Posté le 14/09/2012 17:30
La brise faisait l’effet d’une voyeuse perverse. Les clapotis réguliers provoqués par la faune marine locale se moquaient des deux individus ; le ciel-même riait des pauvres mortels, la Lune en croissant, sourire narquois aux coins des étoiles. Astre sentait que ses mots avaient blessé Tsubaki. Heureux, il l’était, soulagé il l’était. Le sang vicié qui coulait dans ses veines moroses s’était enfin estompé. Epuré… Mais le Chevalier penchait la tête sur le côté droit, déjà las de cette rencontre. Las, et surtout triste. Les temps avaient changé.
« Pas grande importance ? Allons bon mon ami tu sais bien que cela en a. Astre tu mérites mieux. Laisse-moi de dire franchement qu’une personne de ta trempe mérite mieux que cela. Te rend tu compte qu’on entend même plus parler de toi ? Cela te ressemble si peu !
A l’époque nous rêvions de gloire, d’honneur de prestige … ! Que t’offrent les phoenixiens?
Mon frère… ressaisit toi par pitié… Tu n’es plus que l’ombre de toi-même.
Je ne te reproche pas d’avoir essayé de te joindre aux phenixs. Tu as essayé et quelque part tu as sans doute eu raison mais avoue quand même qu’ils ne t’élèvent pas au rang que tu mérites.
Tu sais… J’ai beau avoir quantité de frères et sœurs grâce au clan des dragmires, mais je n’ai jamais réussi à retrouver quelqu’un comme toi. Nous partagions tout, la victoire, la défaite, la honte, le prestige, les combats, les insultes… Personne ne pourra partager tout ce que nous avons partagé. Reviens au près du Père. »
Astre n’arrivait pas à détacher ses yeux de la jeune femme, qui s’évertuait à le convaincre de revenir au foyer. « Rentre à la maison », semblait-elle lui dire. Le pauvre homme, déchiré par tant d’idéaux féroces, tant d’amours déçus, aurait voulu la croire. Les étoiles brillaient dans les yeux farouches de son ancienne amie ; elle semblait sincère, et c’était probablement le plus dur, faire face à cette sincérité après tant de coups essuyés. On dit des crocodiles qu’ils pleurent des larmes fausses. Si c’est le cas, Astre n’est pas un crocodile. Car son visage d’enfant saignait, oui, non de sang mais de chagrin… le chagrin s’enfuyait, le débit lent et digne, hors de ses deux yeux malheureux.
« Tu sais ce qui est le plus affligeant dans tout cela ? Le fait que tu puisses croire que tu ne te sois jamais senti mieux qu’aujourd’hui. Tu en viens à te mentir à toi-même.
Cependant si toutefois ta dernière phrase est vraie alors je suis triste pour toi. Car je ne te sens pas bien que cela. Je peux te faire connaître mieux Astre. Je le ferais si tu peux m’accorder une nouvelle fois ta confiance. »
Et puis, les larmes, éphémères papillons d’eau, disparurent de son visage. Le sérieux revenait de lui-même, l’honneur masculin lui intimait de cesser ces jérémiades. Tu n’es plus un enfant, Astre. Tu n’es plus un enfant, tu es un guerrier, un féroce guerrier, et le sang qui coule dans ton corps est celui d’un seigneur. Un seigneur ne pleure pas, Astre, un Seigneur fait pleurer. Il suffit de cette faiblesse agaçante. Tu as évacué, très bien, il n’est maintenant plus question pour toi de te laisser aller. Montre-lui qui est le plus fort, montre lui qui est l’homme. Et le feu se ralluma de lui-même, après tant de mois d’auto-appitoiement. Oui, le feu brûlait et la danse des étincelles faisait résonner l’âtre humide de son cœur. L'esprit en fête. Oui, la vigueur revint, consumée à grande joie par la colère.
« Laisse-moi. Tu n’y es pas du tout ! Rejoindre Ganondorf, gagner gloriole en babillant amoureusement aux pieds du peuple ? Jamais, tu m’entends. Il est mieux de disparaître dans l’anonymat en suivant une vie en accord avec ses principes, que de tirer plaisir et orgueil du dandinement malsain auprès de geignards. Je ne suis pas un lâche. Votre petite armée n’est qu’une division de sordides usurpateurs. Je reconnais bien là mon ancien maître ; s’entourer d’une cour de guignols a toujours été son pêché mignon. Mais, que dis-je ? Pas de libre arbitre pour le Seigneur Ganondorf, seul l’asservissement intégral auprès de son cher maître, le traître à la couronne Dun Loireag. Je ne veux pas entendre parler de tout ça, ma chère… Tu ne me convaincras pas. »
Et il accueillait à bras ouverts cette colère appétissante, dont il se délectait à chaque tirade. Oui, il aimait sentir pétiller sur sa langue l’acidité de ses propos. Il sentait la verve meurtrière s’installer à nouveau sur le bout du muscle buccal. Ça va saigner ce soir, messieurs-dames. On prépare du cochon, qui en veut ?