin replié en pyramide et cacheté, à la manière typique de la pègre hylienne, qu'il tendit à Swann. Aedelrik n'avait pas besoin qu'elle lui en fasse la lecture, il avait médité dessus un long moment après s'en être emparé sur le bureau de feu Fendril. Un ordre de mort, voilà ce que c'était, au nom du Cygne Noir. Un signe que les requins de la ville étaient prêts à mordre celle qui comptait les mettre au pas. Le Renard avait hésité à diffuser la missive aux sbires de Fendril. Il aurait pu, étant donné que cela aurait facilité le trépas de son ennemie... Mais la tentation d'en finir lui même avait vaincue. Ironie mordante du destin, à présent c'était lui qui se tenait au bord du gouffre et qui offrait à la jeune femme sa survie. Au moins jusqu'à ce qu'un autre parrain ne se décide à contrer ses ambitions.

« Il me semble que je ne te dois rien, rien d'autre qu'un peu de temps perdu entre ces murs en tout cas. C'est peu pour exiger de moi d'être un chien à ta botte, prêt à faire le sale boulot pour toi. Rallier cette ville, des égouts aux toits, des ruelles étroites aux places les plus grandes, ce fut un temps mon intention... Mais à présent, je n'y vois plus d'intérêt. »

En haussant les épaules, il se retourna et marcha lentement jusqu'au feu qui brûlait toujours, dans l'âtre. A tout instant, Aedelrik s'attendait à un coup porté dans son dos, ou un sort vicieux qui lui ferait bouillir le sang. Il ne pensait pas qu'elle bluffait là dessus, sur sa connaissance de tourments "pires que la mort". Après tout, Ganondorf Dragmire l'avait reconnu comme sa fille. Le visage grave illuminé par les flammes, le Renard poursuivit soudainement,

« Tu te fourvoie, Cygne, je ne peux reprendre goût à la vie. Et pourtant... Je n'arrive pas à quitter ce monde seul, ignoré. Il semble que le destin tienne à m'offrir un dernier coup d'éclat, qu'il t'ait placé sur ma route, et moi sur la tienne. Autrement, tu m'aurais déjà tué. »

Le Renard fit face au Cygne, insensible à sa beauté car son regard était plongé dans le sien, glacials tous les deux. La gravité semble avoir pris le pas sur la tristesse dans la voix de l'étranger. Il se dirigea lentement vers le bureau, à mesure qu'il parlait, et s'empara de la tête de Fendril,

« Je rallierais la pègre pour toi, à ma manière, sans subir d'ordres ni répondre si tu me siffle. Et ensuite, tu m'offriras ce que je veux : une belle mort. Refuse et je périrais simplement sous tes coups et tes supplices, une fois que tu te seras lassé. Je suis suicidaire mais je sais endurer, et je refuse d'être un chien en laisse. »

D'un geste vif, Aedelrik envoya l'ultime visage figé du requin dans le feu, où elle commença à se consumer en dégageant une odeur ignoble. Une manière de signifier à Swann qu'il ne plaisantait pas, pas cette fois. En un autre temps, le Renard aurait néanmoins pu rire d'une telle situation : Il n'avait que rarement proposé un marché aussi déséquilibré, en sa défaveur. Et pourtant, il acheva solennellement,

« Tel est mon prix. »


Swann

Championne d'Aegis

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(vide)

Le Cygne Noir gardait posé sur Aedelrick un regard plus sombre que jamais.

Elle détestait ne pas être prise au sérieux, aussi espérait-elle que cet éclat de rire dont était pris le voleur allait très vite cesser. Ses doigts se resserrèrent sur le coutelas un peu plus à chaque seconde passée à attendre qu'il se ressaisissent et lui explique le pourquoi d'un tel détachement face à la gravité de sa situation. Elle contint, non sans difficulté, sa colère croissante ; d'aucun dirait que l'assassin s'était ramolli cette nuit-là. Et en cela ils n'avaient pas tout à fait tort, tant elle commençait à être agacée. Sanguine comme elle l'était, il lui avait fallu parfois beaucoup de temps pour passer d'une simple frustration au soulagement que lui procurait une sanglante vengeance. Et peut-être aurait-elle pu se laisser aller, si le Goupil avait continué son vacarme dix secondes de plus.

