Dies Irae

[Temple du Temps]

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Ses doigts s'appuyèrent contre la lourde porte de pierre, alors que son visage se transformait en une grimace mauvaise, sous l'imposant couvre-chef qui trônait sur ses cheveux gris. Doucement, il laissa sa main glisser jusqu'au cerceau de fonte. Armé de la patience mais aussi de la colère des Dieux, il leva la pièce de métal et l'abattît bruyamment sur le battant fermé qui lui barrait l'accès au Temple du Temps. Il frappa trois coups. Trois coups, comme s'il venait battre la porte de chacune des Déesses qui dormaient entre les murs de sa Cathédrale. Trois coups aigres, trois coups secs, trois coups qui résonnèrent longuement entre les les colonnes de la très sainte demeure qui l'avait jadis hébergé ; avant qu'il ne devienne l'un des Inquisiteurs les plus craints du Pays.

La lune berçait langoureusement l'Église-Mère du Royaume, alors que sa main ne retombait rageusement sur son flanc. La nuit était tombée quelques heures plus tôt ; suffisamment pour qu'il prenne l'envie au Tout-Puissant de réveiller les frères et les soeurs qui géraient son temple quelques instants avant l'aube. Il avait appris que l'Avatar de Nayru sommeillait à nouveau entourée de l'unique famille qu'elle pourrait espérer avoir et avait incessamment fait atteler la carriole qui l'avait mené jusqu'au parvis brûlé par cette pauvre sotte qu'il avait eu la mauvaise idée de nommer Prêtresse de Din. Du moins... La mauvaise idée n'était pas tant de la nommer, quelque fut le rang qu'on lui prêtât, mais bien celle de donner tant de responsabilité à cette engeance que peut être la femme. En dépit de tout le pouvoir dont il disposait, certaines traditions faisaient partie des choses qu'il ne pourrait jamais changer. Et si Nayru, dans son infinité bonté, lui avait offert la sagesse de le reconnaitre et d'accepter ce qu'il ne pourrait faire évoluer ; Din lui permettait aussi de s'enhardir dans son combat contre le mal.


"Monseigneur..." Lâcha le frère encore proie de Morphée, d'une voix qui tremblait de la crainte que lui inspirait le personnage qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Un homme qu'il aurait cru ne jamais voir ailleurs que sur les gravures et les vitraux. « Entrez, donc, Monseigneur, ne restez pas dehors... — » Souffla-t-il, en ouvrant grand la porte, avant de se prosterner aux pieds de cet être que le mutisme et l'aura rendaient presque irréel. Avant même qu'il n'ai pu se relever, Anaclet Libère avait enjambé les poignets plaqués sur le marbre froid. Le Frère se releva soudainement, pour fermer la porte derrière eux. Puis, il dépassa son invité de quelques pas tout en s'époumonant aussi fort qu'il lui était possible de le faire. « Mes frères ! Mes soeurs ! Réveillez vous ! Notre Suzerain-Pontife est là ! Allez ! Allez, debout vous tous ! »

Le regard du Seigneur du Conclave se fit aussi dur, froid et tranchant que la dague qu'il portait sous la robe noire qui le drapait. Si aucun de ses frères ne portait d'arme ; lui était la Justice et se devait de châtier comme les Très Saintes l'entendaient. Non pas cette justice royale, fade et lâche, mais bien celle des Déesses. Celle qui nécessitait l'acier, le feu et le fer pour purifier tous ces traine-misères et leur ouvrir – peut être – les portes d'une vie plus saine et plus en respect des déités. Une vie nouvelle, dans la mort. C'était là le sort le plus enviable qu'il pouvait offrir à toute cette vermine qui pullulait les rues dans la plus innocente ignorance ; ou le plus pervers mépris des commandements. Il se devait de les punir, pour qu'une fois devant Din, Farore et Nayru, ces âmes en peines soient pardonnées. Mais aussi parce qu'il fallait se défaire de chaque cellule malade pour qu'elles ne contaminent les autres. L'hérésie qui frappait les plus fous ne devait ni effrayer, ni gagner les faibles et les fragiles. C'était le fardeau des gens forts, de sa trempe, que de protéger ceux qui pouvaient encore être sauvés.

