D'une nuit au ciel bleu-de-gris.

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Son esprit vagabondait avec le mouvement des nuages gris qui cachaient la Lune. Il ignorait, et se demandait s'il existant un quelconque couvre-feu posé sur le Domaine de Talon, semblablement à ceux imposés tant à Cocorico qu'à la Citadelle d'Hylia. Sans doute. C'eut été dans la logique qui poussait le Général Rusadir à contraindre les habitants et citadins – pour leur propre sécurité – à se cloitrer dans leurs demeures passé l'heure et le coucher du soleil. Auquel cas, il était évident qu'il l'avait très nettement dépassé, mais il doutait toutefois que Malon lui ferme les portes du Ranch, même de nuit.

Il n'avait néanmoins ni sourire, ni air nouveau aux lèvres, comme il avait souvent eu en retournant voir la rouquine. Il était, certes, rassuré et soulagé quand à sa santé — Endë lui ayant appris malgré lui de quoi il en retournait, mais d'autres inquiétudes le taraudait encore. La vérité était aussi que depuis la fourberie de Loireag, il lui était devenu particulièrement difficile d'éclairer son propre visage d'une joie réelle. La trahison, plus que le vol du Courage l'avait blessé et l'avait assombri. Non pas qu'il soit devenu plus « mauvais » (le terme est considérer dans un contexte qui n'est pas manichéen), mais l'innocence dont il pouvait faire preuve jadis avait été ternie. Sa confiance en l'Homme et en le peuple Hylien avait subit un coup relativement violent. Après la Colère dirigée à l'égard du Parjure, c'était au tour de la Tristesse de le serrer mélancoliquement dans ses bras malingres et squelettiques. Sourire n'était définitivement plus aussi aisé.

Il montait sans mors, brides ni rennes, comme enfant, pour le confort de la jument lancée au galop. Le vent battait ses cheveux, lui fouettait le visage. Ses doigts se cramponnaient aux crins d'Epona, tandis qu'il se penchait en avant pour offrir une moindre résistance à l'air. Cette sensation de vitesse que lui apportait l'animal lui prouvait qu'il vivait. Il se sentait libre, plus que jamais.
La carcasse des bâtiments se dessinait au loin. Leur silhouette tranchait d'un noir net sur le bleu-de-gris de la nuit. Il piqua des éperons, lançant le destrier à plus vive allure encore, et négociant des virages parfois particulièrement serré entre les arbres qui composaient les sous-bois se dressant sur son chemin. Il avait, d'une part, l'envie d'arriver à destination aussi vite que faire se pouvait, d'y retrouver Malon (— malgré ses craintes à son égard. Il espérait qu'elle sache le pardonner, pour tout.), d'y passer sans doute la nuit moyennant des finances qu'il n'avait pas ; et d'autre part, il redécouvrait les joies equestres, celles de la vitesse et celles de la liberté. Les cahots de la route ne l'arrêtait pas, il ne les sentait pas. Il les ignorait aussi bien qu'il ignorait les règles et les lois qui brideraient son autonomie. Il s'était affranchi de tout cela.

Il tira enfin sur la crinière de sa compagne de route, lui indiquant de freiner en douceur, progressivement. Deux coudées. Le triple-galop redevint un galop simple. Une coudée, un pied. Galop se fit trot. Trente mètres. Trot devint pas. Et l'animal adopta ce rythme jusqu'à l'arrivée. La neige décorait, depuis plusieurs jours déjà, les différentes landes d'Hyrule, exception faite du Désert Gérudo dont il venait. Il y avait récupéré cet habit vert qui était sans plus célèbre qu'il ne le serait jamais lui. C'était à ça, et non pour ses traits qu'on le reconnaissait il en était bien conscient.

L'Hylien mit pied à terre. Ses bottes de cuirs s'enfoncèrent dans la poudreuse qui s'était accumulée près du chemin de terre devenue boue– déblayé – qui menait jusqu'au Haras Lonlon. Sans flatter l'encolure d'Epona, il déposa sa main gauche sur ses naseaux, l'invitant ainsi à le suivre sans avoir à le porter. Les liens étaient suffisamment forts entre le Héros et sa monture pour que de simples gestes suffisent. Ils passèrent le portail, ouvert. Link ne manqua pas d'être étonné, persuadé qu'une heure limite avait été posée ici aussi. Aucune trace d'effraction, rien qui ne laissait à penser que ça ne soit pas volontaire. Le Fils-de-Personne s'arrêta toutefois, déposant sa main sur le bois neuf, premier matériaux de la reconstruction de ce qu'il avait laissé scarifié, détruit, ravagé, derrière lui. La porte n'était en rien semblable à l'ancienne. Certes, elle glissait mieux. Certes, le bois n'était ni creusé, ni cloqué. Certes, elle avait bien moins l'air aux portes de la ruine. Mais ça n'était pas le portique du Ranch qu'il avait connu. Il n'y avait pas tous les souvenirs qu'il y avait associé, pas toute cette histoire aussi vieille que chacun des corps de ferme de Talon. Il n'y avait plus rien que du bois. Du bois neuf, mais du bois vide. Le contact qu'il avait instinctivement établi avec ne le laissait pas de marbre pour autant, bien au contraire. Cette porte était devenue témoin aveugle, sourd et muet, d'un autre massacre qu'il n'avait su empêcher, qu'il n'avait pas pu arrêter.

Le blond renifla, accusant le froid et le lourd manteau blanc-hivernal de l'avoir enrhumé. Il n'avait pourtant pas le nez rouge et le vent n'avait encore jamais laissé de sillon, si minime puisse-t-il être sur ses joues. Il passa le bras sur son visage.

"Allez, viens." Fit-il à l'intention de la pouliche à la robe vermeille. Ils s'avancèrent tout deux et l'homme ferma l'accès au terre (d'une façon bien superficielle puisqu'il ne disposait pas de la clef et ne se serait pas permis de l'utiliser) derrière la jument. « Va ! » Lâcha-t-il, en collant une petite claque sur le croupion de la demoiselle équidé. Le faux-Kokiri se refusait à l'attacher, et il doutait que ni Malon, ni Talon y voit un inconvénient quelconque. Quand à Ingo...

"Saperlipopette ! C'est-y pas le petiot !" Link se retourna. C'est à peine s'il avait remarqué qu'il avait suivi le chemin jusqu'à l'entrée réelle du domaine, après les gorges de pierre qui bordaient les premières masures. Sur sa gauche se tenait ce qui faisait office de « box à cocottes » lors de son premier passage, et qui à l'étage accueillait les chambres de la famille propriétaire. Son regard polaire se posa sur un homme à le bedaine sculptée tant par la bière que par l'hypocras, aux favoris devenus presque mythiques chez le peuple Hylien, et à l'éternelle salopette bleue sur chandail rouge. Talon, tenancier du Ranch, père de Malon. « C'est bien moi. » Mumura l'autrefois Champion de Farore. Le fermier avait l'air de croiser un fantôme, au regard particulièrement sévère et inquisiteur, puisqu'il enchaîna rapidement. « On te croyait mort, par ici, petiot. C'que ça a pu miner la pauv' Malon... » Le Fils-de-Personne préféra ne pas relever la nouvelle de son décès – il n'en avait pas eu vent, mais qu'importait au fond... – pour mieux se concentrer sur cette Flamboyante jeune femme qui lui avait tant manqué. « Malon ? » Commença-t-il, sur un ton plus détaché, plus joyeux. « Excuses moi de te faucher si prestement compagnie, l'ami, mais pourrais-tu me dire où je puis la trouver ? »

La face du vieil homme sembla, à la lueur des torches installées ça et là, se faire plus triste. « Oh... Tu sais, p'tit gars... » Débuta-t-il, avant de renifler pour déloger on-ne-sait-quoi. « Tu sais.... Elle... Elle... Elle n'est pas là pour le moment... D'vait aller livrer du lait au château, et en raison d'la neige il était prévu qu'elle dorme à l'auberge... » Il avait semblé à Link entendre des sanglots briser la voix du vieil homme, par instant, mais les éclats de rire en provenance du bâtiment de droite l'empêchait d'être sûr de quoique ce soit, sinon de la tristesse du fermier. La peur reprit le Fils-de-Personne, qui ne souhaitait néanmoins pas accabler le vieillard. Il savait que la demoiselle était en vie (le Père n'aurait pas accepté des éclats de rire en période de deuil), mais il éprouvait quelques doutes quand à ce qu'il lui racontait. « Soit. » Lâcha-t-il simplement. « Pourras-tu lui transmettre un message de ma part, quand tu la reverra ? »

Il grimpa les escaliers, avec le désir de se désaltérer au moins, et dans l'idéal se remplir la panse d'un peu de viande chaude, se changer les idées. Poussant la porte, il entra dans la lumière vive, la joie et les chansons. Bière coulait à flots, damoiselles dansaient sur les tables, piliers de bar chantaient et braillaient, pour la plupart ivres. Avec l'Hiver arrivé, rien de véritablement surprenant aux yeux de l'Enfant-des-Bois : il avait toujours connu le Ranch comme une terre de passage, point d'arrêt presque inévitable de tous les maraudeurs arpentant le Royaume d'Hylia ; et il avait toujours su la salle à l'étage – dans laquelle il se trouvait à présent – interdite aux enfants pour une bonne raison.

