D'orbes orangés : de soleil et de fruits.

Premier post pour Llanistar van Rusadir. MP pour participer.

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Des orangers s'alignaient en continu devant lui, formant quelque couloir qu'on aurait pu croire infini. Mais à contrario de ceux du Castel-Royal qui s'élevait fièrement dans son dos, celui-ci était à ciel ouvert. A ciel ouvert. Il y avait quelque chose de très important pour lui dans cette caractéristique. L'Hylien n'avait pas développé la moindre claustrophobie – quand bien même, après avoir parcouru tant de donjons, cela aurait pu se comprendre... – mais s'était au contraire découvert un lien étroit avec le Ciel.

La tête rejetée, les yeux dégagés, il contemplait cet océan d'un bleu clair et taché de blanc. Bien qu'il n'avait jamais eu l'occasion de se pencher sur la question, le blond avait toujours été en recherche d'identité, en quête de ses origines. Certains diront que n'avoir pas de parents est sans doute un avantage indéniable ce qui ne serait pas contestable. Pas contestable, certes, mais à nuancer bien évidemment. Quand le bourgeon du Vénérable lui avait asséné cette froide vérité au visage, il avait pris une claque bien plus violente que ne pouvait être n'importe quel assaut des créatures qu'il avait eu à affronter à l'époque. Bien entendu, il s'y attendait depuis que Rauru l'avait accueilli dans le Sanctuaire des Sages. Cela n'avait rien changé à l'impact de cette confirmation (plus qu'une nouvelle, soyons honnêtes) sur lui. Il n'avait pu s'empêcher de considérer la Forêt comme sa demeure, les Kokiris comme sa famille. Saria tout particulièrement. Parti en frère, revenu en étranger méconnaissable ; et quelque part, jeté. Ca n'avait pas été la volonté du nouvel Arbre, pour sur, et pourtant c'était un pilier central de sa construction personnelle qui s'était effondré sur lui même ce jour là.

Et pour la première fois depuis si longtemps, il avait l'impression de toucher au but. Cette sensation pugnace de n'être qu'à un fil de l'intrigue, d'être sur le point de découvrir tout ce qu'il avait toujours ignoré. Après tant d'années à laisser la question le tarauder sans relâche ni merci, il avait enfin ce sentiment d'y être.
Et l'enfant des bois était persuadé que ça avait à voir avec les Cieux.
Une légère bourrasque souleva doucement les vêtements frais et propres que Zelda avait fait préparer pour lui. Un pantalon d'une toile brune, des bottes neuves d'un cuir à la qualité admirable, et une tunique de lin d'un beige assez clair, brodé de fils d'argent. Contre son flanc droit pendait une Excalibur incomplète, accrochée à une fine ceinture de cuir elle aussi offerte par la jeune suzeraine.
Le vent ne manqua pas de faire tinter l'or que la Princesse de la Destinée lui avait accroché à l'oreille, alors qu'un petit sourire venait remplacer le masque qu'il portait un instant plus tôt. Le lien que Belle avait recréé existait réellement. Non pas qu'il ne croyait pas la jolie blonde, mais elle lui avait souvent parlé de ce lien qui était supposé exister, auparavant et qu'il n'avait jamais ressenti, aussi s'était-il attendu une fois encore à ne pas avoir plus de contact avec elle.

C'était nuit agitée qu'il avait passé, comme toutes celles qu'il avait eu à vivre depuis que l'Épée Sacrée avait été scellée. Cauchemars, songes morbides et autres mauvais rêves s'étaient invités en sa couche, lui laissant revoir cette entité qui s'en était pris à lui alors qu'il pénétrait l'enceinte du Château d'Hyrule en compagnie de Tali et de Rusadir. Les deux voix s'étaient montrées plus distantes que la première fois, mais autrement moins avare quand aux images, et une nouvelle fois était survenu cette chose immense, Démon aux écailles noires, et au pilier de pierre enfoncé dans la mâchoire.

Il ne savait que peu de choses aux sujets de des deux individus qui l'avaient accompagné sans rien voir de son malaise, mais la Gérudo avait déjà gagné sa confiance. Elle avait, après tout, celle de Nabooru, mais plus encore, elle avait prouvé depuis sa fuite de la Forteresse Gérudo jusqu'à l'arrivée devant Zelda qu'elle ne lui souhaitait pas le moindre mal, allant même jusqu'à le protéger parfois. Il se promit de la retrouver pour la remercier. Et éventuellement en toucher un mot à son amie. Quand à Rusadir... Sans doute celle-ci avait confiance en lui pour le faire général. Il se fierait tout simplement à elle.

Link leva son bras vers le soleil, cet orbe-de-feu-plus-ardent-que-le-Cratère du Péril, et plus brillant que le plus pur des métaux. La conviction que le Royaume de cet astre cachait quelque secret qu'il lui fallait à tout pris mettre à jour. Il se sentait assez de force pour attraper la sphère de flamme, et se hisser jusqu'au dessus des nuages pour y trouver une cité volante. Et son poing se referma sur une orange, qu'il détacha de l'arbre fruitier.

Il s'était rendu ici avant de partir en raison de ce message que lui avait demandé de transmettre le Félon Dun Loireag. « Lorsque tu verras à nouveau Zelda, transmets-lui un message de ma part… Les oranges furent douces et sucrées, mais il n’y en aura plus à l’avenir ; l’allée des orangers se meurt. » Avait-il dit. Cette phrase restait ancrée dans la cervelle du garçon des forêts, et l'avait poussé à aller jusqu'à rejoindre cette fameuse allée. Il n'en avait touché mot à Zelda, tant en raison de la colère qui le submergeait, et qu'il avait finit par canaliser, que par volonté de ne pas lui nuire plus encore. Il le savait, cette trahison l'avait blessée bien plus qu'elle n'avait blessé quiconque en Hyrule.

Le Héros du Temps ignorait ce que les deux amants avaient pu partager ensembles, qu'il s'agisse de ce couloir bordé d'oranges, ou de n'importe quelle joie et peines en quelques années de vie commune. Il était à la fois curieux de savoir, mais d'un autre côté rejetait en bloc ces informations, tiraillé par une étrange association d'émotions. A l'évidence, Belle avait échangé bien plus avec l'Ex-Prince consort en quelques années, qu'elle n'aurait jamais pu échanger avec lui en deux vies consécutives, et il devrait s'y résoudre. Un autre privilège de Prince, sans doute.

Sur ce constat qui ne l'enchantait guère, il dépeça l'orange, avant de la couper en quartiers. C'est sans se soucier des bruits de pas qui venaient dans son dos qu'il en glissa un entre ses dents, curieux de goûter à cette fameuse saveur dont on lui avait parlé. Parfum d'amertume, relents de tristesse, sans doute.


Llanistar van Rusadir


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Llanistar tentait de se masser les tempes, sentant une migraine atroce approcher au grand galop dans son crane. La réunion qu'il devait subir durait depuis des heures et rien n'avançait. Levé aux aurores après avoir dormit seul dans son lit, ce qui n'était plus dans ses habitudes, le général pensait s'être préparé au mieux pour résister à l'ennui et l'agacement qui accompagnerait cette corvée mais... Il devait avoir sous estimé ses invités. Il avait pu constater la première mauvaise surprise dés son entrée dans la salle de ban. Alors qu'il avait convoqué tous les nobles du royaume, il se retrouvait face à leurs intendants respectifs. Comme si son sang étranger les rendait trop supérieurs pour qu'ils aient à supporter sa compagnie. La deuxième mauvaise surprise le frappa tel un poing dans la figure lorsqu'il constata que rien ne serait simple avec une telle bande de cul pincés. Après des évènements comme l'expédition de la citadelle et le raid plus ancien sur le ranch, il avait naïvement cru que les chers pairs d'Hyrule seraient compatissants et daigneraient apporter leur contribution à l'effort de guerre. Après tout, il s'agissait de défendre leurs terres, leurs gens, leurs intérêts.
Quelle ne fut pas sa déception et sa consternation lorsqu'il put voir à l'oeuvre la jalousie, la pingrerie, l'égoïsme qui les motivait tous. Pas un de daignait sortir un rubis de sa poche, mais tous lui rappelait le devoir de protection de la couronne. A côté du nordique, le vieux Cerscastel écoutait patiemment...Mais bouillonnait de rage en lui même, comme le montrait ce poing qu'il serrait si fort en dessous de la table. Tant de peines depuis plusieurs jours pour réunir les plus influents du royaume à la même table et les raisonner pour se retrouver avec une compagnie de pète-secs ne pouvant décider de rien pour leurs seigneurs et aussi rigides qu'eux. Llanistar sentait sa propre patience fondre à vue d'oeil.

