Oncques ne se dissipent les flocons

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Eckard Falskord


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(vide)

La petite troupe qui venait à peine d'être formée commençait à dévaler les bandes de terres virevoltant comme des racines à la sortie du Domaine Zora. Ces choses, similis des vastes branches d'un vilebrequin fossile déraciné du sol, paraissaient s'affaisser d'un moment un l'autre. Pourtant elles ne bougeaient pas, paralysées comme l'étaient, captives, les deux pognes de l'homme. Les chaînes lui rongeaient la peau à force de se frotter contre le métal froid, aussi avait-il déjà de belles rougeurs aux poignets qui n'allaient sûrement pas se faire prier pour se fendre et faire couler quelques gouttes de sang. Dans quelle merde t'es-tu foutu, mon gars ? En-dessous des bandes de terres crochues coulait la rivière. Celle même dans laquelle se jetait violemment la cascade-porte de tout à l'heure. Le nordique dont le regard se portait en-dessous de lui avait presque un début de nausée et des vertiges en voyant ce cours d'eau. La direction était toute simple d'après ses geôliers : il fallait suivre le cours de la rivière pour arriver à la plaine, puis longer la bordure Est et Sud afin d'arriver à destination. La route devait être très longue, mais l'homme ne posa aucune question quant à ce sujet.
D'après les dires des hommes à nageoires, la Rivière Zora faisait le tour complet du pays pour remonter par des chemins souterrains sous la forêt et vers le Nord pour retourner à la mer lointaine.
Eckard observait le ciel matinal qui lui agressait quelque peu les yeux. Claire, d'un bleu quasiment blanc, la voûte céleste abritait actuellement un froid presque similaire à celui de Fröstvalland. La couleur lui était bien familière, et aucun nuage n'était visible en-haut. La brise lui chatouillait la moustache, froide, roide, ténue. Familier aussi, ça. Mais il fait encore bien bon ici. Moins chaud que dans le puits infernal de ces poiscailles de malheur.


« Est-ce certain que l'homme-ours ne puisse se servir de ses griffes et de ses crocs ? De quelle vilenie est-il capable, même les mains liées ?
- Regarde, répondit le prisonnier en touchant le pommeau de Polaire, sans parvenir à la sortir du fourreau. Impossible. C'est à peine si je lève dix centimètres de la lame.
- Laissons, il est aussi vulnérable qu'une mouche près du feu. »
La plaisanterie sembla amuser les Zoras, et l'un de ceux qui se trouvaient derrière lui le poussa pour qu'il reprenne la route. Eckard se remit en marche sans le moindre mot.
La formation était loin d'être banale. Celui qui semblait être le capitaine de cette petite troupe d'hommes-poissons marchait tout devant, tandis que les deux qui venaient de prendre la parole se tenaient plus ou moins autour du barbu. Ces deux-là tournaient devant, derrière, à droite et à gauche d'Eckard, se déplaçant en fonction du terrain et des obstacles. Le dernier des quatre fermait la marche derrière les autres, tantôt en formation de croix, tantôt à la queue leu leu.

Le paysage changea au bout d'une trotte d'au moins trois quarts d'heure. Les espèces de racines terreuses et herbeuses sur lesquelles ils se déplaçaient avaient disparu dans le sol pour enfin dévoiler un terrain plat. L'eau suivait toujours son petit sentier sinueux, creusé de quelques centimètres en-dessous du niveau du sol. Le clapotis aquatique avait quelque chose d'apaisant. Quelques grenouilles croassaient, perchées sur des nénuphars, et sautaient à l'eau pour resurgir quelque part plus loin.
Eckard essaya tant bien que mal de foutre une main dans sa poche droite. Difficile entreprise avec ces chaînes. Il y parvint néanmoins et en retira un pendentif de bois en losange nacré de ce qui ressemblait fort à une fine couche de glace. Un gel qui ne fondait pas. L'objet était froid. Froid mais intact. Tel qu'il l'avait laissé à sa fille en quittant le pays. Comment s'était-il de nouveau retrouvé entre ses mains ? Il était persuadé de ne pas l'avoir récupéré. Qu'importe. Ne pense pas à ce qui te pourrait blesser. Le barbu contempla son oeuvre pendant un court instant de marche puis leva les yeux au ciel. Des flocons de cristal commencèrent à choir, se posant sur l'objet qui trônait dans ses mains. Le chasseur ferma les yeux quelques secondes, la neige lui rappelait son pays, et Bourg-Froid. Tu es bien loin de chez toi, mon vieux. Les Zoras eux aussi avaient remarqué le changement climatique.


« L'hiver ! Celui-ci promet d'être rugueux. Il va falloir se passer d'eau pendant un bon moment, si nous voulons éviter de finir gelés sur place, mes frères. »
Les autres ne répondirent rien pendant un temps. Puis le Zora de derrière, celui qui parlait le moins, se mit à chanter une chanson que les autres accompagnèrent de leurs voix enchanteresses, résonnant dans les lieux, s'imprégnant de la nature, coulant comme le flot de la rivière.
« La belle rivière chante,
S'écoule, bleue et fuyante,
Dans la boue, nous piétinons
Lointaine est la destination !

Mais qu'importe la dureté
Du temps et des dangers !
Car la route est devant,
Il nous faut la suivre céans !

Les arbres bruissent
Et le vent glisse
Là où vont nos pas
Pour nous guider ici, et là-bas !

Au retour, nous chanterons encore
Avec la faune et puis la flore,
Mais la route n'est pas finie,
Nous avons le jour, nous avons la nuit ! »

On aurait pu dire que la chanson faisait intégrante partie du paysage, de la nature. Le nordique se dit que finalement, ces hommes-poissons qui l'accompagnaient n'étaient peut-être pas si désagréables que ça.