Au comptoir était installé un homme de forte corpulence (elle lui évoquait Conan, capable de rivaliser en force brute avec un boeuf), au teint basané et aux cheveux d'un noir d'encre. Chemise d'ouvrier, il lui ne fallut que quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait à l'évidence d'un palefrenier en heures supplémentaires. Lui aussi avait cet air si morose — le même que Talon, qui contrastait avec la joie ambiante. Les billes de givres s'arrêtèrent un instant sur lui, puis jetèrent un coup d'oeil global sur la salle. Personne ne l'avait vu entrer, ou peut être personne n'avait voulu le voir. Du moins personne ne s'était arrêté. L'état de beuverie déclaré, bien peu avaient encore suffisamment les yeux entre les trous pour le remarquer, malgré cette panoplie qu'il portait à nouveau. Il lui semblait que c'était le cas, en réalité, mais il n'avait aucun moyen, ni aucune envie de vérifier. Son regard s'arrêta sur une autre chevelure ébène dans laquelle avait été réalisée une fine tresse. On eut dit qu'elle formait une sorte de diadème, avant de partir en un fil d'or noir vers le bas de la toison.
« Rusadir. » Souffla-t-il pour lui même, pratiquement sûr de l'avoir reconnu. D'un pas décidé, il s'avança vers la table qu'occupait l'homme seul. Chaque pas confirmait un petit plus son impression. Il déposa une tape sur l'épaule de l'homme, avant de contourner le cercle de bois et de s'installer en face de lui.

"Par les Déesses, murmura-t-il alors à l'intention du Général, et du Général seul, que faites-vous dans un endroit pareil, à une heure pareille, et dans pareil accoutrement ? Parlez !" Le vouvoiement n'avait rien de faux (ce qui relevait de la surprise ton n'avait rien ni du reproche, ni de l'ordre. Il avait vu Llanistar rayonnant, au Castel, et faisait dorénavant face à une version autrement plus misérable du même homme. Quand bien même il n'avait pratiquement aucun lien avec celui-ci, il n'avait pas eu besoin de leçon pour réaliser que le Nordique était devenu un élément incontournable dans la défense du Royaume, et donc de Belle. En aucun cas il ne le laisserait s'effondrer dans la boisson et risquer tant.

[HRP : Chronologiquement parlant, ce RP se situe un peu plus de deux semaines après De l'histoire d'une bourse vide et de l'histoire des cartes. RP semi-privé (envoyer un MP pour participer) avec Llanistar]


Llanistar van Rusadir


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(vide)

La mine maussade et le regard embrumé, Llanistar regardait vaguement deux joueurs de lancers de dés. Depuis combien de temps ? Il n'aurait su le dire. Pendant un moment, les chopes de bière s'accumulaient sur sa table mais ensuite la serveuse du bar avait entreprit de l'en débarrasser. Il se doutait juste que le soleil était couché mais que la nuit n'avait pas assez avancé pour qu'il soit mit dehors, ou porté dans une chambre tant l'alcool avait eu raison de lui. Depuis des heures, il enchaînait les verres, ayant payé une somme astronomique quand il était encore en état de penser clairement. Longtemps, le général s'était contenté de fixer la neige, au dehors, puis chaque trogne de chaque dépravé qui, comme lui, venait oublier ses problèmes au lonlon bar.
Ah, oublier ses problèmes ! Plus facile à dire qu'à faire. A chaque fois que le nordique se redemandait pourquoi il s'était rendu dans ce débit de boisson, la réponse lui revenait avec plus de violence et il ressentait comme un coup de poignard dans une blessure ancienne mais qui n'avait jamais cicatrisée et dont l'état s'aggravait à mesure de ses nouveaux pics de souffrance. Au moins, dans ce bar loin de la cité, personne ne l'avait reconnu. Un bon point pour lui...Et pour eux. N'importe quel homme perdrait confiance en un dirigeant si il lui voyait dans un tel état...Si tant est que les hyliens lui aient jamais accordés leur confiance. Dans le fond de sa bouche, Llanistar sentait une bile de rancoeur se former et il ne parvenait pas à la faire disparaître. Son ressentiment restait là, bien ancré en lui.

Son humeur était déjà basse depuis un certain temps. Le mal du pays, surtout. Jamais le général ne s'était vraiment sentit chez lui à Hyrule et, à mesure que le temps passait, Artensir lui manquait de plus en plus. Waundel, ses montagnes enneigées , ses cours d'eau vive, ses forêts de pins élancés...Markand et ses innombrables délices, dont le meilleur lui manquait surement plus que tout ; Saad. Au début de sa relation avec Orpheos, Llanistar n'avait pas penser pouvoir se sentir déchiré entre ses deux amants mais son coeur ne lui obéissait plus, depuis peu. Jamais Saad et lui n'avaient vu leur relation comme autre chose qu'une amitié forte et noble mais Saad représentait son ancienne vie, sa vengeance, son passé. Orpheos, c'était Hyrule, la possibilité d'une vie normale mais honorable, un autre peuple à protéger...Et un amant qu'il commençait à aimer autant que le prince de Markand. Llanistar connaissait les vicissitudes du destin et son intuition commençait à lui faire comprendre qu'il finirait par devoir faire un choix. Un choix qui n'aurait rien de facile, qui le déchirerait en deux.

Devait il rejoindre Saad, suivre la prophétie de l'oracle d'Almanarian, assumer l'héritage de son grand père et accomplir son destin ?...Ou bien admettre la victoire de ses ennemis et accepter ce nouveau combat, protéger ce peuple, rester aux côtés de cet homme qui habitait déjà ses pensées à toute heure du jour et de la nuit ?

Llanistar s'était levé particulièrement maussade et mélancolique ce matin là. Comme d'ordinaire, il avait travaillé jusque tard dans la nuit de la veille et s'était trouvé trop éreinté pour aller dans les bras d'Orpheos oublier ses tourments. Lorsque sa servante lui avait apporté son déjeuner du matin, elle avait fait tomber de sa veste un journal. Par courtoisie, le nordique s'était penché pour le ramasser, et son regard encore ensommeillé avait parcouru quelques lignes. Ce qu'il avait lu le réveillé aussitôt et il se plongea dans la lecture, dédaignant toute nourriture. Il se rappelait encore de la mine embarrassée de sa servante. C'était une jeune fille bien, qui n'avait sûrement pas pensé à mal...Mais ce mal était fait. Il se souvint de l'effort qu'il avait dû effectuer pour lui ordonner doucement et en souriant de quitter la pièce. Lorsqu'il s'était retrouvé seul, il avait hurlé sa colère et jeté le torchon par la fenêtre de rage. On le disait inactif, impuissant, étranger, pas digne de confiance...Ce journal qui était lu par tout Hyrule le descendait en flèche, sans que personne n'y trouve sûrement à redire.
Le nordique avait souvent sentit cette défiance, ce mépris général. On respectait son grade, on se méfiait de sa personne. Un étranger, qui avait établit un couvre feu et fait entrer Hyrule dans la guerre. Llanistar agissait pratiquement seul : le vieux Cerscastel était son seul collaborateur. Et le chevalier n'avait pas une audience très large. Au final, le général pouvait bien travailler autant qu'il voulait, ses détracteurs le voyaient toujours comme un opportuniste illégitime. Il se rappela avoir crié.