Tandis que se levait un gros imbécile habillé de brun dont la tunique parvenait à peine à contenir sa panse gigantesque, un doigt levé en l'air pour réciter un proverbe stupide inventé par des avares, il tapotait nerveusement la table de pierre, gardant difficilement une respiration apaisé. Des semaines qu'il tentait de redresser la barre et un abruti osait lui balancer du prêt-à-penser comme argument pour faire le rapiat ! Dés que ce dernier eut terminé, le général se leva, lentement, ménageant son effet.


- Messieurs, je vais être très clair. Vos proverbes, la liste des ancêtres de vos employeurs, la taille de leurs bâtons de fertilité, je m'en moque. Gardez vos excuses, elles ne m'intéressent pas. Je ne vous demande pas gentiment votre permission pour prélever les taxes nécessaires à la défense du royaume. Je vous informe que de telles mesures seront prises prochainement, qu'aucune protestation ne leur empêchera d'être appliquées et je vous conseille par conséquent de vérifier vos comptes. Les percepteurs du trésor auront l'occasion d'y jeter un oeil puisqu'ils viendront vous visiter. Il vaudrait mieux pour vous que l'on ne découvre rien de compromettant... Vous pouvez disposer.

Un silence de plomb s'était abattu sur la salle et les différents notables se regardaient les uns les autres, l'air incrédule. Quand bien même Llanistar était un étranger, il était mandaté par la souveraine dans la tache de général, que pouvaient ils dire ? Les plus frileux s'en allèrent sans demander leur reste, marchant si vite vers la sortie qu'on pouvait les croire fuyants. D'autres échangèrent quelques mots avant de suivre les premiers, le regard mauvais et le visage grimaçant. Finalement, il ne resta plus que le nordique, le vieux chevalier et le chancelier des Descharyen. Ce dernier avait gardé le silence pratiquement tout du long et le général le prenait pour le plus raisonnable de tous. Servant une grande famille, c'était une bonne chose que de l'avoir à ses côtés. Il fut déçu. L'homme se leva paresseusement, presque avec insolence et s'approcha d'eux. Il affichait un sourire confiant, moqueur, entendu et il transpirait la fourberie.

- Vous savez, ser Général. Commença t'il, la voix pleine de mépris. Il est de mauvaises langues pour affirmer des choses troublantes...compromettantes, à propos de ce château. Des histoires d'amour que la loi interdit. Des cachotteries que l'on croit cachées aux yeux de tous...

Llanistar tentait à tout prix de se maîtriser. Comment un pareil imbécile pouvait il savoir pour lui et Orpheos ? Qui avait vendu la mèche ? Les avait t'on simplement vu ? Pourtant, rien ne pouvait avoir laissé paraître leur lien...

- Imaginez comme le peuple réagirait si il apprenait que la princesse se déshonore avec un faux héros...
- Dehors.
- Plait il ?
- DEHORS !

Le nordique manqua de le jeter hors de la salle, à la fois soulagé que la rumeur ne le touchât point mais effrayé à l'idée qu'un bruit déshonorant ne cours sur la princesse. Décidément, la situation ne manquait pas de noeuds. La migraine commençait à arriver en force et Llanistar se sentait étouffé par ces murs de pierre. Après un bref regard échangé avec le chevalier, il sortit de la salle de ban et se rendit au seul lieu où il pouvait espérer un peu de tranquillité : les jardins.

La tâche qu'il avait choisit de porter lui pesait atrocement ce matin là. Tant d'efforts qui se heurtaient à des égos trop imposants, à des susceptibilités mal placées... Le découragement n'était pas loin mais il lui suffisait de penser au petites gens qu'il observait depuis son cheval à chaque sortie du château pour retrouver la hargne. L'envie, le besoin même de réussir. Comme si il pouvait laver tout ses précédents échecs dans une grande oeuvre désintéressée. Comme si cela pourrait lui faire oublier le passé.
Le soleil brillait fort lorsqu'il arriva enfin aux jardins et foula l'herbe sous ses bottes. Il ne lui fallu qu'un instant pour voir qu'il n'était pas seul... Link était là. Link le héros, le sauveur. Llanistar n'arrivait pas à lui en vouloir d'avoir échoué mais il ne pourrait plus voir le jeune homme sur le piédestal où ce dernier était placé avant l'expédition du désert. Quelque chose s'était brisé là bas. Pour la deuxième fois, celui que le peuple adorait avait échoué, et le nordique n'aimait pas les gloires non méritées. Il n'aimait pas les Héros non plus, mais avait vu le blond suffisamment mal en point la veille pour comprendre qu'il n'avait surement pas besoin de mépris à son égard. Amnésique...Quelle pitié ! Il s'approcha lentement et l'observa. Tout ce qu'il vit fut un jeune garçon savourant une des dernières oranges de l'été. La saison approchait de sa fin, il n'y en aurait bientôt plus. Llanistar tendit le bras pour en cueillir une et le rejoignit.


- Une belle journée pour profiter de ces jardins, hum ? Pardonnez moi, Link mais... Vous souvenez vous de qui vous êtes ?

Il semblait voir un autre Link, un visage ressemblant bien plus à celui qui avait mené l'expédition dans le désert que l'âme en peine qui tremblait sous la pluie nocturne de la nuit précédente. Le nordique n'avait pas la prétention d'être présent dans la mémoire du jeune homme, mais si il se souvenait de lui même, c'était déjà une bonne nouvelle.


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On les lui avait dit goûteuse et sucrées, il les trouva amères et immatures. Sans doute son jugement était faussé par la subjectivité naturelle et la rancoeur qu'il éprouvait dorénavant à l'égard du Parjure. Et puis... Ces oranges représentaient exactement ce qui lui était interdit. Il ferma le poing sur ce qu'il restait de l'agrume ; sans toutefois le broyer. Il n'était pas sans savoir que bien des gens n'avaient pas à manger, lui même se retrouvant régulièrement dans cette situation. Et le peuple d'Hyrule méritait mieux que la colère. Quelle qu'elle fusse. Plutôt que de s'offrir le luxe de gâcher là où des milliers ne pouvaient subvenir à leurs besoins, il s'efforça de terminer ce qu'il avait entreprit, glissant un nouveau quartier à la saveur de fiel entre ses dents. Elles étaient aigres sur la langue, âpres en bouche. Mais il savait qu'il serait l'un des rares à leur trouver ce parfum de poison. A l'évidence il s'agissait de pièces plus savoureuses que nulle part ailleurs. Pour Hyrule tout entier.

Lui déglutit avec peine. Quel idiot avait-il été ! Il aurait du savoir qu'il n'y trouverait rien d'autre qu'un arôme endeuillé, que des effluves grisonnants, que de trace d'un désespoir morbide. Définitivement il ne trouvait rien d'agréable à ce qu'avait été l'une des marques explicite d'une vie qui avait avancé sans lui. Sot aurait-il fait que de croire que les choses n'avanceraient pas. Il ne l'avait sans doute pas cru, ou peut être que si. Il n'en savait rien, et préférait laisser loin de lui tout ce genre de questions, avant d'avaler un nouveau quartier.

Si chaque bouchée lui rappelait ce passé commun du Prince félon, et de la Princesse Nohansen Hyrule, elle lui ramenait aussi en tête de simples vers que l'on chantait parfois, quand partaient les hommes à la bataille. Il ne se souvenait certes pas de tout, mais lui revinrent d'eux d'entre eux. « Suspends les épées et suspends les flèches,
Permets qu'ils connaissent un jour meilleur. » Nouvelle bouchée. L'Hylien espérait que l'une des trois divinités entende ce genre de requête. Il n'avait jamais aimé ces trois femmes, sans pour autant les détester.

Suspends les épées et suspends les flèches,
Permets qu'ils connaissent un jour meilleur.

Il n'était pas des plus à l'aise au chant, mais les mots étaient sorti seuls, derniers restes d'une prière depuis longtemps oublié. Jamais, il n'avait été transcendé par la foi. Les Trois existaient à l'évidence, mais son histoire auprès d'elles s'arrêtait là. Pour autant il en venait à adresser une demande, simple et claire à l'une d'entre elles. Qu'importe laquelle, pourvu qu'elle soit prête à écouter. Il en avait profondément assez que ne soient soumis les Hyruliens dans leur intégralité a une guerre pareille. Il ne désirait rien sinon la paix et la joie pour ses compatriotes, et la prospérité du Royaume. Il savait aussi ce qu'en avait fait Ganondorf lorsque celui-ci avait atterri entre ses mains après qu'il eut par la félonie tué Daphnès le Juste, dans des mémoires que bien peu conservaient.
Il se força à avaler chaque quartier du fruit. Chacun après avoir mastiqué aussi bien que faire ne se peut. Chacun pour le peuple d'Hyrule.

