Un relent du passé.

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Aurore


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Une larme vint se mêler au ruissèlement de la rivière. Bien longtemps qu’elle n’avait plus pleuré. Elle aurait pu aller dans le cimetière en cette nuit où elle se remémorait des êtres chers perdus. Elle ne les avait jamais pleurés. Les avait simplement regrettés.
Mais cette nuit en avait décidé autrement, sa chasse avait dû être interrompue lorsqu’un flot de souvenirs avait noyé son âme. Elle s’était mise à avancer machinalement.
La dame louve n’avait aucune croyance en matière de mort, mais elle visualisait néanmoins d’avantage les esprits déchus comme se noyant dans une rivière de mort plutôt que reposant sous la terre. Sans doute était ce, ce qui avait guidé ses pas vers la rivière Zora.

Il y avait d’abord eu son frère. Le destin cruel l’avait empêché de le connaître. Pire, son esprit avait fantasmé dans quelques rêves, un frère lui faisant des reproches, lui disant qu’elle avait pris sa vie.
Tsubaki avait été créé pour partager un lien particulier avec une personne unique mais jamais elle ne l’avait su. Ce n’est qu’en cette nuit, que l’ingénieuse toile arachnoïde de son destin, se dévoila à ces yeux.

Après avoir perdu son frère, elle avait fait la rencontre d’Arkhams et peu après lui, celle de Withered et d’Astre. Mais ça n’avait été que pour les perdre chacun à leur tour. Elle avait épousé l’illusion, il s’était dérobé à sa vue. Elle avait aimé Astre comme un frère, on lui avait retiré en le bannissant. Elle avait toujours était proche de Withered et plus encore lorsqu’elle avait été la dernière preuve visible de leur gloire passée et elle l’avait perdue dans un combat qu’elles avaient mené côte à côte.
Au fond d’elle, perdurait l’espoir de la revoir jaillir au fond de la plaine, prête à se battre.

Alors, se sentant au plus mal et seule, Kuro avait surgit de nulle part. Un ami qui lui resterait fidèle elle le savait. Astre et Arkhams avaient renaquis des ombres. Et de nouvelles amitiés semblaient se profiler à l’horizon.
C’est à ce moment-là de sa réflexion qu’une larme avait caressé sa joue.


« Peut-être suis-je maudite, destinée à perdre tous les amis proches que je me fais. C’est ma punition pour avoir osé vivre sans lui. Ne pas l’avoir accompagné jusqu’aux abysses éternelles… » Pensât-elle.
« A quoi bon garder mes amis si par ma faute ils doivent mourir… ? » songeât-elle enfin.

Elle contempla alors son reflet ondoyant dans l’eau. Belle dame ne pouvant que s’attirer les faveurs de quiconque ne la connaissait pas.

Elle sorti le petit poignard quelle gardait à l’accoutumé dans l’une des profondes poche de sa cape, tendit sa main au-dessus de la rivière et l’effleurât de la lame acérée.
Quelques gouttes de sang firent vaciller son reflet - comme si cela pouvait nourrir les âmes décharnées de ceux qui étaient passés de l'autre côté-. Et elle resta immobile. Incapable d’effectuer un autre geste.


Astre


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Un pied devant l’autre, un pied devant l’autre, un pied devant l’autre. Il ne voulait réfléchir à rien d’autre de plus que l’action qu’il était en train de commettre et de perpétuer : un pied devant l’autre. Son esprit avait subi trop d’avalanches de pensées ces derniers temps, entre les Phénix, la gueuse, et l’Illusion Dépravée qui tentait de recouvrer sa puissance et son titre à ses côtés. Y avait-il plus traître que lui, hormis le prince-fantôme déchu de son titre ?
Il revêtait un pantalon noir surmonté de bottes hautes noires également ; un haut sombre et ample couvrait une tunique de cuir ; ses bras étaient découverts, jusqu’au coude, et son épée pendait nonchalamment contre sa hanche droite. Il avait l’air d’un sinistre maître de guerre, avec ses vêtements guerriers et ses yeux farouches. Son visage tourmenté avait repris de la consistante ; il n’avait plus cet air émacié de prisonnier qu’il avait ramené en souvenir de son bannissement, sa peau laissait moins saillir les os affamés. Les cernes soulignaient avec moins d’ardeur les deux billes de sang qui lui servaient d’yeux. Ses cheveux de jais s’éparpillaient joyeusement sur son crâne. En bref, il avait de la prestance.

Ses pas l’avaient mené à la Rivière Zora, une aire de quiétude pour qui cherchait repos et solitude. Son regard de sang tenta de pénétrer la surface luisante de l’eau qui s’étendait devant lui, mais l’opacité était une armure infranchissable. Il sourit, en imaginant les ébats et la débauche qui devaient avoir lieu dans cet aquarium à air libre. Il soupira d’aise, calme et apaisé.

C’est alors que des pensées intruses chuchotèrent des mots dans son esprit ténébreux ; il prit conscience que quelqu’un se trouvait à proximité. Il balaya du regard la zone, et c’est ainsi qu’à l’autre rive, juste en face, se dessinait la silhouette élancée et quasi-féline d’une dame de haut rang. Il resta pétrifié ainsi, dans la contemplation de cette jeune femme. Tsubaki. Que faisait-elle là ? Il vit briller dans sa main une lame aiguisée, et pendant un instant l’incompréhension fit place à la peur. Ne fais pas de bêtises, faillit-il crier, mais il se rendit compte qu’elle ne chercha qu’à nourrir les poissons d’un peu de haine et de violence. Il sourit : était-elle en train de communier avec un démon ? Scellait-elle un pacte avec les mauvais esprits ? Il ricana silencieusement, profitant de ce qu’elle ne l’avait pas vu pour s’approcher discrètement vers là où elle se trouvait. Il s’arrêta à quelques mètres dans le noir, derrière elle, ombre parmi les ombres. Connaissant son instinct de premier ordre, il s’attendait à ce qu’elle fasse volte-face et qu’elle lui présente armes, si ce n’est qu’elle ne l’assène de quelques coups préventifs.


