Posté le 03/09/2013 02:34
Ses doigts s'appuyèrent contre la lourde porte de pierre, alors que son visage se transformait en une grimace mauvaise, sous l'imposant couvre-chef qui trônait sur ses cheveux gris. Doucement, il laissa sa main glisser jusqu'au cerceau de fonte. Armé de la patience mais aussi de la colère des Dieux, il leva la pièce de métal et l'abattît bruyamment sur le battant fermé qui lui barrait l'accès au Temple du Temps. Il frappa trois coups. Trois coups, comme s'il venait battre la porte de chacune des Déesses qui dormaient entre les murs de sa Cathédrale. Trois coups aigres, trois coups secs, trois coups qui résonnèrent longuement entre les les colonnes de la très sainte demeure qui l'avait jadis hébergé ; avant qu'il ne devienne l'un des Inquisiteurs les plus craints du Pays.
La lune berçait langoureusement l'Église-Mère du Royaume, alors que sa main ne retombait rageusement sur son flanc. La nuit était tombée quelques heures plus tôt ; suffisamment pour qu'il prenne l'envie au Tout-Puissant de réveiller les frères et les soeurs qui géraient son temple quelques instants avant l'aube. Il avait appris que l'Avatar de Nayru sommeillait à nouveau entourée de l'unique famille qu'elle pourrait espérer avoir et avait incessamment fait atteler la carriole qui l'avait mené jusqu'au parvis brûlé par cette pauvre sotte qu'il avait eu la mauvaise idée de nommer Prêtresse de Din. Du moins... La mauvaise idée n'était pas tant de la nommer, quelque fut le rang qu'on lui prêtât, mais bien celle de donner tant de responsabilité à cette engeance que peut être la femme. En dépit de tout le pouvoir dont il disposait, certaines traditions faisaient partie des choses qu'il ne pourrait jamais changer. Et si Nayru, dans son infinité bonté, lui avait offert la sagesse de le reconnaitre et d'accepter ce qu'il ne pourrait faire évoluer ; Din lui permettait aussi de s'enhardir dans son combat contre le mal.
"Monseigneur..." Lâcha le frère encore proie de Morphée, d'une voix qui tremblait de la crainte que lui inspirait le personnage qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Un homme qu'il aurait cru ne jamais voir ailleurs que sur les gravures et les vitraux. « Entrez, donc, Monseigneur, ne restez pas dehors... — » Souffla-t-il, en ouvrant grand la porte, avant de se prosterner aux pieds de cet être que le mutisme et l'aura rendaient presque irréel. Avant même qu'il n'ai pu se relever, Anaclet Libère avait enjambé les poignets plaqués sur le marbre froid. Le Frère se releva soudainement, pour fermer la porte derrière eux. Puis, il dépassa son invité de quelques pas tout en s'époumonant aussi fort qu'il lui était possible de le faire. « Mes frères ! Mes soeurs ! Réveillez vous ! Notre Suzerain-Pontife est là ! Allez ! Allez, debout vous tous ! »
Le regard du Seigneur du Conclave se fit aussi dur, froid et tranchant que la dague qu'il portait sous la robe noire qui le drapait. Si aucun de ses frères ne portait d'arme ; lui était la Justice et se devait de châtier comme les Très Saintes l'entendaient. Non pas cette justice royale, fade et lâche, mais bien celle des Déesses. Celle qui nécessitait l'acier, le feu et le fer pour purifier tous ces traine-misères et leur ouvrir – peut être – les portes d'une vie plus saine et plus en respect des déités. Une vie nouvelle, dans la mort. C'était là le sort le plus enviable qu'il pouvait offrir à toute cette vermine qui pullulait les rues dans la plus innocente ignorance ; ou le plus pervers mépris des commandements. Il se devait de les punir, pour qu'une fois devant Din, Farore et Nayru, ces âmes en peines soient pardonnées. Mais aussi parce qu'il fallait se défaire de chaque cellule malade pour qu'elles ne contaminent les autres. L'hérésie qui frappait les plus fous ne devait ni effrayer, ni gagner les faibles et les fragiles. C'était le fardeau des gens forts, de sa trempe, que de protéger ceux qui pouvaient encore être sauvés.