Les pas se stoppèrent un instant dans son dos. Le temps de cueillir une orange à l'évidence. Il termina la sienne, l'avalant tant bien que mal. Faire ça pour Hyrule ne la rendait pas moins amère. Un pressentiment lui disait qu'il s'agissait de Rusadir. Il savait qu'il avait déjà vu cet homme, avant. Le tout était encore de déterminer, quand, pourquoi, et dans quelles circonstances. La voix qui s'éleva derrière lui confirma ses pensées. Il s'agissait bel et bien de l'homme qui l'avait conduit jusque Belle, la veille. Quelques pas de plus, et le Général l'avait rejoint, le dévisageant presque. Le regard glacé du blond chercha les yeux du brun, laissant passer un bref instant avant de ne répondre par un hochement de tête concis, mais clair.


"C'est dans la salle du Trône de Ganondorf que nous nous sommes rencontrés, n'est-ce pas ?" Demanda-t-il, sans détourner les yeux, les deux billes de givres toujours plongées dans celles grises de l'Officier. Peut être cela le dérangerait-il, il n'en savait rien. Le faux-Kokiri mettait le doigt sur leur rencontre première, du moins, lui semblait-il. Peut être se trompait-il, et l'homme en face lui semblait plus vieux que celui qui avait affronté à ses côtés les Ombres et le fantôme d'un lâche.

Le soleil lécha sa peau, qu'il avait bien plus hâlée que son interlocuteur. Cette douce chaleur de l'été mourant annonçait déjà l'automne. Rares se feraient désormais les rayons de soleils dont il serait possible de profiter. Qu'importe. Au plus profond de l'Hiver comme au plus profond de la Nuit, il s'assurerait que toujours brûle un brasier éternel, un brasier qui flambe contre le froid. Un brasier d'espoir et de vie.


Llanistar van Rusadir


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Suspends les épées et suspends les flèches,
Permets qu'ils connaissent un jour meilleur.

Le blond n'avait pas une voix déplaisante, au contraire. En revanche, Llanistar eut du mal à réprimer une grimace. Il n'avait jamais été à l'aise avec la religion et ses prières, quelles qu'elles soient. Non pas qu'il n'ait jamais été croyant...Mais aussi loin qu'il se souvenait, il avait toujours détesté les dieux. Pour n'avoir jamais été de son côté, parce que le destin n'était pas à ses yeux un horizon baigné dans une douce aube. C'était la hache d'un bourreau qui prenait les vies, l'une après l'autre avec un zèle terrifiant. Le nordique n'avait fait qu'être frappé par cette fatalité et il en avait tiré une leçon : soit les dieux ne pouvaient rien pour lui et ils ne méritaient pas sa dévotion, soit ils le haïssaient et il pouvait leur retourner cette haine sans remords. Pourtant, il n'en voulait pas aux Hyliens d'être pieux, ces gens avaient vécu une paix assez longue avant l'arrivée de Ganondorf pour s'imaginer protégés par les cieux.
Il approcha lentement du héros du temps, sans rien ajouter, lui laissant le temps de l'observer et de le reconnaître. Un regard froid comme la pierre le fixa l'espace d'un instant. Un instant de doute pour l'héritier des Rusadir. Ce garçon se rappelait il seulement de qui il était ? Il avait paru amnésique la veille et Llanistar n'avait jamais entendu parler d'un cas de regain de mémoire soudain et il n'osait trop espérer. Car au fond, le général savait pertinemment qu'il ne pourrait jamais être pour Hyrule ce qu'était ce Link, ce coeur pur que les déesses semblaient avoir choisit. Le nordique n'était qu'un homme, à l'âme grise et au passé tourmenté. Il ne pouvait prétendre à la "race" des héros. Sa pensée fut interrompue par la voix du jeune homme, mal assurée, comme au réveil.


"C'est dans la salle du Trône de Ganondorf que nous nous sommes rencontrés, n'est-ce pas ?"

La surprise fut double. Déjà, qu'il se souvint de l'expédition à la citadelle indiquait qu'il avait retrouvé sa mémoire, au moins récente. Mais en plus qu'il se souvint d'un visage aperçu si brièvement, après tant d'épreuves...Llanistar ne put empêcher une certaine fierté absurde de naître au fond de lui. Ainsi, Orpheos n'était pas le seul à se rappeler de ses actes au désert. Le visage impassible, il hocha la tête et alla s'asseoir aux côtés du héros. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il ne trouve les bons mots.

"Nous avons combattu ensemble ce jour là. Chacun à notre manière et...en perdant chacun une part de nous même... Il retira son gant et dévoila sa main d'acier, remplaçant celle qu'il avait perdu dans le grand hall de Ganondorf. Il parlait également du fragment de la triforce manquant, détail qu'il avait remarqué la veille.En revanche, nous n'avons pas été présentés. Ajouta t'il en avançant sa mainLlanistar van Rusadir. Je viens d'au delà de la mer. A présent, je suis général d'Hyrule."

Il laissa le temps à Link de digérer la nouvelle. Ce royaume n'avait même pas réellement d'armée quand l'expédition avait été lancée, à peine un corps de gardes plutôt réduit. Et voilà que la princesse se dotait d'un général et de troupes ? Sans nul doute Hyrule avait changé depuis qu'ils s'étaient enfoncés dans l'enfer du désert. Sans doute le héros ne retrouverait il pas sa terre natale comme il l'avait quitté, et Llanistar savait que ce genre de choc pouvaient exiger du temps avant d'être encaissés. Enfin, ne voulant pas masquer la véritable raison de cette conversation, il poursuivit.

Votre retour était inespéré. A vrai dire, j'avais abandonné l'idée de vous revoir en vie. J'ai entrevu un avenir bien sombre pour Hyrule, et j'ai tenté d'y remédier, à ma manière. En tant que bouclier pour défendre son royaume, général de sa bien maigre armée. Les choses ont déjà commencé à bouger...Mais je ne peux y arriver seul, Link. Je ne tiendrais pas une seconde en face de notre ennemi. Vous seul le pouvez. Êtes vous prêt à retourner dans la lutte ?

Ses yeux gris fixaient ceux du héros du temps. Sa voix exprimait au mieux la gravité de cette question. Car si Llanistar avait juré qu'il tenterait tout pour arrêter Ganondorf, Link n'était tenu par aucun serment. Ses dernières épreuves avaient dû le tourmenter plus douloureusement que n'importe qui à Hyrule. Si il désirait abandonner, il ne pourrait trouver meilleur moment pour le faire, et le nordique ne l'en empêcherait pas. On ne retient pas quelqu'un qui ne songe qu'à partir.


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Il laissa le général terminer, après avoir saisi la main qui lui était tendue et l'avoir laissé s'asseoir. Une bien étrange question que cet homme du Nord lui posait là. Déjà un moment que ces yeux avaient quitté cette étrange main à l'armature d'acier et à la chair de cuir ; ils les jeta au loin vers l'Ouest, ses dunes, ses mystères et ses dangers. Son regard sonda aussi loin qu'il lui était possible. Il traversa les écorces, perça les fortifications, et vola au plus loin jusqu'au coeur de ce désert dans lequel il avait perdu tant.

Le Nordique semblait considérer que l'Hylien avait laissé une partie de lui même, loin derrière les montagnes de sable, au milieu de cet univers hostile, dans la salle du Trône d'un Roi Ouestrien frappé de folie et rongé par l'ambition. Peut être. Sans doute, oui, avait-il oublié là bas une part de lui même. A l'évidence même, l'homme d'armée disait vrai ; quand bien même le jeune vagabond n'en avait pas la même représentation. Très brièvement l'Hiver qui battait ses pupilles passa en revue la main mutilée de l'officier, pour mieux glisser à nouveau sur la sienne, avant de ne s'envoler geler les étendues arides de cette poudreuse dorée par l'ardent astre qui éclairait aussi cette allée d'orangers.

Son coeur couvait une colère volcanique. Plus sulfureuse que les coulées de lave qui rognaient les flancs du mont du Péril. Plus brûlante que le Soleil lui même, plus froide que le givre, plus mordante que la gueule de n'importe quel Loup, plus violente qu'aucune guerre, plus tranchante qu'aucun acier. Mais toute puissante que puisse être sa fureur, aussi implacable que n'était son ire, elle n'était qu'une parcelle des émotions du garçon. Oui, il était prêt à hurler sa rage à Ganondorf, oui, il était prêt à séparer la tête du Traître de ses épaules. Mais plus encore, c'était la tristesse qui l'assaillait.

Qu'elle fut dirigée à l'égard de Zelda – un simple regard et une unique conversation lui avait permis de réaliser à quel point un homme avait pu blesser sa Belle – ou qu'elle fut dirigée à l'égard de la Nation Hylienne dans son entièreté, les tourments se déchaînaient pour malmener son palpitant déjà bien abîmé.
Ce Llanistar avait laissé derrière lui sa main d'épée (à la démarche, il avait semblé au blond que ce nouvelle dextre remplaçait celle qui avait autrefois brandi le fer), il lui semblait avoir perdu bien plus important qu'une part de lui même. Bien sûr, il n'avait aucune séquelles physiques comme c'était le cas du militaire. Mais quand bien même : ce qu'il avait perdu lui semblait être la pire perte possible.
Car il avait perdu des vies. Il avait laissé la mort emmener ces hommes, ces vieillards et ces enfants suffisamment attaché à leur monarque pour traverser une mer de sable et affronter milles périls pour le retrouver. La fin sembla bien différente de ce qui était probablement le scénario le plus courant dans chacune de leurs têtes. Ils rencontrèrent l'Ankou, émissaire aussi immortel qu'intemporel qui les accueillit d'un baiser mortel.