Alors que ses pauvres frères s'éveillaient doucement et se présentaient à lui, il les toisa d'un oeil aussi sombre que son humeur.
« Assez. » Cracha-t-il, alors qu'il foudroyait l'ensemble des femmes qui avaient eu le malheur de croiser son oeil. « Cessez de vous comporter en enfants repentants, si vous vivez dans la lumière des Déesses. Avez vous la moindre chose à vous reprocher ? Quelque jardin secret, peut être ? » Le Calixte était sans doute le seul à avoir ce ton cristallin qui savait geler l'atmosphère d'un Temple pourtant aussi chaleureux que les braises qui parsemaient son sol il n'y a guère si long. Le silence s'installa dans la nef, tout juste troublé par le reniflement d'un moine frappé par la maladie.

"Non, Monseigneur, évidemment. Mais..." Commença celui qui lui avait ouvert, avant d'être coupé aussi sûrement que si le Seigneur Pontife avait brandi une épée. 
« Mais ?
... Mais aucun d'entre nous ne souhaite vous froisser, Monseigneur. — »

Anaclet Libère arqua le sourcil, dans une moue qui trahissait toute sa suspicion, si bien qu'elle en éclipsa un instant la colère sourde qui l'avait gagné des semaines plus tôt. « C'est déjà chose faite, pauvre crétin. » Siffla-t-il, retenant la main qui ne demandait qu'à gifler cet imbécile qui rentrait la tête entre ses épaules. Il croisa les bras dans le dos, et commença à marcher de droite à gauche, en face des frères enveloppés dans des bures et des robes de nuits toutes plus ridicules les unes que les autres. « Ainsi donc vous n'avez rien à cacher. Vous n'oseriez pas mentir ici et maintenant ; devant moi et sous l'oeil des Déesses, rassurez moi ? » Ses yeux de cendres parcourait l'ensemble des pieux qui n'osaient rien dire, jusqu'à ce qu'un murmure s'élève. « Non, Monseigneur. Nous vivons dans l'honnêteté et la lumière que demandent les Déesses. »

Alors, à nouveau la sollicitude emplit son regard, et il cessa de faire les cents pas. S'il avait cette rigidité et ce tranchant propre au fer, il ne se cachait pas de la sollicitude qu'il pouvait avoir pour ceux qui choisissaient la route qui menait à la Justice des Trois. « Où est-elle, alors ? Dis moi, mon garçon, où est Flora del Carmen ? » Bien qu'il l'ai désignée, il rechignait encore et toujours à l'appeler Prêtresse. Ca n'était définitivement pas une fonction de femme, et ces maudites traditions lui interdisaient de la révoquer. Pour autant, elle saurait ce qu'il en coute d'inciter la pléiade à ce dont elle doit se garder. « Elle dort, Monseigneur. L'enfant est exténuée depuis qu'on nous la apportée. » Le Frère ne tarda pas à se taire, et indiqua simplement la direction du doigt. « Exténuée ou non, il est temps pour elle d'apprendre à remplir l'office pour lequel elle a été désignée. »

Ses pas claquèrent sur les dalles, troublant le silence retombé sur la Cathédrale. Ses pensées retournèrent aux brebis qu'il se devait de protéger, de garder du pêché. Celles qu'il devait guider, et celles que l'Aveugle poussait vers le plus noir des Enfers. Il aurait mille fois préféré qu'elle trouve grâce en la personne du Gérudo plutôt qu'en un paria, un hère, un crève-la-faim. Un hérétique, et un ignorant. S'il méprisait Ganondorf pour ce qu'il prétendait être, de la même façon qu'il dédaignait Zelda, au moins ces deux là versaient un tant soit peu dans le culte des Déesses. Il était essentiel qu'un symbole comme celui que cette pseudo-prêtresse était agisse comme un berger ; et celle-là dirigeait, hélas, les traine-misère sur le chemin dont il devait les préserver. Faudrait-il brûler tout Hyrule pour sauver ces âmes-là, qu'il n'hésiterait pas.

Le bois vint fouetter la pierre de l'Église-Mère, quand il ouvrit grand la porte de la chambre dont disposait l'enfant ; pour elle seule. Il contint un reniflement dédaigneux, qui déforma cependant ses traits l'espace d'un instant. « Flora del Carmen, mon enfant. » Cracha-t-il de son ton plus froid que la mort elle même. « Il est plus que temps que tu prennes conscience de ce que tu es supposée être. » Il avait fait un pas, mais gardait la main gauche appuyée sur le battant de la porte qu'il avait presque fait sortir de ses gonds, sous le coup de la colère. Et ça n'était pas là l'unique preuve de cette contrariété qui lui venait des Déesses elles-même. Le poing droit était si serré qu'il en palissait presque plus que les yeux blanc et laiteux de la demoiselle.