Pyrope


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(vide)

« Pourquoi n’irais-tu pas te promener un temps ? Là où tu pourras chanter à haute voix sans risquer de faire entendre ton don. Toi qui rêve d’aventure, va ! Cela te fera du bien, mon fils. »
_______________

En effet, quelle « aventure » cela avait été. Ses parents ne devaient pas se rendre compte. Confinés dans leur vie de petits nobles sans trop de relief, ils ne devaient pas avoir conscience que ce n’était pas non plus infranchissable de parcourir tout le pays. Bien sûr, Hyrule était en guerre, et il était peu sûr de voyager en ces temps obscurs. Mais… Non, c’était inutile. Il ressassait cela depuis son départ. Il observait depuis un long moment le paysage défiler, avec lassitude, alors que la carriole craquait et peinait, à force d’heures de route, à les mener à bon port, lui et le majordome emporté pour l’occasion, qui semblait plus nerveux que son maître ne l’était. Quelle idée, à ses yeux, de décider d’un tel parcours alors que les sbires du Mal étaient partout ! Et que se passerait-il s’ils tombaient sur l’un d’entre eux ? Peut-être seraient-ils tués ? Réduits en esclavage ? Il ne savait pas se défendre, lui !

« - Pas de panique, Renis… »

La voix suave de l’aristocrate fit sursauter son employé, alors qu’il posait ses yeux sur le jeune homme, toujours dans sa contemplation.

« - Je… Je suis désolé, Monseigneur, mais comprenez que je sois un peu…
- Oh-là, Messeigneurs ! Nos chemins se séparent ici ! » leur lança le cocher alors qu’il arrêtait la diligence juste à côté de la rivière. « Je ne vais pas plus loin, c’est trop dangereux, et j’en ai déjà beaucoup demandé à mes bêtes pour aujourd’hui. »

Ailill attendit que son domestique vienne l’aider à descendre, et alla s’approcher des chevaux en question, les caressant rapidement. Il était vrai que les pauvres avaient l’air épuisés. Un peu comme Renis une fois que les quelques bagages emportés par le duo étaient retirés de la charrette et posés au sol. De quoi rester quelques temps. Cela aussi échappait complètement au serviteur. Pourquoi un noble tel que l’héritier Sylvere voudrait se perdre en plein hiver, dans le froid, sous la neige, près de l’eau ? Et surtout, pourquoi était-ce à lui de l’accompagner ! Lelga aurait été une bien meilleure alliée dans cet endroit inhospitalier.

L’avancée sur les bords de la Rivière se fit tout en douceur. Après tout, le noble ne voulait en aucun cas fatiguer son pauvre camarade. Lui ? Pourquoi aurait-il eu un souci avec la route ? Les préjugés sur les plus fortunés le faisaient toujours rire. C’était si simple de tromper l’ennemi. De se faire passer pour une petite poupée de porcelaine, frêle et fragile, qu’il fallait protéger et ne surtout pas malmener. Son physique et sa voix l’y aidaient beaucoup. On ne soupçonnait pas un seul instant que le brun puisse, à un moment ou à un autre, se retourner contre nous avec une facilité déconcertante. Il n’avait aucun proche. Pas d’amis, et ses parents comme seule famille. Rien à perdre et tout à gagner. Alors, une « trahison » ou deux, ce n’était pas ce qui allait lui coûter cher du tout.

Ils s’arrêtèrent et posèrent leurs affaires dans un coin. Ce serait ici qu’ils resteraient un temps. Un endroit sans particularité, simple et clair, où on avait une pleine vue sur une partie de l’eau, et où le ciel n’était caché par rien. Renis s’assit lourdement au sol. Il ne tenait plus sur ses jambes. A sa cinquantaine passée, il n’en pouvait plus des semi-caprices de ses employeurs. Et ça, le fils de ces derniers le savait bien. Mais il n’avait qu’à partir, s’il ne supportait plus, enfin. S’il trouvait mieux ailleurs, toutefois. Dans ces temps difficiles, rien ne garantissait cela. Alors c’était cruel, mais il agirait toujours de la même manière.

« … qu'importe la dureté
Du temps et des dangers !
Car la route est devant,
Il nous faut la suivre céans !

Les arbres bruissent
Et le vent glisse
Là où vont nos pas
Pour nous guider ici, et là-bas !

Au retour, nous chanterons encore
Avec la faune et puis la flore,
Mais la route n'est pas finie,
Nous avons le jour, nous avons la nuit ! »

Les deux hommes relevèrent vivement la tête, cherchant du regard les voix chantant non loin. C’était clair, beau. Parfaitement ce qu’Ailill appréciait. Après quelques minutes de recherche, l’émeraude de ses yeux accrocha plusieurs silhouettes se dessinant à quelques mètres. Leur nombre et leurs formes l’intriguèrent. Bien sûr, il n’était pas surprenant de croiser des Zoras à la rivière portant leur nom, mais en si grand nombre…

« - Monseigneur… !
- Du calme, Renis, par les Déesses… »


Un vif mouvement de main indiqua au majordome que ses jérémiades l’importunaient excessivement. Il n’en pouvait plus de ses longues plaintes, de ses petits geignements ridicules. On aurait dit un piaf dans les griffes d’un chat ! Ce n’étaient que des gens qui arrivaient, pas le Seigneur du Malin en personne, par tous les Saints ! Ses sourcils se froncèrent cependant, lorsque la cinquième ombre se fit plus nette. Il n’avait rien d’un homme-poisson. C’était même un homme… Normal – si toutefois on ne qualifiait pas les Zoras comme un peuple « normal » –.

« - Eh bien… ? Raccompagnez-vous un visiteur surprise venu vous saluer ? »

Il détailla un peu plus le pauvre type enchaîné. Un barbu aux cheveux longs et aux yeux bleus, habillé de divers vêtements qui, il en était certain, n’étaient pas du coin. Amusant… Et très intéressant pour lui. Il comptait bien ne pas laisser partir ces gens trop rapidement. Un sourire charmant étira ses lèvres, et fit pâlir le domestique plus loin. Il connaissait cet air. Ca n’allait pas recommencer !