Ce qu'il lui révéla la laissa dubitative jusqu'à ce qu'il lui tende un morceau de papier plié d'une façon très particulière. D'un geste sec, elle s'en empara dans un silence glacial, le déplia et en lu le contenu en vitesse. Si l'espace d'une minute, elle avait refusé de croire aux paroles de Foxclaw, elle ne pouvait que constater son erreur d'avoir placée sa confiance en la pègre du Bourg. Oser l'assassiner, elle ? Quand bien même elle ne craignait rien du moindre brigand - après tout, l'assassinat était un art qu'elle maîtrisait parfaitement - la simple intention de vouloir attenter à ses jours la révoltait. Alors qu'elle revenait, pour eux, pour les aider à sortir de l'ombre et les couvrir de gloire et de richesse, ils avaient l'intention de la détruire ? Les chefs de la pègre étaient décidément terriblement lâche ! Et sans honneur ! Tous ces mensonges, ces traîtrises, et le reste, elle en était fatiguée. Elle ne se rendait compte que dorénavant de l'ampleur de la tâche qu'elle s'était fixée. Réunifier la pègre allait s'avérer plus complexe que prévu.

« Bande d'enculés », souffla-t-elle grossièrement pour elle-même. Elle ne décolérait pas, loin de là, mais elle ne s'avérait pas vaincue. Seuls les chefs voulaient la descendre, sûrement de peur qu'elle leur fasse de l'ombre, mais le peuple du quartier était derrière elle. Sa popularité au Tournoi le prouvait ; c'était eux qu'il fallait viser, tout en démantelant un à un chaque réseau à leur source, et les unifier sous l'égide d'un seul et même chef.

Aedelrick.

Elle ne s'était pas trompée sur le choix du candidat, quand bien même il s'était imposé à elle sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. En lui délivrant ces informations, il prouvait déjà son utilité. Et si l'idée de rallier la pègre par ses propres moyens lui avait titillé l'esprit, elle savait qu'elle n'en aurait pas le temps. Trop de batailles, trop de projets la réclamaient. Il y avait trop à faire pour le Trône pour qu'elle ne puisse gérer tout en même temps. Et puis, à trop se rapprocher du Bourg, elle se rapprochait d'autant plus de ses véritables ennemis... et cela pouvait compromettre l'effet de surprise.

« Les fils de pute », cracha-t-elle, sans classe aucune, tandis qu'elle balançait le bout de papier dans la cheminée.

Son regard se reposa sur Goupil, qui continuait de jacasser. Sans être trop concentrée sur ce qu'il lui disait, elle pensait tenir là un bon substitut à sa personne ; peut-être même allait-il réussir sa mission avec moins de peine qu'elle n'en aurait eu. Il avait la langue bien pendue, ce qui pouvait s'avérer utile pour de futures négociations avec les groupes de mercenaires et de voleurs, lorsqu'elle aurait agis de son côté avec une violence certaine. Elle n'était pas faite pour diriger ; elle n'avait pas cette hypocrisie qui l'aurait pourtant tant aidé parfois. De là à dire que Foxclaw l'avait... elle n'en savait rien. Elle décelait juste chez lui un côté plus sentimental, derrière toutes ses paroles. Ce genre de discours pouvait aussi fonctionner, parfois.

Swann bouillonnait encore lorsqu'il eut presque finit de jacter. Il était maladroit de sa part de dévoiler à la dragmire tous ses sentiments et ces motivations ; heureusement pour lui, elle n'entendait qu'un mot sur deux, encore trop en colère pour entendre quoique ce soit. Elle ne réagit même pas lorsqu'il évoqua la notion de destin, sur laquelle elle avait tant de choses à dire - et son Seigneur en gardait certainement un souvenir ! Elle saisit néanmoins l'essentiel de ses paroles, notamment sur la fin, où il déclara vouloir agir à sa manière. De toute façon, il saurait certainement mieux s'y prendre qu'elle ! Tant qu'il ne lui plantait pas de couteau dans le dos, il n'aurait pas à faire à elle. Elle allait rester distante face à tout cela, tout en gardant un œil distrait sur ses agissements.