"Qui sont ils pour me traîner dans la boue ?! J'ai fait tant pour eux ! J'ai plus agit pour le royaume que dix de leurs rois et voilà ma récompense ?! Ingrats ! Tous ingrats !"

Sous le coup de la rage, il avait retourné son bureau, envoyant valser l'amas de paperasse qui s'entassait dessus. Des mois qu'il se saignait, qu'il ne dormait presque pas, qu'il s'empêchait de côtoyer son amant pour se consacrer à son labeur et tout cela pour quoi ? Du mécontentement. Si seulement ils savaient ! Si seulement ces écrivains de pacotille pouvaient mesurer l'ampleur de la tache ! Furieux, il s'était vêtu comme un homme du commun et avait quitté le château discrètement, alors que la plupart de ses occupants dormaient encore. Son but : se saouler pour oublier ses tourments et cette feuille de chou à peine digne de torcher son cul. Llanistar n'avait même pas envie de se venger des calomniateurs. Si ils pensaient ainsi, tout Hyrule devait sans doute penser de même. Et il était las de tout ça. Las de devoir se défendre, d'endurer les soupçons, le mensonge, de devoir cacher ses amours aux yeux des hommes, de subir les excès de fiel de certains. Incognito, à pied, il sortit du bourg et se rendit d'un pas lent et fatigué vers un lieu où il était encore inconnu de visage : le ranch lonlon et son bar. Le soleil d'hiver tombait déjà, tôt dans cette journée courte, quand il arriva et s'installa. Et là il était, la tête lui tournant, la pensée lente et la douleur étouffée par l'alcool dieu. Si ils existaient, ces dieux, son sort serait il différent ? Llanistar en doutait : le destin lui même semblait le détester, et il le lui rendait bien. Quand à savoir si ce fut ce même destin qui plaça sur sa route la dernière personne qu'il aurait voulu voir, il n'en sut rien mais il grogna une malédiction dans sa barbe courte, le regardant venir vers lui d'un air mauvais.

Link le fixait d'un air outré, une expression clairement réprobatrice sur son visage. Pour qui se prenait il, ce petit morveux ! Pour un parangon de vertu ? Ah ! Pas foutu de se mettre au service de la couronne mais ça venait lui donner des leçons de morale ! Ce gosse n'était pas un chevalier, c'était un justicier. Et si, plus sobre, Llanistar aurait pu comprendre ses raisons, l'alcool rendait ce rôle à vomir, à ses yeux. Le gamin lui déposa une légère tape sur l'épaule, qui fit frissonner le nordique, puis s'installa en face de lui, avant de déclarer, de son ton horripilant :


"Par les Déesses, que faites-vous dans un endroit pareil, à une heure pareille, et dans pareil accoutrement ? Parlez !

Un instant, Llanistar fut tenté de lui envoyer sa chope à la figure. Ouais, dans ce si beau p'tit visage d'enfant ! Et puis son poing ensuite. On ne lui avait plus parlé ainsi depuis longtemps, peut être trop longtemps. Mais aviné ainsi, il prit la question comme un interrogatoire et l'invitation à répondre comme un ordre brusque. Il détourna la tête de ces yeux trop bleus. Puis il finit par lâcher, la voix rauque et caverneuse, une voix qui ne lui ressemblait pas :

"Mêle toi de ce qui te regarde, gamin."

Le nordique était sec. Il se sentait mal en présence de Link. Le gamin l'énervait, avec sa pureté, son innocence, sa morale ...Mais surtout il renvoyait à Llanistar une bien piètre image de lui même. Le gosse lui faisait penser à un autre gamin, quelques années auparavant, plein d'espoir et d'illusions sur le monde. Un gamin qui aimait une femme plus que tous, s'émerveillait devant un coucher de soleil et ne voyait que le bien chez autrui. Un gamin qui était mort, un beau jour, sous une pluie battante, au pied d'une croix.
Ressentant un malaise à avoir eu une attitude aussi sèche, il reprit, toujours sans regarder Link, plus doucement.


"Excuse moi...C'est juste que...ca va pas bien fort."

Il vida sa chope d'un coup et fit signe à la serveuse de lui en rapporter une. Puis, avant que Link ne pose sa question, il tira de sa chope un exemplaire du journal, qu'il avait récupéré en traversant le bourg. Dieux qu'il avait envie de cramer ce torchon...Mais en faire disparaître un ne ferait rien. Il ne restait plus que l'alcool pour oublier...Et arrêter de penser.


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(vide)

Le bleu-de-gris nocturne s'entrecoupa de centaines de larmes blanches qu'il ne vit pas. La neige tombait avec une légèreté qui semblait ne pas exister entre les deux hommes. Ou... Ou du moins, entre l'homme et le gamin. Cela signifiait aussi que reprendre la route serait plus complexe qu'il n'y semblait.

L'hostilité avait été claire, nette, l'accueil n'en était pas un. Rejet immédiat, violence du ton et du regard plutôt que des mots. L'Hylien considéra le Général d'un oeil nouveau. Il s'était souvenu d'un homme qui avait demandé son amitié après avoir laissé sa dextre pour un Prince. Pas d'un homme qui crachait son alcool sur la main tendue du dît « ami ». Jamais il n'avait eu le désir de juger le soldat, pas plus qu'il n'avait eu celui de lui faire la leçon. La situation lui avait paru surprenante, et il savait reconnaitre les traits de celui qui – à défaut d'être heureux – va pour le mieux. L'inverse était aussi vrai. Le changement qu'il avait vu sur Llanistar l'avait inquiété, il réalisait maintenant qu'ils n'avaient, en fait, peut être rien à se dire — qu'il ne pourrait compter que sur lui même, comme il aurait toujours du le faire.

Son regard s'était durci, sans qu'il ne s'en rende compte (sans non plus que son locuteur le puisse, le regard dévié). L'on prêtait souvent aux Gens du Nord un froideur sans égal. Il savait d'expérience qu'ils étaient de même capables d'une convivialité particulière. Ses yeux plongeait en celui qui avait choisi la première de ces deux facettes, et il se dit qu'il avait une fois plus fait une erreur d'appréciation. Que les chopes viennent troubler (si pas les humeurs) les réactions du Rusadir, le Fils-de-Personne le comprenait, en un sens. Ca n'en était pas moins difficile à accepter, surtout après cette profonde baisse de foi en autrui qui l'avait frappé à son « éveil » en compagnie de Zelda. Il prit sur lui, mais ne releva pas pour autant les premiers propos de l'officier. Une voix lui disait de simplement laisser celui-ci à son verre et de retourner à ses affaires. Il ne le fit pas. Et alors qu'il s'apprêtait à insister, celui qui avait été l'espace d'une bataille un frère d'arme reprit la parole, plus contrit.

Le visage du blond s'apaisa. Non pas qu'il eut été blessé dans l'orgueil, – quoiqu'on puisse dire ou penser, il avait toujours été humble – mais il était soulagé en cela qu'il aurait eu du mal à avaler s'être trompé. Là encore, pas par fierté personnelle, mais il avait senti Llanistar van Rusadir plus digne et plus noble qu'aucune épave installée là. L'homme jeta un courrier sur l'épaisse table ronde et boisée. L'enfant des bois y jeta un rapide coup d'oeil. « Nouvelles de Pierre », était écrit sur la brochure. Pourquoi diable le Général sortait ces chroniques quand on lui demandait ce qui n'allait pas ? L'étonnement devait indéniablement se lire sur le visage du garçon, quand il ramena le journal à lui.

C'est distraitement qu'il observa les papiers et autres articles traités, mais il eu tôt fait de comprendre ce qui pouvait gêner l'homme. La vérité était que les Hyliens, comme les gens qui avaient pu écrire sur lui n'étaient pas nécessairement au fait de ce que représentait le travail que pouvait faire l'Étranger. Et Link connaissait et comprenait ce sentiment mieux que quiconque. Combien de fois n'avait-il été jeté en dépit des risques qu'il avait pris pour venir en aide à un prochain, un semblable ou un paire ? Si nombre de gens l'avaient aidé au cours de sa quête, il n'avait jamais fait savoir ce qu'elle était réellement, ni ce qu'elle lui avait coûté. Il saisissait pertinemment ce qui touchait Llanistar autant, en cette nuit au ciel bleu-de-gris.