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Flora avait longtemps dormi. Les sœurs avaient pris soins d’elle, de cette pauvrette qui avait prit la poudre d’escampette. Toutes savaient que le Pontife serait de méchante humeur quand il saurait que la Rebelle de Nayru aurait regagné ses pénates. Mais aucune n’osait en parler surtout pas devant l’endormie azurée.

L’Enfant de Foi finit par sortir de sa torpeur quelques heures avant que le Seigneur des Trois ne vienne frapper aux portes du Temple. En gémissant doucement elle avait réussi à s’adosser aux oreillers. Sa peau la brulait en différents endroits, notamment le dos et le visage. Elle savait avoir abusé de ses dons de guérison. Les larmes aux yeux Flora explora du bout des doigts les brulures.
Les Sœurs de Nayru avaient enduit les zones avec des baumes et des pommades mais ca n’empêcha pas la jeune fille de sentir les aspérités et les ondulations douces qui étaient nées sur ses pommettes et sur ses épaules.

«
Sont-elles laides ? » avait-elle demandé a une aide qui venait d’entrer a ce moment la.
«
On ne les voit pas Prêtresse, elles sont translucides. Mais quand la Lune ou le Soleil les baigne elles luisent joliment. » Lui répondit le murmure. « Le Pontife se trouve à nos porte. Il vient vous châtier. »

Et la femme s’en était allée, laissant Flora seule avec ses pensées et ses remords. Enfin pas vraiment des remords, surtout de l’inquiétude. Comment avait-elle pût quitter le Désert la guerre qui y faisait rage ? Elle qui avait croupit dans une cellule humide et froide. Elle y avait attrapé un mal des poumons et durant de nombreux jours la Mirre avait du venir pour la soigner.

Le claquement sec du bois contre la pierre fit tourner la tête a l’aveugle. Un souffle court, une respiration colérique. Un ton comme l’hiver : «
Flora del Carmen, mon enfant.  Il est plus que temps que tu prennes conscience de ce que tu es supposée être. »

Supposée ? Flora en fronça les sourcils. Le Pontife était un homme qui haïssait les femmes, les traitaient en inferieur. Pourtant c’était bien trois femmes, trois sœurs qui avaient accouché d’Hyrule qui donc était mieux a même pour les représenter en ces terres que trois autres femmes.
Gardant le silence, la prêtresse de Nayru posa ses yeux morts sur le Saint attendant son ire. Les mains posées a plat sur la courtepointe, calme et d’apparence docile, Flora attendait de savoir ce que l’on pourrait lui reprocher, bien qu’elle le savait déjà …

Fuite et Errance ne seyait pas aux Femmes de Foi. Mais la Servante de Nayru ne pouvait faire autrement. Nayru l’appelait …

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Ses yeux posèrent un regard lourd sur l'enfant qui, il le savait, luttait pour garder cet air si serein. Ca n'était pas parce que la mort se jouait des prunelles de la petite qu'elle avait un visage calme en permanence. Ses sourcils, par exemple, se fronçaient quand l'inquiétude la gagnait. Néanmoins, le silence qu'elle portait comme unique réponse à sa vindicte traduisait une certaine forme de sagesse : dans certaine situations il ne valait mieux pas donner le bâton pour se faire battre. Si elle semblait l'oublier parfois, au moins l'avait-elle retenu pour sa visite inopinée.

Ses longs doigts osseux et filiformes agrippèrent le dossier de bois d'une chaise avec plus de poigne qu'on aurait pu lui donner de prime abord. Sans se soucier du crissement que provoquait son action, il tira la chaise jusqu'à ce qu'elle fasse face à Flora. En silence, il commença à rabattre les pans de son habit de fonction sur ses genoux, pour pouvoir s'asseoir sans qu'ils ne trainent au sol. Toujours sans rien ajouter, le vieil homme – dans la mesure ou quinquagénaire peut être nommé vieillard – s'installa. Rares étaient les hommes de sa carrure, à être plus bouillant que le noyau du Sommet du Péril et aussi froid que le givre de la Caverne des Glaces.


