De pommes et de liberté.

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Lanre


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(vide)

Assis sur une basse branche d'un feuillu particulièrement touffu, les jambes pendant dans un vide bien peu dangereux, et une pomme en main, le garçon restait interdit, complètement perdu. Ses yeux ne parvenaient à se décoller de ce fruit inconnu qu'il avait chipé dans ce qu'il ignorait encore être un verger privé. Quand bien même ; si à tous une pomme semblait l'objet le plus banal qu'il fut, c'était pour lui un corps d'un exotisme rare. Mais, en réalité, l'enfant à la peau brunie par le soleil n'était sensiblement pas une référence dans la notion de connaissance. Partout où ses yeux se posaient, tout était d'un neuf parfois trop brillant. Il avait le monde à découvrir.

La peau rouge brillant du fruit lui renvoyait une image de lui déformée. C'était l'une des premières fois qu'il lui était donné de se contempler, et comme chaque fois, son regard se portait irrémédiablement sur la marque dont l'avait affublé ses tortionnaires. Un croissant de lune serti d'une étoile.
Il avait déjà vu ce symbole, en galopant vers l'Est, alors qu'il traversait les sables ; et la peur s'était emparée de lui. Son coeur s'était emballé, en pensant une nouvelle fois qu'il pouvait se voir confisquer cette liberté qu'il avait si ardemment arrachée. Il avait été chanceux. Autrement plus que ne l'avait été O'Babųk, et au fond énormément plus que ne l'étaient ses frères, au loin ; à l'Ouest. Rien de nouveau, à l'Ouest. Sans doute étaient-ils toujours en train d'ériger ce palais de pierre, de sable, de sueur et de sang, demeure en devenir de la Princesse couronnée d'étoiles, Joleën-Yva l'autoproclamée.

Mais pourtant.. Toute cette liberté le laissait presque triste. Il ne regrettait pas le temps où il servait Latifa, puis la Maestre, non, mais devant lui existaient tant de choix qu'il ne savait plus lequel choisir. Il s'était imaginé milles et une fois ce qu'il ferait, s'il parvenait à s'extirper à sa condition ; mais maintenant qu'il pouvait faire ce que bon lui semblait, il restait assis sur sa branche d'arbre à observer sa pomme. L'enfant (car au fond il en était encore un) avait quitté un couloir étroit pour rejoindre un labyrinthe en mouvance perpétuelle. Jeu dangereux dont il ignorait toutes les règles.

Le blondin était perdu ; sans conteste. Sans plus le moindre repère, il ne pouvait qu'observer ce garçon assis sur sa branche d'arbre, un Oud dans le dos, qui se reflétait dans cette pomme. En dépit des teintes carmins, il avait sincèrement du mal à se reconnaître. Était-ce réellement-lui, ce gamin, libre ? Il se demandait souvent s'il ne rêvait pas être libre ; et pis encore, quand sonnerait le gong qui viendrait lui marteler les oreilles, et annoncer le début de la journée.
Un frisson le prit.

Il releva les yeux, vers l'horizon. Il avait tant de choses à apprendre, avant que ne sonne la cloche. Tellement à voir. Si peu lui restait connu. A dire vrai, il ne savait pas même où il était. Arrivé environ un mois plus tôt, il ne baragouinait que trop mal la langue d'ici pour se faire comprendre correctement et inversement, comprendre les gens. Néanmoins, la méfiance ne le quittait pas un instant : il ne parvenait pas à comprendre comme hommes et femmes pouvaient vivre ensemble sans qu'il n'y ait d'apparente différenciation et échelonnage sexuel. Quand donc les femmes se montraient cruelles, ici bas ? L'esclave craignait qu'elles ne fussent aimables en apparence pour mieux rouler les hommes. A chaque fois qu'il voyait l'un d'entre eux se promener souriant au bras d'une femme, l'envie le prenait de prévenir l'inconscient.
Il l'avait fait une fois. Se ruant sur le danger, il avait été assommé par le pauvre fou qu'il tachait de sauver.