Aurore


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Son esprit lui commanda de bouger lorsqu’elle sentit une présence. Elle sorti de son immobilité par un geste destiné à sauver sa dignité. Elle essuya ses larmes avec sa manche. Peut-être l’être approchant n’avait-il pas bien compris son geste.
Après tout il y avait bien des raisons pour qu’une Dame mêlât son sang à l’eau d’autant plus une Dragmire.
Elle ne pouvait reconnaître l’odeur de la personne se rapprochant de plus en plus. Seule l’odeur de sel de ses larmes se faisait sentir. La personne s'arrêta.
Enfin, d’une voix pâteuse –les larmes ne l’avaient pas laissé aussi claire qu’à l’accoutumée - et plate elle déclara sans même prendre la peine de se retourner :


« N’approche pas si tu ne veux pas mourir. »

Pour elle tout était claire mais elle doutait que son interlocuteur comprenne la réelle signification de cette phrase de malédiction.
Elle ne souhaitait même pas savoir de qui il s’agissait même si au fond elle espérait que ce n’était pas un de ces phoenixien qui se moquerait d’elle ou encore quelqu’un de « compatissant » qui ne comprendrait rien à sa peine.
Inutile de piéger une autre âme innocente qui se prendrait d'amitié pour elle.


Astre


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Il semblait qu’elle se repoudrait le nez ; Astre put voir que le dos de son amie se redressait, comme à l’affût de sa présence. Le Chevalier noir avait vu juste ; elle l’avait détecté. Elle restait immobile, comme une statue, dangereux prédateur qui guette et qui frappe. Les larmes du crocodile amadouent les proies, c’est bien connu. L’ancien sénéchal sourit à cette pensée, et avança le pied droit, quand les mots vinrent déchirer l’air et stopper net son élan.

« N’approche pas si tu ne veux pas mourir. »

Le ton était sec, la violence contenue n’attendait qu’une initiative de sa part pour se déferler et consumer tout sur son passage. Il semblait évidemment que la louve s’était muée en muse des malheurs ; avant qu’il n’interrompe sa méditation, son pudique chagrin coulait au compte-goutte sur ses joues pâles ; bien qu’il ne pût voir son visage il devinait les opales liquides qui fuyaient, attirées inexorablement vers le sol.
Astre, la jambe tendue et paralysée, se demanda ce qu’il convenait de faire. Fallait-il crier de joie et avancer, une perturbation que Tsubaki n’accepterait pas, même –et surtout- venant de sa part ? Etait-il plus judicieux d’avancer accompagné de quelques phrases apaisantes ? Impossible à dire, elle l’aurait peut-être décapité avant. Ou valait-il mieux ne pas bouger, lâcher quelques banalités consolatrices et attendre son jugement ? Le Chevalier noir soupira, les membres inférieurs douloureux. Son visage était congestionné par l’effort qu’il faisait de ne pas reculer ou avancer sa patte de plus en plus contractée.
Il se racla la gorge, avec une virilité pesée, et laissa s’envoler comme des papillons de chocolat une suite de sons apaisants.


« Serait-ce ma douce amie Tsubaki, pour qui j’ai tant de tendresse, qui pleure ainsi ? Quels troubles t’accablent, petite chose ? »

Son inquiétude n’était pas feinte ; il était embarrassé de sentir la tristesse de sa « sœur » qui pourtant faisait mine, dos à lui, de ne rien ressentir du tout.
Sa voix avait été hésitante, mais suave et la plus contrôlée possible ; il n’était pas sûr qu’il ait choisi avec le plus grand soin les mots adéquats, mais ne sachant ce qui venait rogner la conscience de la Dame-Louve, il avait préféré opter pour une série de mots neutres et compatibles à n’importe quelle situation. Ce calcul s’était fait pour le moins rapidement ; il espérait que son amie ferait preuve de sagacité, et ne s’acharnerait pas sur le pauvre Astre.


Aurore


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L’inconnu hésita plusieurs minutes, immobile dans le noir.
Il soupira, puis il finit par dire :

« Serait-ce ma douce amie Tsubaki, pour qui j’ai tant de tendresse, qui pleure ainsi ? Quels troubles t’accablent, petite chose ? »

A l’ instant où elle avait ouï sa voix, elle l’avait reconnu. Lorsqu’il prononça le fatidique mot « amie », une nouvelle larme se fraya un chemin jusqu’au coin de sa lèvre. Puisqu’il la considérait comme son amie, peut être son destin était-il scellé…

« Astre c’est toi… ? » dit-elle avec surprise, comme si de toutes les personnes ayant pu se trouver ici à cet instant, c’était la dernière qu’elle attendait. Dans le fond elle était heureuse que ça lui plutôt que quelqu'un d'autre. Peut être était il le plus à même de la comprendre.

« Je pensais que tu serais dans les bras de ton amante à une heure pareille.» continuât-elle plus comme un réel constat que comme une réprimande.
Elle pouvait imaginer l’étonnement se peindre sur ses traits. Elle avait appris sa débauche lorsqu’un soir, traversant la pleine sous sa forme de louve, elle avait sentie deux odeurs se mélanger. L’une provenant sans nulle doute de son ami quant à l’autre, un grognement avait jaillit de sa gorge lorsqu’elle l’avait reconnue.

Elle se décidât enfin à lui confier une partie de sa tourmente.


«As-tu déjà eu l’impression qu’une malédiction pesait sur toi et que tu ne pouvais rien faire d’autre que la subir ? » lui demandât-elle avec désespoir.

Elle était restée de dos, ne souhaitant pas affronter son regard et ne voulant pas qu’il sache qu’elle avait versé de nouvelles larmes.


Astre


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Elle n’avait pas bougé d’un cil, mais Astre avait vu ses épaules se détendre avec soulagement. Les intonations agréables de ses cordes vocales résonnèrent dans la nuit.