« - Mon pauvre. Depuis combien de temps êtes-vous attaché de la sorte ? Vous devez souffrir. » adressa-t-il au gaillard en ignorant volontairement les gardes aquatiques.


Eckard Falskord


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(vide)

Le paysage se faisait agréable à mesure que la neige tombait. Sans doute était-ce dû à cela, et à cette chanson qui avait une sorte d'effet apaisant. Eckard se sentait un peu plus à l'aise malgré sa condition de captif. Il n'avait toutefois pas l'intention de moisir ici. Rentrer au plus vite était une priorité.
Une poule finit par apparaître au loin, faisant retentir quelques caquètements par instants, se mêlant au chant des oiseaux, à l'écoulement de l'eau et aux coassements des grenouilles sur leurs nénuphars. La bête avançait innocemment, picorant ce qu'elle trouvait près des arbustes. Perdue sur le bord de la rivière ? Ou une ferme pas loin ? M'étonnerais pas qu'elle aie des dents, cette poularde, se dit le nordique en jetant son regard au-dessus de l'épaule du premier homme-poisson. Étrange pays.

Tout à coup l'officier Zora s'arrêta et fit signe de la main au groupe d'interrompre la marche. Il empoigna sa lance à l'aide de ses deux mains palmées et fit mine de se baisser sensiblement.
« Sur vos gardes, chuchota-t-il. Quelqu'un approche. » En aussi peu de temps qu'il n'en faut pour le dire, les amphibiens s’exécutèrent et refermèrent l'emprise qu'ils avaient sur leurs lances et les prirent à deux mains, ne sachant ce qui allait se montrer. Le chasseur enchaîné se contenta de soupirer en levant les yeux au ciel. La route est déjà longue, et des ennuis nous tombent dessus. Vais-je jamais rentrer ?
Entre les arbres et les rochers, au loin, se dessinait une silhouette s'avançant, guillerette, cheveux au vent. Une femme d'après la brève analyse du barbu, d'aussi loin qu'elle se trouvait. Une seconde silhouette suivait de très loin la première. Celle-ci paraissait bien plus âgée que l'autre, extrêmement inquiète, voire même stressée. Le vieux gardait en permanence ses deux yeux fixés sur la première silhouette, comme un pervers en quête de la première pucelle bonne à trousser à l'horizon. La scène s'y apparentait beaucoup. Toutefois, au fur et à mesure de l'avancée de la première personne, on aurait plutôt dit que la seconde s'affairait à la surveiller de près, de peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Cocasse, ça. Les hommes-poissons n'avaient pas bougé, et attendaient l'arrivée des inconnus. Le vieillard restait en retrait, planqué derrière un arbre, tandis que l'autre arrivait en s'adressant d'abord aux geôliers du nordique, puis à lui dans un second temps. Eckard vit cette personne d'assez près maintenant, et son regard fut comme pris d'une pseudo-stupeur en le voyant. Quelque chose dans le physique de cet homme, ou cette femme, l'avait profondément interpellé. Sa bouche s'ouvrit et avant même que celle-ci n'émette le moindre son, le capitaine Zora prit la parole :
« Nous escortons cet humain...
- Depuis quand les vagabonds s'intéressent-ils aux prisonniers ? Coupa le garde à la langue bien pendue.
- Un vagabond bien habillé, par ma foi ! Probablement de haute naissance, lança un troisième. Le nordique avait toujours cet air étonné. Il détaillait le nouvel arrivant tout autant que ce dernier ne semblait le faire avec lui. Ses traits étaient fins, mais plus fin encore, rachitique même, son corps. De même que ses cheveux qui lui tombaient le long du dos, agrémentés par la légère brise qui soufflait ce matin. Et des yeux vert de jade, profonds comme ceux d'une vipère prête à bondir sur sa proie pour lui insuffler le venin de la défaite. Des exhalaisons toxiques, vapeurs mauves, auraient bien pu s'échapper de cet individu, ce qui aurait expliqué que les Zoras le sente avant même de le voir. Mais il n'en était rien. Sont-ils ainsi, les hommes du Sud ? Quoiqu'il s'agisse là d'un Sud pas si méridional que ça. Après tout, il savait qu'aucune neige ne tombait sur les terres du soleil. Hyrule tenait probablement plus du pays tempéré, quoique le climat frais devait en faire une terre appartenant tout de même un minimum au Nord. La neige tombe. Eckard était loin d'être habitué à un tel physique, pour un garçon. Les hommes du Nord étant généralement forts de corpulence, bourrus, poilus et barbus. Celui-là ressemble plus à une femme. Eckard s'apprêtait de nouveau à prononcer un mot, mais l'officier fut encore une fois plus preste que lui. « Vous me ferez le plaisir de ne plus m'interrompre lorsque je parle, vous deux, adressa-t-il à ses congénères, non content de leur intervention. Nous sommes tenus de ne pas discuter de cette affaire, elle ne regarde que nous, êtres de la rivière, adressa-t-il à l'homme bien habillé. Vous êtes sur les terres Zora. Qui êtes-vous et que faites-v... » L'amphibien n'eut guère le loisir de terminer sa phrase, car on venait une fois encore de l'interrompre. Mais il s'agissait du chasseur, cette fois. « Êtes-vous un homme-serpent ? La question avait quelque chose de sarcastique. Pardonnez mon... audace, monseigneur », continua le barbu en effectuant une révérence des plus maladroites qui pouvait assurément se montrer insultante pour celui envers qui elle était destinée. L'homme se redressa rapidement en faisant cliqueter ses fers et reprit : « Votre apparence m'est obscure, je n'ai jamais vu un homme tel que vous. Aussi me demandais-je... des hommes-poissons ici, des grenouilles là-bas, et maintenant vous, un homme-serpent ou que sais-je ! Ce pays est-il un aquarium ou un vivarium géant ? » Le nordique s'interrompit un instant. Tout le monde le dévisageait et un silence de mort régnait. Il finit par reprendre au bout de quelques secondes, avant que quiconque n'ait put dire quoi que ce soit. « Voyez, dit-il en mettant ses chaînes en évidence. J'arrive dans la demeure de ces hommes à nageoires et à la douce voix, et voilà qu'ils me capturent comme le dernier des mécréants, me soumettent à un interrogatoire en brandissant leurs piques... Oh, un peuple charmant, s'il en est ! Ces bons samaritains se sont proposés de m'escorter chez moi, à présent. Vous joignez-vous à nous ? »