Mais... Au moins n'y avait-il plus de sable. Il n'aurait su dire ce qui le remplaçait désormais, toutefois, cette mer verte était autrement plus douce que ne l'avaient été ses compagnons ses dix-huit dernières années. Incomparable au sable, rugueux et intrusif qu'il avait connu depuis sa nouvelle naissance. Ou non.. Depuis sa renaissance ; en tant que Cheveux-de-Blé.

L'animal qu'il avait volé à la Maestre lui avait lui même été dérobé ; alors que les femmes chantaient dans une langue incompréhensible un air oppressant, à son arrivée. Il avait lui même volé l'instrument qu'il portait au dos, désormais seule possession qu'il détenait : avec son destrier avaient disparus arc, sabre et carquois.
Une chance pour lui ; la musique ne lui était pas art inconnu. La Maestre lui avait fait enseigner. Il ne déplorait pas la perte de son cheval, quand bien même avait-il perdu un arc et ses autres armes : il n'avait jamais su s'en servir.

Et puis... Il avait jusqu'au son de cloche pour faire changer les choses. Sans plus attendre, il jeta un coup de dent à cette pomme d'un rouge appétissant.


Sen Hime


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(vide)

Libre, enfin ! Du moins, elle l’avait toujours été. Mais avec des heures de plus en plus nombreuses passées à l’auberge, elle avait par moments l’impression de se retrouver prisonnière. Prisonnière de quoi exactement ? Sans doute juste des circonstances. Elle n’appréciait pas plus de se trouver entravée par la situation que si elle était vraiment retenue enfermée dans un endroit clos. Le résultat était au final le même, si elle ne pouvait plus faire ce dont elle avait envie, quand elle en avait envie. C’était juste beaucoup plus insidieux, de voir petit à petit sa liberté de mouvement se réduire. Sans doute n’aurait-on pas tout à fait eu tort en la qualifiant de gamine capricieuse. Et elle avait pris goût à voir sa volonté accomplie, elle refusait de laisser lui échapper tout ça.

Le travail n’était pas difficile à trouver pour un chasseur de prime en cette période, loin de là. On avait rarement vu tant de gens qui en dérangeaient d’autres par leur présence, et qui devaient être supprimés en toute discrétion. Mais le travail devenait plus difficile, les gens importants plus surveillés encore, et même les autres prenaient leur précautions. Malgré une grimpée des prix, le risque était devenu souvent trop grand à son goût. Ce n’était pas le frisson qu’elle cherchait dans ce métier, loin de là, ou si peu. Voilà donc pourquoi elle devait se reporter sur le bien moins rentable métier de serveuse qui achevait de lui garantir une somme confortable pour vivre malgré tout.

C’est donc les pensées un peu sombres qu’elle traversait la plaine, profitant du calme qui la changeait de beaucoup de l’agitation de l’auberge. Elle étira les bras. Ca ne servait à rien de ressasser tout ça. Elle trouverait une solution en temps voulu. Pour l’heure, pas de commandes, pas de service, pas de sourires forcés, elle était tranquille. C’est alors qu’elle s’arrêta en apercevant un peu plus loin un jeune homme assis dans un arbre. Il n’avait clairement pas l’air originaire de la région, et avait l’air un peu perdu. Du moins c’est ce qu’il lui sembla en le voyant fixer tour à tour sa pomme et l’horizon face à lui avant d’enfin croquer le fruit.

Elle n’était pas arrivée face à lui, et il ne l’avait donc pas encore vue. Lui vint alors l'envie de lui faire une petite blague. Puisqu’elle n’avait plus l’occasion de mettre souvent en pratique ses talents de chasseuse de prime, autant mettre à profit la discrétion et l’agilité que son expérience avait pu lui donner. Si elle n’était pas des plus douées au combat, parce qu’elle l’évitait et préférait de loin les coups bas aux affrontements directs, elle avait en revanche acquis d’intéressantes capacités dans la dissimulation. Il valait mieux ne pas perdre la main après tout, et c’était une occasion.

