Posté le 02/12/2015 04:13
[ET BAM ! La p'tite surprise :D]
Drôle d'oiseau, décidément, que ce rouge-gorge peu bavard. Aedelrik l'avait observé en silence glisser des pommes dans sa besace, sans qu'il ait semblé éprouvé la moindre gêne de s'emparer ainsi du bien d'autrui. Oh bien sur ! le rouquin n'était pas homme à se priver lorsque la faim le tiraillait, mais il jetait toujours un coup d'oeil rapide aux alentours, et s'exécutait rapidement et furtivement. Le Ceald s'embarrassait de moins de subtilité.
Ce fait fit remonter de sa mémoire encrassée quelques souvenirs d'un vieux camarade, aux cheveux nimbée de la même aura de carotte, et qui se trouvait toujours surpris lorsqu'on lui reprochait ses vols. Un choc de cultures, sans doute. Au fond, le Renard n'en savait rien, puisqu'il ignorait tout de leur foutue île. Peut être les Cealds exilés se comportaient ils juste tous comme des saguoins dés lors que leur mère ne se trouvait pas derrière eux pour leur tirer l'oreille.
Il s'amusait fort de la situation, tout en s'efforçant de ne pas paraître narquois à ce solide gaillard diablement bien bâti et fort potentiellement dangereux, quand ce dernier lui répondit enfin. Et là, ce fut un petit drame.
Aedelrik s'étant toujours considéré comme surdoué dans l'apprentissage des dialèctes, se retrouver confronter à une barrière langagière le désarçonnait plus que toute autre situation ; sauf peut être l'honnêteté pure, mais ce spectacle était confiné au rarissime. Or, lorsque le charmant rouquin lui adressa enfin la parole, il dut bien admettre un fait douloureux pour son égo : il n'en avait pas bité un traître mot. Non pas que le Ceald ait fait preuve d'un lyrisme expansif, mais son accent rendait toute tentative de compréhension très périlleuse.
Le deuxième essai fut plus concluant, peut être parce qu'il avait reconnu la formule que son ancien ami utilisait souvent pour s'excuser de ses manières qu'il savait bourrues. Et lorsqu'il rouvrit la bouche, l'inconnu fut enfin plus compréhensible. Il ne fallut qu'un instant à Aedelrik pour comprendre que le mot qu'il ne saisissait pas était sans doute un nom ; Lanre. Pour ce qui était de Skald, il avait déjà rencontré un de ces bardes, en fait bien plus que cela sur leur île natale mais ceux qu'on croisait sur le continent y voyageaient grâce à, et pour leur art. Enfin, rovaan dérivait sans doute du verbe "traîner quelque part" que le voleur avait souvent entendu, lorsque son camarade l'invitait à aller boire sur les docks. Une éternité semblait avoir passé, et pourtant le Renard constata avec satisfaction que sa mémoire restait vivace.
En tout cas, ils venaient de faire un grand pas en avant. Dans l'empire, tout le monde connaissait le caractère rustre des Ceald. Les histoires sur leurs comptes les dépeignaient souvent comme des lourdauds pas bien fins et ne sachant s'exprimer que par les poings. Comme souvent, le tableau brossait une caricature, mais parfois pas si outrancière que ça. De fait, Aedelrik était satisfait de recevoir une question de l'inconnu plutôt que son poing en pleine face, ou bien un coup de lame courbé dans le ventre.
« Egg...'re Aedelrik. » Déclara t'il, s'efforçant d'imiter au mieux l'accent Ceald, tout en posant un poing fermé sur son coeur. Un geste théâtral, mais aussi direct et franc que le ton de Lanre. Puis, celui ci lui posa une question d'un genre particulier. Le genre qui fâche. Du moins le Renard la compris ainsi : Berserk devait signifier guerrier, et tafiir, voleur - ça au moins il en était sur. Guerrier, ou voleur ? Aedelrik perdit l'affabilité de son sourire, et ce dernier se fit plus mordant, plus incisif. Que faire si cette nouvelle rencontre décidait que son intérêt se trouvait dans le fait d'amener un hors la loi inconscient et proprement bastonné au premier poste de garde venu ? Le chapardeur ne pensait pas avoir déjà une prime sur sa tête mais certains simples d'esprit ou âmes trop honnêtes sont parfois poussés à des extrémités...
« Erf'tafiir. Daj Arets. » Affirma t'il fièrement. Quitte à assumer, autant assumer jusqu'au bout. Et puis à quoi bon être le meilleur si personne ne le sait ? Aedelrik, lui, en était persuadé et ce fut ce qui l'aida à proclamer sa supériorité en plein air, devant un inconnu, alors qu'il se trouvait encore torse nu et encore à moitié trempé d'eau chaude. « Kto blyat sekj vasegf Hyrule ? » Dieux que ces Cealds pouvaient avoir une langue barbare. Le Renard avait l'impression de mâchouiller du cuir en imitant leur accent. Du moins espérait t'il que Lanre aurait compris. De toute façon c'étaient une question évidente pour deux étrangers provenant du même coin du monde : Se retrouver dans ce pays, Hyrule, était forcément le fait d'un hasard du destin, et Aedelrik était curieux de connaître l'histoire de son camarade d'immigration.
« Hey ! Où qu'elles sont mes pommes ?! » La question, au fond parfaitement légitime, était venue de la fenêtre de la bâtisse où ce qui semblait être un garçon de cuisine se trouvait là stupéfait et en proie à une colère montante. Après avoir observé les deux rouquins qui se faisaient face, il brandit un doigt inquisiteur vers eux deux, ses lèvres légèrement retroussées à la manière d'un chien de garde, un chien foutrement méprisant. « C'est quand même pas vous, les clochards, qui les ont piqué ?! »
« Qui les avez piqué. » Rectifia Aedelrik, sur le même ton, voire un peu plus condescendant. Il se refusait à subir le mépris hautain d'un vulgaire touille-la-soupe. Ce dernier sembla le prendre comme une attaque contre sa non-éducation et devint rouge d'indignation. « Attention le clodo, j'suis pas d'humeur. »
« Et ta soeur, elle est d'humeur ? Fous le camp. » Demanda le Renard en allant piocher agilement et sans autorisation une des pommes dans la besace de Lanre, tout en ne quittant pas l'imbécile des yeux. Le gamin possédait peut être une inclinaison coupable à l'égard de sa frangine, ou bien il attachait une valeur particulière à sa pureté, toujours fût il qu'il disparut de la fenêtre en un éclair pour se retrouver dans la cour un instant plus tard, jailli d'une des portes de service, un hachoir de boucher à la main. Aedelrik avait cessé de sourire lorsqu'il lui intima, « Arrête de déconner, et pose donc ça. »
Sa main s'était approchée de sa masse, mais surtout, il dardait un regard inquiet sur le Ceald. Il se souvint de ce que Freld lui avait dit un jour sur son peuple : "Si tu fous l'ours en rogne, faut pas te plaindre après de finir dans son ventre !