Le Zora à sa droite lui administra un coup suffisamment fort dans le ventre pour le faire tomber dans la boue. Un coup de pied dans le flanc lui informa ensuite qu'il était allé un peu trop loin. « Cesses un peu tes simagrées !
- Laisses-le tranquille, par les Trois ! Veux-tu nous faire passer pour des barbares ? »


Pyrope


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(vide)

Aux premiers mots des soldats de l’Eau, le noble ajusta avec une certaine fierté la cape recouvrant ses fines épaules, faite d’un velours vert pâle. Posée sur sa robe blanche et dorée d’héritier de bonne famille, cela lui donnait une allure quasi céleste, ses longs cheveux de jais battant le tissu avec la légère brise se faisant sentir. D’ailleurs, celle-ci faisait parvenir à son délicat odorat un parfum des plus surprenants. Si la Rivière et ses plantes lançaient parfois leurs effluves naturels, il en était de même pour les hommes-poissons. Ce n’en était pas réellement agressant, malgré la distance réduite entre eux, mais il ne se gêna pas pour afficher une brève grimace, juste assez pour, peut-être, piquer les officiers du peuple aquatique. C’était sans douce cela, l’odeur que prenaient les choses qui barbotaient trop longtemps. Il faudrait penser à ne plus prendre de bains un peu trop longs !

Son sourire doux revint sur son beau visage dès que celui semblant être le plus haut gradé remit sans peine à leurs places les trois autres. Il ne fallait pas contrarier son supérieur… Ca pouvait mal se finir. Et puis, ne devait-on pas un profond respect à la noblesse ? La moindre des choses serait de bien se comporter face à l’un de ses représentants. Leur attitude était vraiment amusante pour lui, en tant que spectateur. Mais pour une fois, n’avait-il pas un peu envie d’être acteur ? C’était donc ce que craignait Renis, tapotant dans son coin ses doigts d’une main sur le dos de la seconde avec une nervosité telle qu’elle en émanait presque en aura autour de lui. Si son jeune maître était toujours parvenu à se ficher dans des situations improbables, cette fois, il avait fait fort. L’armée Zora conduisant un prisonnier. Une petite partie des forces, certes, mais une partie tout de même. Combien de chances y avait-il pour que cela arrive le jour où il était contraint et forcé d’accompagner le descendant des Sylvere ? Ah ! Vraiment, il n’avait pas de chance… Si la petite Lelga avait pris sa place, elle aurait soutenu le successeur bien mieux que lui. Sous ses airs de domestique simple et fragile, elle était une force de la nature, élevée à la dure dans la campagne profonde ! Alors pourquoi lui, par les Déesses ?! Pourquoi lui pour endurer les divertissements hasardeux de l’aristocrate ?

Justement, celui-ci se contentait d’écouter attentivement les discours qu’on lui servait. Tantôt celui du chef à écailles, qui ne l’intéressa pas outre mesure, tantôt celui du captif, qui venait de couper l’élan du premier – qui devait bien en avoir assez d’être arrêté –. En entendant sa première question, puis ses excuses, et enfin en voyant sa révérence qui fit inspirer Renis d’une façon bien audible – qu’il s’inquiétait facilement, celui-là, alors ! –, Ailill leva un sourcil et croisa les bras. Qu’était-ce donc que cela ? Ce petit jeu que lui offrait le barbu. Il lui paraissait tout aussi comique qu’à peine ridicule. Une nouvelle fois, un large sourire vint étirer ses douces lèvres. C’était peut-être même encore plus intéressant qu’il ne le croyait. Finalement, peut-être avait-il bien fait de venir. Peut-être allait-ce être une véritable aventure… Peut-être allait-il même pouvoir jouer les Anges. Au moment où l’idée lui traversa l’esprit, le pauvre prisonnier reçut un coup qui fit sursauter le brun. Il fronça les sourcils, s’avançant finalement vers le petit groupe.

« - Arrêtez, je vous prie, aucune violence inutile. »

S’il trouvait cela divertissant de temps en temps, c’était lâche que de s’en prendre à un homme attaché. Surtout qu’il n’avait pas l’air bien méchant. Sans doute se sentait-il plus perdu qu’autre chose. Il passa aux côtés de l’un des gardes, s’agenouillant auprès du détenu – et manquant de faire faire une crise cardiaque à Renis, évidemment –.

« - Si être accompagné par un aristocrate vous fait vous comporter correctement, alors très bien. Renis ! Reprends nos affaires, nous partons.
- Monseigneur !? Mais… Nous venons d’arriver, et nous n’allons tout de même pas repartir avec… »


Le regard d’émeraude posé sur le majordome le fit se stopper brutalement. Ce regard sombre et pourtant si particulier, ravissant, comme celui… D’un serpent, brillant dans l’obscurité. Oui, l’homme enchaîné avait trouvé la comparaison idéale.

« - Bien, Monseigneur… » se contenta de répondre le domestique.