« Astre, c’est toi… ? » s’étonna-t-elle. On percevait pourtant une sorte de satisfaction et de contentement dans cette question, malgré l’amertume qui secouait légèrement sa voix. Le silence garantissait la réflexion aux deux morceaux d’une même entité. Néanmoins, une phrase perfide vint glacer l’air autour d’Astre, qui sentit son souffle s’immobiliser dans ses bronches.

« Je pensais que tu serais dans les bras de ton amante à une heure pareille. » Le ton était froid, sentencieux, sans réelle animosité mais sans réelle sympathie non plus. Astre se surprit à penser, comme un enfant rebelle envers sa mère « Déjà je fais ce que je veux. » mais se retint de dire quoique ce soit tant qu’il ne se serait pas calmé mentalement. Physiquement, il affichait une impénétrabilité, mais il avait l’impression d’être mis à nu devant son ancienne consœur. Il dodelina lentement de la tête, comme s’il s’apprêtait à donner un coup de tête violent à lui désordonner les vertèbres.

« Trop tôt, tu n’as pas revêtu ton costume animal pour espionner la vie du dehors », souffla-t-il avec humour. L’autodérision, il ne connaissait pas ; il préférait détourner le réel problème. Mais une autre question vint supplanter l’autre, une dans laquelle elle mettait beaucoup plus d’importance.

«As-tu déjà eu l’impression qu’une malédiction pesait sur toi et que tu ne pouvais rien faire d’autre que la subir ? ».

Sa voix suintait de fatalité ; elle avait tremblé suffisamment pour que le Chevalier comprenne qu’elle tentait d’étouffer un sanglot. Cela lui déchira le cœur, autant qu’il était possible de déchirer son cœur en nouveaux morceaux. Il s’approcha, le pas lourd, ne sachant que faire ; fallait-il la prendre dans ses bras ? Y verrait-elle une mauvaise intention ? Il se dandina, gêné, se sentant comme pris en flagrant délit de voyeurisme. Il l’entoura de ses bras, elle lui tournant toujours le dos, et lui chuchota avec gentillesse :

« Il ne se passe pas un jour sans que je ne me demande : pourquoi suis-je là ? Le jour où je me suis retrouvé tout seul a amorcé la dépression de mon assurance, et j’ai perdu toute contenance. Quelle est cette malédiction qui te fait donc pleurer ainsi ? »


Aurore


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Il avait fait une boutade. Mais Tsubaki n’avait pas le cœur à rire.

Enfin il s’était approché à pas lourds et avec quelque maladresse, il l’avait entouré de ses bras.


« Il ne se passe pas un jour sans que je ne me demande : pourquoi suis-je là ? Le jour où je me suis retrouvé tout seul a amorcé la dépression de mon assurance, et j’ai perdu toute contenance. Quelle est cette malédiction qui te fait donc pleurer ainsi ? » lui chuchota-t-il avec douceur.

Elle se retourna et le sera avec violence. Elle en profitait il est vrai. Lui si pudique, pour une fois qu’il osait la serrer dans ses bras…

« J’ai… J’ai bien peur d’être condamnée à voir les gens qui j’aime s’en aller… Soit qu’ils meurent, soit qu’ils ne se perdent dans les abysses, soit qu’ils sont bannis… » Dit-elle en un souffle pour exprimer tout le fond de sa pensée. Elle savait qu’il se reconnaîtrait dans le dernier mot qu’elle avait employé. Jamais elle n’avait su lui dire combien son bannissement avait été dur pour elle. Oh certes, elle avait tiré sa révérence avant lui mais revenir et voir qu’il n’était plus là avait été un déchirement.

« Promet moi qu’au moins toi tu ne partiras pas… » Continuât-elle comme un enfant demandant une promesse à son meilleur ami.
Elle avait conscience de la niaiserie de sa demande, mais elle n’avait pu s’empêcher de la formuler.
Elle avait honte. Mais pour une fois, elle n’avait plus envie de s’accrocher à sa Dignité. Juste en cette nuit, elle voulait se montrer sous son vrai jour. Juste pour une fois elle ne voulait plus cacher sa peur et ses émotions.

Astre avait surement été l’ami le plus fidèle que Tsubaki n’eut jamais eu. Même lorsqu’elle avait voulu mourir, il l’avait aidé –même sans le savoir-, le jour de son réveil, c’était lui qu’elle avait vu en premier, il avait su la ramener dans le droit chemin lorsqu’elle ne pensait qu’à repousser Arkhams, c’était lui qui lui avait permis de rentrer au sein des Profondes Ténèbres et de rencontrer Ganondrof. Un lien particulier les unissait. Il avait toujours su être là quand elle en avait eut besoin, et même en cette pénible soirée. Sans doute ne s’en était-il jamais rendu compte. Elle, en avait bien conscience, et c’est pourquoi elle le voyait entièrement désigné pour devenir la prochaine victime de sa malédiction…


"Tu es là pour être mon frère" avait-elle eut envie de lui dire en réponse à sa question...


Astre


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Tsubaki perdait contenance ; Astre ne l’avait jamais vu aussi pâle, et c’était peu dire de le faire remarquer, car le teint coutumier de sa sœur était presque blafard. Ses yeux larmoyaient, ses lèvres étaient serrées, et sa tension se transposa chez le Chevalier noir lorsqu’elle lui rendit l’étreinte avec fougue. Il se sentit penaud ; il avait l’impression, face à ce déferlement d’émotions tragiques, de tenir entre ses mains tâchées de sang la malheureuse petite Tsubaki.

« J’ai… J’ai bien peur d’être condamnée à voir les gens qui j’aime s’en aller… Soit qu’ils meurent, soit qu’ils ne se perdent dans les abysses, soit qu’ils sont bannis… »

Elle lui communiquait avec désespoir tout ce qui lui pesait sur le cœur ; il était son confident d’un soir et quelque part, il redoutait ce qu’il entendait. Tout ce qu’il avait lui-même pu ressentir reflétait le désarroi de la Dame-Louve, et cela le peina profondément. Il toussota, le regard fuyant, devant ce relâchement de sensibilité.

« Promet moi qu’au moins toi tu ne partiras pas… »

Le chagrin vint lui picoter les nasaux ; il sentait ses yeux le démanger, et, déglutissant avec disgrâce il parvint à éviter les pleurs, qui l’auraient plongé dans un terrible état d’âme.

