« Bruyère, argile ou écume de mer ! »

MP pour participer. Premier post pour Aedelrik.

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Lanre


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Ses doigts se fermèrent plus âprement sur la lanière de sa bandoulière, alors que son regard vaquait d'étal en étal. Le paria connaissait suffisamment les danger de ces regroupements pour veiller ses biens aussi silencieusement que férocement. Parfois des convois de caravanes passaient par les Hautes-Terres qui l'avaient vu naître, et jamais il n'était plus prudent. Parce qu'avec les marchands comme avec les richesses arrivaient les voleurs. Et quand bien même il ne représentait certainement pas une cible de choix - essentiellement parce qu'il ne possédait rien qui jouisse d'un peu plus de valeur q'un peu de cuir -, la vie s'était chargé de lui apprendre que les gens les plus fous étaient aussi les plus dangereux. N'importe qui pourrait se lancer à l'assaut d'une prétendue richesse dont il n'avait jamais disposé pour des raisons qui lui échapperaient tout à fait.

Ses yeux, d'un vert aux reflets de gris, virevoltaient à droite comme à gauche. Ici, deux hommes s'énervaient, sans qu'il ne cherche à comprendre le fond de leur mésentente. A l'évidence, il était question d'une transaction. S'il était bien incapable de comprendre un traître de mot du dialecte qu'ils employaient, il était en revanche tout à fait à même de saisir la teneur d'une situation, ou d'une tonalité. Là, d'autres s’échangeaient des pierres de couleurs qui attisèrent plus sa curiosité. D'une part, parce qu'il n'en avait jamais vu, d'autre part parce que la pratique le surprenait. Il peinait à comprendre l'utilité qui pouvait être celle de petits joyaux de la sorte. Quelques idées lui venaient, certes, comme la possibilité que l'homme qui récupère les pierre ait été joaillier, en dépit de l'absence du moindre bijou sur son comptoir. Il fronça les sourcils, intrigué, et porta son regard à d'autres échanges. Et toujours revenaient ces pierres aussi scintillantes que le soleil sur la glace et aussi brillante que l'eau qui court. Ou l'acier qui sépare une tête de son tronc. Il existait milles et une façons de commercer de par chez lui, mais il n'y avait qu'au Sud qu'était frappé l'or, que par-delà le mur que les Hommes avaient préféré troquer leur liberté pour trois ronds de fer jauni.

De la pulpe des doigts, sa main droite glissa sur le bois verni d'une des échoppes. « Une pipe, étranger ? Bruyère, argile ou écume de mer ! Porcelaine, maïs ou argent ! Tout pour votre bon plaisir ! » Lança le tenancier, d'une voix chantante, sans qu'il ne s'arrête pour autant. Il avait bien compris que l'homme attendrait de lui ces quelques gemmes qu'il voyait partout et sans cesse. L'Etranger se contenta donc de se frayer un chemin au travers de l'amoncellement de gens. Parfois il lui fallait jouer des coudes, voire balancer une épaule. Et déjà, quand la langue d'Hàul venait caresser la chevelure couleur sang qu'il avait ramené en arrière, il regrettait le noroît qui asseyait les Hoàjland, chaque jour et chaque nuit. Il avait beau avoir quitté le pays traqué comme une bête, banni de ses paires, défait et soumis par le Serpent, seul et oublié, son coeur n'en brûlait pas moins de revoir les falaises qui bordaient Celves. De retrouver tant le calme de ses forêts que le froid mordant qui faisait son âme. De s'effacer à nouveau dans l'obscurité de la nuit pour retrouver le sourire de Kyne au plus profonds du cimetière des majestueuses Okaaron. Tout cela lui manquait d'autant plus que la foule commençait d'ores et déjà à l'agacer, profondément. Qu'il s'agisse du barde aux mélodies toutes plus langoureuses et plus joyeuses les unes que les autres, des femmes incapables de contenir des gloussements trop sonores ou des hommes qui beuglaient plus que les daims qu'il avait été amené à égorger... Cette démesure ; de bruit comme d'odeur, de vie comme d'animation lui rappelait combien il était loin de chez lui.

