Posté le 31/10/2012 01:24
La princesse regarda les quelques conseillers qu’elle avait convoqués se retirer de son bureau. Elle s’était levée tôt ce jour-là. Elle avait d’abord tenu à s’assurer que son hôte aurait le nécessaire à son réveil, qu’il s’agisse de s’apprêter avec des vêtements propres et secs ou de profiter d’un bon repas, et que tout serait prêt pour son départ qu'elle savait, malheureusement, inévitable. Mais malgré le regret de déjà devoir bientôt le quitter à nouveau, elle se sentait revivre. Pour la première fois depuis des semaines et des semaines elle avait enfin passé une bonne nuit de sommeil reposante, et elle s’était levée avec le sourire et une bonne humeur contagieuse. Les gens qui la quittaient à l’instant étaient la preuve de se brusque changement, elle avait voulu commencer à poser avec eux les bases de ce qu’elle aurait dû faire bien plus tôt. Elle souhaitait organiser une audience ouverte au peuple, et même s’il y avait quelques détails à régler pour organiser au mieux cette séance de doléances, elle avait enclenché le processus. Pourquoi ne l’avait-elle fait plus tôt ? Elle ne se trouvait pas d’excuses, quoiqu’il ait peut-être été délicat de s’exposer de trop les jours précédents, dans l’état où elle était. Elle savait que son peuple souffrait, mais elle ne savait pas à quel point, comment aurait-elle pu le prétendre, cachée qu’elle était dans ce château ? Ce n’étaient pas des rapports et des chiffres qui lui permettraient de jauger la situation et de leur venir en aide. Mais la vérité, c’est qu’elle ne s’en était pas senti le courage avant cela…
Alors qu’elle s’engageait elle aussi dans le couloir à la suite des conseillers, elle s’arrêta devant une fenêtre qui donnait sur les jardins, et sourit à nouveau en voyant une silhouette bien connue se tenir dans le verger. Il n’était donc pas parti sans lui dire au revoir. Connaissant son sens du devoir et l’empressement dont il faisait parfois preuve, elle avait eu peur qu’il ne s’empresse de repartir alors qu’elle était coincée par sa réunion improvisée, mais il n’en avait rien fait. Elle marcha d’un bon pas, et en peu de temps elle passait la porte du château, s’avançait et posait le pied sur l’herbe. Il serait peut-être exagéré de prétendre qu’elle cligna plusieurs fois des yeux, légèrement aveuglée par le soleil, mais elle fut parcourue d’un agréable frisson lorsque ce dernier vint lécher sa peau et qu’un souffle de vent la frôla. Depuis combien de temps n’avait-elle pas quitté les murs du château ? Elle se rendit alors compte que pendant tout ce temps elle avait dépéri, et à quel point. Elle s’était montrée forte, tant qu’elle l’avait pu, mais ce n’était pas suffisant. Elle s’était contentée de survivre et de se battre, elle s’était fermée à tout le reste, n’avait plus qu’exécuté son devoir, sans plus prendre soin d’elle, sans plus profiter de ce qu’offrait la vie. Comment protéger chez les autres ce qu’elle avait relégué au rang d’accessoire chez elle ? Peu à peu elle se rapprochait du verger, et alors qu’elle parcourait le petit sentier de pierre, ses oreilles saisissaient les piaillements des oiseaux, son visage accueillait avec plaisir la caresse du vent, son nez humait ces doux parfums naturels, tellement habituels qu’ils étaient invisibles à qui n’y prenait pas attention et ses yeux embrassaient la beauté des jardins entretenus avec tant de minutie, même en ces temps troublés. Plus que jamais, elle se rendait compte de ce qui était à perdre. Jamais elle n’avait douté du prix de la vie, jamais elle n’avait perdu son amour pour le royaume, mais peut-être étaient-ils devenus plus abstrait à mesure qu’elle avait perdu goût à sa propre vie. À présent, tout était différent.
Elle arriva à temps pour voir son Général, qui avait dû rejoindre Link après qu’elle l’ait aperçu par la fenêtre, serrer la main du jeune homme, avant de l’étreindre chaleureusement. Voilà pour ajouter encore à sa bonne humeur. Elle avait plus que jamais besoin de cohésion et d’entente autour d’elle, et elle aurait été peinée de surprendre une dispute entre les deux hommes. Qu’ils s’entendent et s’accordent à protéger Hyrule ne pouvait qu’ajouter à ses propres forces à elle, si fraichement renouvelées. Il ne lui restait plus qu’un regret, toujours le même. Elle contribuait aussi à Hyrule par sa simple vie, et elle ne disposait pas du droit de la mettre en danger de façon directe. Elle ne pouvait prendre de risques, et elle ne pourrait pas leur en éviter, ou les soutenir de façon concrète sur le terrain. Elle resterait toujours entravée par son importance, et ne pourrait leur accorder qu’un soutien bien limité à ses yeux, n’ayant la possibilité d’agir que par l’intermédiaire de son entourage. Elle parla tout de même, en réponse à ce qu’elle avait surpris.
« Et plus que jamais, je compte sur vous. Le sort du royaume se retrouve entre nos mains, entre celles de tous ceux qui seront prêts à le protéger. Et il aura besoin de cette protection. »
Elle s’était rapprochée, souriante et emplie d’une énergie nouvelle. Si le protocole l’empêchait de se montrer trop familière, elle était pourtant bien plus chaleureuse que les jours précédents, où la déprime l’avait empêchée, si aimable qu’elle soit restée, de montrer un visage aussi radieux.
« J’espère que tu as bien dormi Link, et que les vêtements étaient à ton goût. »
Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’elle les avait sélectionnés elle-même, et était heureuse de le voir les porter à présent, quand bien même elle resterait toujours attachée à sa fameuse tunique verte, portée si souvent depuis leur rencontre. Il lui était impossible de le vouvoyer, et elle espéra que Llanistar se montrerait compréhensif, après tout ils restaient en comité réduit. Certes, elle avait plus de mal qu’auparavant à accorder sa confiance, mais plus le temps passait, et plus l’homme du nord se montrait digne de celle qu’elle lui avait confiée. Elle estima donc que ce petit écart n’était pas d’une grande gravité. Elle se retint de filer à nouveau dans les bras du blondinet, mais un simple regard, accompagné d’un sourire rayonnant signifièrent à celui qui même sans Épée et Fragment resterait toujours son Héros sa joie de le trouver encore là. Les au revoir viendraient sans doute, plus tard, pour l’instant elle voulait seulement profiter de la présence de celui qui en moins d’une journée avait rendu des couleurs à sa vie. Elle se tourna toutefois vers son Général, elle avait des informations à lui transmettre, et estima qu’il était autant de profiter de sa présence pour exposer le sujet sans plus tarder. Peut-être même Link serait-il lui aussi intéressé par la nouvelle.
« J’ai demandé à ce que soit organisée une séance de doléances. Je crois que le peuple a plus que jamais besoin de ma présence, je suis enfin prête à la lui donner. Aucune date n’est encore fixée, et tout reste à faire, mais pensez-vous pouvoir organiser la sécurité de cet événement ? »