L'univers d'envers.

RP solitaire.

[ Hors timeline ]

Le coq était encore enroué de sa longue nuit lorsque le Sombre Link atteignit les rives du Lac. Le jeune Soleil commençait à planter ses griffes sang et or sur la voute céleste, arrachant les étoiles du ciel nocturne mourant. L’alternatif héros se mit à genou et plongea ses membres avant dans l’eau froide et inerte. Fraicheur et bruit n’étaient que délice et caressaient son âme éviscéré. Il but ce nectar transparent, afin de se purifier une dernière fois. Finalement, il se glissa lentement dans l’eau, tout entier. Son corps dériva alors presque naturellement vers les profondeurs de l’étang glacé. Bientôt, le monde extérieur n’exista que sous des ombres informes et fluctuantes au gré de ses propres remous paresseux. Son front se posa au fin fond du lac et d’un coup de bras, DarkLink se retrouva à l’entrée du Temple de l’Eau, sanctuaire du divin élément en Hyrule, ce qui ressemblait le plus à son foyer. Il se fraya un chemin à travers les courants nouvellement apparus. Il se retourna et de toutes ses forces baissa la lourde herse du Temple, le condamnant temporairement.

De ses doigts trempés et frissonnants, il frôlait les murs qu’il connaissait tant. Au détour de plusieurs couloirs, de plusieurs plongées et traversées de puissantes cascades incohérentes et magiques, il trouva la porte. L’homme hésita un instant, puis l’ouvrit. Un ilot, décoré d’un arbre mort et triste, au milieu d’une mare ridiculement profonde, à peine quelques millimètres, se présenta à ses yeux. Sous ses pieds, le monde miroir et statique, sa sadique prison. Mais cette fois, il était dans l’univers du dessus, bien vivant.

Il pensait qu’y revenir serait agréable. Cela fut tout l’inverse, tout n’était que malaises et souvenirs cuisants. Il chassa les mauvais esprits des lieux, se défaussa de ses effets. Arme, bouclier, tunique, tout y passa et fut jeté pêle-mêle à travers la salle. DarkLink se mit en tailleur sur l’étrange sable, au pied de l’arbre charbonneux. La salle dénuée de plafond lui donnait le vertige, l’absence de mur tangible donnait l’impression d’être perdu dans l’infini du Cosmos. Il ferma les yeux. Au lieu des pénombres derrière ses paupières, il y entrevit le monde entier, au dehors, se réveillant doucement pour une nouvelle journée de malheurs et peut être de joies éparses.

DarkLink était alors l’eau, il habitait cette matière suprême. A travers le reflet des gens s’aventurant sur les abords de toutes les rivières et lacs, il voyait. Au travers de chaque image, de chaque personne, il voyait. Il nageait dans le monde des reflets, impalpable fantôme qui traverse les lieux. L’univers d’envers était parfaitement identique, bien qu’inerte, mort et inversé.


Sa transe allait durer des jours, des nuits, des lunes, des mois, des saisons, des années. Il ne le savait pas, le temps n’avait plus court, ici. Il observait, avec le recul magique au sein du Monde-Reflet. Trop dégouté par l’Hyrule d’en haut, il l’avait fuie pour attendre son heure. Il ne savait exactement ce qu’il attendait. Mais sa méditation prendrait bien fin tôt ou tard et là, la sombre image du Héros du Temps rejaillirait du dessous pour dominer le dessus. Sur le cadavre de Link.







[A partir de ce post, les futures apparitions de DarkLink seront sous forme fantomatique et faiblarde. Son avatar apparaissant de ci de là un court instant en Hyrule, au travers des reflets de quiconque. Et ceci jusqu'à ce qu'il se réveille de sa transe ou qu'une personne l'y déloge. ]

Apparence de l'image de DarkLink :
[/u]

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Lanre


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(vide)

Il portait en permanence la main à sa gorge, à chacun des arrêts qu'il s'autorisait. C'était à me rendre folle ! Je ne réussissais pas à comprendre ce qui pouvait bien le prendre, et en raison de cela je ne pouvais m'en réjouir. Ou si peu.