La paume de sa main rencontra bientôt l'épaule du plus illustre des inconnus, pour l'écarter de son chemin sans la moindre douceur. Peu lui importait qu'il fusse bardé de cuir et porte la masse, à la manière des Claìed. Il en avait plus qu'assez de devoir ainsi avancer pas à pas comme une brebis boiteuse : plus que jamais il haïssait les villages et les bourgades. Le plus vite il aurait su se procurer ce qu'il voulait - bien que conscient qu'il ne pourrait pas le payer, il disposait de quelques atouts dans sa manche - le plus tôt il pourrait se remettre en route. Et quitter ces lieux autrement trop vivants pour lui.


Aedelrik


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Ne pas baisser sa garde, c'était pourtant évident ! Simple, facile à se rappeler, concis... Et pourtant, même après des années, Aedelrik réussissait à oublier cette règle. Ou plutôt, il se pensait parfois assez malin pour l'ignorer. Une erreur de débutant, qu'il s'obstinait à répéter.
En l'occurrence, le voleur avait juste espéré que le destin ne le chargerait pas ce jour là comme les autres. Pour affaires, il s'était rendu au village Cocorico qui devenait un intéressant lieu de rassemblements de marchants en tous genres. Ces derniers temps avaient été rudes physiquement et son moral s'en ressentait. Pour cela, la perspective de profiter des sources chaudes de la montagne lui avait semblé un début de paradis... Et son instinct ne l'avait pas trompé. A peine déshabillé, ses vêtements étalés sur un rocher, l'étranger s'était glissé dans l'eau et s'y était senti si bien qu'il s'y était endormi.

Evidemment, à son réveil, Aedelrik n'avait plus rien.
Par chance, l'imbécile qui venait de signer son arrêt de mort lui avait également dérobé sa masse de fer, vieille et par endroits rouillée. Ce genre d'accessoire ne passait pas inaperçu dans un village tranquille, et après avoir volé une tunique à un autre baigneur, il avait pu remonter la trace de l'enflure. Celle ci le menait directement au marché. Au bourg, seul un aigle aurait réussi à repérer ses vêtements dans la foule, mais dans ce village, l'espace était dégagé et les acheteurs relativement peu nombreux. Il retrouva sa proie du regard et, de toit en toit, s'en approcha. Arrivé sur l'une des maisons les plus hautes du coin, le voleur se considéra bien placé pour intercepter le fumier lorsqu'il passerait, et il attendit. C'est alors qu'une voix proche, s'exclama, visiblement étonnée,


« Ah ben ça ! C'est pas commun qu'on vienne me rejoindre ici ! Toi aussi t'aime bien monter pour admirer la vue ? »

Aedelrik se retourna pour voir l'homme, visiblement simple, qui montrait un tel enthousiasme à l'idée qu'un autre casse cou ait pu avoir la même idée tordue que lui. Il lui sourit et, tandis qu'une certaine personne passait dans la rue en dessous sans se douter de rien, il lui répondit,

« Je préfère la chute. »

Sans attendre, il se laissa tomber du toit, retenant sa chute en glissant légèrement sur le mur, avant de se lancer dans le vide à une certaine hauteur. L'expérience lui fut profitable, et il parvint à atterrir juste derrière l'homme. Ce dernier se retourna, puis blêmit... Avant qu'un poing étranger ne s'écrase sur son visage et ne malmène rudement son nez. Avec un léger gémissement, il s'effondra en arrière, sur l'homme qu'il venait de bousculer.
Aedelrik fit signe aux gens alentours, déjà effrayés par la scène, qu'il n'y avait pas lieu d'avoir peur et il leur expliqua d'une voix forte, afin d'être entendu,


« Cet homme m'a volé aux sources, je ne fais que récupérer mon bien ! »

