L’automne frappait aux portes du Royaume d’Hyrule. Le sol du Ranch était décoré joliment par les feuilles mortes aux milles couleurs chaudes et Malon se demandait souvent à quoi ressemblaient les forêts Kokiri par ce temps-ci. Si les bois de ces drôles de petits lutins devaient être splendides, elle doutait néanmoins qu’ils ne ramassent les feuilles mortes. Ce jour-ci était, au Ranch en tout cas, consacré à un ménage bien spécial : grand nettoyage de la cours extérieure qui débutait dès la petite aurore pour pratiquement tout le monde. Malon y mit aussi du sien.
Après près d’une heure et demie de travail avec le ventre creux, Marine sonna la soupe. Tous s’y précipitèrent, mais Malon en arrêta un dans sa grande course : Nann, un vieux fermier au ventre proéminent. Celui-ci était arrivé en retard à la corvée de la matinée, comme bien souvent. De droit, il resterait seul à continuer seul le travail, afin d’avoir, au bout du compte, participer autant que les autres. Lorsque Malon apposa sa main sur son épaule, le visage souriant de l’ouvrier se métamorphosa tristement : il savait quel sort lui réservait sa patronne.
« Nann, tu restes. Tu prendras ton petit déjeuner plus tard. »
« Mais mam’zell’ M’lon y res’tra plus rien ! »
« Ne t’inquiètes pas, je te garderai une assiette raisonnable. »
En fixant Malon dans les yeux, Naan savait qu’il ne pouvait rien dire de plus pour aider sa cause. Il soupira avant de s’en retourner, penaud. Et dès qu’il eut le dos tourné, le pauvre homme s’était mis à insulter les Déesses, le coq, son lit trop confortable, et encore. Femme de parole, Malon lui réserva une assiette avant de se diriger vers l’étable, s’occuper des chevaux. Elle ne mangea pas, l’appétit n’étant point au rendez-vous, comme bien souvent. Et puis Feu-Follet, l’un des équidés, ne semblait être dans son assiette depuis un moment. Depuis qu’Edval avait disparu, en réalité.
En entrant dans l’étable, elle s’aperçût que Feu-follet était tranquille, dans son box, au côté de celui d’Epona, qui regardait sa maîtresse d’un œil éveillé. Normalement, Feu-Follet se trouvait à l’opposé de la pièce, mais depuis les événements du Ranch, il semblait que la présence d’Epona à ses côtés le calmait. Ce qui était une très bonne chose, le destrier étant un très grand cheval à la robe vermillon. En plus d’être immense, il était d’une force incroyable : après tout, on l’employait pour tirer des charrettes ou encore pour labourer les terres à l’aide des charrues. Puissant, mais lent. Impétueux et hyperactif. Orgueilleux, aussi, à l’occasion. Il n’y avait qu’Edval qui semblait pouvoir donner des ordres au destrier.
Seulement, Edval n’était plus depuis l’attaque de Ganondorf sur les Terres de la jeune femme. D’ailleurs, Malon ne savait pas comment elle avait fait pour s’en sortir sans trop de mal. Elle ne savait si elle devait remercier les Déesses ou tout simplement croire à un hasard bienfaiteur.
Malon s’approcha du puissant animal pour lui caresser les naseaux. Feu-Follet ne sembla aimer le geste de la douce, mais s’y contraignit rapidement. Elle entreprit d’ouvrir la porte et surtout de lui mettre un mors d’acier forgé pour le sortir (puis le guider) de son enclos et l’attacher à n’importe quel piquet de bois disponible. Les autres box étaient occupés ou alors trop petits pour Feu-Follet. Même si l’équidé était de grande taille, Malon ne montrait aucun signe de peur. Probablement parce qu’intérieurement, elle chantait l’air si réconfortant de sa mère. Après avoir vérifié que la sangle était bel et bien attachée solidement – elle n’était jamais trop prudente avec ce cheval – elle entreprit de se glisser dans son enclos, fourche à la main. La jument souffla fort dans les cheveux de la rouquine, la décoiffant bien plus qu’il n’était convenable. Une chance que les écuries soient vides de tout homme, autrement Adrian aurait tôt fait de l’enquiquiner fébrilement.
C’est seulement après quelques minutes de nettoyage que Malon releva la tête de la crasse : il lui avait semblé entendre une voix. Dégageant son épaisse chevelure de son visage, Malon entreprit de sortir de l’enclos, quelque peu maladroitement, les yeux rivés sur la porte de l’étable. Au bout de quelques pas, la fermière aperçut une drôle de tête dans l’ouverture, une tête qui l’a fit presque frissonner de dégoût. Cette sensation, Malon l’avait déjà ressentie au village Cocorico, quand le Seigneur Noir avait invité le peuple à l’asseoir sur le trône de la famille royale.
Malgré la sensation désagréable, Malon fit encore quelques pas en direction de la porte, piquant sa fourche dans une balle de foin et essuyant ses mains salies sur son tablier qui l’était tout autant.
« Bonjour. Je peux faire quelque chose pour vous ? »
Son ton était moins joyeux qu’à l’habitude, mais pour un inconnu, cela ne se voyait certainement pas. Quelque part, au plus profond d’elle-même, Malon sentait qu’elle aurait dû rester terrée dans le box crade de Feu-Follet.
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