"Je..." Débuta-t-il, moins assuré qu'auparavant. C'était son tour d'éviter – inconsciemment et donc involontairement – le regard du Nordique, continuant de lire quelques lignes pour occuper ses yeux, structurer ses pensées. Il n'était pas à l'aise dans ce genre de situations. « Llanistar... » Continua ensuite le Porteur de l'Épée de Légende, avant de s'arrêter subitement, relevant les yeux. La serveuse — une parfaite inconnue, malgré ses nombreux passages au Ranch, apportait une énième cervoise de plus. Et avant qu'elle ne la pose à table, il lança, peut être un tantinet sévère. « Je crois que mon ami a assez bu. Apporte lui plutôt quelque chose de chaud, pour se remplir la panse. »

La jeune fille bredouilla un « bien messire », intimidée, le visage subitement marqué de rouge. Il ne savait pas si c'était le ton, l'épée qu'il portait dans le dos, ou sa tunique (qui l'aurait « trahi »), qui lui faisait effet semblable. Elle s'inclina timidement, mais avec suffisamment d'adresse pour ne pas verser une simple goûte, fut-elle de mousse, du breuvage pourtant très largement sur-dosé, avant de s'éclipser et de glisser quelques mots à l'homme qui tenait le comptoir, nettoyant un verre depuis l'entrée de Link. Il beugla un ordre, inaudible dans la cacophonie ambiante. Il avait cet air profondément grave, désenchanté, presque funèbre qui rappela au Héros du Temps la raison première de sa venue ici, avant de n'y croiser un des optimates du Castel-Royal. Il ne savait pas où Malon était, ni ce qu'elle faisait, mais pour un peu, il aurait sûrement demandé à Farore de veiller sur elle. S'il n'avait aussi piètre image des Trois, logées quelque part il-ne-savait-où, là-haut.

Conscient que l'originaire de Waundel n'apprécierait vraisemblablement pas l'initiative qu'il venait de prendre, il reprit, cherchant des yeux son camarade ; d'un regard franc, d'un regard sincère.


"Llanistar, reprit-il à nouveau, refermant le courrier, tu n'as pas les oreilles pointues, j'en conviens. Tu as pourtant oeuvré plus dans cette guerre qu'aucun de ceux qui écrivent ou lisent ce qui est ici." L'Hylien laissa le silence se faire, un instant, cherchant à nouveau ses mots. « Je comprends sans mal la peine qui te prend, ce soir. Aucun d'eux ne sait ce que tu as vécu, ce que tu as eu à combattre, ce que tu as pu sacrifier pour eux. » Lui même ne le savait pas, en réalité. Il ne connaissait pas Llanistar pour savoir quelle était son histoire, de quels drames étaient à l'origine de sa venue sur les terres de Zelda. Mais, ce dont il était sûr, c'était que la vie du Général avait été un véritable parcours du combattant. Une montagne dont il n'avait pas encore vaincu le flanc, qu'il lui restait à gravir. Une vie faite d'épreuve, d'obstacles douloureux et de batailles écarlates. « Laisse leur simplement le temps, requit-il, plongeant son regard au plus profond des pupilles du brun, ils ignorent tout des combats, de la guerre, du sang. Hyrule est une nation de paysan qui apprend doucement et seulement ce que conflit veut dire. »

Link jeta sur ses yeux deux voiles de chair et de tissus. Il aimait Hyrule de tout son coeur, et n'avait que son coeur et son épée à offrir, mais il n'en était pas moins lucide quand à son sujet. Il savait reconnaître ses forces, comme ses faiblesses. Et dans pareilles circonstances, la balance étaient tout sauf équilibrée.

"Je ne puis les en blamer. Et j'aurais préféré qu'ils n'aient jamais à apprendre ce mot. Un jour, ils sauront. Et ce jour venu ils comprendront tout ce que tu as pu, et a encore a apporter à Hyrule." Il se tût enfin. Ce poulet roti arrivait au bon moment. Il lui semblait avoir parlé des jours durant, bien peu habitué à s'exprimer aussi longuement, ni même à s'ouvrir autant à quelqu'un (exception faite de bien rares « privilégiées »). Le fumet du plat lui rappela à quel point il avait faim, et qu'il n'avait guère avalé que des racines accompagnées d'un peu de viande séchée et salée depuis son départ de la Forteresse de Nabooru.


Llanistar van Rusadir


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(vide)

Le silence qui s'était abattu génait Llanistar. Non pas qu'il ait envie de parler, mais il se demandait si Link allait sérieusement prendre la mouche. Comment pouvait il ignorer qu'un buveur en mauvais état détestait qu'on le dérange ? Le nordique ne le croyait pas aussi ignorant des effets de l'alcool, et quand bien même, il avait bien le droit de laisser de côté les amabilités ! Seuls ses serviteurs au château lui en servaient, après tout. D'abord méprisé par la noblesse qui le trouvait envahissant et voyait d'un mauvais oeil son soucis du peuple et sa volonté de les taxes eux plutôt que les miséreux, voilà que le reste d'Hyrule lui envoyait ses bons sentiments avec tout le tact et la finesse qu'on pouvait en attendre. Durant des mois, le général s'était attendu à des attaques de l'agresseur gérudo mais il ne s'attendait pas à un coup de poignard dans le dos. Et pourtant, il devrait s'y faire : ceux dont il avait choisit d'être le bouclier le blessaient plus que leur ennemi commun. Imbéciles et ingrats. La rancoeur le reprenait fortement et il porta machinalement la chope à ses lèvres, se souvenant rageusement l'instant d'après qu'elle était toujours vide. La jambe tremblant d'impatience, il attendit dans le silence oppressant que la serveuse arrive avec sa commande. La bière du ranch était plaisante au palais, quoique amer. Qu'importe ! Elle ferait très bien l'affaire pour lui permettre d'oublier ses ennuis.

La mine réjouie, et tandis que Link semblait finir la lecture du pamphlet contre lui, Llanistar vit la jeune femme venir vers lui, avec une chopine pleine. Un sourire trop sincère pour ne pas paraître niais illumina son visage. Depuis l'enfance, l'alcool avait toujours été le remède à ses malheurs. Il avait commencé à en boire afin de réussir à s'endormir, les nuits qui suivaient les excès de violence de son père. De l'hydromel, évidemment, et de la bière. Puis à Markand, il avait découvert le vin, rouge et âpre. Enfin, lors de ses campagnes militaires, on lui avait fait goûter à tant de nouveaux breuvages qu'il peinait à tous se les remémorer. Depuis la mort de Valenrya et la nuit passée sur sa tombe, il avait toujours une bouteille prés de lui, au cas où la douleur de son souvenir reviendrait. Mais souvent, même les alcools les plus forts ne parvenait pas à éteindre la souffrance de son absence. En revanche, pour l'ingratitude des Hyliens, la bière suffirait !


"Je..." Visiblement mal à l'aise et les yeux toujours rivés sur le papier, Link avait prononcé un mot, sans parvenir à s'exprimer pour autant. Que cherchait il à lui dire ? Que ces journaleux ne méritaient pas son attention ? Qu'il comprenait mais qu'il n'y pouvait rien ?...A dire vrai, même cela lui aurait fait du bien mais Llanistar n'en avait alors pas conscience. « Llanistar... » Décidément, les mots lui restaient au fond de la gorge. Aucune importance tant que cette foutue chope arrivait aux mains du nordique. Mais Link se mit à fixer la serveuse d'un air sévère et lui déclara d'un ton autoritaire, qui ressemblait si peu au gamin !« Je crois que mon ami a assez bu. Apporte lui plutôt quelque chose de chaud, pour se remplir la panse. » Alors, ignorant l'expression outrée du nordique, elle s'inclina et repartit, son breuvage doré dans les mains.

"Hey ! Non, reviens ! Reviens !"

