Posté le 09/04/2015 01:16
Eien semblait s'agiter alors que le vent se levait de nouveau, sabrant le petit air frais qui faisait un peu plus tôt onduler doucement les cheveux du nordique. La fée paraissait anxieuse, comme si elle ressentait que, dans la nature, quelque chose n'allait plus. Apparemment troublée, elle se posa délicatement sur l'épaule d'Eckard qui lui jeta un bref regard. Un léger sourire soutint ses yeux compatissant, comme pour la rassurer que tout irait bien, maintenant qu'ils avaient quitté l'hostilité de la plaine. Du moins l'espérait-il vivement. Le barbu avait pour sa part eu sa dose d'aventures pour l'année à venir.
De vives et froides rafales, saccadées, venaient de l'est. La rivière. Et là d'où je viens, se dit l'homme dans sa moustache. Les palefrois cessèrent de gambader autour de la clôture et se mirent à hennir. Sûrement fallait-il faire quelque chose. Eckard fit alors volte-face, se dirigeant tout droit vers les bâtiments du ranch. Il frappa à plusieurs reprises à une large porte de bois dotée de deux battants, tout en appelant à l'aide. « Ohé, du fermier ! Il y a quelqu'un ? Ohé ! »
Voyant que ses efforts semblaient vains, il se résigna. Toutefois la porte s'était entrouverte sous l'effet du martèlement de son poing. En poussant les lourds battants un peu plus vers l'intérieur, il découvrit que la salle qu'elles dissimulaient s'apparentait trait pour trait à une écurie. Eckard tourna le dos à la porte pour courir de nouveau vers les équidés. Le vent soufflait fort et sec à présent et la tâche serait ardue, mais l'homme n'allait pas se laisser abattre. Arrivé auprès des chevaux, aucun ne semblait vouloir se laisser approcher. Que ne pouvait-il les rassurer, lui, un simple inconnu déclencheur des affres et frissons d'une possible tempête.
Eckard retira son épaisse cape de voyage et l'accrocha à une branche de l'arbre qui n'était guère loin et lâcha également sa ceinture qui soutenait le fourreau de son épée ainsi que toutes sortes d'affaires. À présent plus léger et libre de ses mouvements, il entra dans l'enclos et s'approcha doucement de l'un des chevaux, celui-ci était brun avec une crinière de jais. « Rahoi, rahoi, disait-il tranquillement dans la langue des Anciens de Fröstvalland afin de calmer le cheval. Lekm, insista-t-il plus fort, en voyant le canasson s'agiter de plus belle alors qu'il s'approchait. Ho là ! Rahoi, lekm ! » Le palefroi venait de se cabrer pour se défendre de l'étranger qui était bien trop près de lui à son goût. L'homme fit alors deux pas en arrière pour éviter un coup de sabots qui aurait bien pu lui être fatal. Sur quoi il effectua quelques pas de côté tandis que le quadrupède se remettait sur ses pattes. « Calme, cheval. Rahoi, répéta Eckard encore une fois tout en approchant avec précaution sa main de la crinière. Bon gars. Ce n'est pas moi qui t'ai effrayé, tout de même ? »
Le cheval se laissa alors caresser la nuque, sans pour autant omettre de faire preuve de méfiance. Au début, il continuait de reculer. Puis au bout de quelques instants, le dresseur put enfin passer sa main à travers sa crinière et sur son dos. L'étranger essaya tant bien que mal de faire en sorte que le cheval le suive jusqu'à l'écurie, par le biais de signes et de quelques autres mots de la langue morte qu'il avait prononcé plus tôt.
Le vent soufflait toujours de plus belle, et il fallut bien deux heures au nordique pour parvenir à ramener la vingtaine de chevaux jusqu'aux écuries du ranch. La tâche fut ardue, la plupart des équidés ne semblaient guère prompts à se laisser faire aussi facilement que d'autres. Néanmoins, le seul à se cabrer se trouva être le tout premier, manifestement plus violent que les autres, mais qui s'était tout de même laisser dompter après quelques mots qui semblaient plutôt efficaces sur les chevaux.
