Posté le 02/04/2012 15:17
Il était exténué et tous ses muscles le tiraient. Arkhams roupillait à ses côtés ; son visage exprimait, pour la première fois qu’Astre le connaissait, un apaisement contagieux. L’ex-sénéchal s’adoucit en contemplant ces traits relaxés de toute tension. Il décida de s’abandonner aux caresses de la fatigue, lui aussi, le dos calé contre l’arbre.
Bientôt, son sommeil fut troublé par quelques bruits animaux. Il se rendit bien vite compte que c’était son comparse qui gémissait ainsi ; il avait de nouveau contracté le masque de la mort. Poisseux, il semblait que la fièvre se soit éprise de lui au détriment de sa santé. Astre soupira. Et puis, l’homme le plus misérable de la terre ouvrit les yeux, faisceaux délavés fixés comme des torches blêmes. Le corbeau suivit son regard, et aperçut ce qui concentrait toute son attention. Un adolescent, ou alors un tout jeune homme, couvre-chef de paille sur la tête. Il hurlait, fit danser ses bras comme dans une danse orientale, et de véritables serpentins de feu apparurent. La terre trembla ; un rideau de colère rouge les cerna bientôt. Il les interpella ensuite, d’une voix qui ne souffrait aucun défi, comme s’il les tenait sous sa coupe.
« Eh, vous, je peux savoir ou vous allez comme ça? Rendez-moi ce que vous avez volé à Conan, et je vous laisse tranquille. »
Arkhams avait repris contenance. Malgré sa pâleur et son état ironiquement post-cadavérique (il baignait dans ses plaies et sa matière fécale), il arriva à sourire et à sortir du sac plein de valeur deux petites lames, l’une couverte d’écailles roussies tant le temps et le mauvais sang avait agressé le métal, l’autre finement ciselée digne du plus noble des guerriers. L’Illusion dépravée lança la première arme aux pieds découverts de l’adversaire, non sans dire :
« Voilà tout ce qu'aura ton maitre, gamin. Qu'il s'en serve pour trancher sa propre gorge et ainsi nettoyer sa honte et sa faiblesse. »
Astre ressentit le regard insistant de son ami peser sur lui. Il dirigea donc ses yeux rouges sur l’éloquent personnage. Ses manières, ce rictus de plaisir, les deux globes oculaires plissés de malignité, il semblait lui donner le signal d’assoir sa force sur ce jeune téméraire. Le chancelier déchu soupira, las. Il se leva avec difficulté, puis toisa ce qui semblait être un Phénix, à travers l’écran de feu.
« Tu ne peux pas savoir où nous allons. Tu n’auras rien de ce qui nous appartient. Aujourd’hui la clémence m’incombe de te laisser partir ; c’est pourquoi si tu ne veux pas manquer à tes proches, tu devrais suivre mon conseil et fuir loin. Car dans le cas contraire, je serais obligé de te rayer à jamais de la surface d’Hyrule, et jusqu’à ton nom tu seras oublié. » Cette longue tirade lui avait coûté. Il ne savait lui-même pas comment il l’avait sortie, et, assez fier, il ramassa en courbant son dos l’une des épées qu’il avait dérobées au marchand.
« En moins de deux minutes, je peux te voler ta vie. Il ne tient qu’à toi de conserver tes pouilleuses perspectives d’avenir en partant. Décide-toi vite, je suis impatient. »