Il était évident qu'il était en proie à une souffrance que nous ne connaissions pas, et de cela j'étais indubitablement joyeuse. Il est peu de choses en ce bas monde qui parviennent encore à m'émerveiller, mais l'entendre prononcer ce genre de plaintes depuis le départ réunissait sans mal tout ce qu'il fallait pour que je me délecte d'être encore vivante.

Des jours si pas plus que nous marchions sans nulle autre relâche que les rares instants où la lune brillait trop haut pour qu'il soit envisageable de continuer. C'est dans ces moments là qu'il se mettait en chasse et que ses gencives se couvraient d'un sang animal et étranger — pas le sien. En réalité, tout faisait l'affaire, pourvu qu'il y ai un peu de chair à dévorer. C'était là sa qualité ; il n'avait jamais fait le difficile. Tout ce que ces yeux décelaient étaient proies, et tout ce qui était proie était susceptible d'emplir sa panse au fond vraisemblablement percé.
C'était un limier qu'il était devenu, quoique j'ignore encore comment ce « Haut-Roi » Dragmire ai pu lui passer une laisse autour du cou. Le changement a été prompt et fugace mais semblait se pérenniser. Ce Seigneur du Désert dominait son chien de chasse par la peur.

Jamais nous n'avions tant voyagé que depuis ce sinistre jour, en réalité. Fedo ne m'avait emmenée qu'une et unique fois dans les Bois Perdus et pour cause : un Lobo au pelage noir-de-gris l'y avait éventré. Tandis que je pleurais sur sa dépouille, bien incapable de l'extirper des griffes de la mort (je serais bien en mal d'énoncer le peu de choses que je puisse réaliser, en vérité), le Traqueur enserra ma taille.

Les étendues sylvestres profondes s'improvisèrent notre domaine. Et puis vint ce jour où nous nous en éloignèrent, pour gravir la Montagne. Ca n'était pas le gibier qui manquait dans les bois, pourtant ! Et quand bien même, quand il rencontrait une pénurie, cet « Esprit de la Forêt » comme il se plaisait à se désigner, n'hésitait pas à tordre les cous et briser les nuques de nos amis Kokiris.

Cette nuit passée sur le Mont du Péril s'avéra plus riche en événements que mon existence toute entière.
« Ca tire ! Ca tire et ça blesse ! » Pitoyable petite chose qu'il pouvait être depuis que le Gérudo l'avait soumis. De tout temps il m'avait inspiré un profond dégoût, je ne pouvais plus même cacher mon mépris.

Envoyés par delà les dunes, et les prairies, au plus profond du Lac nous avions à chercher. Cette marque qui se dessinait sur le dos de sa main – il me semblait bien qu'elle déchirait sa chair progressivement – représentait le plan qu'il nous fallait suivre. Somptueuse idée que de graver dans le sang une mappemonde évolutive !

Il posa cette même main sur une des colonnes de pierre blanche, qui montaient au dessus des eaux calmes de cette mer intérieure aux flots dénués de sel. La fatigue se lisait dans toute son attitude, de sa posture à sa façon même de se mouvoir. Cette marque que lui avait apposé l'enfant-mâle-parmi-les-femmes indiquait clairement l'endroit où nous devions nous rendre avec autant de précision qu'elle ne semblait sapper ses forces.


"Eeeernh ! Eeeernnh ! Ca être brulant ! Ca être trop chaud ! Vilain Roi-de-l'Eau-Rouge-qui-brûle !" Glapit-il comme pris de panique, avant d'enfoncer sa main droite sous l'eau. Son sang avait formé des lignes noires sur le dos de sa main (et qui se retrouvaient sur sa paume, comme si elles traversaient complètement sa patte) qui indiquaient le chemin. Visiblement pas soulagé par cette action il retira prestement sa dextre marquée. Ses ongles se mirent à la labourer en accompagnant tous ses cris qui m'arrachèrent un rire. Enfin viens le jour où le Traqueur sera brisé !