Link repensa au carnage de la Grand-Salle. Son coeur se serra. Ce coeur tout sanglant, ouvert d'un coup de dague pervers. Qu'importait qu'il eut perdu un Fragment d'Or à l'Ouest ? La véritable chose qu'il y avait laissé, c'était la main du Nordique. C'était ce vieil édenté éventré et pendu avec ses viscères. C'était ce gamin de douze printemps, tout au plus, dont le visage avait été si martyrisé par un gourdin que son nez s'était affaissé de plusieurs centimètres. C'était aussi ce soldat, qui laissait une femme et trois filles derrière lui. Cet homme qui ne rentrerait jamais empalé sur l'une des épées de pierre qu'arboraient deux sculptures à l'entrée. C'était encore celui-ci, à la cage thoracique écrasée et aux poumons broyés sous le poids des carcasses comme celui des armures. Non ; vraiment ; qu'importait la bénédiction d'une Déesse impitoyable face à cela ?

Lentement, il se détourna du Désert Hanté. Voilà une appellation des plus compréhensives pour quiconque pense que le fantôme est l'esprit d'un vivant mort dans d'atroces souffrances ou dans un tourbillon de peines. Encore de trois-quart face au Rusadir, l'Hylien finit par se retrouver à le regarder à nouveau. L'homme étant assis, il était impératif de baisser les yeux pour le voir. Encore une fois, l'acier froid et le cuir bouilli aimantèrent le regard de l'Enfant des Bois. Il n'y avait dans ses yeux nulle lueur dégoûté ou révulsée. Seule brillait une tristesse cristallisée au fond de son regard polaire.


"Vous avez perdu plus que moi, Général." Commença-t-il. Ce n'était pas tout à fait vrai, en vérité. Du moins... Cela l'était. Mais physiquement parlant, uniquement. Le blond inspira avant de reprendre. « Pour autant, vous vous êtes engagé auprès de la Princesse. » Dieu, qu'il n'aimait pas parler de Zelda sur un ton si froid. Il le savait néanmoins, c'était le protocole – ce tas de règles qu'il n'avait jamais pu supporter ni comprendre – et s'il le maîtrisait bien mal ; et malgré la confiance qu'accordait à l'évidence Belle à l'Officier, il préférait ne pas lui donner un quelconque bâton pour le frapper, fut-ce le protocole. « J'imagine que vous comprenez sans peine ce que je veux dire par là : quoique je puisse y perdre, je ne laisserais pas le Royaume tomber entre les mains de Ganondorf. »

Les yeux de l'ancien détenteur du Courage cherchèrent ceux de ce fameux « Bouclier » que Zelda s'était retrouvée. Et même s'il était indéniable que plus que nul autre il avait échoué à la protéger, Link ne put empêcher un pincement au coeur – peut être un peu de jalousie..? Triste, à l'évidence – de lui tirer un sourire triste qu'il résorba bien tôt. Sûrement que cet individu au visage entouré par deux cascades de jais n'avait rien vu que ses traits autrement durcis et son regard devenu bien plus austère que lorsqu'il fixait l'Ouest (caché par le mur d'arbres fruitiers).

L'Hylien releva cependant la tête quand dans l'allée raisonna sans le moindre doute possible le bruit d'escarpins claquant les dalles de pierre.


Llanistar van Rusadir


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Llanistar sentit une certaine paix l'envahir, à l'ombre des orangers. Ces jardins conservaient une paix presque hors de propos à une pareille époque. Arbres, buissons et fleurs naissaient, grandissaient et mourraient en laissant les graines de la vie derrière eux, comme si les luttes des Hommes ne signifiaient rien. De la plus haute montagne jusqu'aux sous sols du monde, la nature continuerait sa route, le temps s'écoulerait toujours et seule l'Humanité avait la vanité de croire que ses agissements minuscules pouvaient changer le cours des choses. Il était bien des forces immuables et le général sentait le non sens de cette guerre. Et pourtant... Ganondorf devait être stoppé. Pour les vies qu'il avait déjà prit, pour l'ordre et la paix qui garantissent la sécurité, pour éviter que plus de sang ne coule. Au fond de lui, Llanistar le sentait. Il se fichait des dieux, de la morale, de la tradition. Au fond, il ne restait plus que ce respect, cet amour de la vie, qui le poussait à toujours donner plus pour la cause qu'il avait embrassé.

Enfin apaisé, il ressentit son pouvoir d'empathie revenir à lui. Aussitôt, le nordique sentit une immense pression sur son coeur et son esprit. Le poids de la culpabilité. Il lui semblait que ce dernier aurait pu rompre le banc sur lequel il était assit tant il était écrasant. Llanistar se tourna alors vers Link et comprit. De la colère mais surtout de la tristesse. Une peine douloureuse dirigée contre soi même. Il se rendit compte qu'il parvenait à lire dans le héros du temps plus aisément qu'en n'importe qui depuis qu'il était arrivé à Hyrule. Ses émotions étaient fortes, brut, pures. L'Hylien ne se pardonnait pas son échec, la mort et la peine qu'avaient provoqués les évènements du désert. Et cela Llanistar le comprenait, dans sa chair et ses os. Ce sentiment s'emparait de vous, il s'infiltrait dans chaque recoin de votre esprit et il vous empêchait de penser à autre chose, vous laissant seul avec votre douleur et votre culpabilité. Rien qu'à y repenser, le nordique sentit son coeur s'étreindre. Il revit les portes de la cité, la pluie...encore et toujours plus forte, plus froide, les rues boueuses puis pavées et ruisselantes, la place aux pendus et la croix. Elle l'avait attendu là, pleine d'espoir, certaine qu'il la sauverait à temps, qu'il serait revenu pour lui éviter le pire. Mais il était encore loin, ignorant, inconscient du danger. Et lorsqu'il était parvenu à elle, la flamme de la vie avait quitté ses yeux. Blanche comme la neige, trempée par la pluie et froide...Si froide ! L'échec de tout une vie. Sa défaite contre le destin.
Une unique et furtive larme lui vint, qu'il essuya d'un revers d'un manche aussitôt.


”Vous avez perdu plus que moi, Général”.

Link disait surement vrai. Peu d'hommes sur terre avaient autant perdu que Llanistar. Peu d'hommes pouvaient se vanter d'un amour aussi flamboyant et pur que le sien. Peu de femmes égalaient Valenrya van Rusadir, le plus beau joyau que la terre ait jamais porté. Un joyau qu'on avait brisé en même temps qu'on lui avait prit son bonheur. Comme une aube dont on tranche le soleil pour que retombe la nuit noire et froide. La rage naquit au fond du dernier des Rusadir. Il avait connu le désespoir, il avait connu cet état étrange où le temps s'arrête, où plus rien n'a d'intérêt, où toute beauté disparaît. Cet état où la vie elle même n'a plus aucun sens, où on se contente d'avancer en regardant en arrière sans se soucier de sa route. A présent, il était au delà. Il s'était fait une promesse.

« Pour autant, vous vous êtes engagé auprès de la Princesse. »

Oui. Il avait prêté serment à Zelda de la défendre. Parce qu'elle et son peuple en avaient besoin, parce qu'elle ressemblait tant à Valenrya et Ganondorf tant au Kairn. Mais surtout parce qu'il avait besoin d'un but. Llanistar van Rusadir ne cachait pas son nom. Llanistar van Rusadir n'était pas une loque alcoolique. Llanistar van Rusadir regardait toujours à l'horizon, vers son but. Et son but était d'accomplir sa promesse : Les Faire Payer.
Le Kairn, Saion, la Cour de Rubis, les traîtres...Et à présent Ganondorf. Une mission, un objectif et quelques années devant lui pour le faire.


« J'imagine que vous comprenez sans peine ce que je veux dire par là : quoique je puisse y perdre, je ne laisserais pas le Royaume tomber entre les mains de Ganondorf. »

Llanistar releva la tête et fixa ces yeux de glace intensément. Oui il comprenait. Oh oui il comprenait ! Parce qu'un homme n'est jamais plus dangereux que lorsqu'il ne lui reste qu'un unique but. On dit souvent que celui qui n'a rien à perdre doit être craint. Mais si il ne peut rien perdre, comment peut il tout donner ? Comment peut il mettre dans la balance cet étincelle du divin qui ne surgit que lorsque l'humain est allé au bout de lui même? Le véritable surhomme est celui qui n'a plus qu'un objectif et sait qu'il ira jusqu'au bout. Llanistar van Rusadir, Link, Zelda, Ganondorf... Tous étaient de ce bois là.
Le nordique se leva alors, saisit la main de Link tandis que résonnait non loin un bruit de pas sur la pierre. Son regard se déviait pas d'un pouce, son visage ne disait rien mais sa voix suffit à faire parler son coeur.