« Je ne peux pas te promettre l’incertain. Les aléas du temps pourraient bien me faire disparaître, comme ils l’ont déjà fait par le passé avec l’assistance indéniable des Grands de ce monde… » dit-il, la voix dénuée de toute assurance. Les dernières traces de couleur qui lui pigmentaient son épiderme blanchâtre s’effacèrent ; il sentait son muscle central se recroqueviller comme asséché par tant de douleur.

Il resta ainsi, la femme de son frère de malheurs dans les bras, à se demander à quel titre les Déesses le condamnaient à cette fatalité, celle de ne jamais être heureux, de ne jamais pouvoir profiter de la fougue de ses comparses en même temps qu’eux, celle de n’être que le rebus d’une race de guerriers éteinte depuis si longtemps, celle de n’être qu’un vagabond de la solitude transigeant. Ses sourcils froncés, ou plutôt abaissés de lassitude, lui donnaient l’air d’un vieux cabot qui en a trop vu.

« Moi je suis condamné à les voir présents, mais de ne jamais m’entourer », murmura-t-il, presque pour lui-même, aux oreilles affutées de sa sœur. Tsubaki, digne Tsubaki, tantôt douceur tantôt aigreur, tantôt noblesse tantôt sauvagerie. Mais cette Tsubaki, il ne la voyait que dans les recoins de sa tête, au travers de souvenirs flous et brouillés… sans doute sans importance.


Aurore


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« Je ne peux pas te promettre l’incertain. Les aléas du temps pourraient bien me faire disparaître, comme ils l’ont déjà fait par le passé avec l’assistance indéniable des Grands de ce monde… ».

Il n’avait pas répondu à son attente. Cependant elle ne pouvait lui en vouloir, après tout, il avait raison… Elle ne pouvait lui demander de contrôler le monde…
Ses épaules s’affaissèrent d’avantage, le désespoir s’emparant de son être.
Elle sentait également son frère perdre contenance. Elle n’avait pas voulu cela et pourtant c’était inévitable.
Et puis, alors qu’elle allait lui dire une phrase pour le réconforter, il lui fit un aveu qui lui glaça les sangs.


« Moi je suis condamné à les voir présents, mais de ne jamais m’entourer » avait-il murmuré entre ses cheveux.

Egoïste fût le premier mot qui lui vint à l’esprit lorsqu’elle l’entendit prononcer cette phrase. Elle avait été ignoble avec lui. Lui demandant d’être là pour elle quand elle en aurait besoin mais de son côté elle n’avait pas tout mis en œuvre pour être là pour lui. Elle avait toujours fait passer Arkhams en premier lieu. Récemment elle avait pris son rôle de maître très à cœur aux côtés de Kuro mais qu’en était-il d’Astre ?
Elle l’avait délaissé.

Astre était son meilleur ami sans nul doute mais pouvait-il en dire autant d’elle… ?

Elle s’arracha à leur étreinte mutuelle et plongea les yeux dans les siens, sa Dignité refaisant surface.


« Astre, mon frère, tu as raison. Je n’ai pas su être là pour toi quand tu en avais besoin. J’aimerai que cela change… Accepterais-tu de me laisser une seconde chance ? De me laisser être ta sœur et d’agir en tant que telle ? » demandât-elle une pointe d’inquiétude dans la voix, sachant qu’à tout moment il pourrait refuser.


Astre


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C’est alors qu’il se remémora... Comment lui avaient tourné le dos ceux sur qui il croyait pouvoir compter, ceux pour qui il n’avait pas de secrets, ceux qui savaient tout de lui et qui avaient justement détourné cet amour pour le transformer en haine. Ses nerfs n’avaient pu supporter l’insupportable ; s’il y avait bien quelqu’un qui devait le trahir, lui porter coup dans le dos, ce ne pouvait être son frère de malheurs, ce ne pouvait être sa sœur de douceur. Il n’y avait pas cru au départ, ses yeux s’étaient voilés, mais son cœur lui avait bien compris ; les tumultueux flots sanguins qui le parcouraient autrefois se sont réduits à des petits coulis de jus, qui ne transmirent à son corps que le strict nécessaire pour qu’il ne défaillît pas, pour qu’il ne mourût pas. Il soupira, à l’évocation mentale de ses souvenirs, qui lui avaient lardé le cerveau d’autant de coups de couteau qu’il en fallût pour détruire sa conscience et sa force… Plus encore même que son bannissement, étendu sur près d’une année. Il n’avait pu encaisser le coup ; pendant de nombreux mois, il s’était enfermé dans une nostalgie faite de pleurniches et d’incertitudes, de larmes salées et amères, tragédie quotidienne pour ce héros perdu. L’état léthargique l’avait rendu désespéré, froid, plongé dans une mélancolie terrible d’où personne n’avait pu le sortir jusqu’à ce que le rejoigne à nouveau Arkhams, vile fripouille. Et pourtant il pressentait que cette alliance pourrait ne pas durer, qu’elle menaçait chaque jour de se briser. Ainsi, en cette nuit légère, Astre avait l’espoir impossible que le temps s’arrête, qu’il reste comme ceci, à moitié triste, à moitié joyeux, aux côtés de Tsubaki…

« Astre, mon frère, tu as raison. Je n’ai pas su être là pour toi quand tu en avais besoin. J’aimerai que cela change… Accepterais-tu de me laisser une seconde chance ? De me laisser être ta sœur et d’agir en tant que telle ? »

Il voulait lui dire qu’il n’attendait que cela, de lui donner une seconde chance, qu’elle puisse à nouveau chevaucher avec lui, compagnons de tristes lendemains, à punir les pouilleux comme à rire ingénument là où l’atmosphère s’y prête. Le désir furieux de lui avouer qu’elle était l’une des rares personnes qui comptaient dans son âme le chatouillait, et après tout dans ce climat de vérité il n’aurait pas eu trop de mal à le dire. Mais, il avait l’impression qu’à peine aurait-il déclaré ces quelques mots futiles que les fautes seraient effacées, qu’elle aurait la conscience tranquille… alors que lui n’avait reçu qu’une guérison partielle, incomplète ; les séquelles ne partiraient probablement jamais. Son but n’était pas de torturer l’esprit fragile de sa sœur, seulement, sa tourmente ne pouvait restée inconsidérée comme si les évènements passés appartenaient au passé, que le présent valait d’être vécu sans que l’on se retourne, et que le futur promettait de belles bannières de couleurs chaudes, joie et euphorie au rendez-vous. Il n’était pas aussi naïf… nonobstant ce doute perfide qui lui rongeait les nerfs, sa faiblesse naturelle le poussa à répondre, presque à contre cœur, à l’affirmative.

