Posté le 21/09/2012 14:26
Il n'avait rien vu. Juste que quelque chose lui tombait dessus, et c'était à son tour de connaître le grand vol. La peste soit cette pomme qui avait requis toute son attention ; la peste le prenne, lui qui avait relâché sa vigilance, s'était laissé aller à quelques plaisirs simples mais un tantinet trop prenants.
L'esclave en cavale poussa un profond soupir cherchant à se calmer sans y parvenir. Le feu dévorait son bras de l'intérieur, alors que son cerveau tout entier s'ouvrait aux messages que renvoyait son bras : mal. Douleur. Peine. Souffrance. Žénli, žénli, žénli. Son autre main ; la gauche ; s'évertuait à serrer dans la vide, alors que sa poigne se fermait sur une touffe d'herbe qu'il ne se résolut à aucun moment à arracher.
Cheveux-de-Blé ouvrit de nouveau les yeux qu'il avait d'un marron assez clair tachés reflets de sienne (coloration relativement peu banale en Hyrule, au vu du nombre d'enfants aux yeux d'un rouge sanguin..!). Ses deux pupilles cherchèrent, vers l'arbre, ce qui lui était tombé dessus. Un instant, il eut crû qu'une autre personne était tombée, et s'était fait mal — à l'évidence plus que lui, qui était tombé de la plus basse branche — et tâcha de se relever pour aller aider. Bien mauvaise idée à l'heure ou son radius lui imposait de ne plus esquisser le moindre mouvement au risque de le voir déchirer sa peau halée, mais il n'en eut de toute façon pas le temps. Toujours relativement en état de choc, il traitait les informations et réagissait en conséquences autrement plus lentement, et déjà tombait des cieux une jeune femme à la chevelure presque similaire de teinte à la sienne. Il n'avait vu des femmes qui n'étaient pas rousses qu'une fois sorti d'Al Alforf (hormis cette dernière Sitųčol qu'il ne souhaitait pas oublier, mais qu'il peinait à ne pas chasser de son esprit), et encore maintenant, après près de deux lunes, il ne parvenait pas à s'y faire.
Elle lui parla ce langage qu'il entendait depuis près de douze lunes : de fait, la Sitųčol qui l'avait tiré d'Al Alforf l'employait avec quelques unes de ses propriétés, mais jamais ne lui avait appris à le parler, et les quelques mots qu'il avait su retenir ne signifiait strictement rien à ses oreilles : ils n'étaient que sons (souvent plus plaisants que ceux de sa propre langue) qu'il s'amusait à parodier avec les autres esclaves.
Ce qu'elle lui disait lui était complètement incompréhensible, et l'idée que ce soit une femme qui arrive l'inquiétait — comment faire autrement, dans son cas ? —
A nouveau, le garçon tenta de reculer, avec cette fois-ci la garantie qu'il ne chuterait pas de trois mètres. Toujours assis (il s'était partiellement relevé avant que n'arrive ce nouveau danger), il s'acharna à mettre de la distance entre la jeune femme et lui, mais elle eu tôt fait de passer ses bras autour de lui et de le garder prisonnier entre les deux barreaux que formaient ceux-ci, et le mur qu'était le buste de la demoiselle. Elle posa son index sur ses lèvres et il comprit enfin le message. Calme.
C'était là autre chose auquel il ne parvenait pas du tout à s'habituer : les femmes ne cherchaient pas toutes à vous réduire en esclavage ici bas — ou alors, les hommes de ces landes dépourvues de sable étaient bien naïfs.
Sa méfiance à lui, il ne parvenait pas à l'enterrer, et restait le plus éloigné possible de la gent féminine, et quand le contact avec celle-ci était inévitable il faisait tout son possible pour écourter. Toutefois, même sans être particulièrement doué en médecine, la douleur qui lui lançait le poignet et surtout la forme qu'avait maintenant celui-ci (il était deux fois plus enflé qu'un instant auparavant, et le violet tirait sur le noir.) lui indiquait que bouger serait plus dangereux qu'autre chose.
L'esclave ferma les yeux, et souffla un grand coup, comme pour se vider la tête. S'il partait, elle le rattraperait sans peine, de même que s'il restait. Elle n'était pas assez loin pour qu'il puisse sortir de son champ de vision avant qu'elle ne se retourne. A l'évidence, économiser le peu de force qui lui restait dans le cas où sa méfiance s'avérait fondée.
La chatain-blond ne tarda pas à revenir, et à s'occuper de sa blessure, tandis qu'il se retenait de la dévisager devant tant de surprise. Jamais, ô grand jamais, une maîtresse ne soignait ses esclaves. Un esclave blessé est un esclave jeté, puis renouvelé. Il ne parvenait pas à saisir le raisonnement qui poussait cette fille à prendre soin de lui. Quand bien même il ne comprenait pas son langage, ce qu'elle faisait était intelligible, en dépit de cette barrière qui freinait considérablement la communication.
"Ésténa." Fit-il, doucement, de sa voix aux accents d'Ouest — chaude, fluide et claire —, après qu'elle lui ai pointé du doigt une direction dont il ignorait jusqu'à la position sur un compas. « Kiti.. » Reprit-il, ajoutant les politesses, en avançant de quelques pas vers les restes de son instrument, qu'il ramassa, une lueur triste dans les yeux.
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