La diplomatie n'est pas à portée de tous

Privé

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Withered


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(vide)

Voilà quelques temps déjà que la route de la Vipère avait croisé celle d’Astre et de Tsubaki. De nouveaux objectifs lui étaient apparus, et un espoir renaissait en elle. Bien qu’elle ne soit pas du genre à travailler en équipe, cette réunion qui aurait bientôt lieu était l’exception. Elle avait revu le chancelier quelques jours après avoir vu la Dame Louve, et ensemble ils avaient décidé qu’il était temps de faire un pas dans la bonne direction. La Gerudo avait laissé le Sheikah s’occuper des détails : il réfléchissait, elle exécutait. C’était toujours ainsi que les choses avaient fonctionné entre eux. Il était le stratège, elle était la lame. Il lui donna rendez-vous à la prochaine lune en aval de la Rivière Zora, et lui demanda de venir équipée. Tous les deux savaient ce que cela voulait dire.

Elle arriva la première. Elle revêtait sa tunique habituelle, ne laissant pas deviner ses lames à qui ne la connaissait pas. Liudia ne l’accompagnait pas ce soir, le chancelier avait été clair : leurs atouts pour ce soir serait la finesse et la subtilité. Les yeux mauves de Withered parcoururent les alentours. Quelques hommes se dressaient plus loin dans l’ombre, et il lui sembla entendre quelques ricanements. Ses sourcils se froncèrent. Il se pouvait que ces badauds la jugent inoffensive d’où ils se trouvaient, mais elle ne changea rien à son attitude.

Astre finit par arriver derrière elle. Elle inclina la tête à son approche, et lui emboita le pas quand il se dirigea plus en amont. Ils n’avaient pas besoin de parler. La confiance régnait, et leur étrange duo projetait une image assurée qui serait parfaite pour leurs interlocuteurs du soir.


Astre


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(vide)

Il était temps de débuter les opérations. Nous ne pouvions pas nous morfondre plus longtemps dans une attente qui immobilisait toute notre capacité à réfléchir et agir. Le destin n’est pas chose passive, il faut savoir en jouer, et j’étais virtuose en la matière. Mouvement, cadence, rotation : je composais un nouveau cycle, il n’était plus question de perpétuer cet état de léthargie dans lequel nous étions tous moisis de crainte. Pas la crainte de l’ennemi, car aucun n’est à ce jour parvenu à éveiller en nos grassouillets cervelas la moindre once de peur. Je parle de la crainte de l’action, la crainte de prendre. Eduqués depuis la naissance à la courtoisie, au laissez-passer, nous étions devenus par la force du chacun-son-tour de gentils morceaux de complaisance, des tapis de pieds pour majestés de faubourgs. Si les déesses, si la princesse, si Hyrule ne veulent pas nous donner le pouvoir, nous le prendrons. Agir. La force. La vie n’est qu’une énorme lutte : soyons vainqueurs.

Withered, Tsubaki, Franc-Arkhams. Le fleuret de l’élite. Je misais sur eux à nouveau. Ils m’avaient fait défaut, oui, trahi ma confiance… mais c’est parce que je n’ai pas su, au moment opportun, m’imposer comme chef.
Hiérarchie. Discipline. L’amitié ne compte pas dans le service. Les intérêts supérieurs ne devraient souffrir d’aucune sorte de sensiblerie déplacée : l’affect n’a rien à faire dans une stratégie de conquête. Je serai plus fin politique désormais.

J’avais donné rendez-vous à Withered. Je voulais mettre à profit sa présence à mes côtés pour commencer les opérations de structuration politique et militaire : il était temps pour nous d’aller chercher de la main d’œuvre. Mes soldats-détritus, ma basse-cour, mes opérateurs. Une élite ne peut prospérer que si la porte et la transporte un peuple vigoureux. Se salir les mains, ce n’était plus de notre âge, ce n’était plus de nos expériences. J’avais dans ma tête le plan parfait, aristocrate, les objectifs conquérants. J’étais le Ganondorf de ma patrie. Hyrule, berceau de mes années rances, tu m’as vu naître, tu me verras mourir.

Withered, femme de main, une tueuse au sang-froid. Un glacis d’hylianité, la mort dans le regard. Elle était là, à l’heure. Beauté mortelle. Elle me serait de grand secours pour l’entrevue de ce soir, oui, elle donnerait crédit à mon discours : deux êtres puissants valent mieux qu’un. Sa légende n’était pas morte, son ombre hantait encore les esprits pleurnicheurs et malheureux. Je la guidais à travers la nuit, je portais la torche, j’étais Lucifer.

Je ne pouvais décrire le paysage, il n’était fait que d’ombres et de nuances de noir et de bleu. Nous nous étions éloignés de la rivière Zora et de son royaume amphibien pour atteindre une clairière entourée d’arbres dépareillés et maigrelets, qui ressemblaient dans l’obscurité à d’étranges créatures décharnées, très peu hyliennes, comme des morts figés en statues, gardiennes d’un lieu de culte protohylien. Il y avait d’ailleurs un adorateur perdu, venu d’un autre temps.

Un homme se tenait au milieu de la clairière, grand, corpulent, un vrai guerrier. Il était vêtu d’une cape noire ; la capuche lui retombait sur le visage mais je pouvais apercevoir, entre deux rayons de lune, une mâchoire épaisse et cabossée, recouverte irrégulièrement de poils épars. Il releva le chef et m’offrit un affreux sourire. Pire qu’une cicatrice : une déchirure. Moins brave que moi eût frissonné. Mais j’étais habitué à cette racaille.


« Te voilà, Astre. » Sa voix était un grognement : chaque mot sonnait comme une insulte. Pourtant, il ne semblait pas de mauvaise humeur. Le sire découvrit entièrement son visage. Il était de cette race qui offre vilaine figure mais a moral d’or. Il avait sacrifié la beauté extérieure au service d’une quête qu’il n’a jamais pu finir. L’oreille droite déchiquetée, un cache-œil pour le gauche, la figure couturée de cicatrices, son visage ressemblait à une vieille pièce de textile qu’on n’aurait jamais fini de rapiécer. On avait l’impression que des morceaux de peau qui ne lui appartenaient pas lui avaient été greffés. Par endroits, son épiderme s’était décoloré ; par d’autres, la rougeur humiliante de quelque affreuse brûlure le défigurait. C’était un monstre. Si je ne savais pas qui il était, jamais je n’aurais pu prétendre avoir en face de moi un Hylien.

« Ulrich. » Ulrich, mercenaire rencontré dans l’un des nombreux ports que j’ai eu l’occasion de visiter durant mes exils divers, un fiévreux combattant… ce n’était pas l’or qui l’intéressait, c’était la lutte, il avait multiplié les combats pour trouver le sien propre, de combat ; trouver le sens de sa vie. Il avait cru le trouver dans l’accumulation de batailles, dans l’acte même de tuer. Il n’avait jamais reçu satisfaction. Aucun idéal ne l’avait jamais motivé. Peut-être était-il, sans le savoir, en quête d’un idéal justement. J’étais peut-être en mesure de lui en offrir un.

« Voici Withered. »