« Oui… ». Hésitant. Et puis, il arrêta les faux semblants, il arrêta ce conflit interne qui le détruisait, et il la prit dans ses bras, en lui répétant comme une mélodie ce mot qui élargissait le champ des possibles : Oui.


Aurore


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Il ne répondit pas tout de suite. Elle pensait devenir folle. Allait-il saisir cette occasion pour briser le lien qui les unissait ? Allait-il lui dire qu’il avait assez souffert et que l’oublier ne lui ferait que le plus grand bien ? Il se jouait un conflit intérieur en lui, elle le percevait.
A lui seul revenait la décision de leur avenir commun.
Et puis, il prononça ce mot, celui de la seconde chance, celui d’une seconde ère.

Un tout petit oui, suivit d’un grand geste qui le confirma. Il la prit à nouveau dans ses bras, étreinte beaucoup plus heureuse que la précédente. Et il prononça à nouveau le souhait de les voir à nouveau unis.


« Oui. » reprit-il, et pour elle, cela valait bien plus que tous les « oui » que les princes charmants auraient pu lui dire devant l’autel. C’était le « oui » du renouveau, celui d’un nouveau commencement, et après cette nuit-ci, tout serait changé.

Elle prit sa main et l’aplatie contre son cœur pour illustrer ce qu’elle allait dire.


« Je suis en vie. Toi aussi. C’est tout ce qui compte. »

Elle relâcha sa main pour lui laisser le loisir d’en faire ce qu’il désirait.
Toujours dans ses bras elle murmura à son oreille :


« Astre… Nous avons toute la nuit devant nous. C’est à mon tour de panser tes plaies, comme tu as pansé les miennes il y a peu… »

Elle posa ses doigts froids sur son cœur et ajouta :

« Je sais que certains de mes actes t’ont blessé, je ne peux les réparer mais… sache que cette nuit j’ai tout mon temps, et je t’expliquerai chacune de mes actions, chacun de mes choix. Non pas pour me justifier et que tu me pardonnes, mais seulement pour que peut être tu comprennes… Vas-y, demande moi tout ce que tu veux savoir, même si pour cela tu dois être agressif envers moi et me malmener…»

Elle fit une courte pause, ne sachant comment il allait réagir puis elle finit par dire :

« Afin qu’à l’aube du nouveau matin qui commencera, tu vois l’avenir se dessiner devant nous et que la nuit du passé ne te tourmente plus… »


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Sa dextre lui fut enlevée, et placée sur le poitrail de son ancienne compagne de truanderies. Il ne pensa pas un seul instant à rougir –ou plutôt rosir- de l’endroit où cette main si maligne se trouvait à présent. Tout était grandeur, tout était emphase, tout était magnifique ; les sentiments exaltés se transformaient en promesses sacrées. Chaque mot était prière, chaque phrase religion.

« Je suis en vie. Toi aussi. C’est tout ce qui compte. »

Astre n’aimait pas ce genre de débilités, habituellement, mais tout prenait sens dans la bouche de Tsubaki ; elle aurait pu dire merde qu’il aurait été enchanté par son vocabulaire, car elle était Tsubaki, la Dame-Louve. Elle aiguisait son ouïe avec sa petite voix rassurante, collée à lui dans une étreinte platonique et fraternelle.


« Astre… Nous avons toute la nuit devant nous. C’est à mon tour de panser tes plaies, comme tu as pansé les miennes il y a peu… »

Elle eut une mine qui frôlait le dépit ; l’écume de vieilles querelles, de tristesses anciennes, vint éclairer son regard.

« Je sais que certains de mes actes t’ont blessé, je ne peux les réparer mais… sache que cette nuit j’ai tout mon temps, et je t’expliquerai chacune de mes actions, chacun de mes choix. Non pas pour me justifier et que tu me pardonnes, mais seulement pour que peut être tu comprennes… Vas-y, demande moi tout ce que tu veux savoir, même si pour cela tu dois être agressif envers moi et me malmener…… Afin qu’à l’aube du nouveau matin qui commencera, tu vois l’avenir se dessiner devant nous et que la nuit du passé ne te tourmente plus… »

Le Chevalier noir était touché de l’attention, mais s’il avait cuvé sa haine et sa rancœur, ce n’était pas pour que tout ressurgisse d’un coup comme un ouragan féroce désireux de tout effacer. Elle avait d’abord fui face à la volonté destructrice des Grands de pulvériser les Profondes Ténèbres, son mari devant elle, et Astre était resté seul, à vomir les derniers restes des mensonges de la Cour qu’il ne pouvait pas ingurgiter sans recracher, avant de se faire bannir loin d’Hyrule pendant de très longs mois. Par la suite, à son retour, il avait retrouvé Arkhams –vieille épave de ce qu’il avait été jadis- puis Tsubaki –dame de haut rang, qui se retrouvait chez Ganondorf, fille spirituelle du grand manitou. Mais c’était sans compter leurs allégeances ambigües, leur amitié fuyante, leur manque de foi en lui, leur manque de confiance… leur condescendance. Ils l’avaient pris de haut, ils l’avaient dénigré, ils l’avaient repoussé en se rendant compte qu’allégés de son poids ils pouvaient s’élever à des hauteurs inimaginables. Ne savent-ils pas qu’on se brûle les ailes à trop s’approcher du soleil ?