"Je ne t'ai pas permis de me regarder avec ces... —" Ce qui pouvait ressembler à un instant d'hésitation n'en était pas un, en vérité. Il ne cherchait plus le mot juste, et n'avait aucun remord à la blesser. «... Avec ces yeux là, oui. Baisse-les. Maintenant. » Son propre visage dessina une moue presque offensée. « Garde ce genre de regard de chien battu pour ceux qui y sont sensibles. Je ne prierais pas les Déesses pour toi ; pas comme ces traine-misères. »

Le Seigneur Pontife la darda ensuite d'un oeil qu'elle ne pourrait jamais voir. Il n'implorerait pas la pitié des Trois pour une enfant qui ne suivait en rien les principes qu'Elles avaient édictés. Mais, touché par l'infini bonté de Nayru au moins autant que l'enfant ne l'était par les Signes, il se décida à l'aider plutôt qu'à l'enfoncer. Sa main gauche quitta ses genoux pour venir jusqu'à l'humble table de bois qui meublait le plus simplement la chambre de la Prêtresse. Quelques grains de raisins parsemaient encore une assiette de terre cuite. Il se saisit d'un d'entre eux, tout en ignorant superbement son élève improvisée.

"Sais-tu ce que c'est que cela ?" Souffla-t-il ensuite, alors que le grain solitaire passait de doigt en doigt. « J'imagine que tu n'en a pas la moindre idée. Soit. » Une profonde lassitude l'envahit, alors qu'il se revoyait donner des leçons à d'autres enfants, autrement plus jeunes et prometteurs. Des pousses qui avaient grandi autour de la colonne centrale de l'Église et ignoraient tout de l'Enfer sinon comment le combattre. « Cette chose n'est pas un grain de raisin, ma petite. J'espère que tu seras un jour en mesure de le comprendre ; mais cette chose, c'est toi. »

D'une simple poussée de l'index et du pouce, Anaclet Libère envoya le gain au fond de sa gorge. Déglutissant sans bruit, il reprit. « Tu es une brebis égarée, mon enfant. Comme le grain qui s'est détaché de la grappe, et a perdu ses frères et soeurs. Il n'y a rien de plus atroce que ceux qui se fourvoient sur le mauvais chemin. » 

Le Calixte marqua une petite pause, pour que cette gamine puisse intégrer ce qu'il venait de lui dire. Tout symbole et toute marquée qu'elle fut, il n'imaginait pas qu'elle ai pu décemment trahir les préceptes inculqué à tout enfant des Déesses tout en les ayant compris. « Sais-tu ce qu'il advient des grains tombés ? » S'enquit-il, troublant le silence qui était retombé. Ses coudes rejoignirent tout deux le bois du petit meuble, et ses mains se lièrent entre elles. « Du mal, il ne ressort jamais du bien. Les grains perdus sont dévorés, où flétrissent. Souhaites-tu dépérir mon enfant ? Ca ne serait pas le plus grave ; pas le pire qui soit en mesure de t'arriver. »

Le Saint-Homme poussa un profond soupir, en repensant à ce qu'il était et ce qu'il se devait de faire. Il était la muraille qui protégeait le Royaume des Hommes de toutes les menaces, la torche qui guidait les pèlerins jusqu'au temple et éloignait l'Obscur. Celui qui, de sa simple voix pouvait placer un être sous la protection des Créatrices. « Ne t'ai-je pas dit qu'il n'y avait rien de plus atroce que ceux qui se perdent, mon enfant ? » Souffla-t-il, dans un presque murmure. « Permet-moi de revenir sur cette déclaration : ceux qui se perdent n'ont rien d'atroce. Ils sont infernaux. L'Enfer Noir suinte la chair de quiconque s'égare, guette quiconque s'oubliera. »

A nouveau, il posa son regard d'une dureté propre à la pierre et d'un tranchant jadis uniquement attribué à l'acier sur les yeux mous et laiteux de Flora. Le Seigneur du Conclave n'attendait aucune réponse ; car au fond il craignait de sonder les abimes qu'il venait de retourner. L'Ignorance n'était-elle pas le premier des péchés ? « Flora del Carmen, as-tu jamais entendu parler de Nephilis Alïndra Yaelis Rhisis Utha ? » Lâcha-t-il enfin, sans manger la moindre syllabe du nom complet de la précédente prêtresse. Encore et toujours, ses yeux fixaient la gosse qui se trouvait derrière la table.

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Les pieds nus de l’enfant bleue se posèrent doucement au sol. Les Sœurs lui avaient retiré ses vêtements mais ne les avaient pas remplacés. Aussi, la jeune fille allait présentement nue. Cela ne la gênait pas outre mesure. Car sa cécité la privait non pas de pudeur mais de la honte qu’on pouvait ressentir à voir les autres et soi même nu.