Llanistar, surprit et affolé, se leva difficilement, le bras tendu, appelant la serveuse d'un ton presque implorant. Mais, après un pas risqué et avoir manqué de trébucher deux fois, il retomba lourdement sur sa chaise, manquant de la renverser et de finir au sol lui même. La tête lui tournait. Il n'aurait peut être pas dû se lever aussi brusquement...De toute façon elle était déjà loin le temps qu'il réagisse. Mais qu'es-ce qui pouvait bien avoir piqué le gamin ?! Le général se fixa dd'un regard noir, lourd de reproches. Qu'il vienne le déranger quand il voulait être seul passait encore ! Mais qu'il lui retire sa seule consolation dans ces heures tristes, c'était impardonnable. Heureusement l'idée de s'en prendre à Link ne le traversa qu'un instant, car il aurait regretté ce geste une fois sobre, et il se serait immanquablement ridiculisé.
Mais déjà le gosse refermait le journal. Il semblait différent depuis leur dernière entretien au château. Comme si...Il avait regagné une certaine confiance en lui. En tout cas, il avait quelque chose d'impressionnant...De brave, dans son regard.


« Llanistar, tu n'as pas les oreilles pointues, j'en conviens. Tu as pourtant oeuvré plus dans cette guerre qu'aucun de ceux qui écrivent ou lisent ce qui est ici. » Plus que le tutoiement dont usait à présent Link à son égard, le coup des oreilles pointues titillait le général, certain qu'on lui avait déjà tenu semblables propos sans qu'il parvinsse à se rappeler où. Mais au moins, il était d'accord avec Link. « Je comprends sans mal la peine qui te prend, ce soir. Aucun d'eux ne sait ce que tu as vécu, ce que tu as eu à combattre, ce que tu as pu sacrifier pour eux. » Ni ce que j'ai pu sacrifier pour tant d'autres hommes, pensa t'il. La vie du nordique semblait faite de servitude et de loyauté à d'autres. Sans qu'il ne considère à se soustraire à son serment fait à Zelda, il ressentait son poids, pesant fortement sur ses épaules. Il aurait aimé que tous sachent la peine qu'il se donnait, mais qui s'intéresserait aux taches abrutissantes qu'il effectuait une bonne partie de la journée ? Personne. Le juger oisif était plus simple et jouissif. « Laisse leur simplement le temps, ils ignorent tout des combats, de la guerre, du sang. Hyrule est une nation de paysan qui apprend doucement et seulement ce que conflit veut dire. »

En cela, Link disait la stricte vérité. En plus de mille ans d'existence, Artensir n'avait pratiquement jamais connu de paix totale. Toujours, la guerre sévissait dans ou aux frontières du royaume. Son peuple naissait dans la crainte d'un conflit, grandissait avec et mourrait en l'emportant dans la tombe. Les Artensis ne connaissaient que rarement la défaite parce qu'ils n'oubliaient jamais les tourments de l'histoire. Hyrule était au royaume de Llanistar ce que la terre était au ciel : diamétralement opposé. Ses habitants, naïfs et inconscient, baignant dans une paix parfaite depuis tant de siècles qu'ils en avaient même peut être oublié l'existence de la Guerre. Mais il leur faudrait apprendre vite et bien pour tenir face à Ganondorf, roi d'un peuple de survivantes, guerrières farouches du désert...Et commandant à des monstres. L'armure vide qui avait tranché la main de Llanistar lui revint en mémoire, et lui provoqua un frisson de dégoût. Il avait déjà affronté des armées entières en tant que général d'empire, mais des forces surnaturelles... C'était le travail de Link.
Plus calme qu'il ne l'avait été depuis le matin de ce jour là, Llanistar sentit alors l'arôme du poulet rôti et il sentit son estomac protester. Le nordique n'avait rien avalé de la journée et il le sentit en cet instant. Peut être le héros avait il raison. Manger lui ferait du bien. Parler aussi.


« Je ne souhaite que les aider, Link. Je n'ai pas d'ambition, pas de convoitise ici. Un jour, je rentrerais chez moi accomplir la tache à laquelle je me crois tenu et je partirais sans regret ni richesse. Je ne leur prend rien, et n'exige pas d'eux ce que je n'exige pas d'abord de moi même...Alors pourquoi ? Pourquoi ont ils tant confiance en Zelda ou en toi, et pas en moi ? » Aucun reproche ou comparaison dans sa question, juste une curiosité attristée. Mais avant d'obtenir sa réponse, il poursuivit.
« Toi qui est un héros aux yeux de tous, n'as tu jamais senti comme... une distance, entre toi et le reste du monde ? Comme un gouffre te séparant des autres, une différence naturelle, à laquelle tu ne pourrais rien ? J'ai toujours ressenti cela, de mon enfance à aujourd'hui, et sûrement encore demain. » Jusqu'à ma mort, eut il envie d'ajouter, sans oser. Pas la peine de tenter le destin par des mots trop aventureux. « C'est pour combler ce gouffre que j'ai toujours essayé d'agir pour les autres. Pour mon père, mon professeur, mon roi...Et maintenant ton peuple. Et toujours, j'ai reçu de l'ingratitude en retour. Mon père m'a battu jusqu'à mes 15 ans, mon professeur m'a traîné dans la boue...Mon roi m'a ôté l'envie de vivre. Et voilà que ton peuple me rejette. Alors, à quoi bon ? Je ne demande rien, si ce n'est leur respect, une lueur d'affection pour ma personne dans les yeux. Pas un mépris qui me gueule aux oreilles que je suis un étranger. »

Il arrêta de parler, la voix brisée par l'émotion. Sans le vouloir, il avait haussé le ton à mesure que son coeur s'enflammait. Heureusement, l'auberge commençait à se déserter et personne ne semblait l'avoir écouté. En revanche, il espérait avoir été entendu du héros.


Link

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(vide)

Il beugla aussi bien qu'une vache ne savait le faire, renversant sa pinte sur la table de bois. La danseuse, elle aussi passablement imbibée ne remarqua rien. Ses pieds nus glissèrent sur l'alcool, elle s'effondra. C'était courant, et les rires continuaient de sonner, sans doute plus forts. Pas un seul homme ; pas une seule femme ne prêtait la moindre attention à eux. Son regard dévia néanmoins jusqu'à elle, tandis que celui de l'officier glissait immanquablement vers la viande blanche qui trônait dans son assiette. L'Hylien fronça les sourcils mais n'esquissa pas un geste : les amis de l'accidentée l'aidèrent avant qu'il n'ai pu le faire, et lui même avait quelqu'un d'autre à qui il fallait porter soutien.

Néanmoins, en conséquence directe de sa lourde chute, la salle commença doucement à se désengorger. L'homme qui lui faisait face ne remarquait pas, sans doute trop embrumé par l'alcool, et les yeux rivés sur le coq qui lui faire de l'aile. La soirée était déjà bien avancée, le soleil couché et il n'aurait été guère étonné de voir cette taverne vide d'ici à la mi-nuit passée.
A la première syllabe qui s'éleva hors des lèvres du Rusadir, ses pupilles s'étaient à nouveau fixées sur lui. Il avait cet air presque grave qui ne le quittait que rarement, lui aussi. Pas le même que celui qui maquillait le visage du tavernier, mais un air que tous — sans exception, ou presque, lui connaissait. Dès les premiers mots du stratège, il tiqua, ou presque. Il ne doutait pas un instant que l'Artensy désirait sincèrement aider le peuple Hylien et sa suzeraine légitime, mais il appréciait moins (à titre personnel, et sans en blamer le Nordique, l'idée lui était simplement déplaisante) que le Général songe déjà à se retirer. Il avait cette impression tenace et persistante qu'il deviendrait presque indispensable à Hyrule dans les périodes à venir.

Comme à chaque fois qu'il était ainsi désigné, et en dépit des propos de l'avatar de Nayru, Flora del Carmen, il ne put réprimer un frisson qu'aucun ne verrait, quand le fin tacticien qu'était Llanistar lui rappela ce qu'il réfutait être depuis le jour où il avait cessé d'être un gosse. Il ne croyait pas être un héros ; il doutait que ceux-ci existent. Qui qualifiait de héros le vaincu ? Qui qualifiait de héros l'homme qui s'effondrait devant une hécatombe ? La scène du Grand-Hall de Ganondorf l'avait traumatisé. Pourquoi vivait-il et eux mourraient ? Pourquoi n'était-il pas mort avec eux ? Pourquoi n'était-il pas mort à leur place ? Maudites soient Din, Nayru et Farore. Fussent-elles des Déesses. Il les haïssait du plus profond du coeur. Le fiel remonta à sa bouche parallèlement au cheminement de ses pensées.