« Nul ne pourrait mieux vous comprendre, Héros. Et puisque nous sommes tous deux prêts à faire le nécessaire pour sauver cette terre, j'aimerais que vous me considériez comme un ami. Aussi longtemps que je serais debout, jamais je ne laisserais la tyrannie triompher. »

Lorsqu'il prononça ces mots, l'image de Ganondorf lui vint...Puis celle, étrangement similaire, du Kairn. Au final, la tyrannie n'était qu'un seule et unique fléau aux milles visages. Un fléau qui était devenu l'unique raison de lutter encore pour le dernier des Rusadir. Sa main glissa de la paume de Link vers son poignet, comme la salut des guerriers l'exigeait et Llanistar l'étreignit finalement avec force.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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La princesse regarda les quelques conseillers qu’elle avait convoqués se retirer de son bureau. Elle s’était levée tôt ce jour-là. Elle avait d’abord tenu à s’assurer que son hôte aurait le nécessaire à son réveil, qu’il s’agisse de s’apprêter avec des vêtements propres et secs ou de profiter d’un bon repas, et que tout serait prêt pour son départ qu'elle savait, malheureusement, inévitable. Mais malgré le regret de déjà devoir bientôt le quitter à nouveau, elle se sentait revivre. Pour la première fois depuis des semaines et des semaines elle avait enfin passé une bonne nuit de sommeil reposante, et elle s’était levée avec le sourire et une bonne humeur contagieuse. Les gens qui la quittaient à l’instant étaient la preuve de se brusque changement, elle avait voulu commencer à poser avec eux les bases de ce qu’elle aurait dû faire bien plus tôt. Elle souhaitait organiser une audience ouverte au peuple, et même s’il y avait quelques détails à régler pour organiser au mieux cette séance de doléances, elle avait enclenché le processus. Pourquoi ne l’avait-elle fait plus tôt ? Elle ne se trouvait pas d’excuses, quoiqu’il ait peut-être été délicat de s’exposer de trop les jours précédents, dans l’état où elle était. Elle savait que son peuple souffrait, mais elle ne savait pas à quel point, comment aurait-elle pu le prétendre, cachée qu’elle était dans ce château ? Ce n’étaient pas des rapports et des chiffres qui lui permettraient de jauger la situation et de leur venir en aide. Mais la vérité, c’est qu’elle ne s’en était pas senti le courage avant cela…

Alors qu’elle s’engageait elle aussi dans le couloir à la suite des conseillers, elle s’arrêta devant une fenêtre qui donnait sur les jardins, et sourit à nouveau en voyant une silhouette bien connue se tenir dans le verger. Il n’était donc pas parti sans lui dire au revoir. Connaissant son sens du devoir et l’empressement dont il faisait parfois preuve, elle avait eu peur qu’il ne s’empresse de repartir alors qu’elle était coincée par sa réunion improvisée, mais il n’en avait rien fait. Elle marcha d’un bon pas, et en peu de temps elle passait la porte du château, s’avançait et posait le pied sur l’herbe. Il serait peut-être exagéré de prétendre qu’elle cligna plusieurs fois des yeux, légèrement aveuglée par le soleil, mais elle fut parcourue d’un agréable frisson lorsque ce dernier vint lécher sa peau et qu’un souffle de vent la frôla. Depuis combien de temps n’avait-elle pas quitté les murs du château ? Elle se rendit alors compte que pendant tout ce temps elle avait dépéri, et à quel point. Elle s’était montrée forte, tant qu’elle l’avait pu, mais ce n’était pas suffisant. Elle s’était contentée de survivre et de se battre, elle s’était fermée à tout le reste, n’avait plus qu’exécuté son devoir, sans plus prendre soin d’elle, sans plus profiter de ce qu’offrait la vie. Comment protéger chez les autres ce qu’elle avait relégué au rang d’accessoire chez elle ? Peu à peu elle se rapprochait du verger, et alors qu’elle parcourait le petit sentier de pierre, ses oreilles saisissaient les piaillements des oiseaux, son visage accueillait avec plaisir la caresse du vent, son nez humait ces doux parfums naturels, tellement habituels qu’ils étaient invisibles à qui n’y prenait pas attention et ses yeux embrassaient la beauté des jardins entretenus avec tant de minutie, même en ces temps troublés. Plus que jamais, elle se rendait compte de ce qui était à perdre. Jamais elle n’avait douté du prix de la vie, jamais elle n’avait perdu son amour pour le royaume, mais peut-être étaient-ils devenus plus abstrait à mesure qu’elle avait perdu goût à sa propre vie. À présent, tout était différent.

Elle arriva à temps pour voir son Général, qui avait dû rejoindre Link après qu’elle l’ait aperçu par la fenêtre, serrer la main du jeune homme, avant de l’étreindre chaleureusement. Voilà pour ajouter encore à sa bonne humeur. Elle avait plus que jamais besoin de cohésion et d’entente autour d’elle, et elle aurait été peinée de surprendre une dispute entre les deux hommes. Qu’ils s’entendent et s’accordent à protéger Hyrule ne pouvait qu’ajouter à ses propres forces à elle, si fraichement renouvelées. Il ne lui restait plus qu’un regret, toujours le même. Elle contribuait aussi à Hyrule par sa simple vie, et elle ne disposait pas du droit de la mettre en danger de façon directe. Elle ne pouvait prendre de risques, et elle ne pourrait pas leur en éviter, ou les soutenir de façon concrète sur le terrain. Elle resterait toujours entravée par son importance, et ne pourrait leur accorder qu’un soutien bien limité à ses yeux, n’ayant la possibilité d’agir que par l’intermédiaire de son entourage. Elle parla tout de même, en réponse à ce qu’elle avait surpris.

« Et plus que jamais, je compte sur vous. Le sort du royaume se retrouve entre nos mains, entre celles de tous ceux qui seront prêts à le protéger. Et il aura besoin de cette protection. »

Elle s’était rapprochée, souriante et emplie d’une énergie nouvelle. Si le protocole l’empêchait de se montrer trop familière, elle était pourtant bien plus chaleureuse que les jours précédents, où la déprime l’avait empêchée, si aimable qu’elle soit restée, de montrer un visage aussi radieux.

« J’espère que tu as bien dormi Link, et que les vêtements étaient à ton goût. »

Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’elle les avait sélectionnés elle-même, et était heureuse de le voir les porter à présent, quand bien même elle resterait toujours attachée à sa fameuse tunique verte, portée si souvent depuis leur rencontre. Il lui était impossible de le vouvoyer, et elle espéra que Llanistar se montrerait compréhensif, après tout ils restaient en comité réduit. Certes, elle avait plus de mal qu’auparavant à accorder sa confiance, mais plus le temps passait, et plus l’homme du nord se montrait digne de celle qu’elle lui avait confiée. Elle estima donc que ce petit écart n’était pas d’une grande gravité. Elle se retint de filer à nouveau dans les bras du blondinet, mais un simple regard, accompagné d’un sourire rayonnant signifièrent à celui qui même sans Épée et Fragment resterait toujours son Héros sa joie de le trouver encore là. Les au revoir viendraient sans doute, plus tard, pour l’instant elle voulait seulement profiter de la présence de celui qui en moins d’une journée avait rendu des couleurs à sa vie. Elle se tourna toutefois vers son Général, elle avait des informations à lui transmettre, et estima qu’il était autant de profiter de sa présence pour exposer le sujet sans plus tarder. Peut-être même Link serait-il lui aussi intéressé par la nouvelle.

« J’ai demandé à ce que soit organisée une séance de doléances. Je crois que le peuple a plus que jamais besoin de ma présence, je suis enfin prête à la lui donner. Aucune date n’est encore fixée, et tout reste à faire, mais pensez-vous pouvoir organiser la sécurité de cet événement ? »


Link

Héros du Temps

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(vide)

Le claquement sans appel des pas sur la pierre du chemin rythma aussi efficacement que ne l'auraient fait des percussions le chant des oiseaux de l'Oranger. Derrière lui, le général se levait et une main de chair et de sang saisit son poignet. Ses yeux qui s'était déplacés vers le début de l'allée se déportèrent sur le militaire qui enchaîna prestement. Avant même que l'Hylien n'ai pût ajouter quoique ce fût, cet homme aux longs cheveux noirs et aux oreilles semblables à celles des Gérudos le prit dans ses bras. Non pas une embrassade comme les faisait Belle, ou Malon, mais une prise de main à la manière de deux compagnons d'arme.
Ce genre d'accolade qu'il avait parfois pu observer parfois, dans les tavernes, auberges et autres lieux de détente, beuverie et repos. Ca n'empêcha nullement l'acte de le surprendre.