Tout ce raffut finit par faire rappliquer un personnage singulier. Ce dernier sortait d'une porte annexe assez proche de celles des écuries, semblant faire partie d'un autre morceau du bâtiment boisé. L'homme était plutôt potelé, de petite taille et était vêtu d'une chemise dont les manches étaient retroussées jusqu'aux coudes. Il avait une moustache brune et un crâne dégarni, un nez occupant la moitié de son visage et des yeux humectés des larmes de la fatigue. Sa mine n'était pour ainsi dire, pas des meilleures. L'homme effectua un long bâillement et aperçut un étranger avec un dernier cheval auprès de lui qui le suivait. Le propriétaire ouvrit la bouche en levant une main comme pour le saluer mais fut interrompu en portant son regard vers l'enclos vide. « Où sont mes chevaux ? Qui êtes-vous ? Qu'avez-vous fait de mes tout-beaux ? » Son ton se fit à la fois larmoyant et en proie à la colère. Aussi se saisit-il d'une fourche qui traînait contre le mur près de lui, s'apprêtant à faire de grandes menaces. « Veuillez m'excuser ! Un long voyage est derrière moi. Je me suis rendu dans votre ferme dans l'espoir d'y trouver refuge pour une nuit ou deux. Le vent s'est levé lors que j'arrivais et les chevaux se sont agités ! J'ai frappé à votre porte mais personne ne répondait. Découvrant les écuries, je pris donc la décision d'y emmener ces braves bêtes, voici d'ailleurs la dernière...
- Aah ! Viens là ma Pollya, dit l'homme barbu en lui tendant les bras. Là, je suis avec toi, ma belle, continua-t-il tout en lui flattant l'encolure. L'homme la raccompagna ensuite lui-même jusqu'à l'écurie où, à sa grande surprise, se trouvaient tous les autres palefrois. Le propriétaire écarquilla les yeux, dénombrant et nommant chacune de ses bêtes chéries. En voyant que le compte y était, il n'en revenait pas.
« Je... vous remercie de votre aide, étranger. Pardonnez-moi, j'étais en plein... travail ! » L'excuse amusa Eckard qui avait bien deviné au visage du propriétaire qu'il faisait assurément une bonne sieste avant de sortir de chez lui, ce dernier ayant la marque de son oreiller sur la joue droite. « C'est souvent que des personnes qui ne sont pas du pays viennent ici, vous savez. Un vrai moulin, ce ranch... Hyrule vit des temps de folies, croyez-moi ! Je n'aurais pas pris ma fourche s'il n'y avait guère eu d'antécédents ici vis à vis des animaux. Il y a déjà eu des vols. Que je les attrape, ces saligauds, et ils verront ! Le maître des lieux bailla à nouveau en essuyant d'une revers de main une légère gouttelette perlant d'un de ses yeux. M'enfin. Mon nom est Talon, propriétaire du Ranch Lon Lon, dans lequel vous vous trouvez ! Vous me semblez un homme honnête pour un étranger, monsieur... ?
- Eckard Falskord, votre serviteur. Votre ferme est vraiment un endroit fantastique, m'est avis. On s'y sent, ma foi, fort bien.
- Bien mieux que dans cette satanée plaine hein ? Vous vous trouvez dans le meilleur coin du pays ! Eh bien Eckard, je vous en dois une. Je ne saurais dire ce qui se serait produit si personne n'avait rentré mes amis jusqu'à leur abri. Grand merci à vous. Je vous hébergerai volontiers quelques temps si vous mettez la main à la patte ici. Je vous donnerais plus de détails demain si vous le voulez bien.
Le nordique remercia Talon mille fois et fit un sourire à Eien. C'était avant tout grâce à elle qu'il était parvenu jusqu'ici, et il ne voulait surtout pas oublier de la remercier à son tour. Mais que pouvait-il bien offrir à une fée ?