L'odeur nauséabonde de la chair calcinée se répandit dans la pièce comme un cancer ; ça puait comme pas possible. Les lèvres de la belle brune se desserrèrent doucement, pour répondre à son... associé, comme diraient certains. Sauf qu'elle ne le considérait pas comme tel, évidemment. Et pourtant, devant l'utilité et les réactions d'orgueil du bonhomme, elle avait du mal à le voir comme un chien à sa botte, selon ses termes.

« Tu agis comme bon te semble, je n'en ai cure », lâcha-t-elle. « Tant que le travail est fais... je me fiche bien de la manière. »

Elle aurait pu concéder avoir des mots et des paroles un peu sec, mais compte tenue de la situation, elle estimait qu'il lui était normale d'être aussi tendue. Ces révélations de dernières minutes accumulées au piège du renard l'avaient épuisée, alors que cette nuit aurait dû, au contraire, lui donner de probants résultats.
Elle fit quelques pas vers le bureau de Fendril, derrière lequel se tenait le voleur.

« Réunis tout le monde sous une seule bannière et je te donnerais tout ce que tu désires ; si c'est la mort, je te l'offrirais de bon cœur même si cela m’exaspérerait. C'est la seule directive que je te donne », déclara-t-elle de son doux accent hispanique, avant de se retourner et de commencer à partir d'un pas décidé. « Je reviendrais d'ici quelques semaines pour voir comment ça avance. Ne sois pas pressé, nous avons tout notre temps. Et commence à tout infiltrer : armée, cour, commerces... tout ! Je veux des agents partout. »

Ses pas se stoppèrent sur le pas de la porte. Doucement, elle se retourna, lançant à Foxclaw un dernier regard, décidé et animé d'une colère qui lui était en partie destinée. Elle espérait faire le bon choix, ce soir-là. Tout remettre dans les mains de ce suicidaire, comme il avait aimé se qualifier, relevait de l'étrangeté. Peut-être faisait-elle preuve d'un manque de jugement évident ? Mais après tout, elle s'en fichait bien ; Goupil n'était pas irremplaçable. Juste diablement utile dans son plan de séduction.

Enfin, elle tourna définitivement les talons, sans attendre de réponse cette fois.


Aedelrik


Inventaire

0,00


(vide)

« Les fils de pute »

Les flammes léchaient déjà la tête du parrain, la dévorant comme le ferait une bête affamée. Aedelrik se retourna et plongea son regard dans celui, mort et vide, de Fendril. Un homme si important, si craint, et il n'avait pas mis une semaine pour l'assassiner sans coup férir. Même le plus puissant des rois n'est jamais à l'abri, aucun homme ne l'est. Et cette leçon que le Renard avait appris depuis longtemps, le Cygne Noir semblait l'apprendre ce soir là.
Le voleur, lui, savait. Il connaissait ces hommes avides de tout et prêts à briser toutes les lois du monde si la fin en valait le moyen. Il savait comment traiter avec eux, comment leur forcer le respect ou la crainte, et aussi comment les briser. Fendril pouvait n'être que le premier d'une longue liste, la première tête consumée dans un incendie embrasant les quartiers de misère et de boue de cette ville. Aedelrik l'avait déjà fait, la tâche ne lui semblait pas plus ardue à présent qu'en amont de sa vie. La tête commençait à puer, et lui inhala l'odeur, pestilentielle. Il s'infligea une longue inspiration, continue, afin que son odorat soit pleinement imprégné. Une forme de manière pour le Renard de savourer son meurtre, de regarder la mort en face et de lui répondre, avec un sourire, qu'on ne la craint pas. Une lueur de folie s'embrasait dans son oeil.