Tout le jeu avec le raisin, Flora n’en saisit presque rien. C’était des âneries de voyants, de gens qui se limitaient aux apparences et aux regards des autres. Avançant doucement vers la meurtrière qui lui servait de fenêtre, Flora demanda d'une voix douce :

«
Ainsi mon Père vous me croyez égarée ? » Elle tournait le dos au Pontife qui avait tout le loisir de regarder sa colonne et ses Signes, les Touches de Nayru. De lorgner les nuances de bleu et les motifs qui se dessinaient sur la frêle échine de la demoiselle. Flora n’ignorait pas ce regard qui se baladait sur elle sans vergogne, tout comme elle ne le craignait pas. Une rumeur courait que le Saint, ne touchait guère les femmes. Ni les hommes d’ailleurs. On le disait châtré.

Le nom de l’ancienne prêtresse vint alourdir l’atmosphère déjà tendue. Flora fit volte face pour se positionner bien en face du Pontife.

«
Nephilis la Non-Touchée ? L’Avatar Oublié ? Celle qui n’a jamais ressentit jusque dans ses os la voix de la Sagesse ? Celle qui s’est leurrée et dont Nayru s’est détournée ? » L’enfant divin se redressa. Son ton devin froid et elle croisa ses bras sous sa poitrine. « Saint, auriez vous oublié a qui vous vous adressez ? »

Posant les mains sur ses temps l’oracle bleu entreprit de les masser doucement. Elle était encore épuisée de son aventure en compagnie du Héros du Temps. «
Venez-en clairement aux faits ! »

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Fut-elle aveugle, ses yeux trahissait néanmoins son dédain. Le vieil homme soupira. Elle n'avait pas compris la portée de son message et comme tant d'Ignorants, elle méprisait ce qu'elle ne connaissait pas. Il ne souhaitait pas chercher querelle à la jeune fille, mais bien à l'Avatar. Une profonde désillusion qu'il aurait du anticiper – elle n'était rien d'autre qu'une femme, après tout – s'empara de lui, quand il réalisa que la fonction n'élevait pas l'être. Comment pourrait-elle prétendre à porter la Sagesse jusqu'aux coeurs des Ingénus, des Pieux et des Nécessiteux, si elle même ne parvenait pas à se hisser jusqu'à cette vertu si sacrée et tant vénérée ?


Le Pontife garda toutefois le silence, ce silence si éloquent qu'elle lui servait elle aussi. Doucement, la jeune enfant se leva dévoilant partiellement sa nudité et les stigmates-qui-ne-pouvaient-mentir. La demoiselle avait été confronté à Nayru par le passé, c'était indéniable. Il ne le niait de toute façon pas. Pourtant, cette absence de pudeur résonna en lui comme le premier des affronts que la fille de foi s'apprêtait à lui faire. Ses sourcils se froncèrent, alors que sur son visage, la lumière d'une bougie jouait sinistrement, lui prêtant un air parfois méchant, parfois sanglant. Démoniaque, même, par instant.


Elle chantonnait plus qu'elle ne parlait, et Anaclet Libère en vint à se demander pourquoi il ne s'était pas mis à l'étrangler pour la faire taire. Cette nonchalance vaniteuse avec laquelle elle s'exprimait achevait chez lui tout espoir de croiser une once de raison chez elle. La gamine se croyait sans doute intouchable, bénie. Peut être même se croyait-elle sacrée, au même titre qu'une Déesse elle même. Elle se croyait au delà de la sordide, commune et vulgaire foule de traine-misère dans laquelle elle se plaisait pourtant à évoluer sans jamais se soucier un tant soit peu de la mission dont les Saints Ordre des Trois l'avaient investie. Les lèvres du pauvre homme qu'il étaient restaient pincées. De Colère. De Honte. Mais ses doigts gambadaient sur le bois de la table avec suffisamment d'intensité pour qu'il n'ai pas à dire les sentiments que lui inspiraient la vision de cette enfant gâtée.


Bientôt, Flora del Carmen se retourna pour lui faire face, et ce fut dès lors le bouquet final. Sans plus d'estime pour la précédente Prêtresse – qui, toute aussi idiote et naïve qu'elle ai pu être avait cherché à agir en berger et en gardien de troupeau – qu'elle ne devait en avoir pour le moindre des Frères qui s'activait nuit et jour entre les murs de la Cathédrale, elle fit de nouveau preuve de toute sa suffisance. Ses doigts cessèrent de tapoter gentiment le meuble. « Pauvre enfant... — » Lâcha-t-il, comme pour jouer une pitié qu'il n'éprouvait pas une seconde à l'égard de la fillette.