La marque brillait tout son saoul, malgré les griffes qui tâchaient de la déchirer. Vaincu et la main en charpie, le Limier se laissa chuter sur le dallage immaculé des vestiges du Temple Zora.
« Vilain... Méchant ! Sssssssss..! » Siffla-t-il, alors que je soupçonnais des larmes qui courraient le long de ses joues. Si tel avait été le cas, elles auraient du s'écraser contre la pierre, dernier promontoire d'un antique lieu de culte, mais aurait surtout été preuve d'une forme d'humanité que je ne serais parvenue à croire. Il n'en fut rien.

La torture de cet animal reprit jusqu'à ce qu'il ne se jette dans l'eau. Je savais bien quelle en était sa peur, quelles étaient ses appréhensions. Mais ce sceau était éminemment plus fort que lui.
A ma grande surprise, des lignes de sang s'extirpa une bulle d'oxygène qui vint entourer le bas de son visage, pour lui fournir les apports en air que nécessiterait une telle traversée. Il agitait bras et jambes avec tant de force que je décelait sa panique sans même la voir. Chaque coup de bassin qu'il mettait pour tenter d'avancer m'envoyait voler contre cette sempiternelle cellule que je connaissais depuis des années si pas des décennies.

Nous coulions, sans qu'il n'y puisse quoique ce soit. La pression devait grimper, sans doute, et je me surprenais à espérer qu'elle ne fissure le bocal dans lequel j'étais enfermé. Après tout, quand bien même je ne pourrais quitter le lac, j'aurais eu loisir de me retrouver libre une dernière fois !
Il reprit contenance petit à petit, et je compris que ses pieds avaient touchés terre, comme si l'eau n'existait plus, il s'avança lentement jusqu'à tomber nez à nez avec un lourd grillage de fer oxydé. Sans que je ne saisisse la portée de ses actes – son instinct restait toujours aussi flou qu'au premier jours à mes yeux – il se mit à grimper s'aidant des divers barreaux d'acier.

Aussitôt qu'il lui fit possible de le faire, son poing s'abattit sur un cristal. Le genre d'interrupteur qu'on ne rencontre pas au plus profond des Bois Perdus.
Malgré cette masse aqueuse qui entourait et oppressait chaque particule physique, la grille se releva dans un vacarme assourdissant. Nous qui n'avions jamais quitté quitté le Domaine du très Vénérable Arbre Mojo à peine un mois plus tôt pénétrions dorénavant dans le Temple de l'Eau.

Ce véritable labyrinthe n'avait en fait rien d'une épreuve. Car tout aussi douloureuse qu'elle puisse être pour lui, la marque nous guidait sans heurt. Non, ce qui se révélait être complexe à traverser, c'était cet « étage » à gravir. Je le voyais regarder sa main puis au ciel. L'évidence était qu'il ne savait comment s'y prendre.

Ca nous jeta au sol. Je ne comprenais pas ce qui nous arrivait. Mon coeur s'accéléra à mesure que la peur ne le saisissait. Les sons qui glissaient à mes oreilles ne m'aidaient pas à me calmer. Les mandibules claquaient, la salive suintait sur les crocs de cette... chose. Ces bruits de mort, ça ne tarda pas à l'enhardir. Et bien vite – bien plus promptement que je n'aurais su le faire – son pied s'écrasa sur la gueule du monstre. Il répéta l'opération jusqu'à ce que l'arachnide géante recule. Une deuxième vint sur notre gauche. Je nous sentis décoller quand il bondit sur la première. Les dents frôlèrent son bras, y laissant une longue trace carmin. Sans s'en soucier, il retourna l'Araknon, et d'un coup violent perça le cuir tendre qui recouvrait son ventre si peu protégé.


" Ouuuuuuuh ! Le Traqueur est Roi ! Eeeernh ! Eeeernh !" Ses mugissement firent reculer la soeur de la moribonde créature. Le sang chaud recouvrait le bras du Traqueur jusqu'au coude, et le coeur de la bête continuait de palpiter légèrement entre ses doigts, dans le creux de sa main.