Et effectivement, certains passants déclarèrent reconnaître en l'homme assommé un tire laine notoire. Aedelrik porta donc le corps inerte de son voleur sur ses épaules afin de l'emmener autre part pour ne pas imposer sa nudité à la foule. Il remarqua alors qu'un regard était posé sur lui, celui du passant qu'il avait dérangé. Peu disposé à se répandre en excuses et de mauvaise humeur, l'étranger soutint un instant ce regard, puis demanda, d'un ton peu urbain,

« Quoi ? J'te reviens pas ? Devant l'absence de réponse, il fit mine de repartir, non en traitant l'homme de paysan mal dégrossi dans la langue de l'Empire, avec un mépris sifflant dans sa voix ; Kack vean dornoul. »


Lanre


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Ses doigts reposaient, silencieux, sur un étal des plus communs tandis que son regard restait fixé sur l'homme à l'origine du trouble tombé sur la Grand-Place du village. Il avait sur l'épaule le corps de celui qu'il avait défiguré pour des raisons qui échappaient au Ceald. Du moins, partiellement. A défaut de comprendre le dialecte, il avait néanmoins saisi qu'un différent restait à régler entre les deux hommes. La foule s'était écartée pour laisser faire, par crainte peut-être — et malgré le mépris qu'il avait pour les hommes du Sud il était persuadé qu'au moins un parmi eux se serait avancé, aussi il lui semblait improbable que ceux d'ici puissent réagir autrement. C'est pourquoi il avait plutôt tendance à pencher pour une rivalité plus personnelle.

De l’œil, il détailla l'inconnu, réalisant en premier lieu qu'il ne l'avait pas vu arriver. Ses sourcils se froncèrent, tandis que les traits de son visage se durcissaient à mesure que l'intrigue ne le gagnait. S'il était normal de ne pas avoir remarqué un homme — si singulier puisse-t-il être — au milieu d'une masse pareille, son instinct l'invitait à se méfier. La démarche de l'étranger, son accent différent de celui des autres commerçants où sa chevelure flamboyante qui, si elle faisait écho à la sienne, lui semblait plutôt rare sur ces terres qu'il avait abordé bien malgré lui... Plusieurs détails persistaient à accrocher son attention. Et quand l'autre éleva la voix dans sa direction il ne réagit pas. Il déporta son regard, dans l'idée de se frayer une route, tandis que ses pensées dérivait vers les événements auxquels il venait d'assister.

Pour autant, sa main ne tarda pas à se refermer sur le premier objet qui passait à porter. Une bouteille, assez petite, d'un verre orangé. Et alors que l'étranger — puisque de tout évidence, il venait de loin aussi — s'éloignait sa carcasse sur l'épaule, le goulot explosa bruyamment à moins d'un mètre de sa tempe gauche, sur le mur le plus proche. « Ca ne va pas ? T'es-tu timbré toi ?! » Beugla la tenancière, sans qu'il ne l'écoute vraiment. Sans doute aurait-il du lui donner quelques unes de ces gemmes avant de se permettre ce qu'il venait de faire, mais le fait est qu'il n'y attachait pas la moindre importance. Pas plus qu'il ne se souciait de sa voix aiguë et paniquée, à vriller les tympans d'un revenant. « Held ! » Lança-t-il de son côté, cherchant l'homme des yeux et l'invitant à s'arrêter. Loin d'être offensé (il avait essuyé un certain nombre d'insultes et celle-ci était sans doute parmi les plus aimables), il était au contraire intéressé. 

"Hé ! Va falloir payer ! C'est que ça coûte la bière de miel !" Cracha la tenancière, en tentant d'agripper son poignet alors qu'il s'avançait vers le volé. D'un mouvement sec, il se sépara de la jeune femme, brusquement. « Y'n o Søajh ? » L’interrogea-t-il. Il ne maîtrisait que très rudimentairement la langue employée par celui qui pourrait s'improviser son guide d'un temps. Et pour cause... le patois que parlait l'autre ressemblait étrangement à celui de ceux qui vivaient au Sud du mur. A deux reprises, il avait été amené à traiter avec leurs soldats. Trop peu pour savoir le parler couramment, mais suffisamment pour le reconnaître.