D'un naturel solitaire, il ne connaissait pas (ou bien peu) ce genre de démonstrations affective (dans la mesure où l'on peut parler d'affection — quand bien même le Rusadir lui demandait de devenir son ami). Non désireux d'offusquer l'officier, il n'esquissa pas le moindre geste, en dépit de la gène qu'il éprouvait. Une certaine rougeur gagnait sans doute le bout de ses oreilles. Faible, certes, mais l'embarras qui le gagnait se manifestait néanmoins. A l'évidence, l'homme de confiance de sa Princesse n'en verrait rien. Tant mieux, là encore. Nulle honte, bien sur ! Plutôt une certaine timidité sociale. S'il avait écopé du surnom de Tueur de Dragon chez les Gorons, il n'en restait pas moins assez mal à l'aise dans tout ce qui concernait les rapports humains. Du moins.... Ceux qui incluaient ce genre de proximité.

Un mot était néanmoins resté gravé dans son esprit, au point de le réduire au silence. Héros. Qui pouvait encore le désigner ainsi ? Sans même penser à la perte du Courage, il n'avait tout simplement pas l'étoffe des héros. Comment aurait-il pu laisser pareil massacre se dérouler, autrement ? S'il avait vraiment été un Champion comme certains semblaient encore croire qu'il le fût, il aurait évité pareille hécatombe. Il n'avait en définitive rien d'un héros et tenait tout de l'usurpateur. C'était du moins ce qu'il lui semblait. Il ne méritait pas le moins du monde ce surnom qui lui faisait plus que jamais l'effet d'un coup de poing en plein foie. Et il garda le silence avant de fermer les yeux (qu'il avait ramenés vers l'Ouest) afin que la tristesse ne perce ni dans sa voix, ni dans son regard.

Il n'eût guère le temps de répondre à l'étrange demande de Llanistar que déjà une autre voix s'élevait coupant le fil de ses pensées comme si elles eûssent été du beurre. Entre cent, mille, ou des centaines de milles, le blond n'aurait eu aucun mal à la reconnaître. Il était de ces voix qui vous restaient éternellement en tête dès après la première rencontre, et celle de Zelda en faisait partie. Elle lui arracha même un sourire — véritable épreuve de force. La peine contenue dans l'expression dessinée par ses lèvres restait toutefois présente et non feinte.

Le Fils-de-Personne se détacha du fils Rusadir. Il n'ajouta rien à ce que pouvait dire la jeune femme. En réalité il n'avait pipé mot depuis que le Général avait fait sa demande, et en guise de réponse à l'interrogation de la Souveraine, il hocha simplement la tête de façon à faire comprendre son contentement. Un simple mot lui restait encore trop en travers de la gorge pour qu'il eût l'envie d'en prononcer lui même. Et pour rien au monde il ne souhaitait parler de la nuit qu'il avait passé. Sombre, inquiétante, effrayante. Comme dans un passé révolu, il était assailli de bien des cauchemars ; qui s'ils ne mettaient pas en scène Ganondorf, représentaient quelque entité qu'il avait le sentiment de connaître intimement sans pouvoir mettre le doigt dessus. Un frisson le prit alors qu'il repensait à cette créature et son atroce voix perverse. A nouveau il jeta deux voiles sur les pupilles de givres qui glaçaient son regard.

Aussi secret qu'atrabilaire, l'Enfant-des-Bois n'avait pas pour habitude de s'épancher en paroles, quelque soit le sujet. Ce mutisme n'inquiéterait donc sans doute pas la dernière des Hyrule, puisqu'elle y était sans conteste habituée. Peut être était-ce un défaut de l'Hylien, mais il avait toujours vécu ainsi. Parlant peu, mais parlant franc. Belle reprit, il garda les yeux fermés encore un instant, content d'entendre à nouveau cette voix. Même s'il n'en avait eu conscience que bien tard, il réalisait dorénavant à quel point elle lui avait manqué, même lorsqu'il avait oublié jusqu'à son existence (en surface, seulement.)


"Pourquoi ne pas offrir quelques unes de ces oranges à ceux qui se présenteront à toi ?" Demanda-t-il, simplement quand elle s'arrêta. Il n'avait pas pu supporter le goût de celle qu'il avait avalé, et pourtant il s'était forcé pour le peuple Hylien ; aussi lui semblait-il on-ne-peut plus logique que celui-ci en profite d'une façon bien plus concrète et bien plus directe. Avant d'ajouter, il laissa de nouveau voir le bleu hivernal tapit au fond de ses prunelles. « Tous ne sont pas aussi bien nourris qu'ici et je doute que tu avales autant de fruits qu'il n'y en a avant la fin de la saison. Tu as là de quoi faire bien des heureux, Belle. » Il esquissa un sourire discret, en désignant naturellement de sa main droite les agrumes murs qui pendaient aux arbres. Entre ses doigts restait d'ailleurs encore la peau de celui qu'il avait avalé un peu plus tôt.

Instinctivement, Link alla chercher le regard de Zelda. Même si la boucle les liaient indubitablement, un contact réel restait quelque chose dont il ne pourrait sans doute jamais se passer. L'envie le prit d'aller serrer la demoiselle dans ses bras, mais il fit fi de cette pulsion soudaine. Non seulement, il savait bien que si elle l'avait voulu, elle l'aurait fait, mais en plus, ils étaient en présence du Général. Le porteur de l'Épée de Légende n'avait que bien peu de souvenirs de cet homme – tout juste qu'ils avaient combattu côte côte au Désert – et même s'il lui faisait confiance (dans la mesure où il avait celle de Zelda et qu'il avait pris soin du Royaume depuis sa nomination), il restait réservé, taciturne même. Aussi se contenta-t-il de s'étirer comme il lui arrivait parfois de le faire dans une situation gênante.


Llanistar van Rusadir


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Llanistar avait reconnu le pas de la princesse et s'était éloigné du héros, visiblement mal à l'aise. Un tel guerrier n'avait il donc pas ce genre d'habitude ou bien le respect n'était il pas réciproque entre eux ? Le nordique ne percevait pas de mépris cependant la gène était une émotion très difficile à analyser. Mais il ferma alors son don et se tourna vers Zelda, qui les rejoignait radieuse comme jamais il ne l'avait vu. C'est alors qu'il prit violemment conscience de la tragédie dont elle était le personnage. Une réalité terrible qui la déchirait entre d'une part un amour pour ce Link, un ange venu du ciel pour la sauver et de l'autre part des devoirs de rois qu'elle se devait d'écouter, par respect pour les lois et par amour pour son peuple. La couronne ou le bonheur. Le genre de dilemme que Llanistar connaissait et qu'il haïssait. Les coups les plus durs du destin consistaient dans ces choix impossibles. Le lot de tout souverain était de se décider...Et de vivre selon les conséquences pour le reste de ses jours.
Pour l'instant, celle d'hyrule donnait toute son attention au héros.


« J’espère que tu as bien dormi Link, et que les vêtements étaient à ton goût. »

Comment auraient il pu ne pas l'être ? Llanistar n'avait que rarement pu voir de tels habits et arrangés avec autant de goût. Serviteur ou plus noble, celui ou celle qui les avait choisit savait soigner les apparences. Il dut avouer qu'habillé ainsi, Link avait une certain prestance, une aura chevaleresque. Le voyageur crotté de la veille était déjà loin. Zelda se tourna alors vers le général, l'air plus solennel. Il ne lui reprochait pas cette indulgence protocolaire avec son héros : l'amour ne peut pas rester parfaitement caché. Il en savait quelque chose...

« J’ai demandé à ce que soit organisée une séance de doléances. Je crois que le peuple a plus que jamais besoin de ma présence, je suis enfin prête à la lui donner. Aucune date n’est encore fixée, et tout reste à faire, mais pensez-vous pouvoir organiser la sécurité de cet évènement ? »

Il s'inclina respectueusement, ainsi qu'il le faisait toujours pour la saluer. Se faisant, il réfléchit activement. Des doléances en des temps pareils...Sans doute l'idée ne manquerait pas de charme pour le peuple mais le général n'oubliait pas qu'il avait été incapable de fermer complètement le bourg aux hommes de Ganondorf. Si l'un d'eux venait à s'introduire dans le château et à frapper... Llanistar n'était pas un néophyte. Il pensait évidemment à la possibilité que leur ennemi frappe Zelda mais il savait aussi que le Gérudo pourrait viser une autre cible, moins défendue. L'idée de la princesse était donc risquée...Mais le peuple lui en serait reconnaissant. Et cela serait très bon pour eux. Il releva finalement la tête et répondit, fièrement.