« Que veux-tu que je te dise ? » lui demanda-t-il, avec mauvaise grâce et surtout sous le poids d’une terrible mélancolie. Ses épaules lassées ployaient sous l’abattement qu’il ressentait quotidiennement jusque récemment ; ses yeux avaient repris cette lueur bleue de chagrin. Le désespoir se lisait dans ses yeux.

« Je serais mort pour vous… mais vous, vous m’avez laissé derrière, vilain petit canard, loup enragé, la bave abondante et la fierté trop grande. Vous m’avez renié. » Il semblait parler à contre-cœur, pour lui-même. « Je serais mort pour vous », répéta-t-il d’une voix qui reflétait la désolation de son âme.


Aurore


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"Je serais mort pour vous… mais vous, vous m’avez laissé derrière, vilain petit canard, loup enragé, la bave abondante et la fierté trop grande. Vous m’avez renié."

"Je serais mort pour vous" reprit-il en un écho funeste.

Son cœur se fractura en une infinité de morceaux devant l'horrible vérité. Une vérité qu'elle avait toujours connue sans réellement se l'avouer...


Alors elle s'assit car le récit allait être long et noya ses yeux dans les étoiles pour ne pas voir la tristesse déformer les traits fins de son frère. Il avait besoin de savoir ce qui l'avait amenée à faire ces choix.
Elle soupira. Elle renâclait à entreprendre ce long discours car pour elle rien de ce qu'elle n'avait pu faire n'était pardonnable.


« Bien… Je vais te raconter l’histoire d’une Tsubaki que tu ne connais surement pas. Non pas celle de cette fière dame de haut rang mais plutôt celle de cette petite enfant perdue… »

Et ainsi commença le récit de plusieurs longs mois peu glorieux…

« Je ne suis pas aussi forte que toi… lorsque j’ai vu tous ces gens nous tourner le dos, Withered s’en aller, Ganondorf aussi, et Arkhams qui fuyait je n’ai plus eu la force de rester dans cette ville qui célébrait notre défaite.
J’ai fait ce que je fais à chaque période de grand doute. Je suis allée dans la forêt. Je souhaitais être loin des intrigues. Force m’est de t’avouer que je ne désirais plus qu’une existence animale où les seuls préoccupation sont celles de la nourriture et de l’abri.
Je n’étais pas loin, et je pensais que tu saurais me retrouver si le besoin tu en avais. J’avais besoin de réfléchir. J’étais loin de me douter que tu serais banni, que cette maudite populace t’expulserait de nos terres… C’est tout ce que j’ai a dire pour cette période.
Quant au reste, je dois t’avouer quelque chose… Je me suis bien plus attachée à Ganondorf que ce que je ne pouvais imaginer. Withered et lui sont ceux qui m’ont commandé de vivre à nouveau, de ne plus être la larve léthargique que je suis devenue lorsque toi et Arkhams n’étiez plus là.
Accepter de vivre sans la moitié de mon âme n’a pas été facile et pour m’en persuader, il m’a fallu obéir aveuglément aux ordres de mon maître. Car c’était le seul repère que vous m’aviez laissé, celui de servir le cause de Ganondorf. J’avais la haine au fond de moi, et lorsque je me battais, je n’aspirais qu’à faire le plus de morts possible. J’en avais assez de ses gens qui m’avaient retiré ma moitié et mon frère…

Lorsque vous êtes revenus, je m’en suis voulu de vous avoir pensé mort. De ne pas m’être portée à votre secours. Et j’ai préféré mourir. Il m’était insupportable de vivre avec l’idée que je ne t’avais pas secouru et puis je pensais mon honneur bafoué à cause d’Arkhams.
Et puis après, puisque vous m’avez sauvé, j’ai pensé que tout cela n’avait pas d’importance pour vous et qu’au fond vous me vouliez en vie, à œuvrer pour un nouveau monde à vos côté.

Je n’avais pas prévu que Ganondorf aurait autant d’emprise sur mon être. J’ai eu peur. Je suis retournée vers les seules personnes qui avaient été là quand j’étais seule, Withered et mon maître. Je ne pouvais me résoudre à les abandonner.
J’ai eu peur de ce qui pourrait arriver si vous en veniez à déclarer la guerre à mon maître. Je ne souhaitais pas et je ne souhaite toujours pas choisir entre vous et lui.

Nos projets ne sont pas incompatibles et j’ai tendance à penser qu’en restant éloignée de ce que vous entreprenez, je ne trahirais personne.
Et… cela me permet de vous protéger… plus que vous ne le pensez sans doute… Je ne fais pas tout cela pour moi. En restant la fille de Ganondorf, la sœur de ses autres fils et filles, je m’arrange de telle sorte que l’on ne puisse vous faire du mal. Car vois-tu, si l’on vous en faisait alors on m’en ferait aussi, et la politique du trône veut que chaque frère ou sœur peiné soit vengé.
Toutes mes actions sont hautement critiquables et libre à toi d’entretenir de la rancœur envers moi.

S’il fallait te prouver aujourd’hui ma fidélité envers toi en mourant, je le ferais. Te perdre me serait bien plus insupportable que d’embrasser la mort…

Je n’ai toujours existée que pour Arkhams et je me rends compte aujourd’hui que c’est un tort.
Pardonne-moi d’avoir succombé à mes passions…
»


Astre


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(vide)

Le visage de Tsubaki se défit à ses mots ; on aurait cru qu’elle se ratatinait et qu’une fois son enveloppe charnelle décompressée en un petit tas ridicule, son âme s’envolerait vers des horizons plus cléments où l’œil méchant et la langue acérée de son compagnon d’autrefois n’auraient aucun effet. Astre, quant à lui, ne pouvait pas poser les yeux sur elle. Il avait oublié de rajouter une phrase à son amie, en plus de la répétition du « Je serais mort pour vous ». Il manquait la chute, car lui qui était tombé de si haut ne pouvait pas simplement utiliser un conditionnel pour décrire la situation vécue, l’enfer de sentiments qui l’avait consumé, qui avait rongé son âme et son corps comme une lèpre vulgaire. « Je suis mort pour vous. » Voilà ce qu’il avait omis de révéler ; sans le retour d’Arkhams à ses côtés, jamais n’aurait-il pu voir cette minuscule lueur au fond de ce tunnel sans fin, noir ; sans le retour d’Arkhams, il aurait continué à dépérir à petit feu, anatomie en état de marche mais l’esprit ailleurs, accablé, terrassé par tous les maux qui peuvent émerger de son existence ratée.