"... un gouffre te séparant des autres ..." Si son esprit avait vagabondé, il n'avait pas cessé d'écouter l'homme se confesser. Le Fils-de-Personne savait avec pertinence que l'alcool jouait beaucoup dans la subite loquacité de l'ancien Seigneur de Waundel. Il n'était pas dupe sur le fait qu'ils n'avaient évidemment que peu de liens d'amitié (même s'il ignorait que beaucoup de choses les rapprochaient) et que ceux-ci n'étaient sans doute pas à l'origine du besoin de van Rusadir a parler. Pour autant, ce qu'il disait le troubla en cela qu'il raisonna particulièrement en lui, faisant écho à tout un pan de sa construction personnelle. L'Hylien comprit seulement que malgré tout ce qui pouvait le différencier de cet homme, ils n'étaient pas de simples antipodes quelconques.

Les besoins du Général lui semblaient compréhensible, de même que son désespoir. N'avait-il pas lui même désespéré à de nombreuses reprises ? Chaque coup porté à Hyrule lui sapait le moral avec toujours plus de force. C'était néanmoins dans chacun des coups qu'il trouvait la capacité de rebondir, de progresser. Et s'il n'avait pas l'âge de l'Étranger, il avait peut être quelques enseignement à lui apprendre, cependant.


"Manges, ca va être froid." Fit-il à son attention, en poussant l'assiette vers son voisin de table. « Et ça te fera plus de bien qu'aucune autre bière que tu pourrais avaler ce soir. » Dieu, qu'il avait faim ! Il n'en faisait rien paraître, mais – comme toujours –, elle lui tiraillait le ventre. Il n'avait jamais été habitué à manger énormément et avait toujours vécu une vie de bohème, de vieux loup solitaire et aguerri, mais sans le moindre terrain de chasse. Son ventre menaçait de gronder, il se força à penser à autre chose, et l'effet fut réussi. Il ne tenait pas à donner pareille image au Nordique de peur que celui-ci propose. Non pas qu'il n'appréciait pas, mais il ne désirait pas être source de dépense pour les autres. Il savait ce que cela pouvait représenter pour avoir en tout temps aidé les autres. Et après ce qui venait de s'être dit, il ne préférait pas abuser (potentiellement) de (l'éventuelle) charité de l'officier.

"J'ai toujours été seul." Commença-t-il, en regardant tomber les flocons de neige, dehors. « Jusqu'au jour ou j'ai offert ma confiance à Loireag. » Il retourna chercher le regard de regard du Rusadir. Le sien s'était assombri, de même que sa voix. Il n'oubliait pas ce que le Parjure avait à payer. Le prix du Fer, le prix du Sang. Non pas pour lui ; mais pour tous ceux morts dans cette bataille, tous ceux mutilés, pour Hyrule et toutes les familles brisées, pour... « Une confiance accordée à tort, pour le coeur d'une tierce personne. »

S'il conservait en Zelda une confiance sans faille, il avait toutefois été profondément conforté dans ce ressenti qu'il avait toujours eu : celui de ne pouvoir compter que sur lui même. Qu'il s'agisse de Belle ou de Malon, elles étaient des trésors à protéger. La situation changeait du tout au tout, puisque la relation n'avait rien à voir. Mais il restait persuadé, en un sens, qu'il était plus efficace et plus en sécurité seul. Comme il savait qu'il mettait ainsi moins en danger les autres.


Llanistar van Rusadir


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(vide)

Link ne répondit rien, sans doute n'y avait il d'ailleurs rien à ajouter à ce que venait de dire Llanistar. Un naïf, il l'avait toujours été et il le resterait sûrement longtemps. Il continuerait à croire, à mettre son espoir chez les autres, ses frères et soeurs du monde entier...Parce que c'était ce qui le maintenait en vie. Croire chaque matin en la beauté d'une humanité imparfaite mais espérante, en chemin vers un âge d'or qui ne finirait jamais. Lorsqu'au levé, la lumière du soleil apparaissait glorieuse au dessus de la montagne, alors il croyait au progrès, à la nature humaine et il ressentait de l'espoir pour l'avenir du monde. Mais en des soirs comme celui ci, son coeur était hanté par le ressentiment, la détestation, le cynisme. En des heures pareilles, le nordique ne pouvait plus regarder le ciel sans penser que cette terre était laide, et que l'humanité la suivait de prés. Au final, il ne restait plus que des individus comme Link pour le faire douter. Un gamin, mais un gamin avec une force de caractère en acier trempé. Cent fois il avait dû souffrir de la guerre, cent fois il avait su se relever...Mais sa jeunesse l'y aidait sans doute. On rebondit plus facilement avec un esprit souple. Llanistar lui, n'était rien de plus qu'un vieillard avant l'heure, déjà usé à prés de 30 ans par plus de souffrances que pouvaient en éprouver un village entier dans une région paisible comme Hyrule. Ces habitants, ce peuple si ingrat...Il l'était par ignorance. Ne rien connaître de la douleur le faisait réagir violemment contre elle...Et ceux à qui elle était associée : Ganondorf l'envahisseur, Llanistar l'étranger "parvenu". Comprendre cela apaisa le général mais ne lui ôta pas la peine qu'il avait sur le coeur. Discerner les raisons de cette haine ne le protégeait pas de la souffrance qu'elle lui infligeait. Avait il les forces de jouer à nouveau un rôle aussi risqué et aussi ingrat ? Aucun certitude ne s'imposait dans son esprit. Au moins aurait il la nuit pour y réfléchir.

C'est alors que le plat que Link avait commandé arriva. Un poulet rôti, à l'arôme délicieux et tellement appétissant à l'oeil... Le héros lui fit signe de commencer à manger et il s'exécuta, bien heureux de pouvoir enfin remplir un ventre qui réclamait depuis des heures, en vain jusqu'alors. Tranchant avec sa propre dague en acier, une arme de fonction, dans la carcasse, il détacha une patte et entreprit de la dévorer intégralement, avec appétit et énergie. A mesure qu'il calmait sa faim, Llanistar sentit l'alcool relâcher son étreinte sur son esprit et sa pensée se faire plus claire. Il prit alors conscience que, arrivant lui même au ranch après un voyage, le héros devait être affamé et il lui fit signe de se servir. Un repas était toujours meilleur partagé, qu'importe qui payait. Il se voyait mal de toute manière manger seul une pareille volaille. Les yeux agrandit par sa faim, il lui semblait que jamais le nordique n'en avait vu d'une taille pareille ! Mais c'est là que Link, le regard tourné vers l'extérieur sombre où tombait déjà le blanc manteau de l'hiver lui confia, d'un ton triste,


« J'ai toujours été seul. Jusqu'au jour ou j'ai offert ma confiance à Loireag. »Leurs regards se croisèrent, et chacun aurait pu y lire la même émotion. Tels deux frères de destin, les deux hommes brûlaient d'un désir de vengeance, non pas pour leur plaisir, mais pour que Justice soit faite et triomphe. Pour le nordique, il fallait que la mort d'une ange ne soit pas inutile, loin d'Hyrule et qu'un Tyran tombe. Pour Link, que les morts soient vengés et que la souffrance de leurs familles aient un sens...Et qu'une ange vive. Tant de choses passèrent dans ce regard que Llanistar capta. Jamais il n'avait ressentit pareille symbiose, même avec Orpheos ou Saad. Il n'aimerait pas Link, comme il ne s'aimait pas lui même, mais il ne pourrait plus le voir autrement que comme un frère. « Une confiance accordée à tort, pour le coeur d'une tierce personne. »

« La Trahison appelle la Vengeance, la Justice du destin, pour vaincre la tyrannie, et mettre un terme à la violence à la mort. » Enchaina t'il aussitôt, incapable de se retenir plus avant. Il avait senti le désir de se venger de Link, semblable au sien, mais la froideur nordique le prenait ce soir et le retenait de montrer plus son affection pour Link, autrement que par les mots. Et pourtant...Depuis combien de temps n'avait il plus considéré quelqu'un comme son frère ? Saad en avait été un avant de devenir son amant et toujours ses hommes à l'armée avaient maintenu une distance entre eux et lui. Cette fois, il sentait que quelque chose était possible, un lien que ses véritables frères lui avaient toujours refusé : la fraternité.