Elle s’avança le plus discrètement de l’arbre juste à côté de celui de l’homme, se cachant à sa vue, pour ensuite grimper le long du tronc. Il ne s’était pas installé très haut, et elle n’avait pas besoin de grimper beaucoup pour arriver un peu plus haut que lui. Elle profitait du feuillage dense de l’arbre pour se cacher, et le fait que l’homme semble assez peu attentif et perdu dans ses pensées l’aidait tout autant à ne pas être repérée. S’immobilisant au moindre craquement, elle entreprit ensuite de suivre les branches pour passer d’un arbre à l’autre, et rejoindre celui de l’inconnu. Une fois sur ce dernier, elle s’arrêta seulement lorsqu’elle eut atteint la branche juste au dessus de ce dernier. Elle se laissa ensuite tomber, en coinçant ses jambes sur la branche pour garder un appui, et se retrouva suspendue la tête en bas, juste en face de lui.

« Besoin d’un renseignement ~ ? »

Si avec ça on ne la trouvait pas serviable... Se rendant assez rapidement compte toutefois qu’une robe était peu compatible avec la position renversée qu’elle avait prise, et qu’elle l’empêchait difficilement de retomber et lui cache le visage, elle reposa ses mains sur la branche pour en retirer ses jambes et les laisser retomber, se retrouvant ainsi suspendue dans le bon sens cette fois, avant de se lâcher sur la branche du dessous, d’abord debout en équilibre, puis bien vite assise une fois stabilisée.


Lanre


Inventaire

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(vide)

Il se surprit a apprécier tout particulièrement le goût du fruit qu'il tenait en main. Sucré, un brin acidulé ; ça n'avait rien à voir avec tout ce qu'il lui avait été donné de connaître, quand bien même son répertoire n'était pas des plus étendu : bouillie d'avoine ; cactus — de temps à autre un petit rongeur qu'il avait su attraper, parfois (depuis son arrivée) un pigeon, et plus récemment ; une pomme volée dans le verger voisin.

La texture elle non plus n'avait rien à voire avec les repas qu'il avait ingurgité pendant près de deux décennies. Une bouillie diffame, froide dans laquelle se mêlait sable, et reste de l'avoine non consommé (ou partiellement) par les Kwotkaš, ces esclaves favoris qui gardaient leurs cages. Non ; la reinette était sans conteste ferme, et gorgée d'un jus qui lui donnait ce bon goût édulcoré, mais légèrement acide, d'une chaire blanche et bien plus tendre que celle noueuse des quelques animaux qu'il avait jamais dévoré. Il se prit à croire qu'une fois terminée, il irait en chercher une autre, et rêva l'espace d'un instant de ne jamais plus manger que ça, avant de sourire tant de sa bêtise que du fait qu'il était dorénavant libre de manger ce qu'il voulait.

D'un geste bref, il remonta la lanière de cuir de l'instrument sur le haut de son épaule. Il sentait le Oud glisser en raison du fait que sa main était apposée sur la branche. A près de trois mètre de haut, une chute serait vraisemblablement fatale pour le seul bien qu'il possédait encore. A l'évidence, sauf malchance réelle, il ne risquait que quelques contusions, et dans le pire des cas, une fracture. C'était du moins ce qui lui semblait, mais il n'avait jamais rien expérimenté de tel, et préférait nettement en revenir à la dégustation des petits plaisirs simples de la vie, comme le fait d'avaler une pomme.

Il lui semblait parfois entendre quelques bruits, mais la vie semblaient autrement plus développée ici que de là où il venait. Impensable, par chez lui, que de trouver un arbre ! Et en dehors du Grand-Duc on ne trouvait pas d'être ailés dans le désert. Toutefois, il avait bien noté quelle était la différence ici. Il avait quitté un univers monochrome et rejoint un monde qui lui semblait être une explosion de couleurs. Outre sa joie d'être libre, ce changement radical l'impressionnait autant qu'il ne l'intimidait, et se poser ne serait-ce qu'un instant avec une idée en tête (ici, manger une pomme) l'aidait à ne pas se perdre complètement dans ce trop plein de liberté. La bride avait été lâchée sans transition (dans la mesure où durant sa fuite il avait un objectif bien précis : semer ses poursuivants et arriver vivant), et le choc était bien plus dur que l'on aurait pu penser.