Alors que ses pauvres frères s'éveillaient doucement et se présentaient à lui, il les toisa d'un oeil aussi sombre que son humeur. « Assez. » Cracha-t-il, alors qu'il foudroyait l'ensemble des femmes qui avaient eu le malheur de croiser son oeil. « Cessez de vous comporter en enfants repentants, si vous vivez dans la lumière des Déesses. Avez vous la moindre chose à vous reprocher ? Quelque jardin secret, peut être ? » Le Calixte était sans doute le seul à avoir ce ton cristallin qui savait geler l'atmosphère d'un Temple pourtant aussi chaleureux que les braises qui parsemaient son sol il n'y a guère si long. Le silence s'installa dans la nef, tout juste troublé par le reniflement d'un moine frappé par la maladie.
"Non, Monseigneur, évidemment. Mais..." Commença celui qui lui avait ouvert, avant d'être coupé aussi sûrement que si le Seigneur Pontife avait brandi une épée.
« Mais ?
— ... Mais aucun d'entre nous ne souhaite vous froisser, Monseigneur. — »
Anaclet Libère arqua le sourcil, dans une moue qui trahissait toute sa suspicion, si bien qu'elle en éclipsa un instant la colère sourde qui l'avait gagné des semaines plus tôt. « C'est déjà chose faite, pauvre crétin. » Siffla-t-il, retenant la main qui ne demandait qu'à gifler cet imbécile qui rentrait la tête entre ses épaules. Il croisa les bras dans le dos, et commença à marcher de droite à gauche, en face des frères enveloppés dans des bures et des robes de nuits toutes plus ridicules les unes que les autres. « Ainsi donc vous n'avez rien à cacher. Vous n'oseriez pas mentir ici et maintenant ; devant moi et sous l'oeil des Déesses, rassurez moi ? » Ses yeux de cendres parcourait l'ensemble des pieux qui n'osaient rien dire, jusqu'à ce qu'un murmure s'élève. « Non, Monseigneur. Nous vivons dans l'honnêteté et la lumière que demandent les Déesses. »
Alors, à nouveau la sollicitude emplit son regard, et il cessa de faire les cents pas. S'il avait cette rigidité et ce tranchant propre au fer, il ne se cachait pas de la sollicitude qu'il pouvait avoir pour ceux qui choisissaient la route qui menait à la Justice des Trois. « Où est-elle, alors ? Dis moi, mon garçon, où est Flora del Carmen ? » Bien qu'il l'ai désignée, il rechignait encore et toujours à l'appeler Prêtresse. Ca n'était définitivement pas une fonction de femme, et ces maudites traditions lui interdisaient de la révoquer. Pour autant, elle saurait ce qu'il en coute d'inciter la pléiade à ce dont elle doit se garder. « Elle dort, Monseigneur. L'enfant est exténuée depuis qu'on nous la apportée. » Le Frère ne tarda pas à se taire, et indiqua simplement la direction du doigt. « Exténuée ou non, il est temps pour elle d'apprendre à remplir l'office pour lequel elle a été désignée. »
Ses pas claquèrent sur les dalles, troublant le silence retombé sur la Cathédrale. Ses pensées retournèrent aux brebis qu'il se devait de protéger, de garder du pêché. Celles qu'il devait guider, et celles que l'Aveugle poussait vers le plus noir des Enfers. Il aurait mille fois préféré qu'elle trouve grâce en la personne du Gérudo plutôt qu'en un paria, un hère, un crève-la-faim. Un hérétique, et un ignorant. S'il méprisait Ganondorf pour ce qu'il prétendait être, de la même façon qu'il dédaignait Zelda, au moins ces deux là versaient un tant soit peu dans le culte des Déesses. Il était essentiel qu'un symbole comme celui que cette pseudo-prêtresse était agisse comme un berger ; et celle-là dirigeait, hélas, les traine-misère sur le chemin dont il devait les préserver. Faudrait-il brûler tout Hyrule pour sauver ces âmes-là, qu'il n'hésiterait pas.
Le bois vint fouetter la pierre de l'Église-Mère, quand il ouvrit grand la porte de la chambre dont disposait l'enfant ; pour elle seule. Il contint un reniflement dédaigneux, qui déforma cependant ses traits l'espace d'un instant. « Flora del Carmen, mon enfant. » Cracha-t-il de son ton plus froid que la mort elle même. « Il est plus que temps que tu prennes conscience de ce que tu es supposée être. » Il avait fait un pas, mais gardait la main gauche appuyée sur le battant de la porte qu'il avait presque fait sortir de ses gonds, sous le coup de la colère. Et ça n'était pas là l'unique preuve de cette contrariété qui lui venait des Déesses elles-même. Le poing droit était si serré qu'il en palissait presque plus que les yeux blanc et laiteux de la demoiselle.
Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.