La jeune femme se mit à l’aise. Elle prit la peine de s’assoir, pour fuir la déconfiture faciale de son ami. Les larmes lui trempaient le regard, et les astres nocturnes rendaient lumineux les orbes lacrymaux. Tsubaki semblait lutter avec elle-même ; finalement, elle libéra le surplus d’air qui bloquait toute exclamation de sa part, pour déclarer une tirade qui promettait d’être longue et informative.


« Bien… Je vais te raconter l’histoire d’une Tsubaki que tu ne connais surement pas. Non pas celle de cette fière dame de haut rang mais plutôt celle de cette petite enfant perdue… »

Astre décida de la laisser s’exprimer, de se taire, de ne pas l’interrompre ; il resta debout, le chef presque incliné vers le sol pour laisser libre cours à la passion de ses yeux. Pendant qu’elle parlait, le Chevalier sentit ses membres se raidir, ses paupières tiquer, ses épaules le démanger. Tout ce qu’elle disait n’était pas faux, loin de là. Elle lui livrait sa vérité, sa vision des choses, le fait qu’elle vouât sa vie entière à son mari volage, qu’elle délaissât son frère d’âme le sinistre désastre humain, Astre le vilain… Elle lui raconta son refuge dans la forêt lorsque les Profondes Ténèbres finissaient de s’écrouler, vilipendées par toutes et par tous ; Arkhams qui n’était plus près d’elle, Withered volatilisée, Astre enfermé dans son rôle de prédicateur belliqueux. Sa foi s’était effondrée, son âme déchirée en mille n’avait pas pu supporter tous ces malheurs successifs, et elle avait préféré la fuite elle aussi. Elle avait mené son existence champêtre, à chasser et à ne subvenir à ses besoins vitaux que sous la forme réconfortante de la louve blanche. Withered était ensuite sortie des ombres pour la rappeler à son maître, et ensemble ils s’étaient à nouveau réunis pour ce qui devait être la réincarnation parodique des Profondes Ténèbres, nommée Croisade sanglante. Et puis, quand Arkhams et Astre avaient réapparu sous la bannière sordide de Flèche Noire, elle avait voulu les rejoindre, avant que tout n’éclate et ne brise les espoirs d’union. Elle lui parla alors de la compatibilité de son allégeance pour le Trône avec l’amitié qu’elle éprouvait pour lui (et l’amour violent et passionnel pour Arkhams). Elle lui jura qu’elle préférerait mourir plutôt que de voir le Chevalier noir enlevé à son être par les forces qui subjuguent le monde.

« …Je n’ai toujours existée que pour Arkhams et je me rends compte aujourd’hui que c’est un tort.
Pardonne-moi d’avoir succombé à mes passions…
» termina-t-elle, le regard brouillé et le corps quelque peu secoué.

Astre avait la bouche pâteuse ; sa salive était insipide, après toute cette harangue didactique sur les évènements et les explications qui avaient fait agir la Dame-Louve tout au long de cette année. Alors, Astre s’éclaircit la gorge pour la dérouiller de ses assaillantes émotions et répondre aux dires de son amie.

« Je conçois les difficultés que tu as endurées, je prends en compte l’amitié salvatrice de Withered dans ton état dépressif et la main tendue de mon ancien maître. Je suis conscient de tous les malheurs que tu as pu encourir par ma faute ou par celle de ton cher mari, et pour cela, j’en suis sincèrement désolé. Néanmoins, il est clair que tu as su mieux te refaire que moi. Je n’en suis pas jaloux, non, car je préfère ma maigre liberté à une prison dorée. Je t’aime, Tsubaki, comme une sœur, une amie et moi non plus je ne souhaiterais te perdre pour rien au monde. Je ne te pardonnerai pas d’avoir succombé à tes passions, car je suis un homme de passions. Le monde, s’il n’est dicté que de raison, finit par régler chaque action, prévoir chaque geste de chaque vivant. Les passions servent à entretenir les principes de vie, à promouvoir l’honneur d’un être humain et non son asservissement aux pouvoirs mis en place, que ce soit les pouvoirs royaux et dissidents comme les pouvoirs divins. Je te prie de m’excuser pour mes divagations d’homme malade, je suis un brin fatigué et je souhaiterais t’exposer mon entière vision des choses. Je me suis accroché à mes principes et c’est ce qui m’a épargné la servitude… et en même temps le bonheur. Mais je suis un homme de mœurs et ma conscience ne mérite aucune légèreté, car sans cette rigueur morale qui me fait agir que deviendrais-je ? Un pantin débauché adepte de la fornication sodomite, probablement… »

Le Chevalier noir se permit de tousser un peu, pour marquer une rupture avec son discours et pour s’empêcher de dénaturer son discours d’amitié en discours politique et moraliste.

« Ce que je veux te dire, c’est que ma conception du monde, je tente d’en faire l’application à chaque occasion. Voilà pourquoi j’ai eu du mal à vous rejoindre si vite, vous, fuyards et mécréants. Voilà pourquoi quand vous vous êtes détournés de moi j’ai pris tant de temps à vous retrouver. L’amitié a été plus forte que mes principes ; j’ai montré de la faiblesse, mais je ne le regrette point car je me retrouve auprès de mes frère et sœur préférés. Les seuls à partager ma folie… » Une larme brilla au coin de son œil droit ; on aurait dit, par les teintes sanglantes de son regard, qu’il avait de la lave dans les orbites. Démon de la forge, vampire mélancolique, assassin sensible.