Aedelrik


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Lorsque la bouteille éclata sur le mur, tout proche de sa tête, Aedelrik se figea. Comme un animal sentant un danger, il s'était tendu d'un trait et n'attendait qu'un autre sifflement, ou le bruit de pas derrière lui pour bondir plus loin et éviter le moindre coup. Lentement, il approchait sa main de la vieille masse, toujours accrochée à la ceinture de son voleur. Si ce dernier et le jeteur de bouteilles étaient complices, le voleur saurait lui apprendre, lui aussi, à reconnaître un maître quand il en voit un. Mais même après un long instant, rien ne vint. Ni projectile, ni bruits de pas. Seulement un mot,

« Held ! »

Aedelrik se retourna, les yeux grand ouverts, comme si il avait vu un fantôme. Et de fait, il considérait sérieusement cette option tant la situation lui semblait improbable. A la citadelle l'étranger avait parfois, quoique rarement, entendu des marchants et des voyageurs parler une langue familière. Mais ce qu'il avait cru entendre n'avait rien d'un langage répandu, encore moins au delà des mers. Un instant, il crut même avoir rêvé, s'être trompé, jusqu'à ce que l'inconnu n'ajoute,

« Y'n o Søajh ? »

Là, il n'y avait plus de doute. Aedelrik venait de retrouver un Ceald. A Hyrule. Il faillit en éclater de rire, devant l'absurdité de la scène. Lui, nu, portant un homme inconscient sur son épaule, et un rouquin Ceald l'interpellant dans une langue qu'il n'avait plus entendu depuis des années, le tout au milieu d'une foule médusée. Mais le voleur détestait trop attirer l'attention et il aspirait à retrouver un minimum de pudeur. Il alla chercher sa bourbe à sa ceinture retrouvée et en tira une piécette qu'il envoya à la marchande, dont la poigne de fer se desserra enfin autour de l'épaule du roux. Joignant un geste simple à la parole, Aedelrik lâcha quelques mots de ce qu'il pensait être un Ceald assez correct, afin d'inviter l'inconnu à le suivre,

« Orh net vøjn ! »

Son accent devait être atroce mais au moins pouvait il se faire comprendre, du moins l'espérait il. Sans perdre plus de temps, il avança dans la foule qui s'écartait sur son passage. Bientôt, les spectateurs médusés de son entrée furent derrière lui et il provoqua des réactions surprises voire indignées pour certaines d'entre elles. Aedelrik comprit alors qu'il devait vite trouver un coin isolé pour retrouver une allure et corriger le malandrin comme il convenait.
Finalement, il jeta son dévolu sur une cour d'auberge ouverte mais déserte. Il adossa son voleur, inerte, à un mur et récupéra ses effets. Il ne restait sur ce dernier qu'une simple tunique rapiécée et c'est là que l'étranger remarqua que celui qu'il avait prit pour un homme en était à peine un. Tout au plus un gamin assez grand pour son âge. Avec un soupire, il ouvrit une nouvelle fois sa bourse et en tira un petit nombre de piécette, qu'il plaça dans la main fermée du garçon. Il ne se sentait pas d'humeur à punir un jeune imbécile.
Se redressant, il remarqua la présence du Ceald derrière lui. Pour quelle raison ? C'était la question essentielle. La main proche de sa masse, il demanda avec un sourire et un ton léger,


« Eid va krosis ? »

C'était une constante dans toutes les langues : demander le nom de l'autre permettait de bien commencer les conversations. Et cela permettait également à Aedelrik de remettre de l'ordre dans ses pensées, pensées que l'arrivée impromptue de cet homme avait brusquement dérangé. Il repensa au dernier Ceald qu'il avait côtoyé. Un solide gaillard, à la poigne solide et qui ne manquait aucune occasion de jurer contre Artensyr et les impériaux. C'était de lui que Aedelrik connaissait quelques rudiments de cette langue qu'il trouvait âpre et complexe, étonnement complexe pour un peuple assez barbare, du moins de ce qu'il en savait. Si on lui avait dit un jour que ce savoir lui servirait, le voleur aurait rit aux éclats. A présent, il attendait d'en savoir plus sur les intentions de l'homme, avant de décider de rire ou non.