"Dis moi, Flora del Carmen, toi qui es si sage..." Commença-t-il, en se levant. Le geste n'avait rien de compliqué, pourtant sa main gauche s'appuya sur le petit bureau. « ... Où se trouve la Sagesse dans l'arrogance ? » Ses yeux se posèrent sur la jeune femme, lourds. Quand bien même elle était incapable de voir, il ne doutait pas une seconde qu'elle sente sur elle ce regard ; autant qu'elle n'avait apprécié sa tentative pour le troubler. « Ne t'es-tu jamais demandé, chère amie, si l'orgueil n'était pas la marque des faibles et des idiots ? » Le Pontife laissa sa main glisser sur le bois, alors qu'il s'avançait lentement vers la Prêtresse de Nayru. « As-tu un jour tenté de t'interroger, jeune enfant ? » Lâcha-t-il, tandis que sa main droite venait se saisir lascivement et sensuellement du menton de l'aveugle, pour la forcer à affronter son regard — et la provocation qu'elle avait tenté. « Crois-tu sincèrement, ma petite, que quelques écailles répugnante font de toi l'Incarnation vivante de Nayru ou de sa Sagesse ? N'as-tu donc jamais pensé, Flora del Carmen que cette vanité superficielle n'avait rien à voir avec les Enseignements de Notre-Dame ? »

Le Seigneur du Conclave repoussa le menton de la gamine, brisant cette proximité qu'il lui avait imposé. Il fit volte-face, croisa les bras dans son dos et se mit à marcher en direction de la porte. « Je sais évidemment à qui je parle, pauvre insolente. Tu n'es rien. Pas plus qu'une enfant touchée par la chance. Ne crois pas être la seule et ne crois pas non plus que cela te permette d'outrepasser tes droits. » Ses doigts se refermèrent sur la poignée de cuivre, et il ferma la porte, les isolant un peu plus du reste du Temple. Lentement, il revint à sa place initiale et s'assit de nouveau.

"Flora del Carmen, que les choses soient claires, je n'ai rien contre toi." Reprit-il, en pliant une nouvelle fois sa longue bure noire, et en croisant les bras de la même façon que plus tôt. « Pour autant, je te déconseille de jouer une nouvelle fois à un jeu que tu ne peux pas gagner. De la même façon que je puis mieux t'aviser de m'écouter attentivement. Nayru a peut être daigné se pencher sur toi, je ne suis pas sûr qu'elle t'ai pour autant gratifiée d'une raison et d'une logique à toute épreuve. » Par ces mots, il attaquait le mépris qu'il avait lu, tandis qu'il expliquait le concept de l'ingénu seul et perdu, entouré de ténèbres. Elle n'avait pas saisi que ces gens là étaient à sauver, ou a tuer si les Ombres s'étaient déjà repues de leur être et que leurs âmes pourrissaient déjà en Enfer. C'était là ce qu'il craignait pour sa Prêtresse. Ne pas être à même de la sauver.

"Commençons par un peu d'histoire, veux-tu bien ?" La question n'était que pure rhétorique, évidemment. Sans s'embarrasser d'une réponse, il reprit, en retirant son imposant couvre-chef. « Nephilis, avant d'être une sombre idiote, n'en était pas moins une Prêtresse de l'Ordre de Nayru, et pas n'importe laquelle, tu le sais bien. A défaut d'être aussi marquée que toi, elle avait au moins compris ce que nous attendions d'elle, la mission que nous lui avions confiés. En dépit de tout le mépris que tu pourras jamais lui témoigner cette jeune femme est morte pour sa foi, après avoir guidé bien des âmes vers la Lumière des Trois. » Son nez le démangea. « C'est ce vers quoi ton fardeau t'impose de tendre. Tu ne devrais pas voyager en compagnie de moins que rien ou d'hérétiques. Ces gens là te détournent de ce que tu dois être : une porte vers la Lumière de la Très Sainte Église des Déesses. Je ne te demande rien sinon sauver ceux qui peuvent l'être. Le reste ne relève pas de tes fonctions, pauvre enfant. Alors cesse de les ignorer. »

Il garda sous silence ce qu'elle risquait et voilà l'épée de damoclès. Si elle n'avait pas compris sa parabole, elle avait toutefois intérêt à comprendre ce qu'il lui imposait.