« Votre majesté, je le pense. L'entraînement des recrues a donné de beaux fruits et il y aura assez de soldats expérimentés pour encadrer ces novices. Si je puis me permettre, je désirerais assurer votre propre sécurité. Je me flatte de sentir les mauvaises intentions avant qu'elles ne puissent commettre de malheur. »

Il s'était refusé à révéler son don d'empathie. Ignorant comment les Hyliens le percevrait et si Zelda se sentirait blessée à l'idée qu'il ait pu lire en elle...Ce qui serait faux, puisque sa Triforce avait manqué de rendre Llanistar aveugle chaque fois qu'il n'avait pas fermé son don en sa présence. Néanmoins, il pensait pouvoir se maîtriser assez pour lire en ceux qui s'approcheraient d'elle et intervenir ainsi avant que l'irréparable ne puisse être seulement tenté.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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La Princesse fut réjouie par la réponse du Général. Il fallait avouer que même si elle s’était plongée dans le travail et l’étude en plus de la déprime ces derniers temps, elle n’avait pas réellement suivi les avancées de l’armée. Elle la savait confiée aux mains de Llanistar, et elle savait que Cerscastel gardait un bon œil sur les opérations. Elle avait bien sûr été brièvement tenue au courant de la situation, mais elle n’avait pu s’empêcher d’avoir la tête ailleurs. Encore une fois elle se reprocha cette période de torpeur. Mais aurait-elle pu l’éviter … ?

« Cela me conviendrait tout à fait. Général van Rusadir, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait jusqu’à présent. »

Fut un temps où il aurait déjà acquis sa pleine confiance, et elle se sentait coupable de ne pas encore pouvoir la lui accorder. Suite aux événements récents, elle avait indéniablement beaucoup plus de mal à ne pas envisager de pouvoir un jour être trahie. Mais plus le temps passait, et plus elle pouvait se rendre compte qu’elle ne regrettait en rien son choix, et le poste qu’elle lui avait accordé. Elle avait traversé un moment de faiblesse, en réalité il ne l’avait même pas connue avant le drame et cette déprime passagère, et pourtant, il avait assuré sans faillir la tâche à laquelle il avait été assigné, sans profiter de la situation, et sans retenir ses efforts.

Sans doute devrait-elle observer plus attentivement ses méthodes, et en tirer bon enseignement. Ce que son Père et ses ancêtres avant lui avaient oublié suite à plusieurs siècles de paix, elle aurait à le réapprendre. Jusque là elle avait toujours eu recours à Cerscastel pour l’aider sur les questions relatives à la guerre, dorénavant elle avait un autre conseiller, dont la façon de procéder était sans doute différente, elle aurait de quoi apprendre auprès des deux. Ce qui était sûr du moins, c’est qu’elle n’avait pas un instant eu à regretter sa décision, elle espérait que cela continuerait.

Pour l’heure, elle était ravie à la perspective que l’armée se porte bien et puisse encadrer son projet. Et elle était prête à accorder sa garde personnelle à son nouveau général. Sans doute rassurée, aussi, qu’il prenne l’affaire tellement au sérieux, elle n’ignorait pas les risques encourus. Elle n’avait pas relevé l’évocation de son 6e sens. Après tout, pour une jeune femme qui depuis son enfance avait des rêves prémonitoires, il ne paraissait pas étrange d’avoir une sensibilité assez développée pour sentir venir une mauvaise intention. Elle verrait assez vite à quel point les intuitions de l’homme pouvaient se révéler précises ou non.

Entendant la voix de Link, elle se tourna vers ce dernier, et puis parcourut du regard les orangers qu’il désignait avant de se retourner vers lui et répondre à son sourire.

« Merveilleuse idée ! Je ne mangerai effectivement pas tous ces fruits. Et il n’y a pas que des orangers ici. Il y a largement de quoi contenter tous ceux qui viendront si on rassemble tous les arbres fruitiers de ce jardin. »

À vrai dire, si elle avait eu faim en l’instant, elle aurait choisi n’importe quel autre fruit que les oranges. Mais elle se garda d’en faire la remarque, nulle importance réelle. Ce qui comptait, c’était que le peuple pourrait profiter des ressources du verger. Mais alors qu’elle avait le regard plongé dans le sien, retenue au piège par ses magnifiques yeux aux reflets de glace, elle sentit monter en elle une terrible envie de le prendre dans ses bras. Ce sentiment ne devait pas lui être totalement étranger, mais amplifié à ce point, il n’était pas non plus totalement sien. Un sourire aux lèvres, elle porta la main à sa boucle d’oreille. Sans doute qu’au cours des utilisations le pouvoir diminuerait, tout comme la distance le rendrait plus ténu. Mais là, alors que le sort était encore tout neuf, et qu’elle se trouvait si proche de lui, elle pouvait sentir assez bien ses émotions en prêtant suffisant attention à lui.

« Oh Link… Tu n’as pas besoin d’être timide ainsi ! »

Et elle le prit chaleureusement dans ses bras. Jamais elle ne le lui aurait refusé. Mais alors qu’elle le serrait contre elle, un sourire aux lèvres…

« Link… Tu vas repartir n’est-ce pas… ? »

Sans doute cette prémonition lui venait-elle aussi du lien qu’elle avait tissé entre eux. Son sourire s’estompa, et son étreinte se fit plus resserrée, elle avait beau s’y attendre, elle avait espéré que ce moment arriverait le plus tard possible. Mais elle comprenait qu’il avait à faire… Et le connaissant, elle ne s’étonnait pas qu’il s’attèle à la tâche au plus vite.

« Fais bien attention à toi… Aie confiance et suis ton instinct, tu retrouveras ce que tu as perdu. Et… Repasse me voir dès que tu pourras… »

Un peu hésitante, elle lui avait chuchoté la dernière phrase à l’oreille. Jamais encore elle ne lui avait ouvertement demandé de revenir, sans une raison particulière, quand bien même elle l’avait souhaité, préférant le laisser libre de ses mouvements. Mais d’avoir cru l’avoir perdu… Elle se sentait le besoin de le revoir dès que possible. Après tout, s’il se sentait entravé par sa demande, il pouvait toujours refuser.

Si l’idée du départ de Link l’attristait, ce serait toutefois l’occasion d’aborder avec le général – s’il lui en faisait la demande – les quelques informations qu’avaient pu lui rapporter Link la veille. Elle ne savait pas de quoi ils avaient parlé avant son arrivée, ni même si Llanistar souhaitait poser des questions à ce sujet, mais elle n’aurait pas eu envie d’aborder le sujet devant son vieil ami. Si court que soit son passage au château, elle avait espéré qu’il lui apporte un peu de repos et de calme. Il retrouverait bien assez tôt les faits une fois sur le terrain sans qu’elle ne les évoque à nouveau devant lui…


Link

Héros du Temps

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Il avait encore un peu de mal avec le titre du Rusadir, autant qu'avec la formation d'une véritable armée pour la Couronne. Non pas qu'il voyait le changement d'un oeil mauvais, mais... Il était incapable de n'y revoir un passé qu'il avait cherché à oublier tout à fait. Persistait encore et sans doute pour jamais cette vieille inquiétude. Il avait vu, il savait pertinemment. Crainte que ne se reproduise un scénario qu'il ne connaissait que trop bien.
Sans plus attendre il chassa les images qui lui emplissaient l'esprit. Il était conscient qu'il serait incapable de protéger Belle dans les jours à venir et, bien qu'une pointe d'amertume le gagna, il ne pouvait qu'accueillir à bras ouvert ceux qui le feraient, non pas pour à sa place.

La guerre. L'armée. Les soldats. Le conflit se généralisait d'une façon qui l'effrayait énormément. Pour un peu, il aurait été prêt à se rendre à l'ennemi, si cela assurait à son peuple une paix perenne. Mais il avait suffisamment côtoyé Ganondorf pour savoir que cette solution ne fonctionnerait pas. Qu'est-ce qu'il n'aurait donné ; en revanche ; pour que tout ça ne se solde qu'entre eux deux, et que l'issue de leur duel ne sonne la fin du conflit..! Le Gérudo l'apeurait, sans conteste. Sans doute autant que lui même ne le faisait. Et pourtant c'était sans hésitation qu'il repartait épée au poing.
Sans hésitation qu'il continuerait.

Et au milieu de tout ça, Elle. Zelda était au centre de tous ces combats, toutes ces batailles qui déchiraient son Royaume. Il ne pouvait qu'admirer sa solidité. En dépit de tous les tourments qu'elle subissait, elle parvenait à rester droite et forte. Il lui semblait que la fille Hyrule était un roc, une falaise, face à l'immensité de la mer. Mais bien vite il se retracta : elle était ce phare, qui en plus de resister insolemment à la puissance des flots, illuminait tous les voyageurs perdus. Cette dernière lumière du Royaume.

Un petit sourire se dessina sur son visage, étirant ses lèvres à mesure qu'il ne pensait à ce sémaphore qu'elle était devenue pour lui. Un peu loin de leur conversation, et des dernières réalités du monde qu'il avait si bien connu, fut un temps, il préféra laisser ce gouffre s'agrandir, s'élargir, tandis qu'il se mettait en retrait.
Le Fils-de-Personne glissa un oeil vers l'horizon, derrière lui. Si la Princesse tournaient le dos à son Castel, lui l'avait sous les yeux. Pour cela aussi, il ne pouvait que s'incliner devant ce qu'elle abattait comme travail. Ne serait-ce que pour cette capacité de déni de sa propre liberté pour le biens des autres.