« La garante de la justice, de la droiture de ta route, c'est Zelda...Tout comme le fut mon unique amour pour moi. Link, ils essayeront de te la prendre, comme ils me l'ont prit. Mais tu es plus fort que moi, tu réussiras, je le sens. J'ignore si tu dois cette force au ciel ou à toi même, mais ne doute jamais d'elle. Pour le reste, ne fais confiance à personne, sinon à un frère. »

Il essuya alors sa dague sur un pan de son manteau, le sang tachant le tissu noir sans que cela ne soit visible à l'oeil. Puis Llanistar passa la lame tranchante le long de sa paume, ouvrant une fine plaie d'où coula un filé de sang, plus rouge que celui qui tapissait le fond de son plat. Enfin, il tendit la dague à Link, par l'acier en lui présentant la pognée.

« Link, seras tu mon frère par le sang ? »

Dans une lutte contre le tyrannie et pour que le bon en ce monde triomphe.


Link

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(vide)

Le prix du Fer et le prix du sang. Cette dette qu'avait contracté Loireag, et que le Fils-de-Personne ne parviendrait pas à oublier. Quand bien même il n'avait jamais été bon commerçant, trop naïf et le coeur trop sur la main, il était de ces choses que l'on ne voulait — que l'on ne pouvait ni oublier, ni pardonner. La colère n'était pas inscrite sur ses traits, mais elle faisait battre son palpitant avec une force nouvelle. Une force qu'il avait longtemps mal connue, quoique Ganondorf en avait déjà été la victime. L'ire le faisait bouillir son sang sans qu'un quelconque signe extérieur ne l'en trahisse. Il avait cette sérénité gravée sur le visage, et cette fureur intérieure.
Zelda l'avait compris, sans doute. Dun avait su changer l'homme qu'il avait toujours été, en vérité. Un changement qui ne tenait pas qu'à la simple perte d'un Fragment de pouvoir divin, dont il n'avait de toute façon jamais tiré un quelconque profit. Cette brusque métamorphose était plus profonde que cela.

Il était ce vieux loup solitaire que brossaient quelques récits, quelques mythes. Celui qui n'avait jamais suivi qu'une route coupée par des croisements, mais jamais poursuivie par une autre. Des rencontres ponctuelles, mais pas — ou bien peu d'amitiés réelles et prolongée. Mais il n'était peut être plus capable, dorénavant, de poursuivre son chemin en compagnie de quelqu'un. Il avait pertinemment conscience qu'il ne pouvait se permettre de continuer de cette manière. Il devait travailler main dans la main avec tous ceux qui souhaiteraient protéger ce pour quoi il versait son propre sang.

Llanistar décocha une phrase, comme il l'eut fait pour tirer un carreau. Les yeux de l'Hylien se posèrent sur lui, décontenancé par de tels propos. En un sens, ils étaient indéniables. S'il souhaitait vengeance, ça n'était pas tant pour lui (ça l'était aussi. Faux il eut été dire qu'il n'avait rien de personnel dans l'histoire), mais pour que Justice sois faite. En cela, le Général disait vrai. Mais le blond avait du mal à croire que le Rusadir puisse vraiment croire que la violence mettrait un terme à la violence, et que la Mort prendrait fin. Il était persuadé que ce combat ne connaitrait pas de fin. Les hommes semblaient ainsi faits qu'ils aimaient à posséder toujours plus de pouvoir sur autrui.

Son poing se serra, discrètement, sur la table, quand l'Artensy évoqua Belle. La colère. Encore, toujours. Elle laissait parfois ivre, elle faisait parfois pousser des ailes. Il n'avait jamais été aussi loin dans son exploration mais il avait le sentiment que c'était quelque chose que l'officier connaissait bien mieux que lui. Le calme affiché par son « ami » le surprenait toutefois. Link réalisait sans mal qu'il parlait d'un sujet qui lui était douloureux (parler peu ne veut pas dire ne pas savoir écouter, son oreille avait toujours su trainé quand il le fallait), sans que ne perce quoique ce soit de ses émotions. Et même s'il était de ceux qui prenaient rarement en compte les mises en gardes (en serait-il là, s'il les avait jamais écouté...?), il savait qu'il ne devrait pas offrir sa confiance avec autant de facilité qu'il n'avait pu le faire enfant. Il n'en était de toute façon plus capable.


"Llanistar !" Lança-t-il, surpris. Il n'avait pas eu le temps d'esquisser le moindre geste que ne perlait déjà le sang sur la chair rosée du Bouclier de Zelda. La question que posa seulement ensuite van Rusadir mis de côté toutes ses interrogations personelles, et... Et le renvoya à ce qu'il avait cru être si longtemps. Il ferma brièvement les yeux. Ce qui ne durerait qu'un quart de seconde aux yeux de tous serait pour lui la retrospective de vies qui ne lui appartenaient qu'à moitié.
Derrière les deux rideaux qu'il avait jeté sur les billes de givre qui servaient de scène, continuait un spectacle tout autre. Sous ses yeux défilaient les scènes de son impuissance. De sombres nuages jetaient sur la Grand-Place de la Citadelle d'Hylia un éclairage noir. Des cadavres se tenaient accroupis, le regard vide, la chair tendue sur des os malingres. Un dévorait le bras d'un de leurs compagnons définitivement mort. Ailleurs, il voyait une jeune femme, qui lui évoquait avec fureur la Princesse de la Destinée, derrière des barreaux, gardée par une espèce de mastodonte bardé de fer et à l'imposante masse d'arme. Toujours plus loin, il voyait le Castel-Royal frappé de léthargie, endormi mais envahi par des chevaliers marqués du sceau Gérudo. La statue du Roi avait été jeté à bas. Il lui semblait aussi distinguer un homme, au teint de damier, tant noir que gris, rire à gorge déployée tandis qu'une large épée comparable à celle qu'il avait porté si souvent le transperçait sans que ne perle la moindre goûte. Il vit aussi Zelda (il était sûr qu'il s'agisse d'elle) effondrée dans les bras d'un être dont il ignorait tout. Il déporta son regard sur ce qui lui faisait face. Le Néant s'empara de lui. Le jadis Champion du Courage sombra dans les heures les plus sombres.

Son regard polaire défia celui de pierre du Général. Link se saisit de la dague, retira prestement son gantelet, avant d'inciser sa main droite. Une trainée rouge vint lui dévorer la paume. Le bleu-de-gris de la nuit fut témoin des sangs échangés. Le Héros savait qu'il avait besoin d'alliés. Qu'il ne pourrait plus mener sa guerre seul.


Llanistar van Rusadir


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(vide)

Ainsi l'immuable était fait. Jusqu'à leurs morts, Link et Llanistar seraient frères, par le sang. Ce dernier saisit avec vigueur la main du héros, impassible alors que la douleur de sa plaie fraîchement ouverte irradiait dans son bras. Au creux de leurs paumes, les sang des deux hommes se mêlaient, pour le meilleur et pour le pire, celui ci arrivant au grand galop. Leur regarde ne se quittaient pas. Parfaitement silencieux, ils échangeaient plus qu'ils ne l'aurait fait par des mots. Son empathie ouverte en grand, le nordique lisait la détermination, la colère, l'angoisse chez son frère. Un désir de protéger, d'être à la hauteur, de s'opposer à ses ennemis. Un Courage, véritable.
C'est là que Llanistar comprit le sens de la Triforce. Ganondorf pouvait bien posséder le Fragment de Farore...Il n'avait fait que le voler. Il n'y avait toujours qu'un seul élu, qu'un seul être digne de le porter. Link, le brave. Tout comme Zelda était sage et le gérudo puissant. Il y avait en eux plus qu'une simple destiné, un simple chemin tracé par les dieux. Ces trois êtres étaient façonnés pour le pouvoir des déesses. Des élus, nés pour cette tache, pour faire vibrer le monde de ce Courage, de cette Force, de cette Sagesse. Llanistar n'en était pas un. Il n'en serait jamais, tout comme le reste de l'humanité. Son rôle s'arrêterait bien avant celui de Link, et il ne pourrait jamais que l'épauler, mais pas lutter à sa manière. Le chemin du nordique l'avait conduit en Hyrule... Un temps viendrait pour lui où son destin le ramènerait chez lui, combattre la tyrannie au delà de l'océan et de la mer bleue. A chacun son oeuvre, la sienne poursuivait celle de son grand père.