Autre choc que celui-ci qui se promettait d'être rude ! A peine eut-il le temps de voir que quelque chose arrivait par le haut qu'il eut un mouvement de recul tout à fait incompatible avec la façon même dont il était installé : son bassin, sa colonne vertébrale, ses épaules, son cou et son crâne s'en allèrent en arrière, et il glissa. Il lui fallut l'espace d'une seconde pour comprendre qu'il tombait, et que l'air ne freinerait que trop peu sa descente pour qu'elle soit indolore. Sous la surprise, la pomme lui avait échappé, de même que son luth en format ouestrien.

Il heurta le sol, et une violente douleur lui parcourut tout le bras droit. Son poignet avait absorbé toute la brutalité de la rencontre, croisant la terre en premier, avant de se retrouver écrasé par le reste du corps. Dans la seconde qui suivait s'écrasait le Oud dans un fatras plus bruyant que musical, alors que les cordes survivait au bois, fendu en tant de morceaux que quiconque en aurait fait des allumettes sans la moindre peine.


"Ungh.." La tête lui tournait quelque peu, sous le coup de la douleur. Le blondinet tacha de rouler, peu importait le sens, pour délivrer son poignet. Il avait mal ; mal d'une douleur qu'il peinait réellement à contenir. Oh, certes ; ce n'était pas la première fois qu'il rencontrait la signification du mot souffrance — Žénli, en Ouestrien —, mais jamais cela ne la rendait plus agréable, et c'était bien la première fois qu'il souffrait de cette façon-ci.

Il parvint à libérer sa main, allongé sur le dos, coudes appuyés sur le sol, et avant bras pointés vers le ciel. Son poignet avait gonflé (l'enflure continuait encore de gagner en taille), tandis que la peau abîmée par le radius (saillant) s'était teintée d'un bleu violacée aux reflets rouges. Ses paupières s'abattirent sur ses yeux, tandis que son visage restait déformé par un rictus trahissant sa peine.


Sen Hime


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(vide)

« Mince. »

Dès qu’elle vit le jeune homme chuter, elle comprit qu’elle venait de s’attirer des ennuis, plus qu’une bonne plaisanterie. Elle le remarqua trop tard pour essayer de rattraper le jeune homme et pouvoir y changer grand-chose. Tout ce qu’elle put donc faire fut de descendre constater l’ampleur des dégâts. Se laissant – bien plus agilement que lui, il va sans dire – tomber à terre, elle fit l’inventaire des conséquences de son arrivée pour le jeune homme. Son instrument cassé, le reste de sa pomme tombé à terre et désormais déconseillé à la consommation, et apparemment des séquelles physiques qui lui valaient une grande douleur. Elle ne se souvenait pas avoir souvent fait autant d’effet à quelqu’un. Sans doute, au moins, ne l’oublierait-il pas de si tôt.

Elle ne pouvait décemment pas le laisser là ainsi. Déjà, ça n’était pas très bon pour la réputation qu’elle se devait d’entretenir. Mais… Si rare que ça soit chez elle, elle ne peut s’empêcher d’avoir un léger pincement au cœur. Elle n’avait pas beaucoup de pitié avec les gens qui l’avaient offensée, qu’elle soit en tort ou non, ni même avec ceux qui pouvaient lui rapporter gros. Mais ce jeune homme ne lui avait rien fait, n’avait rien demandé, et le tort causé ne lui avait rien rapporté à elle. Si son sens du bien et du mal était quelque peu biaisé par son profond égoïsme, elle n’en était pas pour autant méchante de nature. Aussi décida-t-elle de réparer de son mieux le mal qu’elle avait causé.