Lanre


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Du regard, le Paria suivit la course de la petite pièce de métal, jusqu'à ce que les doigts de la vendeuse ne se referment dessus comme les serres d'une pie attirée par l'or. Il fronça les sourcils de dégoût et renifla de mépris. Si étrange que cela puisse paraître, la scène ne lui évoquait les quelques mots d'une ode à la liberté que l'on chantait parfois chez lui. Et s'il considérait la scène avec dédain, il était également intrigué : comment de si infimes parcelles de fer parvenaient à tenir les hommes menottés et en chaîne lui échappait fondamentalement. Le sang pouvait asservir les hommes. La guerre pouvait les briser. Mais l'or...? Il n'était même pas sûr que l'or soit à même de dicter le comportement de ceux qui peuplaient le Sud, et pourtant il savait bien de quels faiblesses ces hommes-là étaient capables. Un instant, il lui prit l'envie de cracher au visage de cette femme qui bafouait tout ce pourquoi il s'était jamais battu, et tout ce pourquoi il lui semblait légitime de tirer l'acier. Il s'était déjà battu sans raison, bien évidemment, mais il lui semblait pourtant qu'une seule et unique raison valait de tuer. Une raison que cette commerçante oubliait à la vue d'un pan de fer brillant.

En vérité s'il ne le fit pas, c'était uniquement parce que l'homme qu'il avait interpellé le rappela involontairement à la raison. Décidé à en savoir plus sur les terres qu'il parcourait désormais, il garda sa salive pour d'éventuelles questions qu'il pourrait lui poser. Ses yeux, en revanche, décochèrent un trait des plus noirs à la damoiselle qui recula sans demander son reste. Il la regarda s'éloigner, avant de poursuivre sa route derrière son compagnon d'infortune. Le seul à le comprendre jusqu'à présent, et le seul qu'il comprenait. Ils furent prompt à trouver un endroit suffisamment calme et isolé pour que l'étranger puisse se changer. Pendant que son acolyte faisait son affaire, il alla s'installer sur l'un des rebords du mur, patient. La fenêtre ouverte sur les cuisines de l'auberge laissait passer des senteurs qui lui ouvraient l’appétit. Il songea alors à son dernier repas et se ne parvint à se souvenir à quand il remontait. Il jeta un bref regard en arrière et se saisit de deux paires de pommes qui, de toute évidence, ne manqueraient à personne.

Il les glissait déjà dans sa sacoche quand vint la première question. Les pommes roulèrent de ses mains jusqu'au fond de son baluchon, tandis qu'il remontait la tête, cherchant les yeux de son interlocuteur, non sans remarquer à quel point ses doigts s'étaient glissés auprès de sa masse d'arme. « Hi'ar ceath. » Lâcha-t-il simplement, laissant sa bandoulière glisse à sa place originelle. Il ne cachait pas sa méfiance, réagissant presque par réflexe comme il avait toujours réagi, sur la défensive. Rares étaient les situations où il avait donné son nom le premier, mais c'était d'avantage par défiance que par esprit de défi. Aujourd'hui, il était un exilé, qui cherchait  refuge là où il pourrait y prétendre. Il n'était plus le guerrier qu'il avait été autrefois, ni le chasseur qu'il avait pu être. Il n'était plus non plus membre d'aucun clan qui pouvait réclamer le nom de son interlocuteur avant de se présenter. Ce temps était révolu et s'il l'avait oublié l'espace d'un instant, il ne tarda guère à s'en souvenir. D'autant plus qu'il avait besoin de cet inconnu bien plus que l'inverse n'était vrai. « Logh'e. » Reprit-il ensuite, s'excusant, conscient de réalités qu'il aurait sûrement préféré ignorer.