Eckard Falskord


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(vide)

Eckard tentait de se relever avec difficulté, et sans succès concluant, jouant des coudes et des genoux dans l'herbe et dans la fange. Le coup de poing au ventre l'avait plus surpris qu'autre chose. En revanche, le coup de pied dans le flanc fut plutôt douloureux, en comparaison. Frapper un homme à terre, honorable ça, se dit-il, le faciès crispé par la douleur. L'un des hommes-poissons lui attrapa un bras et le souleva pour le remettre sur pieds. L'action eut pour effet de lui meurtrir un peu plus les poignets, liés par ces fers embêtants. Foutue chaîne de merde.

Heureusement qu'elle était là, cette chaîne. Qui sait ce que le nordique aurait pu infliger à ces satanés poiscailles ? Il ne le savait lui-même, mais Polaire aurait goûté des arêtes et bu du sang. Aussi l'homme ne céda-t-il pas à la colère. Quel intérêt après tout ? Il était dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit. Quoique... Lever sa lame était impossible, mais les Zoras semblaient avoir complètement omis l'existence du couteau de chasse qu'il avait également à la ceinture. Celui-là, il pouvait l'attraper en l'en sortir du fourreau. Aussi avait-il effectué cette vérification lors de la marche, quand ses geôliers n'étaient plus trop attentifs.

Le barbu pouvait donc se saisir de son couteau. Quelle aurait été sa joie si ses liens n'étaient pas de métal faits ! Hélas. D'aucun secours. Mais ce jeune garçon... il pouvait certainement lui venir en aide. Connaissait-il le pays aussi bien que ces bestioles aquatiques ? Le chasseur devait impérativement s'en assurer. Sa condition de prisonnier ne le rendait à vrai dire pas très jouasse. D'autant plus que les Zoras pouvaient se montrer extrêmement dangereux, du peu qu'Eckard en eut déduit. Et au nombre de quatre, cela n'était guère pour le rassurer. Pouvait-il seulement s'en sortir par la fuite ? Si seulement je connaissais leurs routes, leurs cachettes ! Aucun moyen de leur échapper. L'homme sentait de plus en plus que sa seule échappatoire résidait dans le garçon.


« Nous avons notre mot à dire, commença un Zora en s'avançant d'un pas ; celui qui, habituellement, n'était pas bien bavard. Vous ne pouvez vous joindre à nous.
- C'est exact. Nous ne vous connaissons nullement, continua l'officier. Aussi n'avons nous pas la moindre confiance à vous accorder. Cette mission est sensée être effectuée avec discrétion. Aussi alléchante que puisse paraître la proposition de l'humain, qui n'a soit dit en passant aucune autorité sur nous, nous ne ferons pas la route en votre compagnie. Le tout ayant été débité d'un ton sec, certes, mais courtois. Aussi charmante qu'elle puisse être. Veuillez continuer votre chemin, nous continuerons le nôtre. »

Eckard haussa un sourcil en direction de l'homme à nageoires qui avait terminé de parler. Ses méninges travaillaient à toute allure pour se sortir de ce pétrin. Que risques-tu, après tout ? Ils vont te ramener chez toi. Mais quelle confiance pouvait-il leur accorder, également ? Et s'ils projetaient tout simplement de le jeter dans ce lac pour se débarrasser de lui ? Une idée qui ne lui paraissait pas si dénuée de sens que cela. Les Zoras n'avaient même pas pris la peine d'emmener la barque avec eux. À mesure qu'il réfléchissait, tout commençait à s'éclairer dans son esprit. Ils veulent me noyer dans ce lac et ne plus entendre parler de moi. L'affaire avait été expédiée en bien trop peu de temps à son goût, lors de l'interrogatoire. Cette princesse poiscaille avait bien dit qu'un étranger à Hyrule était fort malvenu par les temps qui couraient. Saloperie de bordel de merde.
Prendre un otage était inutile au vu de sa position, et complètement impossible qui plus est. Le chasseur avait bien aussi pensé se jeter dans la rivière pour déboucher plus loin et se débarrasser de ses geôliers, mais sans savoir nager et en ayant les mains liées... il faisait un bien piètre luron. D'autant qu'il se serait fait rapidement rattrapé, s'il allait dans l'eau.
Le peuple de l'eau continuait de discuter sur la pseudo-confidentialité de leur tâche, quand le nordique interrompit leur débit de parole :


« Les gars, cela devrait vous simplifier la tâche. Laissez ce jeunot m'accompagner au lac et vous rentrerez plus tôt dans votre caverne. Intéressant mh ? Vous ne vous gèlerez pas les écailles dans la neige et vous serez... au chaud chez vous. Chouette idée, non ?
- Aurais-tu perdu l'esprit ou bien nous prendrais-tu pour les derniers des imbéciles, homme ?
- Nous ne pouvons nous le permettre. Tu peux très bien tenter de t'enfuir ou de tuer ce garçon. » Visiblement la tentative n'avait pas l'air bien concluante. Que pouvait-il encore tenter pour se débarrasser d'eux ? Le chasseur regardait tour à tour chaque Zoras avec une lueur hargneuse dans le regard. On aurait presque dit un ours en colère, prêt à mettre un coup de patte à qui mériterait. Puis il inspira profondément pour effectuer l'un des plus longs soupirs qu'il eut jamais fait, ce qui eut pour effet de l'apaiser un peu.