« Tu agis comme bon te semble, je n'en ai cure. Tant que le travail est fait... je me fiche bien de la manière. »

Il donna un coup de pied dans les bûches, pour éviter que la tête ne retombe vers lui, sur le tapis. On ne distinguait déjà plus vraiment le visage de feu Fendril, juste un amas de chairs boursouflées. Lui ne se départait de son calme et de son sourire mauvais, tandis qu'il entendait la Dragmire approcher. Lentement, Aedelrik se retourna.
Il la trouvait décidément belle, surtout lorsqu'elle affichait cette force et cette maîtrise. Une femme pareille pouvait jouer avec le coeur de beaucoup d'hommes, bien qu'elle ne semblait pas avoir pour habitude d'agir ainsi. Trop fière sans doute. Peut être comprenait elle pourquoi il ne pourrait jouer, lui, le rôle du chien.


« Réunis tout le monde sous une seule bannière et je te donnerais tout ce que tu désires ; si c'est la mort, je te l'offrirais de bon cœur même si cela m’exaspérerait. C'est la seule directive que je te donne. »

Un marché donnant-donnant. Sans doute le voleur y était il perdant, mais il avait au moins obtenu un ultime horizon, une limite au bout de laquelle sa vie s'arrêterait de manière satisfaisante, comme il le voulait. Il acquiesça donc, sans détacher son regard des flammes.

« Je reviendrais d'ici quelques semaines pour voir comment ça avance. Ne sois pas pressé, nous avons tout notre temps. Et commence à tout infiltrer : armée, cour, commerces... tout ! Je veux des agents partout. »

Tout leur temps ? Aucun Homme ne possédait réellement un tel privilège, pensa aussitôt Aedelrik. Il s'abstint pourtant de le déclarer à voix haute, devinant que le Cygne goûterait peu à son trait d'esprit. Ses mots lui révélèrent pourtant une information de poids : le projet de la Dragmire allait plus loin que l'appât du gain, la simple recherche de richesses. Elle voulait gâter Hyrule de l'intérieur, comme un fruit trop mûr infesté par les vers. La pègre devait devenir une arme au service de Ganondorf dans sa guerre pour le trône, et lui, un instrument destiné à faire advenir le chaos.
L'idée lui plut assez. Retourner au néant en ayant préparé l'anarchie, c'était là une ironie plaisante, du moins pour un homme aussi désespéré que lui. Le voleur n'avait pas manqué de remarquer le peu d'entrain que le Cygne prévoyait à le tuer, mais il comptait bien lui faire respecter sa part du marché.

Il écarta le siège du bureau et en poussa le cadavre sur le sol, appréciant le spectacle absurde de cette grosse silhouette décapitée culbuter en avant. Son sourire mauvais se mua en hilarité aussi brève que dérangeante. Avant qu'elle ne se retourne, son regard croisa celui de la Lionne et il déclara, grave,


« Tu ne seras pas déçue, je peux te l'assurer. »

Lentement, comme un renard tourne sur lui même avant de se coucher quelque part, Aedelrik s'assit dans son nouveau fauteuil, avec précautions et en savourant l'instant. Bientôt, il n'aurait plus le loisir de sentir à nouveau le pouvoir que confère ce genre de places. Son regard s'attarda sur les courbes de la belle, ses oreilles frissonnant encore de son accent charmeur. La porte claqua, et bientôt, il entendit des sons de l'autre côté. Il se tenait immobile, les pieds sur le bureau, sa dague de lancer prête au cas où, quand un homme banal tenant une hache jaillit dans la pièce. Mais, à coup de la puanteur insoutenable, le sbire de Fendril manqua de voir son estomac se rebeller, et il ne se contint qu'au prix de durs efforts, et de la chute de son arme sur le sol. Son regard passa du corps sans tête, au Renard, puis à la cheminée. Aedelrik planta alors sa lame dans le bois du meuble, et déclara, d'un ton sans appel, impitoyable,

« Nouveau patron, nouvelles règles. On a du pain sur la planche. »

Lorsqu'il vit le mélange de crainte et de respect dans le regard de l'homme, le Renard sut qu'il avait déjà gagné.