D'un geste victorieux, il jeta l'organe à la gueule de cette araignée géante à quatre pattes, avant de foncer sur elle. Bien plus rapide qu'elle ne l'était, il parvint à se hisser sur son dos caparaçonné. Ses jambes se refermèrent sur les flancs de l'animal, comme pour le garder prisonnier. Les coups commencèrent. Un oeil fut crevé dans un accès de fureur, et l'arachnide se mit à bondir partout, désorientée. Ses pattes la portaient sur l'eau, et sans doute espérait-elle se débarrasser de nous en s'y jetant. Triste erreur.

Ma main vint couvrir ma bouche. Je sentais mes tripes remonter depuis l'instant ou la pauvre bête avait été retournée, mais ces sauts successifs achevaient de me retourner les intestins. Trop concentrée sur mon état, je ne pus empêcher le choc d'écraser mon diaphragme. Je ne saurais sans doute jamais comment, mais il avait réussi à nous hisser là où la marque l'ordonnait.

La salle qui suivait était vaste ; bien trop à mon goût. Deux cascades qui s'enfonçaient dans des abimes aussi noires que la nuit. Si l'eau le paniquait, il ne lui fallut que quelques bonds supplémentaires pour gravir chaque plateforme et s'élever jusqu'à la prochaine épreuve. Plus simple d'accès physiquement, nous continuèrent l'avancée sans nous inquiéter de ce qui restait. La marque brillait avec une force qu'elle n'avait encore jamais manifestée.

Un coup d'épaule força la douce porte à sortir de ses gonds. Et nos yeux purent contempler une étendue vide.


"Dehors !" Grogna le Traqueur, en frappant de ses deux mains le film aquatique qui recouvrait le sol. « Le Corps-de-Fumé doit se lever ! Le Vouloir du Maitre ! » Continua-t-il, tout en frappant l'eau avec plus de rage encore, comme s'il cherchait à éveiller quelque entité enfouie.


Repos et quiétude étaient de mise alors que l’essence de l’Ombre coulait à travers la rivière Zora. Les crapauds et autres batraciens sensibles percevaient çà et là une présence inhabituelle, ils tournaient parfois leurs yeux exorbités un peu partout, cherchant un éventuel ennemi. Tout pendant que DarkLink baignait son âme dans les flots glacés de la veine d’azur qui déchirait le plateau, il admirait la simplicité de la nature. Non soumise au regard dominateur des humains, elle pouvait s’exprimer sans honte aucune, laissant apparaitre en plein jour toute son intimité. Tandis que la contemplation transportait l’Ombre dans un ailleurs idyllique, un étranger frappait à la porte de sa demeure.

Personne n’était invité dans son lieu sacré à lui. Un être téméraire et sans gêne violait son nid, seul havre de paix. Seul un idiot viendrait ici.

L’esprit du Double Héroïque se projeta en hâte dans les eaux croupies et immobiles depuis des millénaires. Anormalement bleu, le liquide semblait vivant, comme s’il était un organe d’un être gigantesque. Une sorte de sang cyan et transparent. DarkLink y nageait comme un nouveau-né dans sa poche maternelle. Il ne put percevoir clairement l’inconnu, il ne pouvait que suivre les déplacements de sa silhouette. Il se mouvait avec aisance, il semblait connaitre les lieux.

L’Hylien intrus poussa la porte décorée de sa chambre, ultime discourtoisie. Un sourd tremblement rendit alors complétement flou la vision spirituelle de l’hôte de fumée. L’étrange personnage martelait tel un dément le sol humide et l’appelait avec autorité.

C’est alors que DarkLink sortit paresseusement de sa longue rêverie, quittant les eaux douces pour réintégrer un corps plus palpable assis au pied de l’arbre. Le bois calciné qui n’en était pas un avait écorché le dos du Sombre Héros. Il ouvrit les yeux, son cœur reprit de l’activité. Cela faisait mal et qu’est-ce que ce monde était douloureux ! Il sentait à travers chaque parcelle de son être un rejet constant. La nature même d’Hyrule semblait vouloir la disparition de cet être d’une autre dimension.

Le fumeux chevalier attrapa alors la sombre Excalibur.