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Les doigts du pontife mordaient sa chair, écrasaient sa mâchoire. Flora voulait se dégager mais n’y parvenait pas. « Crois-tu sincèrement, ma petite, que quelques écailles répugnante font de toi l'Incarnation vivante de Nayru ou de sa Sagesse ? N'as-tu donc jamais pensé, Flora del Carmen que cette vanité superficielle n'avait rien à voir avec les Enseignements de Notre-Dame ? » A quoi la jeune prêtresse répondit : « Que pouvez vous savoir des Enseignements de Nayru, vous êtes un homme. Elle ne touche pas les hommes. »

Il la relâcha violement, et la jeune fille put porter les doigts a son visage. Il lui brulait comme si elle s’était amusée à arracher une a une les écailles qui bordaient ses pommettes. Ses yeux se remplirent de larmes et un instant elle se mordit les lèvres. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine et elle songeait : « Si Link se trouvait la, tu ne ferais pas le malin comme ca. Il t’aurai déjà passé par le fil de l’épée. »

Pour cacher le trouble qui la hantai, pour se soustraire a cet homme mauvais, l’Enfant de Foi se glissa derrière le paravent conte lequel pendait la simple robe de paysanne qu’elle avait porté ses derniers temps. Le vêtement sentait le foin et la liberté, des odeurs que Flora associait bien souvent à son ami tout de vert vêtu. Ses doigts caressèrent tendrement le tissu maintenant usé, et elle dut réprimer l’envie de serrer contre elle l’étoffe et se laisser aller à humer le souvenir. Durant de longues secondes elle fut tiraillée par un dilemme : porter le vêtement et garder la trace avec elle toute la journée, ou la conserver en lieux sur, pour plus tard ? Pendant que son esprit se torturait, Flora n’écoutait pas le Pontife qui continuait à lui faire la morale.

Ce n’est que quelques minutes plus tard, alors qu’elle resurgissait de sa cachette, en train d’attacher son habit d’office que Flora entendis les dernières paroles du Saint : «
C'est ce vers quoi ton fardeau t'impose de tendre. Tu ne devrais pas voyager en compagnie de moins que rien ou d'hérétiques. Ces gens là te détournent de ce que tu dois être : une porte vers la Lumière de la Très Sainte Église des Déesses. Je ne te demande rien sinon sauver ceux qui peuvent l'être. Le reste ne relève pas de tes fonctions, pauvre enfant. Alors cesse de les ignorer. »

Le message était caché sous une nasse d’informations et de menaces. Les bras blanc de la Servante de la Sagesse retombèrent le long de ses flancs. Son visage déjà si pale perdit encore un peu de ses couleurs.
«
Des moins que rien ? Des hérétiques ? »

Elle laissa passer un silence, pour que tout deux puissent reprendre leur souffle. Pour qu'elle puisse être sure que ses oreilles ne la trompaient pas.
«
Vous voulez parler … de Link ? … Du Héros du Temps ? »
La surprise se disputait a la colère sur le visage de la jeune fille. Elle avait voyagé avec le Héros du Temps, s’était tenue près de lui alors qu’il se battait pour le bien d’Hyrule. Lui avait prodigué des soins alors qu’il avait répandu son sang au nom des Trois, même s’il ne les respectait pas. Elle ne comprenait pas le Pontife, comment pouvait il supposer qu’elle se fourvoyait, quand Nayru elle-même la plaçait aux coté de cet être béni ?

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Il arqua le sourcil, alors que la colère brossait un tout autre visage à l'enfant. Quoi donc, encore ? Etait-elle à ce point incapable de saisir son propos ? C'était du moins ce qu'affichait son petit minois, quand la surprise vint, tel un chien, disputer à la rage l'os qu'il lui avait jeté. Il poussa un profond soupir, tandis que la gamine arrivait presque à tuer sa colère à grand coup de lassitude. Il n'avait jamais, par la Fureur des Trois, connu d'élève aussi retors.