Ce n’était pourtant pas tâche évidente, elle n’avait pas grand-chose sur place pour lui venir en aide. Un Oud et une pomme ça se remplaçait aisément, mais encore fallait-il un marché à proximité. Quant à son état, il aurait eu besoin de l’intervention d’un médecin car sa blessure semblait dépasser un peu les compétences de la jeune fille. Elle avait toutefois des notions rudimentaires suffisantes pour deviner qu’il n’avait pas trop intérêt à bouger dans sa situation.

« Attends… Tu ne devrais pas bouger ainsi. Essaye de rester un peu immobile… Eh, tu m’écoutes quand je parle ... !? »

Elle remarqua assez vite qu’il ne servait effectivement à rien de parler, car le jeune homme semblait, soit l’ignorer, soit ne rien comprendre. C’était bien sa veine. Décidée à se faire obéir, elle se dit qu’il n’y avait de meilleure façon de faire passer le message qu’une démonstration. Aussi s’agenouilla-t-elle auprès de lui, avant de l’entourer, délicatement mais néanmoins fermement de ses bras, essayant ainsi de l’empêcher de gigoter. L’effet étant mitigé, elle posa un doigt un doigt sur sa bouche pour tenter de le détendre.

« Chuuut ~ »

Chuchotant comme à un enfant ou un animal apeuré, elle continua de le maintenir dans ses bras jusqu’à ce qu’il soit calmé. Elle ne rompit l’étreinte que dès qu’il eut atteint une immobilité parfaite. Sans doute avait-il encore mal, mais au moins il n’aggraverait pas la blessure. Elle devait d’abord trouver quelque chose pour soutenir son bras, et après il pourrait marcher avec elle jusqu’à une personne plus qualifiée pour le reste des opérations.

« Pas bouger. D’accord ? »

Laissant là l’étranger, elle chercha dans les environs ce qui pouvait convenir au petit bricolage qu’elle avait décidé d’improviser pour lui. Décidément elle le gâtait. Elle ramassa quelques branches fines mais pas trop cassantes, qui pourraient soutenir convenablement son bras, et finit par dénicher du lierre assez solide à son goût pour relier l’ensemble. Une fois son petit trésor amassé, elle s’asseoir près de lui et rassembla sa concentration pour mettre en place une attelle autour de son bras.

« Voilà, ça devrait au moins tenir un moment. Tu ne comprends pas ce que je raconte hein ? Pas grave. Viens. »

Elle l’aida à se lever et, ne le lâchant pas tout de suite – peu sûre qu’il ne se soit pas cassé autre chose que le poignet – lui indiqua du doigt une direction, prête à entamer la marche.

« On va aller par là. Il y a des médecins, des pommes et des Ouds, tout ce dont tu as besoin. »

Du moins il ne lui avait pas semblé avoir besoin de plus pour être heureux.


Lanre


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(vide)

Il n'avait rien vu. Juste que quelque chose lui tombait dessus, et c'était à son tour de connaître le grand vol. La peste soit cette pomme qui avait requis toute son attention ; la peste le prenne, lui qui avait relâché sa vigilance, s'était laissé aller à quelques plaisirs simples mais un tantinet trop prenants.
L'esclave en cavale poussa un profond soupir cherchant à se calmer sans y parvenir. Le feu dévorait son bras de l'intérieur, alors que son cerveau tout entier s'ouvrait aux messages que renvoyait son bras : mal. Douleur. Peine. Souffrance. Žénli, žénli, žénli. Son autre main ; la gauche ; s'évertuait à serrer dans la vide, alors que sa poigne se fermait sur une touffe d'herbe qu'il ne se résolut à aucun moment à arracher.