"Egg're Lanre, val skaald, rovaan." Poursuivit-il, bien que mentant par omission. Il était sans nul doute en errance et Braig l'avait effectivement formé aux arts que pratiquaient les nobles Skalds. Pourtant il n'était pas un barde vacant et ne l'avait jamais vraiment été. S'il acceptait de donner son nom, il ne souhaitait pas pour autant rentrer dans le détail de situation. Il ne doutait pas que son camarade le comprenne, mais il espérait qu'il le respecte également.  « Beth am ? » Demanda-t-il alors, invitant l'homme à se présenter également, sans tous les détours protocolaires chers aux Gens du Sud. Sans être une manque de respect, cela avait le mérite d'être direct. « Berserk nor tafiir ? » S'enquit le paria. Si la masse laissait penser à un homme rompu aux arts militaires, l'armure si proche du corps qu'il portait témoignait d'une tout autre préoccupation. Il ne serait pas surpris d'apprendre que la nuit soit sa campagne au moins autant que ne l'était l'acier qu'il attachait à la boucle de son ceinturon.


Aedelrik


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[ET BAM ! La p'tite surprise :D]

Drôle d'oiseau, décidément, que ce rouge-gorge peu bavard. Aedelrik l'avait observé en silence glisser des pommes dans sa besace, sans qu'il ait semblé éprouvé la moindre gêne de s'emparer ainsi du bien d'autrui. Oh bien sur ! le rouquin n'était pas homme à se priver lorsque la faim le tiraillait, mais il jetait toujours un coup d'oeil rapide aux alentours, et s'exécutait rapidement et furtivement. Le Ceald s'embarrassait de moins de subtilité.
Ce fait fit remonter de sa mémoire encrassée quelques souvenirs d'un vieux camarade, aux cheveux nimbée de la même aura de carotte, et qui se trouvait toujours surpris lorsqu'on lui reprochait ses vols. Un choc de cultures, sans doute. Au fond, le Renard n'en savait rien, puisqu'il ignorait tout de leur foutue île. Peut être les Cealds exilés se comportaient ils juste tous comme des saguoins dés lors que leur mère ne se trouvait pas derrière eux pour leur tirer l'oreille.

Il s'amusait fort de la situation, tout en s'efforçant de ne pas paraître narquois à ce solide gaillard diablement bien bâti et fort potentiellement dangereux, quand ce dernier lui répondit enfin. Et là, ce fut un petit drame.
Aedelrik s'étant toujours considéré comme surdoué dans l'apprentissage des dialèctes, se retrouver confronter à une barrière langagière le désarçonnait plus que toute autre situation ; sauf peut être l'honnêteté pure, mais ce spectacle était confiné au rarissime. Or, lorsque le charmant rouquin lui adressa enfin la parole, il dut bien admettre un fait douloureux pour son égo : il n'en avait pas bité un traître mot. Non pas que le Ceald ait fait preuve d'un lyrisme expansif, mais son accent rendait toute tentative de compréhension très périlleuse.

Le deuxième essai fut plus concluant, peut être parce qu'il avait reconnu la formule que son ancien ami utilisait souvent pour s'excuser de ses manières qu'il savait bourrues. Et lorsqu'il rouvrit la bouche, l'inconnu fut enfin plus compréhensible. Il ne fallut qu'un instant à Aedelrik pour comprendre que le mot qu'il ne saisissait pas était sans doute un nom ; Lanre. Pour ce qui était de Skald, il avait déjà rencontré un de ces bardes, en fait bien plus que cela sur leur île natale mais ceux qu'on croisait sur le continent y voyageaient grâce à, et pour leur art. Enfin, rovaan dérivait sans doute du verbe "traîner quelque part" que le voleur avait souvent entendu, lorsque son camarade l'invitait à aller boire sur les docks. Une éternité semblait avoir passé, et pourtant le Renard constata avec satisfaction que sa mémoire restait vivace.
En tout cas, ils venaient de faire un grand pas en avant. Dans l'empire, tout le monde connaissait le caractère rustre des Ceald. Les histoires sur leurs comptes les dépeignaient souvent comme des lourdauds pas bien fins et ne sachant s'exprimer que par les poings. Comme souvent, le tableau brossait une caricature, mais parfois pas si outrancière que ça. De fait, Aedelrik était satisfait de recevoir une question de l'inconnu plutôt que son poing en pleine face, ou bien un coup de lame courbé dans le ventre.


