Posté le 23/01/2015 13:40
Le paysage se faisait agréable à mesure que la neige tombait. Sans doute était-ce dû à cela, et à cette chanson qui avait une sorte d'effet apaisant. Eckard se sentait un peu plus à l'aise malgré sa condition de captif. Il n'avait toutefois pas l'intention de moisir ici. Rentrer au plus vite était une priorité.
Une poule finit par apparaître au loin, faisant retentir quelques caquètements par instants, se mêlant au chant des oiseaux, à l'écoulement de l'eau et aux coassements des grenouilles sur leurs nénuphars. La bête avançait innocemment, picorant ce qu'elle trouvait près des arbustes. Perdue sur le bord de la rivière ? Ou une ferme pas loin ? M'étonnerais pas qu'elle aie des dents, cette poularde, se dit le nordique en jetant son regard au-dessus de l'épaule du premier homme-poisson. Étrange pays.
Tout à coup l'officier Zora s'arrêta et fit signe de la main au groupe d'interrompre la marche. Il empoigna sa lance à l'aide de ses deux mains palmées et fit mine de se baisser sensiblement. « Sur vos gardes, chuchota-t-il. Quelqu'un approche. » En aussi peu de temps qu'il n'en faut pour le dire, les amphibiens s’exécutèrent et refermèrent l'emprise qu'ils avaient sur leurs lances et les prirent à deux mains, ne sachant ce qui allait se montrer. Le chasseur enchaîné se contenta de soupirer en levant les yeux au ciel. La route est déjà longue, et des ennuis nous tombent dessus. Vais-je jamais rentrer ?
Entre les arbres et les rochers, au loin, se dessinait une silhouette s'avançant, guillerette, cheveux au vent. Une femme d'après la brève analyse du barbu, d'aussi loin qu'elle se trouvait. Une seconde silhouette suivait de très loin la première. Celle-ci paraissait bien plus âgée que l'autre, extrêmement inquiète, voire même stressée. Le vieux gardait en permanence ses deux yeux fixés sur la première silhouette, comme un pervers en quête de la première pucelle bonne à trousser à l'horizon. La scène s'y apparentait beaucoup. Toutefois, au fur et à mesure de l'avancée de la première personne, on aurait plutôt dit que la seconde s'affairait à la surveiller de près, de peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Cocasse, ça. Les hommes-poissons n'avaient pas bougé, et attendaient l'arrivée des inconnus. Le vieillard restait en retrait, planqué derrière un arbre, tandis que l'autre arrivait en s'adressant d'abord aux geôliers du nordique, puis à lui dans un second temps. Eckard vit cette personne d'assez près maintenant, et son regard fut comme pris d'une pseudo-stupeur en le voyant. Quelque chose dans le physique de cet homme, ou cette femme, l'avait profondément interpellé. Sa bouche s'ouvrit et avant même que celle-ci n'émette le moindre son, le capitaine Zora prit la parole : « Nous escortons cet humain...
- Depuis quand les vagabonds s'intéressent-ils aux prisonniers ? Coupa le garde à la langue bien pendue.
- Un vagabond bien habillé, par ma foi ! Probablement de haute naissance, lança un troisième. Le nordique avait toujours cet air étonné. Il détaillait le nouvel arrivant tout autant que ce dernier ne semblait le faire avec lui. Ses traits étaient fins, mais plus fin encore, rachitique même, son corps. De même que ses cheveux qui lui tombaient le long du dos, agrémentés par la légère brise qui soufflait ce matin. Et des yeux vert de jade, profonds comme ceux d'une vipère prête à bondir sur sa proie pour lui insuffler le venin de la défaite. Des exhalaisons toxiques, vapeurs mauves, auraient bien pu s'échapper de cet individu, ce qui aurait expliqué que les Zoras le sente avant même de le voir. Mais il n'en était rien. Sont-ils ainsi, les hommes du Sud ? Quoiqu'il s'agisse là d'un Sud pas si méridional que ça. Après tout, il savait qu'aucune neige ne tombait sur les terres du soleil. Hyrule tenait probablement plus du pays tempéré, quoique le climat frais devait en faire une terre appartenant tout de même un minimum au Nord. La neige tombe. Eckard était loin d'être habitué à un tel physique, pour un garçon. Les hommes du Nord étant généralement forts de corpulence, bourrus, poilus et barbus. Celui-là ressemble plus à une femme. Eckard s'apprêtait de nouveau à prononcer un mot, mais l'officier fut encore une fois plus preste que lui. « Vous me ferez le plaisir de ne plus m'interrompre lorsque je parle, vous deux, adressa-t-il à ses congénères, non content de leur intervention. Nous sommes tenus de ne pas discuter de cette affaire, elle ne regarde que nous, êtres de la rivière, adressa-t-il à l'homme bien habillé. Vous êtes sur les terres Zora. Qui êtes-vous et que faites-v... » L'amphibien n'eut guère le loisir de terminer sa phrase, car on venait une fois encore de l'interrompre. Mais il s'agissait du chasseur, cette fois. « Êtes-vous un homme-serpent ? La question avait quelque chose de sarcastique. Pardonnez mon... audace, monseigneur », continua le barbu en effectuant une révérence des plus maladroites qui pouvait assurément se montrer insultante pour celui envers qui elle était destinée. L'homme se redressa rapidement en faisant cliqueter ses fers et reprit : « Votre apparence m'est obscure, je n'ai jamais vu un homme tel que vous. Aussi me demandais-je... des hommes-poissons ici, des grenouilles là-bas, et maintenant vous, un homme-serpent ou que sais-je ! Ce pays est-il un aquarium ou un vivarium géant ? » Le nordique s'interrompit un instant. Tout le monde le dévisageait et un silence de mort régnait. Il finit par reprendre au bout de quelques secondes, avant que quiconque n'ait put dire quoi que ce soit. « Voyez, dit-il en mettant ses chaînes en évidence. J'arrive dans la demeure de ces hommes à nageoires et à la douce voix, et voilà qu'ils me capturent comme le dernier des mécréants, me soumettent à un interrogatoire en brandissant leurs piques... Oh, un peuple charmant, s'il en est ! Ces bons samaritains se sont proposés de m'escorter chez moi, à présent. Vous joignez-vous à nous ? »
Le Zora à sa droite lui administra un coup suffisamment fort dans le ventre pour le faire tomber dans la boue. Un coup de pied dans le flanc lui informa ensuite qu'il était allé un peu trop loin. « Cesses un peu tes simagrées !
- Laisses-le tranquille, par les Trois ! Veux-tu nous faire passer pour des barbares ? »