Posté le 02/06/2013 02:13
" Je lui ai rendu visite il n'y a pas très longtemps ", avoua Swann faiblement.
La jeune femme ne voulait pas lui mentir mais pas trop lui en dire également, car la situation ne s'y prêtait absolument pas. Peut-être que prochainement, elle lui dirait ce qu'elle avait failli faire une suit de tempête, mais pour l'heure elle était parfaitement concentrée sur l'objectif : quitter cette illusion, rejoindre le monde réel. Elle sentait qu'elles approchaient du but, lentement ; il n'y avait rien qui l'indiquait mais elle le savait, leur aventure n'allait pas tarder à se finir. C'est alors qu'elles arrivèrent devant une grande porte, plus immense qu'aucune autre et ne faisant certainement pas partie du château dans la réalité, sans quoi Swann s'en souviendrait forcément puisqu'elle s'était déjà engagée dans ces couloirs.
Leur ennemi se terrait là, elle le sentait. Et sans un mot, Astrid ne se fit pas prier pour pousser l'un des battant et pénétrer dans une pièce imposante de par sa dimension. Et là, au centre de cette salle composé d'un seul mur qui faisait tout son tour se trouvait un fauteuil, voir un trône, sur lequel une silhouette aux allures féminines était assise. Dans cet endroit obscur que seul la lumière qui traversait les vitraux du mur opposé, il était compliqué de distinguer un visage. On ne voyait guère que deux yeux d'or braqué sur le duo, perçant et menaçant, impeccablement froid et révélateur de la nature de celle qui les attendait patiemment. Le Cygne Noir se dégagea de l'épaule de la marchande puis lui fit signe de rester où elle était et de ne pas la suivre.
Elle cru marcher pendant une éternité dans la direction de l'ombreux personnage, calme et impassible. Elle avait finalement fini par la reconnaître, à ce simple regard qu'elle avait déjà trop vu et qu'elle aurait préféré ne jamais connaître, emplis de moquerie, de méchanceté et de haine, mais aussi d'une certaine mélancolie indéchiffrable - dont elle se fichait bien, au fond. Elle s'arrêta à mi-chemin, sa pénible respiration résonnant dans la salle comme pour accentuer sa lente agonie, et rendre ce silence moins pesant en apparence. L'ambre et le gris n'était plus attiré que par cet or provocateur et grandiose, scintillant de mille éclats. Pas une fois l'une des deux femmes n'avaient encore clignés des yeux depuis que leurs regards s'étaient croisés.
A mi-chemin, l'assassin s'arrêta pour s'arrêter sur un autre détail. Sur le mur était entreposé des boucliers de toutes sortent, au moins une centaine pour peu qu'il n'y en ai d'autres de cacher parmi les ombres. L'observation des différents écussons auraient pu s'arrêter là si elle n'avait pas été attiré par l'un d'eux représentant un monstre à trois tête trônant sur ce qui semblait être un lac, surplombé en arrière plan par une forteresse. Elle l'avait déjà vu, lors de son excursion avec sa Sœur de Feu au temple qu'abritait le Cratère du Mont Péril. Et comme lors de cette fois-ci, elle s'attarda dessus quelques instants, troublées non pas par le fait de le redécouvrir mais parce qu'elle était plus que certaine maintenant qu'elle l'avait déjà vu il y a bien longtemps, sans toutefois être capable de dire où et quand.
" Le blason de la famille Aleticäs ", surgit alors soudainement la voix de l'ennemie. " La bête représentée est une hydre. On disait qu'elle protégeait la forteresse de la dynastie depuis le Lac Uleüs - qui en fait tenait bien plus du marais que du lac - et qui constituait le seul passage qui menait à ce château. Elle a dévastée des armée entière... jusqu'à ce que j'arrive. Enfin, que nous arrivions. "
L'assassin reposa ses yeux vairons sur cette femme. Ni haine ni colère dans le regard de la dragmire mais juste une forme d'incompréhension. La dimension presque divine qu'elle lui avait accordée en la nommant Maîtresse des Ombres pendant des années durant - du moins c'est ce que la marque voulu lui faire croire - avait volé en éclat dès lors qu'elle avait compris qu'elle était la responsable de tout ce cirque. Simplement : pourquoi ? La question se posait encore même si quelques réponses étaient déjà acquises depuis qu'elle l'avait vu, mais la plus importante demeurait. Swann avait pensé y répondre simplement en sachant qui était l'auteur de ce tour de passe-passe, mais finalement non. Et en cela, elle était frustrée.