« Egg...'re Aedelrik. » Déclara t'il, s'efforçant d'imiter au mieux l'accent Ceald, tout en posant un poing fermé sur son coeur. Un geste théâtral, mais aussi direct et franc que le ton de Lanre. Puis, celui ci lui posa une question d'un genre particulier. Le genre qui fâche. Du moins le Renard la compris ainsi : Berserk devait signifier guerrier, et tafiir, voleur - ça au moins il en était sur. Guerrier, ou voleur ? Aedelrik perdit l'affabilité de son sourire, et ce dernier se fit plus mordant, plus incisif. Que faire si cette nouvelle rencontre décidait que son intérêt se trouvait dans le fait d'amener un hors la loi inconscient et proprement bastonné au premier poste de garde venu ? Le chapardeur ne pensait pas avoir déjà une prime sur sa tête mais certains simples d'esprit ou âmes trop honnêtes sont parfois poussés à des extrémités...

« Erf'tafiir. Daj Arets. » Affirma t'il fièrement. Quitte à assumer, autant assumer jusqu'au bout. Et puis à quoi bon être le meilleur si personne ne le sait ? Aedelrik, lui, en était persuadé et ce fut ce qui l'aida à proclamer sa supériorité en plein air, devant un inconnu, alors qu'il se trouvait encore torse nu et encore à moitié trempé d'eau chaude. « Kto blyat sekj vasegf Hyrule ? » Dieux que ces Cealds pouvaient avoir une langue barbare. Le Renard avait l'impression de mâchouiller du cuir en imitant leur accent. Du moins espérait t'il que Lanre aurait compris. De toute façon c'étaient une question évidente pour deux étrangers provenant du même coin du monde : Se retrouver dans ce pays, Hyrule, était forcément le fait d'un hasard du destin, et Aedelrik était curieux de connaître l'histoire de son camarade d'immigration.

« Hey ! Où qu'elles sont mes pommes ?! » La question, au fond parfaitement légitime, était venue de la fenêtre de la bâtisse où ce qui semblait être un garçon de cuisine se trouvait là stupéfait et en proie à une colère montante. Après avoir observé les deux rouquins qui se faisaient face, il brandit un doigt inquisiteur vers eux deux, ses lèvres légèrement retroussées à la manière d'un chien de garde, un chien foutrement méprisant. « C'est quand même pas vous, les clochards, qui les ont piqué ?! »

« Qui les avez piqué. » Rectifia Aedelrik, sur le même ton, voire un peu plus condescendant. Il se refusait à subir le mépris hautain d'un vulgaire touille-la-soupe. Ce dernier sembla le prendre comme une attaque contre sa non-éducation et devint rouge d'indignation. « Attention le clodo, j'suis pas d'humeur. »

« Et ta soeur, elle est d'humeur ? Fous le camp. » Demanda le Renard en allant piocher agilement et sans autorisation une des pommes dans la besace de Lanre, tout en ne quittant pas l'imbécile des yeux. Le gamin possédait peut être une inclinaison coupable à l'égard de sa frangine, ou bien il attachait une valeur particulière à sa pureté, toujours fût il qu'il disparut de la fenêtre en un éclair pour se retrouver dans la cour un instant plus tard, jailli d'une des portes de service, un hachoir de boucher à la main. Aedelrik avait cessé de sourire lorsqu'il lui intima, « Arrête de déconner, et pose donc ça. »

Sa main s'était approchée de sa masse, mais surtout, il dardait un regard inquiet sur le Ceald. Il se souvint de ce que Freld lui avait dit un jour sur son peuple : "Si tu fous l'ours en rogne, faut pas te plaindre après de finir dans son ventre !