« Je savais que tu viendrais un jour, frère Link. » [/b]


Roucoula-t-il de sa voix mystique. Il peina à se relever et contourna l’arbre mort. Malgré toutes ses espérances, celle de triompher de son double ou celle d’enfin mourir en paix, ce n’était point le Héros du Temps qui avait pénétré son précieux domaine. L’homme en face de lui avait un regard terrifiant, exprimant les aspects les plus dégoutants de la nature humaine. Il était une bête. L’atroce ersatz d’Hylien portait un macabre heaume d’os. Une aura impie flottait autours de ce corps. Il parlait d’un maitre.


« Que me veux-tu, animal ? »[/b]

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Il avait ce bras sali par le sang, qui luisait d'un rouge presque trop brillant pour en être crédible. Tout cela avait l'apparence d'un cauchemar par trop malsain pour être crédible. Et en vérité, si je n'avais pas senti avec pareille insistance l'odeur des tripes, boyaux et autres intestins de la bête dont il avait percé la cage thoracique ; j'aurais très certainement parié sur mon réveil prochain en compagnie de feu mon Kokiri préféré.

Cruelles que peuvent être les Déesses du Monde d'Hyrule. Malgré les presque sept-cents pieds (j'imaginais que cette salle en faisait autant, bien qu'elle soit autrement moins large que longue) j'étais contrainte et forcée de respirer cet air chargé de fer et de fragrance de viscères. Pourquoi diable avait-il fallu que ça soit moi qui fut attrapée par ce démon qu'il était ? J'aurais tant aimé qu'Ilithiel, Ethéa ou N'avi fussent capturées à ma place. Une seule aurait de toute évidence suffit à me remplacer, mais s'il avait fallu que les trois y passe, j'accepterais sans hésiter.

L'eau continuait de gicler un peu partout, éclaboussant parfois son bras devenu carmin, mais sans jamais en masquer l'effluve. Ses hurlements continuaient, sans cesse. Chaque coup qu'il portait sur le film aquatique s'accompagnait dorénavant d'un râle sourd, violent, autoritaire et incroyablement agressif. La Bête se comportait indéniablement en bon loup alpha, ce qu'elle avait toujours été. Jusqu'à avoir rencontré ce « Maître » qui avait marqué sa main mieux qu'aucun fer blanc n'aurait su le faire.


"Debout, chaire-de-fumée ! Debout ! Eeeernh !" Scandait-il de cette voix rauque de celui qui a passé des décennies à ne jamais parler. Il savait grogner, il savait barrir, rugir ou hurler, mais je ne l'entendais parler qu'à de très rares occasions — quoiqu'une présence douée de parole avait aidé sa langue à se délier progressivement.

L'eau se troubla, son aspect si calme se brisa dès qu'une sorte d'encre – semblable à celui qu'aurait pu cracher un poulpe – vint la colorer d'un noir aussi sale que brumeux.
« Magie... ! Pouah ! » Grommela mon geôlier, tantôt dégouté, tantôt frappé par la surprise et la crainte du surnaturel. Il plongea sa main-carte dans le liquide obscur et s'éleva à la force de celle-ci. Ses jambes remplacèrent sa tête, ses pieds grimpèrent haut et il bondit en arrière. Nous nous retrouvions sur la terre ferme — la terre dallée.

"Rrrrrrrr... —" Dans l'eau qui s'étaient à nouveau coloré d'un bleu surnaturel j'apercevais sa gueule. Museau écrasé, yeux plissés et sourcils froncées, il avait ces rides qu'on prétendait parfois appartenir au lion. Babines retroussés, crocs découverts.

"La main-noire-qui-pointe-le-ciel !" Brailla-t-il, comme inquiété par cet être qui semblait se matérialiser vers le centre de la pièce. « La main-noire-qui-pointe-le-ciel ! » Reprit ce limier inhabituel, en pointant du doigt cette chose, spectre d'encre et de fumée qui avait percé la pellicule marécageuse. Je ne parvenais pas à comprendre où il visualisait un arbre – j'avais fini par comprendre que les mains-qui-pointent-le-ciel étaient des arbres – mais je le savais suffisamment fou et stupide pour souffrir d'illusions.