Cheveux-de-Blé ouvrit de nouveau les yeux qu'il avait d'un marron assez clair tachés reflets de sienne (coloration relativement peu banale en Hyrule, au vu du nombre d'enfants aux yeux d'un rouge sanguin..!). Ses deux pupilles cherchèrent, vers l'arbre, ce qui lui était tombé dessus. Un instant, il eut crû qu'une autre personne était tombée, et s'était fait mal — à l'évidence plus que lui, qui était tombé de la plus basse branche — et tâcha de se relever pour aller aider. Bien mauvaise idée à l'heure ou son radius lui imposait de ne plus esquisser le moindre mouvement au risque de le voir déchirer sa peau halée, mais il n'en eut de toute façon pas le temps. Toujours relativement en état de choc, il traitait les informations et réagissait en conséquences autrement plus lentement, et déjà tombait des cieux une jeune femme à la chevelure presque similaire de teinte à la sienne. Il n'avait vu des femmes qui n'étaient pas rousses qu'une fois sorti d'Al Alforf (hormis cette dernière Sitųčol qu'il ne souhaitait pas oublier, mais qu'il peinait à ne pas chasser de son esprit), et encore maintenant, après près de deux lunes, il ne parvenait pas à s'y faire.

Elle lui parla ce langage qu'il entendait depuis près de douze lunes : de fait, la Sitųčol qui l'avait tiré d'Al Alforf l'employait avec quelques unes de ses propriétés, mais jamais ne lui avait appris à le parler, et les quelques mots qu'il avait su retenir ne signifiait strictement rien à ses oreilles : ils n'étaient que sons (souvent plus plaisants que ceux de sa propre langue) qu'il s'amusait à parodier avec les autres esclaves.
Ce qu'elle lui disait lui était complètement incompréhensible, et l'idée que ce soit une femme qui arrive l'inquiétait — comment faire autrement, dans son cas ? —

A nouveau, le garçon tenta de reculer, avec cette fois-ci la garantie qu'il ne chuterait pas de trois mètres. Toujours assis (il s'était partiellement relevé avant que n'arrive ce nouveau danger), il s'acharna à mettre de la distance entre la jeune femme et lui, mais elle eu tôt fait de passer ses bras autour de lui et de le garder prisonnier entre les deux barreaux que formaient ceux-ci, et le mur qu'était le buste de la demoiselle. Elle posa son index sur ses lèvres et il comprit enfin le message. Calme.

C'était là autre chose auquel il ne parvenait pas du tout à s'habituer : les femmes ne cherchaient pas toutes à vous réduire en esclavage ici bas — ou alors, les hommes de ces landes dépourvues de sable étaient bien naïfs.
Sa méfiance à lui, il ne parvenait pas à l'enterrer, et restait le plus éloigné possible de la gent féminine, et quand le contact avec celle-ci était inévitable il faisait tout son possible pour écourter. Toutefois, même sans être particulièrement doué en médecine, la douleur qui lui lançait le poignet et surtout la forme qu'avait maintenant celui-ci (il était deux fois plus enflé qu'un instant auparavant, et le violet tirait sur le noir.) lui indiquait que bouger serait plus dangereux qu'autre chose.

L'esclave ferma les yeux, et souffla un grand coup, comme pour se vider la tête. S'il partait, elle le rattraperait sans peine, de même que s'il restait. Elle n'était pas assez loin pour qu'il puisse sortir de son champ de vision avant qu'elle ne se retourne. A l'évidence, économiser le peu de force qui lui restait dans le cas où sa méfiance s'avérait fondée.

La chatain-blond ne tarda pas à revenir, et à s'occuper de sa blessure, tandis qu'il se retenait de la dévisager devant tant de surprise. Jamais, ô grand jamais, une maîtresse ne soignait ses esclaves. Un esclave blessé est un esclave jeté, puis renouvelé. Il ne parvenait pas à saisir le raisonnement qui poussait cette fille à prendre soin de lui. Quand bien même il ne comprenait pas son langage, ce qu'elle faisait était intelligible, en dépit de cette barrière qui freinait considérablement la communication.


"Ésténa." Fit-il, doucement, de sa voix aux accents d'Ouest — chaude, fluide et claire —, après qu'elle lui ai pointé du doigt une direction dont il ignorait jusqu'à la position sur un compas. « Kiti.. » Reprit-il, ajoutant les politesses, en avançant de quelques pas vers les restes de son instrument, qu'il ramassa, une lueur triste dans les yeux.

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