« Comme je l'ai déjà dis à votre princesse, je ne veux qu'une seule chose, rentrer chez moi. »


Pyrope


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(vide)

Il se releva en même temps que le pauvre homme. Lui qui d’habitude avait quelques problèmes à ressentir quoi que ce soit pour les autres, il était maintenant pris d’une peine certaine en le voyant dans cet état. Battu, enchaîné, sans doute épuisé, et avec pour seul désir de rentrer chez lui. Qu’il pouvait le comprendre, aussi surprenant que cela puisse paraître. S’il était bel et bien un étranger, il devait être complètement perdu, et désespéré à l’idée de, peut-être, ne jamais revoir ses terres. Ou au moins, d’être libéré par ces bêtes de l’eau. D’ailleurs, ces derniers semblaient bien réticents à l’idée de le laisser les accompagner. Ces poissons pouvaient être durs en affaire. Rien d’étonnant. Les temps difficiles rendaient tout le monde méfiant, et même les Zoras, qui n’étaient pas forcément les plus agressifs, commençaient à se défendre plus radicalement. Mais il ne pouvait pas laisser cela arriver… Cet homme était innocent ! Franchement, avec son air paumé, ça se voyait, non ? Son seul crime était de s’être perdu dans le Domaine. Et il allait le sortir de là. Peu importe ce qu’il devrait faire pour cela.

C’était justement ce qui inquiétait Renis. Son maître, malgré sa vingtaine d’années, restait un enfant capricieux parfois. Et lorsqu’il voulait quelque chose, il l’avait toujours. Alors, il espérait vraiment que sa nouvelle lubie n’était pas de sauver ce gars qu’ils connaissaient à peine. L’héritier se mêlait encore une fois de ce qui ne le regardait pas. N’avait-il jamais peur de salir le nom de Sylvere ? Enfin… Ce type retenu captif, il avait quand même rencontré la Princesse Ruto elle-même ! Et elle-même avait donné l’ordre amenant à cette situation ! S’opposer à une famille royale en étant un simple petit noble, c’était de la folie !

Et ce fut exactement ce qu’Ailill se dit, aux derniers mots du prisonnier. La Princesse… Bien sûr, il n’avait jamais eu peur de se frotter à la couronne, mais il fallait être réaliste. Son rang ne lui permettait en rien de contredire son Altesse aquatique. Ni même aucune Altesse tout court, d’ailleurs. Croisant ses bras à sa poitrine, il prit son air le plus sérieux possible, son regard d’émeraude planté tel une lame bien aiguisée sur les soldats. Voilà, l’idée lui était venue, soudainement. Et il allait utiliser un bluff stupide… Mais qu’il espérait voir marcher. Au moins assez pour effrayer les officiers de la Rivière.

« - Très bien. Vous avez raison. Qui suis-je pour vous imposer ma présence, ou même, pour vous empêcher de livrer cet homme à son sort ? Après tout, certes, il est innocent, mais c’est à vous de décider ce qu’il adviendra de lui. Cependant, je sais que son Altesse, la Princesse Zelda, déteste tout particulièrement que les innocents soient traités de la sorte… Tout d’abord… »

Il s’approcha de nouveau pour saisir avec douceur les chaînes.

« Je ne pense pas qu’elle apprécie la façon dont vous l’entravez. S’il est innocent, pourquoi irait-il vous attaquer ? Je le pense assez intelligent pour ne pas se causer d’ennuis alors qu’il n’en a pas. N’est-ce pas, mon ami ? » dit-il en tournant les yeux vers l’étranger. « Croyez-moi… Je suis sûr qu’elle se sentira très concernée en lisant cela dans la missive que je vais lui envoyer au plus tôt. »

Il fit mine de réfléchir, croisant un bras pour remonter son autre main à son menton, tapotant ses lèvres de l’index.

« - Peut-être demanderai-je même une audience avec elle… !
- Monseigneur !! »


Renis avait accouru à ses côtés, manquant de tomber avec tous les bagages qu’il tenait dans ses mains. Alors là, non. Son maître était devenu fou. Aller devant la Princesse pour une histoire pareille ! Fou ! Juste fou ! Il allait définitivement se lancer dans quelque chose de trop grand pour lui !

« - Qu’y a-t-il, Renis ? Je me sens particulièrement touché par ce pauvre étranger, capturé par tout un peuple, et ne désirant que rentrer chez lui… Et je suis certain que lorsque je lui raconterai tout cela de vive voix, son Altesse le sera tout autant ! »

Le pauvre vieux sembla pâlir jusque sur ses vêtements, fixant le jeune héritier comme s’il était sur le point de s’effondrer. Non seulement, l’aristocrate s’était trouvé un nouveau passe-temps – et pas des moindres, par les Déesses ! Jouer avec la vie d’un homme ! Certes pour son bien, mais tout de même ! –, mais en plus… Il allait devoir l’accompagner dans tout cela. Non, cette fois, Lelga prendrait les rênes, un point, c’est tout !

« - M…Mais… !
- Autant que le nom d’Ailill Sylvere serve à quelque chose, non ? »


Être noble. C’était ça, l’intérêt. Il n’y en avait aucun autre. Et celui-là… Il était bien suffisant !


Eckard Falskord


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(vide)

Les paroles du jeunot semblaient avoir quelque peu troublé la troupe d'hommes-poissons. Les amphibiens se regardèrent, hésitants. Il était maintenant clair que le jeune homme était un noble. En attestait par ailleurs sa façon de parler. Et s'il n'en était pas un, tout du moins était-il de la haute. Cela, la présence de son majordome l'attestait. Sans compter la caravane, ou plutôt les chevaux dont elle était équipée, qui ne devaient certainement pas appartenir à un paysan.
Le problème étant que les hommes à nageoires avaient reçu des ordres directs de la part de leur princesse. Et cela devenait un problème bien plus grand encore si la garde royale apprenait l'existence d'un nouveau clandestin armé qui n'aurait pas été signalée par missive au château.