Nous nous mirent en mouvement. Nous avancions aussi vite qu'il était capable d'aller. Ses pas nous portèrent au plus proche de cette âme égarée. Celle qu'il nous avait été demandé d'éveiller, j'imagine.

Ses pieds prirent appui dans le vide. Et avant que je ne comprenne quoique ce fut, il courrait à la quasi verticale, comme il avait l'habitude de le faire dans les Bois. Ses mains s'agrippèrent à une branche que je ne pouvais voir, mais qui portait sans mal son mouvement. Large rotation qui nous amenait non loin de l'Ombre qui sortait des eaux. Il semblait que les plans de Ganondorf étaient (temporairement, sans doute) oubliés.


"Aaaaaouuuuuuh ! ENTENDS NOUS RUGIR !" Hurlait cette chimère improbable en se jetant sur l'individu avec une ferveur indomptable. Il arrivait en droite ligne, vers le torse de l'âme que réclamait le Dragmire. Le choc promettait d'être rude.


Propos incohérents, voix écorchée par le vocabulaire humain, dos légèrement courbé et regard sauvage, il n’en fallait pas plus pour que le Cendre-Chevalier se fasse une vague idée de l’être devant lui. Sociologiquement déficient, mentalement instable, gestuel rustique, celui qui était venu le réveiller devait certainement être un homme-singe abandonné par ses parents dans les bois. Parfaire l’éducation du semi-humain relevait de l’impossible et DarkLink se voyait obligé de composer avec cet enfant terrible au corps d’adulte.

Il brayait comme un môme et cela irrita les délicates oreilles en pointe du Chevalier de Charbon, il en émit un rictus grisâtre de lassitude. Le message qu’il aboyait tant bien mal était compris, à quoi cela servait de le répéter ainsi ? Que l’animal préserve sa maudite gorge atrophiée !

La bête fut prise d’un spasme lorsque l’Image Héroïque s’était remise sur ses jambes, en état d’alerte digne d’un loup surpris dans son sommeil. Sans crier gare, il entama une sombre complainte apeurée, déchirante et effrayante. Il semblait souffrir, ce grand garçon, blessé par son manque d’intellect dans un monde de savoir qui devait lui être hostile. DarkLink fut naturellement attristé.

L’empathie cessa derechef lorsque le Prédateur demi-homme chargea l’Ombre. En transe, il virevolta sur l’Arbre quasi-mort et bondit comme un trait d’arbalète. L’impact sourd ébranla le corps fumeux de la Chevalerie de Ganondorf et tétanisa son esprit. Un court instant, sa conscience flotta dans un état comateux. Et lui qu’était-il ? Il formait aussi une espèce monstrueuse, abomination spatiale et temporelle, incohérence dans les différents plans de la réalité. Bien que doué de sagesse, DarkLink était également une bête abandonnée. Âme en peine dès l’enfance, écorchée par une croissance trop rapide, noyée dans le monde des adultes alors qu’il n’était pas encore prêt, bombardée d’un Destin de Sauveur. Link et DarkLink, les deux faces d’un même médaillon d’or, souffraient, à l’instar de Traqueur.

Lorsque le corps du Faux Héros heurta le sol miroitant d’eau étrange, il reprit conscience. Son torse le lançait affreusement, comme si une masse d’arme lui avait enfonçait la cage thoracique. Il n’avait pas eu le temps de se saisir du Bouclier d’Obsidienne, ni de faire évaporer son thorax. Le Chevalier se releva, l’Autre haletait bile en bouche, prêt à recommencer sa cavalcade agressive. DarkLink leva la main, signe de reddition. Il avait réellement pitié dans l’être qui le fixait d’un regard bestial.



« Mon frère de peine, mon Somnifuge, conduis moi à notre Père. »[/b]


Le Chevalier de la Cendre n’avait que peu d’espoir pour se lier avec Traqueur, trop sociopathe pour aimer qui que soit. Seules les hiérarchies totalitaires avaient une réalité pour lui. Mais qu’importe, l’homme-enfant était trop similaire à lui-même pour qu’il décidât de l’ignorer.

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