"Tendre enfant..." Commença-t-il alors qu'elle le fixait avec ses yeux morts, désormais vêtue d'une robe officielle ; sans doute signe qu'elle avait au moins pris conscience de l'inutilité de ses provocations visuelles. « L'une des premières vertus de la sagesse reste sa capacité d'écoute. Tu ne devrais pas te détourner ainsi de mes paroles, pour ensuite t'étonner de ne pas me comprendre. Mais, soit passons. » Lâcha le Saint-Homme, tandis que du couteau qu'il venait de trouver sur la table, il piquait un raisin avant de le faire mariner dans le jus de viande qui parsemait encore l'assiette. Il tachait de se concentrer sur les restes du repas, mais la vérité était que la lassitude endormait la colère pour mieux la raviver ensuite : à chaque fois qu'il pointait du doigt un des défauts qu'il voyait en la personne de l'Avatar, son courroux rejaillissait d'autant plus fort qu'on tachait de l'étouffer. 

"Je parle effectivement de lui, entre autres." Reprit le Pontife, alors qu'il fixait le grain gorgé de sang de boeuf, ou d'il ne savait quelle autre viande. « Je parle de tous ceux qui t'éloignent des Temples et du peuple d'Hyrule. De ceux qui t'éloigne de ceux qui nécessiteraient la Sagesse que tu pourrais avoir à leur dispenser, leur offrir. Je te parle de tout ceux qui sont hermétiquement fermés aux Commandements que tu penses ignorés des hommes. » Son ton s'était fait froid, et aussi cassant que le fer mal forgé. « De ceux qui violent les lieux sacrés en les souillant de sang et d'acier. Et de ceux... — » Son oeil brilla d'une lueur malsaine, alors qu'il mettait enfin le doigt sur la source des changements que subissaient l'enfant.

"Non... Non... Non... —" Souffla alors le Seigneur du Conclave, en proie à une haine sans nom. Il se leva d'un bond, tandis que le dos de sa main balayait brusquement tout le couvert dressé sur la table. La porcelaine comme la terre cuite vinrent s'exploser sur la pierre grisâtre du mur sans meurtrière. « Sur quel chemin crois-tu t'engager, pauvre sotte ? Infernal ! Bacchanale ! » Cracha-t-il, furieux, avant de renverser la table qui lui barrait le chemin, lame en main. Et bientôt l'acier fut sous la gorge de la Fille de Foi. « Du pêché de désir, le ciel doit te punir, n'est-ce pas ?! Sais-tu seulement qui tu es, Flora del Carmen ? Tu n'es pas qu'une petite insolente et arrogante ! Tu es la Prêtresse de Nayru, et aux prêtresses les aventures et amourettes sont interdites ! » Le couteau se pressa un peu plus contre la demoiselle de bleue vêtue. « Qu'est-il advenu de ta vertu, idiote ? » Siffla-t-il à ses visages, crachant sa rage au visage de l'enfant bleue, avant de soudainement la repousser sur le lit qui se tenait dans son dos. La gamine n'avait rien.

"Soyons clair, mon enfant. Tu ne reverra pas cet homme." Lâcha-t-il, reprennant contenance, alors qu'il essuyait paisiblement la lame sur un pan de la robe paysanne de Flora, tombée alors qu'il avait renversé le mobilier. « Dorénavant, tu prieras pour ceux qui ont la foi, et tu iras les inonder de lumière. Ceux qui s'aventurent là où les Déesses ne sont plus ne doivent pas croiser ta route. Tu es trop fragile, ils pourraient t'emmener. Nous nous occuperons de te protéger, de te solidifier. Tu deviendras cette muraille, ce rempart derrière lequel les Pieux se cachent, quand nous en auront fini avec toi. Ce que tu devrais déjà être, en théorie. Hélas, certains sont parfois plus imprévisibles que je ne l'aurais souhaité. » Avait-il repris, en lui tournant le dos, et en se défaussant de l'arme qui vint tinter contre le sol froid et pavé. Ses doigts enlacèrent le cerceau de bronze fixé sur la porte de bois, en guise de poignée.

"Le Suzerain Zora m'a fait parvenir un message qui fait mention d'un besoin urgent. Leur précédent oracle souffre d'une maladie inconnue, sans doute n'avait-elle pas la foi comme il eu fallu qu'elle l'ai. D'aujourd'hui, jusqu'à nouvel ordre tu seras consignée au Domaine, sous les ordres du Seigneur-Poisson. Tu seras son nouvel oracle, autant que son invité. Mais ne t'avise pas de mettre un seul pied dehors, Flora del Carmen. Je risquerais de ne pas l'apprécier." Termina-t-il enfin, sans un regard. Anaclet Libère, Saint-Homme touché par la Grâce des Trois, Calixte spirituel et religieux d'Hyrule s'engouffra à travers la porte qu'il venait d'ouvrir.

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