Séparant sa main de celle de Link, le nordique coupa un nouveau morceau de viande de chapon et entreprit de remplir enfin ce ventre qui criait famine. Il repensa à l'état du ranch quelques mois auparavant. La satisfaction de voir ce lieu à nouveau paisible et prospère fut un réconfort de plus et il eut un léger sourire inconscient. C'était à ça que ressemblait la paix : l'insouciance, l'innocence...La vie. Il ne se souvint pas d'avoir jamais connu de véritable paix. Peut être lors de son premier voyage à Markand puis les quelques années passées avec Valenrya. Hormis ces oasis de calme, le chemin de Llanistar avait consisté en un immense désert de peine, de souffrance et de mort. Il ne pouvait souhaiter cela à personne. Les Hyliens ne méritaient pas cela. Il jeta un oeil au patron qui venait aider les garçons d'écuries les plus saouls à rejoindre leurs chambres. Un homme bon, au sourire rayonnant mais au regard triste. Cela rappela au nordique le regard d'un enfant, misérable et insupportable de douleur. Un enfant qui l'avait regardé sous la pluie, désespéré d'une guerre jamais terminée. Une guerre de l'ombre où les vils gagnaient trop souvent. La guerre de la justice contre la tyrannie. Cet enfant, il l'avait croisé le jour même où sa vie avait basculé, et où son bonheur s'était envolé, pour toujours, après avoir été cloué à une croix. Ayant perdu tout appétit, il repoussa le plat et se leva.
Cette fois, la lenteur du geste lui évita un vertige et il put marcher convenablement jusqu'à la moitié de la salle, avant de repenser à Link, et de lui dire en se retournant.


"Je...Je vais faire un tour avant de monter dans ma chambre."

Puis il reprit sa marche incertaine jusqu'à la porte. Celle ci s'ouvrit lentement, retenue par une couche déjà conséquente de neige au dehors. Cela tombait bien, Llanistar était toujours de meilleure humeur entouré de ce manteau blanc. S'aidant de sa main d'acier en se tenant au mur, il avança à grand pas vers l'enclos. Les chevaux étaient rentrés dans les écuries mais le lieu gardait un charme indéniable. Décidément, Hyrule était une terre à préserver. Et quand bien même le dernier des Rusadir ne pouvait pas vaincre Ganondorf, le gérudo le verrait toujours s'opposer à sa soif de pouvoir et de sang.


Link

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(vide)

Il resta là, seul. Il l'avait toujours été, de toute façon, et pouvait comprendre que celui avec qui il s'était lié par le sang soit pris d'un mal — quel qu'il soit. Il était de toute façon des heures où l'on souhaitait autant que l'on avait besoin de rester isolé. Et pour le Rusadir comme pour le Fils-de-Personne, il semblait que cela était une nécessité, une évidence, un impérieux désir. Un de ceux auquel on ne pouvait se refuser.
Aussi restait-il là, seul, alors que ne s'éparpillait la neige à mesure que ne se disséminaient les flocons comme autant de sanglots blancs et gelés, au dehors. Derrière les minces fenêtres hurlait le vent qui prenait un malin plaisir à remuer le linceul immaculé et correcteur qu'avait formé l'hiver. Les larmes de la saison polaire avaient cette qualité indéniable, cette faculté d'aplanir le monde et de l'épurer. Tant de ses maladresses, de ses réalités, de ses injustices, ses crimes comme ses violences que de ses quelques vertus.

Parfois, il aurait aimé pouvoir se recouvrir d'une fourrure en tout point semblable. Souvent, il aurait apprécié pouvoir en draper son coeur. Non pas par désir d'être aussi pur et parfait que ne pouvait l'être la neige, mais parce qu'il savait que ses actions affectaient comme elles affecteraient le quotidien de milliers d'ingénus. Comment l'oublier ? Il aurait tant voulu ne plus avoir ce poids à porter ; ou au contraire avoir fait les choses comme elles auraient du être faites. Car, quand bien même Llanistar l'appelait Héros, c'était lui qui avait initié les maux d'Hyrule en ouvrant involontairement le chemin vers le Saint-Royaume au tristement célèbre roi des Voleuses de Gérudo.

Il avait échoué sur tant de points, et s'était débrouillé pour corriger les erreurs qu'il avait pu faire. Et... Quand bien même il avait très mal vécu l'exil que Zelda lui avait imposé en renvoyant son corps dans un passé qu'il connaissait déjà, il lui en rendait aussi grace, dans un idéal plus... Altruiste. Si l'expérience avait été réellement douloureuse à titre personnel, il avait fini par comprendre que c'était ce qui avait offert au peuple d'Hylia la vie qu'il aurait du avoir, s'il ne s'était pas lui même égaré. Il en était blessé, certes, mais c'était sans doute un juste retour des choses. Du moins... Avait-il essayé de s'en persuader.

L'Adulte-parmi-les-Enfants-des-Bois posa son coude droit sur la table et arqua le bras de telle sorte à avoir sa main, et la fine plaie qui la barrait, sous les yeux. Il bougea lentement les doigts, comme s'il ne réalisait qu'à peine ce qu'il venait de faire. Le sang glissait sur sa main, la colorant d'un rouge brillant. Llanistar était son deuxième frère de sang, Darunia ayant été le premier (bien que le rituel n'ai jamais été accompli, le Goron ayant préféré s'en passer et l'Hylien – encore bien jeune à l'époque – ne sachant guère à quoi cela correspondait), mais plus que le contrat qu'ils venaient de signer, c'était cette ressemblance qu'il sentait avec le Nordique qui le plongeait dans des reflexions sur lui même.

Le liquide vermeil qui s'épandait lentement attirait son regard avec une force toute spéciale. Link apercevait le reflet de ce qu'il était, un reflet sanglant qui le poussait inconsciemment et métaphoriquement à avancer dans l'eau, jusqu'à ce que son visage se trouve de l'autre côté de la surface. Il n'avait bien entendu pas bougé d'un iota et pourtant il avait cette tenace impression d'être entré au plus profond de lui même. Une tristesse écrasante s'empara de lui, et il ferma silencieusement le poing.

"Garçon, serait-il possible d'avoir un peu de tissu ?" Demanda-t-il en toute simplicité. L'homme hocha la tête en silence, et revint un instant plus tard avec l'objet de sa convoitise. L'autrefois Champion du Courage l'en remercia d'un signe de tête, et banda sa main après avoir grossièrement nettoyé la plaie. Sans patienter plus longtemps, il entreprit d'enfiler à nouveau les gantelets de cuirs et les bracelets de force qui lui cadraient la moitié de l'avant-bas (pour assurer que le poignet ne bougerait pas s'il était amené à soulever ou déplacer de lourdes charges, et ainsi éviter une blessure de plus), avant de sortir, laissant le chapon entamé sur la table.

Le froid l'agressa au moins autant que la tempête ne lui vrillait les tympans. Se protégeant de cette morsure polaire comme il le pouvait, l'Hylien dévala les marches glissantes de verglas en tremblant et en crachant une fumée blanche comme neige. L'hiver était rude. Trop. Il manqua de tomber à deux reprises, mais parvint à arriver à nouveau à terre sans que ses pertes d'équilibres ne le jettent à terre. Là, il siffla Epona avec toutes les peines du monde, tout en pensant qu'il aurait bien vite les lèvres et les doigts bleus, s'il chevauchait toute la nuit dans ces conditions.
Ca ne l'empêcha pas de se hisser sur la jument, et de porter son regard sur la Forêt Kokiri.