« L'absurdité de la situation me donne la migraine. Ne pourrait-on pas trouver une solution à tout cela, capitaine ?
- J'ai bien peur que non. Nos ordres nous viennent de la princesse et ils sont formels...
- Au diable la princesse ! Ce foutu étranger risque de nous attirer des ennuis par sa simple existence ! Et je n'ai guère l'envie de me faire taper sur les nageoires par la royauté Hylienne pour ternir la réputation que nous autres, Zoras, avons passé tant d'année à bâtir ! »

Un choix judicieux. Le gamin n'avait pas eu l'air de plaisanter. Qui donc pouvait-il bien être pour leur parler de la sorte et influer sur leur choix ?
Les Zoras passèrent quelques temps à s'expliquer entre eux, à voix basse. Les trois autres personnages ne s'insinuèrent guère plus que cela dans l'intérêt de leur conversation. Le barbu les regardait sans vraiment se soucier d'eux, ni de cet "Ailill Sylvere" qui lui paraissait de plus en plus douteux. Les hommes-serpents se jouent de leurs proies pour les capturer et les emmener dans leur tanière puis les dévorer vives. Foutu reptile !
Pour le chasseur, il fallait profiter de la situation jusqu'à trouver le bon moment qui lui permettrait de prendre la fuite. Vers où, il ne saurait le dire, mais ses pas le guideraient jusqu'à un endroit où il pourrait se défaire de ses menottes. Quoique l'idéal eut été de s'en débarrasser céans. Foutredieu, je suis dans de beaux draps. Il ne se prononça aucunement, se contentant d'observer d'un œil absent l'espèce de querelle que menaient ses geôliers, avant que ceux-ci ne se décident enfin quelques minutes plus tard.


« Notre décision est prise, annonça l'officier d'un ton sec, nonchalant, pincé. Et il nous est venu qu'il en serait mieux ainsi. Nous vous cédons le prisonnier. J'assumerai l'entière responsabilité de cet acte en cas de soucis. Est-ce bien entendu ? Témoigna-t-il à Eckard. Je me porte garant de vous, alors tâchez de vous montrer courtois. Le Zora redirigea son regard vers le garçon. Menez-le jusqu'aux gardes royaux et transmettez-leur le motif de notre mission. » Le Zora s'avança vers son prisonnier et le libéra de ses fers en plaçant une minuscule clé argentée dans la serrure des menottes. Le cliquetis de la libération retentit comme une véritable rédemption pour le nordique. L'amphibien lui prit ensuite la main pour y placer un objet tout aussi petit à l'intérieur. « Ceci fera office de preuve que vous avez bien séjourné dans la belle demeure du peuple de l'eau. Une preuve du message de notre mission, en outre. Gardez-la précieusement. L'homme-poisson fit signe à ses acolytes de reprendre la route vers leur domaine.

Ils s'en allaient enfin. En les regardant partir au loin, Eckard sentit comme un sentiment de culpabilité, un peu de tristesse quant au fait de devoir quitter ses compagnons auxquels il était pourtant persuadé de ne pas s'être attaché. Ils chantaient bien, ma foi. L'homme jeta alors un œil méfiant sur ce qui logeait dans le creux de sa main et sa surprise fut des plus inattendues. Le petit objet en question avait une forme triangulaire aux bords légèrement arrondis, bleu turquoise faisant miroiter les rayons du soleil en dispersant toutes ses couleurs comme celles d'un arc-en-ciel. Alors qu'Eckard Falskord s'attendait à une sorte de message signé de main de Zora, la preuve de son passage au domaine n'était finalement rien d'autre qu'une simple écaille de poisson rutilante.

Désespéré, il la rangea dans sa poche puis dirigea son attention sur le nobliau, puis sur la caravane. Pas de Lac Hylia, finalement. Mais les gardes royaux. Si ceux-ci s'avéraient autre chose que des poissons ou des reptiles, Eckard s'en tirerait plutôt bien. Il n'avait strictement pas bronché quant au revirement de situation. Le chemin serait peut-être plus long s'il devait "faire un arrêt chez les gardes", mais au moins se trouvera-t-il en présence de gens normaux. Et puis peut-être qu'il trouvera le moyen de se procurer un bateau. Retourner au Domaine Zora pour réclamer le sien lui donnait déjà la nausée.


« On y va quand tu veux, mon garçon. »


Pyrope


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(vide)

Victoire. L’homme aux yeux mêlé d’émeraude et de menthe à l’eau – tiens, l’eau revenait beaucoup, en ces temps – se sentait tellement bien. Puissant, même. Il pouvait tenir tête à des soldats sans problèmes. Nouveau palier dans son talent de persuasion. Un talent naturel qui n’avait pas besoin de son « don » pour réellement être exploité. Satisfait, il salua respectueusement – et peut-être un peu moqueusement – les hommes-poissons, les observant partir. Renis, dans son coin, était plus pâle que la pleine lune un soir où le ciel était dégagé. Son maître ne cesserait donc jamais de le surprendre. Cette assurance, cette grâce dans ses mots. Cette douceur pourtant piquante à chaque instant, dans son physique, sa voix. Finalement oui, le captif – ou plutôt ancien captif – avait bien cerné l’individu. Un homme-serpent, tantôt docile, tantôt sauvage. On ne pouvait pas faire confiance à ces choses-là. Et même s’il servait les Sylvere avec une dévotion sans égale, le majordome affirmait sans problème que leur héritier était une personne bien étrange.

« - Monseigneur, vous… Auriez-vous vraiment envoyé cette missive à la Princesse en personne ?
- … Pourquoi ne l’aurais-je pas fait… ? N’est-ce pas une motivation suffisante que le visage heureux d’un homme libre ? »

Il désigna justement ledit homme d’un geste délicat de la main, se tournant finalement vers lui. Rien n’y faisait : tout était plus beau, une fois libre. Déjà, ce gars avait bien moins l’air d’un ours. Bon, il avait toujours l’air d’un ours, mais plus d’un méchant ours comme dans les histoires pour enfant, non… Plutôt d’un gentil ours. Si toutefois ça existait. Oui, ça devait bien exister. Non ?