Il n'aurait pas pu. Non. A la vérité, il n'avait pas pu. Il avait fui ce Royaume par deux fois. Ses voyages l'avaient conduits à Termina, et bien plus loin au Nord, sur les terres de feu Jake le Jarl.
Alors qu'ils discutaient, ses yeux se posèrent sur Llanistar van Rusadir. Une mâchoire plutôt carrée, sans rentrer en contraste avec des traits assez noble. Cascade de jais qui coulait le long de son dos, accompagnée d'une barbe naissante. Le Général inspirait, il lui semblait, une confiance que ne lui avait jamais inspiré ni Dun ni Efelron. Et bien qu'il n'ai que très peu connu les deux précédents, il ne s'était jamais pleinement trompé. Le premier avait abandonné Hyrule, le second l'avait trahi. Et s'il ne parvenait pas à accorder sa confiance à quiconque tout à fait (bien trop habitué à ne compter que sur lui même, et particulièrement fragilisé par la Fourberie du Prince Parjure), il espérait se tromper en ne la donnant pas de prime abord à l'officier.

Il poussa un soupir, tout en déliant doucement ses doigts. Il avait baissé le regard sur cette main ; gauche. Sa main d'épée à l'origine, bien qu'il ai largement appris à se servir de l'une comme de l'autre. Les propos de l'étranger étaient vrais : il était sorti du Domaine Dragmire allégé d'une partie de lui même. Ce constat avait quelque chose d'effrayant en soi : son adversaire avait gagné en puissance. Peu lui importait le rapport divin du Courage, bien moins que le danger qui se renforçait.

Ce fut le silence qui le tira de là. Peut être attendait-on de lui qu'il dise quelque chose ? La peste ! Il s'était laissé vagabonder et avait entendu sans écouter. L'Hylien resta muet un instant de plus, les yeux plongés dans ceux de Belle, comme pour y chercher la réponse à ce qu'il devait faire, ou quelque protection contre un mal dont il ne savait rien. Il était bien en mal d'apporter une réponse quelle qu'elle soit et se refusait à bredouiller quoique ce soit qui puisse faire pencher la décision dans un sens ou un autre sans avoir les clefs en main. Link ouvrit alors la bouche, prêt à demander à ce que soit répétés les propos qui venaient d'être disputés. L'enfant des Bois fut coupé avant d'avoir pu articuler le quart de la moitié du commencement d'une de ses questions, et finit avec une fille de Roi dans les bras.

"Je.. Oui." Lâcha-t-il simplement, d'une voix à l'intensité bien pauvre et bien faible. Il n'avait pas réellement envie de la laisser une fois encore, mais il le devait. Certes, le blond ne pouvait ni ne voulait lui mentir et la vérité était qu'il était appelé par l'extérieur. « Promis. » Lança-t-il néanmoins, avec un peu plus de force, d'enthousiasme. « Tu as ma parole, Belle. » Le pseudo-Héros mis fin à l'étreinte, s'arrachant des bras de la jolie Suzeraine Hylienne.

"Je vais prendre congé." Il n'avait pas l'habitude des formules d'usages qu'il était important de prononcer. Le Rusadir s'était placé face à Zelda, durant leur conversation (sans s'en douter, vraisemblablement), de telle sorte qu'il lui fallait passer au devant de l'homme pour quitter le Castel-Royal. Sa main se glissa discrètement dans celle du Général, comme un retour à l'embrassade qu'il avait laissé sans réponse. « Veillez sur elle. Je vous en prie, veillez sur elle. » Une simple requête, glissée à l'oreille, aveu d'impuissance la plus totale. Sans attendre une réaction ni même une réponse, Link s'en fut d'un pas rapide. Il devait quitter les lieux.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

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(vide)

« Cela me conviendrait tout à fait. Général van Rusadir, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait jusqu’à présent. »

Llanistar tiqua légèrement, avant d'incliner du chef en signe de respect...Et pour signifier qu'il avait saisit l'importance que Zelda plaçait dans ses mots. Il n'avait jamais exigé d'elle de l'aide dans son travail et ils se croisaient assez peu, leurs taches différant beaucoup. Dans les faits, le nordique savait exactement comment s'y prendre, avec des Hyliens, des Markanis ou des Artensis. Les hommes restaient des hommes et les bons général pouvaient commander également à tous les peuples du monde. Sans faux orgueil, il se considérait de ceux là et appliquait sans problème ses vieilles méthodes à ces Hyliens qui n'avaient, pour la plupart, jamais connu la guerre. En quelques mois, il avait su repérer les meilleurs éléments, former des unités de compétences égales entre elles et instaurer une discipline suffisante pour résister à Ganondorf...Ce qu'on attendait de lui. Mais il ne pouvait faire beaucoup plus. Il ne pouvait être le héros qui se dresserait face au malin. Et il n'était pas celui que Zelda aimait. Ces deux rôles là, Llanistar avait bien l'impression que Link seul les incarnait.

Jeune, brave, pur. Il représentait le royaume d'Hyrule à lui tout seul : Empreint de force, de courage et de sagesse...Et plein d'espoir. Bien que très ancienne, cette terre gardait le regard tourné vers l'avenir et se refusait à abandonner, même face à un tel pouvoir que celui du Roi des sables. Le Rusadir prit alors conscience à quel point il aurait aimé que son pays fasse de même. Mais Artensir vivait dans le passé, échouait à en sortir et vieillissait à mesure que les siècles passaient. Ses rois avaient bâti des tombes plus belles que les maisons des vivants et chéri les noms de leurs ancêtres plus que ceux de leurs fils. Les seigneurs sans descendance étaient assis dans de grandes salles, méditant sur leurs blasons, le nez dans les étoiles... Tandis que le peuple désespérait. Le coeur du nordique se réchauffa légèrement à la pensée que Hyrule ne connaîtra pas de tel destin avant bien longtemps, tant que la vaillance brûlerait dans le coeur de ses héros...Et de ses rois.


« Merveilleuse idée ! Je ne mangerai effectivement pas tous ces fruits. Et il n’y a pas que des orangers ici. Il y a largement de quoi contenter tous ceux qui viendront si on rassemble tous les arbres fruitiers de ce jardin. »

Llanistar eut un sourire discret pour la princesse. Dans une autre vie, conduit par un autre destin et si son coeur en était encore capable, il aurait peut être pu l'aimer. Néanmoins, il l'appréciait énormément et ne cessait de lui découvrir des qualités nouvelles, de jour en jour. Hyrule avait une grande chance, sans en avoir surement conscience. Alors, Link prit alors la parole, chose rare, apparemment. Sa voix n'était d'ailleurs pas bien assurée.

"Je vais prendre congé."

Le nordique comprit le caractère important de cette déclaration. Link n'était pas connu pour fréquenter le château, il n'y reviendrait pas de sitôt. En revanche, le geste de ce dernier de lui prendre la main prit le général complètement à dépourvu. Il ne s'attendait pas à cela venant d'un jeune homme aussi timide. Mais il comprit dés que celui ci ouvrit la bouche.

"Veillez sur elle. Je vous en prie, veillez sur elle."

Il hocha la tête, bien décidé à protéger celle à qui il avait promit d'être son bouclier. Instinctivement, il vint se placer aux côtés de la princesse, légèrement en retrait tandis que le Héros du temps s'en allait d'un pas rapide, presque nerveux. Lorsque ce dernier fut partit, il dit en regardant le ciel à la souveraine.

"Véritablement unique, ce jeune garçon. Les dieux le gardent du malheur, notre destin semble à présent entre ses mains."

Et il quitta les jardins. Llanistar ne voulait pas abandonner la princesse mais repenser à sa terre natale avait fait remonter en lui une envie de solitude et une mélancolie qu'il ne voulait pas lui donner, comme on craint de transmettre une maladie. Le plus vite qu'il put, il se retira dans ses appartements et se jeta sur le lit. Le regard figé sur le plafond, le général sentit une profonde tristesse s'emparer de lui, ses pensées dérivèrent sur Valenrya... Et il le regretta aussitôt qu'il sentit les larmes l'envahirent. Plus que le mal du pays, il prenait conscience d'ô combien son passé lui manquait. Val, Saad, les délices de Markand et le charme envoûtant du Nord... Soudainement lui revint en mémoire une chanson qui datait de la révolution glorieuse. Sans en avoir conscience, il chanta à voix basse...
"And of all the harm that ere I've done, alas was done to none but me.
And all I've done for want of wit, to memory now I cannot recall.
So fill me to the parting glass. Goodnight and joy be with you all."

Et il dormit, d'un sommeil agité.