Posté le 25/11/2012 23:22
Il trébucha et manqua de s'étaler au sol. Mais, habitué des rattrapages de l'extrème, il parvint à rétablir son équilibre suffisamment en avance pour ne se retrouver qu'avec un genoux à terre, l'autre fléchi, et la main droite au sol. Le bracelet de cuir que lui avait offert Zelda n'avait pas cette fonction protectrice qu'avaient les gantelets qu'il avait l'habitude de porter. Dans son dos, il entendait le pauvre homme grommeler et se sentit désolé pour lui. Néanmoins il n'avait pas le moindre sou (et ce depuis bien des lunes déjà. Aussi loin qu'il ne se souvienne, il n'avait jamais possédé plus de quelques centaines de rubis.), et ne pouvait pas s'endetter en sachant qu'il ne pourrait jamais payer. Un pavois à milles cinq-cent rubis ? Allons bon !
Il releva les yeux vers la jeune femme qu'il avait failli percuter. Encore une fois de bons reflèxes lui avaient permis de modifier sa trajectoire in-extremis, quitte à s'érafler la paume de la main. Avant de n'être remonté plus haut que le genoux, l'Hylien arrêta son regard. De toute évidence, cette jeune fille était une femme de foi. Rien de bien étonnant au fond, mais il y avait bien longtemps qu'il ne partageait plus cet amour des Déesses que bien des Hyliens possédaient. Ce qui le fit s'arrêter fut toutefois la canne qu'elle avait, et qu'il incita après un bref instant à laisser son regard remonter jusqu'à ses yeux.
Texture laiteuse, d'un blanc mitigé, vitreux, l'oeil de cette nonne ne le trompa pas. Tout comme la canne l'avait très sincèrement aiguillé, il comprit immédiatement qu'il était sur la bonne voie en croyant cette enfant aveugle. (là encore, les traits juvéniles de la religieuse ne mentaient pas. Il lui donnait une quinzaine d'années, tout au plus.) Il poussa un soupir silencieux, heureux de ne l'avoir pas jetée à terre en tombant lui même, conscient de la difficulté que pourrait représenter son handicap dans une situation pareille.
Quelques mots le renseignèrent sur l'artisan qu'il venait de quitter brusquement. Gamelin, un habitué de ce genre de brimades, il semblerait. Cependant... De là à parler d'une peine de cachot, il y avait aux yeux du blond un véritable monde. Pour avoir déjà été privé de sa liberté, et même incarcéré – il n'avait pas oublié son premier passage à la Forteresse Gérudo –, il estimait l'emprisonnement bien trop lourd pour sanctionner un comportement de la sorte.
Aussi, quand la sacerdoce lui offrit sa main et tenta de s'excuser pour l'armurier, il se contenta d'un petit sourire qu'elle ne verrait pas, passant outre le titre de noblesse qu'elle lui accordait si soudainement. « Je n'en doute pas une seconde. » Lança-t-il, sur un ton calme, serein. « Les temps sont durs. » Termina-t-il, simplement. Il n'avait jamais été aisé financièrement, et avait toujours vécu une vie de bohème, le vol et la manche en moins, mais savait à quel point la guerre ravageait une vie d'homme.
Se saisissant de l'aide qu'on lui proposait, il se releva, et d'un mouvement du poignet aida la demoiselle-aux-yeux-de-lait à se hisser sur ses deux jambes. Une simple bure, sur laquelle avait été jeté une épaisse laine, pour la protéger du froid, le visage couvert par le grossier tissu. Un accoutrement peu commun pour une sacerdoce, presque celui d'une damoiselle touchée par le désir de conserver un certain anonymat. Cette idée le ramena ce qui lui semblait être des siècles en arrière.
La place frappée par le désespoir et la crainte. Les visages murées dans des expressions de peur comme de tristesse. Les bâtiments ravagées, le Château lui même encore en rénovation. Hyrule ; mutilée. Il n'en fallait pas plus pour faire ressurgir ce triste présent sous les yeux de l'Enfant des Bois.
"Par ailleurs," Commença-t-il, sur un ton défait, presque désabusé. « Pourriez-vous me dire en quelques mots ce qu'il est advenu récemment ? J'ai été.. » Il en revint au silence, avec un sentiment qu'il ne parvenait à nommer ni à décrire, mais pesant. Cette désagréable impression de devoir toujours demander, parce que toujours absent. Certes ; Belle lui avait déjà raconté, mais il la connaissait bien assez pour savoir qu'elle l'avait ménagé. Et le Fils-de-Personne avait ce besoin de savoir. « ... Isolé, ce doit être le mot. » Termina-t-il, un peu terne.
Il baissa ses yeux givré sur la main de la Prêtresse, qu'il avait gardé dans la sienne. Quelque peu gêné, il délia ses doigts puis laissa glisser ceux de l'Oracle.
"Pourquoi avoir pris la bure ?" S'enquit le Faux-Kokiri. Il avait une conception des Déesses qui sortait assez des convenances. Pour autant, c'était avec une véritable curiosité que Link posait cette question, et sans le moindre jugement de valeur. Si les Trois n'étaient pas avec lui ; au moins l'étaient-elles avec le peuple, espérait-il.