« - Permettez-moi de me présenter mieux que précédemment, mon ami… » dit-il en s’inclinant. « Je me nomme Ailill Sylvere, noble de la cour de son Altesse la Princesse Zelda. Et voici mon majordome, Renis. »

Le pauvre vieux effectua une courbette des plus maladroites, ses bras chargés des bagages de son jeune souverain, ses jambes flagellant encore de toutes ces émotions. Il devrait au moins rester alité deux bons jours avant de pouvoir reprendre son travail correctement. Et comment allait-il pouvoir expliquer aux parents du brun toute cette aventure ?! Il était fini. Fini. Un regard, et il comprit qu’il fallait prendre bientôt la route. Laissant son employeur avec son nouveau caprice – car clairement, ce pauvre type n’était qu’un caprice de plus sur une liste longue comme le pays tout entier, du moins, aux yeux du serviteur –, il fila tout préparer, alors que le brun reprenait avec un large sourire.

« - Alors… ? D’où venez-vous ? Comment est votre pays ? Comment êtes-vous arrivé ici ? Dites-moi tout, je veux tout savoir. Mais gardez-en un peu pour plus tard. Le voyage va être long. »

Une telle curiosité, enfouie dans un corps charmant et une allure noble. Ailill était vraiment un drôle de jeune homme. Pour son plus grand plaisir. C’était ennuyeux, d’être banal !


Eckard Falskord


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(vide)

Les Zoras s'en étaient allés, et il avait encore du mal à s'en rendre pleinement compte. Libre, enfin. Mais il s'agissait là d'une liberté bien relative et d'un tout autre sens, car Eckard se trouvait encore et toujours dans ce pays étranger, cet Hyrule. Des terres pour le moins absconses et habitées par d'insolites créatures. Son envie de quitter cet endroit se faisait de plus en plus pressante, maintenant qu'il avait enjambé la marche de la caravane et que celle-ci roulait avec lenteur. « Je viens d'un pays bien lointain, et bien froid. Et je suis arrivé ici par un malheureux hasard. » Froid comme le ton qu'il employait, sûrement. Le chasseur n'appréciait guère les manières du garçon, déjà bien familier au point de l'appeler "ami" et par deux fois ! Le jeune homme n'avait guère besoin de plus de détails pour le moment, aussi Eckard avait-il expliqué la situation aux hommes-poissons afin de se sortir du bourbier qu'ils pouvaient représenter. En revanche, qu'avait-il à y gagner en racontant son histoire au nobliau ? Le nordique n'était même pas encore certain des intentions de ce dernier, aussi valait-il mieux rester prudent. Encore se demandait-il pourquoi ce gosse lui était venu en aide, lui, un parfait inconnu. Quelque chose le mettait mal à l'aise, mais il n'aurait su dire quoi. Comme s'il s'attendait à être pris dans un piège insidieux d'un moment à l'autre, tant il s'en étant sorti aisément. Je ne dois pas rester là. Toutefois il ne connaissait guère les lieux. La rivière se dessinait toujours le long de la route, infinie, et le paysage ne changea que peu, jusqu'à ce que les grandes roches et les arbres déjà rares ne finissent par se resserrer sur la gauche.

On aurait dit que le paysage avait été autrefois creusé dans la roche. L'arrivée de l'eau ici a dû en être responsable, l'érosion traçant probablement sa route sur tout le long du chemin, jusqu'à ce que le niveau de l'eau baisse excessivement pour ne plus former que cette rivière. Puis l'herbe y aurait poussé, ainsi que ces quelques arbres. Le sujet de l'érosion se vit entièrement justifié lorsque la carriole s'approcha d'une ouverture là où les deux parois de roche se réunissaient. Alors, ils passèrent sous un petit tunnel au-dessus de la rivière qui bifurquait sensiblement sur la droite. Après une demi-douzaine de minutes environ, le tunnel prit fin. La lumière du soleil et la blancheur de la neige surgirent de nouveau aux yeux des passagers éblouis. Il devait assurément être midi.
Une gigantesque plaine nimbée de neige s'étalait à perte de vue. Les yeux d'Eckard suivirent la direction que prenait la rivière. Direction que prenaient d'ailleurs les chevaux. À l'horizon, en face, se dessinait une maigre pointe dirigée vers le ciel. Une tour, peut-être bien une ville. C'est là-bas que je dois aller.


« Ce n'est peut-être pas bien courtois, mais il me faut vous fausser compagnie. J'aimerais effectuer le reste du chemin seul. »

Sans même attendre une réponse du bourgeois, Eckard bondit hors de la caravane et partit dans la direction opposée. Non pas vers la rivière, mais vers un autre petit point à peine visible dans le lointain. Peut-être un autre village, ou quoi encore ? Son seul désir était de ne pas faire route avec des personnes en qui il ne pouvait avoir confiance, malgré le fait de l'avoir sorti du pétrin. C'est d'ailleurs pourquoi le barbu avait laissé à sa place sur la carriole, sa maigre bourse d'écus. Espérant aussi par là que le peuple d'Hyrule possédait la même monnaie, sinon tant pis. Au moins partait-il avec l'impression d'avoir dit "merci" bien que ce fut sans moindre mot. À vrai dire, le chasseur sentait un horrible flot de pensées et de souvenirs le submerger, ce qui accentua la brièveté de son départ. Revoir autant de neige lui avait automatiquement rappelé Fröstvalland et Bourg-Froid. Ses yeux bleu glace s'humectaient. Partir, il me faut partir ! Fausser compagnie ainsi pouvait vraiment passer comme malpoli, toujours étant qu'il n'avait aucun moyen de croire sur parole ce qu'on avait bien pu lui dire. Méfiance et défiance allaient de pair pour lui. L'homme courait, courait, et se rendit compte en voulant regarder en arrière, qu'il était déjà bien loin.



[HRP]Fin du RP.[/HRP]