« Je ne pourrais rêver que de cela : être à vos côtés. Mais mes principes continueront à me dicter ma conduite, et lorsque votre comportement à vous deux m’est dérangeant, pire encore me rend malade, je ne peux le soutenir et je me dois soit de vous en faire part, soit d’être en froid avec vous. Je suis comme cela, personne ne me changera. Veux-tu vraiment à nouveau d’un garde moral auprès de toi ? » Il tenta un sourire ; sa tirade pleine de grandiloquence lui était venue naturellement, il en était à la fois fier et honteux ; fier par la richesse qu’elle portait, honteux par la distanciation qu’il provoquait avec sa sœur en employant ce ton de journaleux. Que pouvait-elle répondre ?


Aurore


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« Je t’aime, Tsubaki, comme une sœur, une amie et moi non plus je ne souhaiterais te perdre pour rien au monde. »

Elle avait écouté ce qui avait précédé cette phrase ainsi que ce qui l’avait suivie mais cette dernière ne cessait de résonner dans sa tête. Elle avait beau fouiller sa mémoire, jamais on ne lui avait fait pareil déclaration. Arkhams lui avait avoué ses sentiments mais jamais en termes aussi directes.
C’était comme sortir d’un long coma. Se réveiller et se sentir plus vivant que jamais. Et maintenant qu’il lui avait dit cela, elle n’avait plus envie de cette dépression qui l’avait sournoisement envahit à la tombée du jour. Des gens étaient morts oui. Mais cela n’était pas de sa faute. S’il le fallait, elle irait voir toutes les plus horribles sorcières du monde pour conjurer la malédiction dont elle se sentait la victime.


Elle se releva, se rendant bien compte qu’Astre n’avait à l’évidence pas envie de s’asseoir. Elle se retourna vers lui, et fit glisser son doigt sous son œil, essuyant ainsi la seule larme qu’il avait versé. Elle plongeât ses yeux dans ses iris rouge sombre. Une lueur orangée y renaissait. Il avait presque retrouvé ses yeux d’antan, ceux qui l’avaient faite succomber au charme des forces ténébreuses.
Elle déposa un baiser sur sa joue, pour réveiller le cadavre qu’elle et Arkhams avaient créé. Pour qu’enfin, il revienne à la vie, lui qui les avait sauvés tous deux de la mort.

Enfin elle lui dit :


« Je t’aime parce que tu es qui tu es. Si tu avais abandonné tes principes, nous ne serions plus frères et sœurs. »

Elle lui sourit sournoisement afin d’insinuer un peu plus de vie en lui.


« Je serais plus qu’honorée de retrouver mon garde moral attitré. »

Et enfin, elle rit, de ce rire insouciant doté d’un pouvoir inestimable, celui de rendre à neuf un cœur bafoué, torturé, lacéré…

« J’ai hâte de voir ce que ta langue acéré et ma Dignité peuvent donner… » dit-elle d’une voix envoutante.

Et elle contempla alors son ami, dans l’espoir de le voir à nouveau comme avant, ce bel homme fier, à la chevelure noir, aux yeux rouges et au teint pâle.


Astre


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(vide)

Tsubaki le dévorait du regard, elle ne pouvait le quitter des yeux comme si le simple fait qu’elle changeât l’objet de sa concentration détruirait ce lien qu’elle était en train de recréer, comme si la fragilité du contact qui les unissait à nouveau dépendait de cet échange oculaire. Elle se releva promptement, et tua la tristesse de son ami directement à sa source. La larme broyée, les molécules d’eau éliminées par ce doigt assassin, laissa un visage de nouveau lisse et épuré de toute faiblesse.

Son amie fit alors une action insensée, étrange tant par le fait que ce soit la Dame-Louve qui la provoquât que par l’action en elle-même : elle l’embrassa sur la joue. Il plissa les sourcils, à l’évidence surpris.


« Je t’aime parce que tu es qui tu es. Si tu avais abandonné tes principes, nous ne serions plus frères et sœurs. »

Il commença à comprendre l’explication de ce geste ; cette preuve d’affection le rendait mal à l’aise et surtout il se rendait compte que cela clôturait la fin des niaiseries. Oui, il avait joué au cardinal de l’amour, l’amitié en cathédrale, j’ai mal à la joue gauche et je tends la joue droite. A présent, il était las de ce débordement poisseux de bons sentiments. Il ne le tolérait simplement que parce qu’il provenait de sa chère sœur, autrement il se serait tué et avec lui l’impitoyable porteur de miel.


« Je serais plus qu’honorée de retrouver mon garde moral attitré. »

Il sourit avec modération, satisfait qu’elle ne rejette pas son saint caractère, son fanatisme des plus extrêmes, et elle se joignit à cette marque d’apaisement qu’il arborait sur son visage affable en riant ; c’était une cascade libératrice.

« J’ai hâte de voir ce que ta langue acéré et ma Dignité peuvent donner… » ajouta-t-elle avec malice.

L’ambiguïté de ce baiser, de son discours, intriguait quelque peu le serviteur des grands idéaux, mais il ne s’en offusqua pas et cela l’amusait même. Maintenant qu’il s’était laissé panser des blessures vieilles de plusieurs mois, il adoptait une attitude droite et très solennelle, tant par ce silence mi respectueux mi orgueilleux que par les quelques mots d’une dignité absolue qu’il expulsa hors de ses lèvres reptiliennes.

« Tu ne seras pas surprise, si tu ne m’as pas oublié tout ce temps. Ma langue reste la même lorsqu’on la convie à se dégourdir ; elle ne refuse jamais une invitation proposée de bon cœur. »

Et il accompagna cette suite de mots par un ricanement affreux.


Aurore


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(vide)

Après qu’Astre eut conclus leur longue discussion, Tsubaki s’assit dans l’herbe. L’air été frais et elle commençait à frissonner.
Le preux Chevalier eut la délicatesse de faire un feu. Après qu’il se fût assis en tailleur à côté de dernier, sa sœur, fatiguée se changeât en louve et s’approcha de lui.
Elle se laissa tomber à côté de lui et posa sa tête de canidé sur l’une de ses jambes et sombra dans un sommeil sans rêves.