" Nous ? "
" Dans un sens, en effet... "
" Je ne me rappelle pas avoir combattu un tel monstre. "
" C'est un peu plus... subtil, si j'ose dire ", souffla la femme aux yeux d'or.
La jolie femme aux cheveux ébènes s'était avancée d'un ou deux pas, mais elle ne bougeait dorénavant plus depuis que sa plaie avait redoublé de douleur. Elle avait l'impression que les griffes du dragon lui pénétrait encore sa délicate chair, tout en lui brûlant le dos sans concession. Malgré tout cette souffrance ne se reflétait absolument pas sur son visage, si ce n'est par des sourcils qui se fronçaient de plus en plus à mesure des mots délivrés par son interlocutrice. Pendue à ses lèvres, elle l'écoutait dans un silence religieux, presque à l'aise dans cette obscurité dans laquelle elle s'était fondue petit à petit. Pour mieux s'approprier cette ambiance, comme si ça lui était naturel.
" Tu ne t'en rappelles pas car, après bien des péripéties, on t'a tout fais oublié. Par égoïsme, par cupidité, par méchanceté et même par plaisir, on t'as changé. Tout ce que tu as accomplis, tout ce que tu as connu, au final tout ce que tu as été un jour, on a voulu le détruire ", dit-elle en se levant alors, avant de faire quelque pas en direction de la lumière des vitraux. " Mais ils n'ont pas prévu que tu serais si forte, si puissante... et leur magie noire n'y changea rien. Tu étais bien trop grande pour qu'ils ne te détruisent avec ça. Alors tu fus simplement enfermé, avec le mince espoir que tu ne les gênes plus jamais. "
Elle se tourna en direction de Swann, qui n'avait pas bougé d'un pouce, le regard perçant plongé dans ses yeux d'or. Quelques instants de réflexion bienvenus durant lesquels elle se délecta en silence du suspens qu'elle entretenait. Un demi-suspens, puisqu'elle se doutait bien que l'assassin avait déjà compris ce qu'elle tentait de lui faire comprendre sans trop de subtilité au final. Elle la connaissait bien... elle se connaissait bien ! Même si l'ancienne ambrée avait parfois un petit retard à l'allumage, elle savait comprendre ce genre de chose évidente dès lors qu'elle se concentrait dessus en rapprochant tous les éléments entre eux. Et puis, au final, elle ne pouvait que la comprendre. Elle était faite pour, d'une certaine manière.
" Je m'appelle Kelya, descendante de la lignée Netil. Du moins, je suis ce qu'il en reste, c'est-à-dire son esprit enfermé dans un corps sans le moindre pouvoir dessus. Un corps qui s'est vu transformé dès lors que cette maudite marque s'est apposée sur mon dos... et qui est désormais régi par toi, Swann. Toi qui te demandait pourquoi ce nom, pourquoi Villarreal, mais pour qui il semblait tellement incongru de se poser la question que tu as finis par simplement l'accepter. La magie a fais son affaire, et tu t'es imprégnée d'images factices, d'un passé qui n'est même pas le tien. Enfin... je ne vais pas t'en vouloir pour autant. "
Toujours pas de réponse à sa seule question, et Swann s'impatientait. Bien que quelques précisions avaient été les bienvenues, elle avait d'or et déjà compris la teneur de ce qu'elle avait traversé par le passé, ce que représentait Kelya. Mais cette femme semblait la confondre en elle... alors que l'assassin percevait très nettement une distance tant physique que morale entre elles. Mais elle pouvait se tromper, dans la mesure où Kelya se révélait à elle pour la première fois, aussi ne pouvait-elle pas tirer de conclusions trop hâtives. Il lui fallait d'abord une dernière réponse pour s'assurer de cela.
" Pourquoi maintenant ? " Demanda-t-elle, avant de préciser sa question. " Pourquoi me révéler tout ça seulement aujourd'hui ? "
Kelya fit la moue, puis s'éternisa dans un silence pesant. Elle aurait aimé ne pas avoir à répondre à cette question bien que parfaitement légitime, mais plus que tout c'était la manière qui dérangeait l'esprit de la Reine de Caloñiaa. Elle aurait en effet imaginé que Swann soit davantage réceptive à ses propos, plus concernée, plus enjouée d'une certaine façon. Mais la froideur dont elle faisait preuve avait quelque chose de dérangeant pour elle. Comme si tout ne se passait pas comme elle l'avait prévu. Méfiante, elle avoua tout de même, pensant qu'ainsi elle gagnerait la confiance totale de la dragmire.
" J'avais peur de toi ", soupira malicieusement l'ancienne monarque. " J'ai crains que la marque te consume, qu'elle te façonne sans que je ne puisse rien faire. Je t'ai vu grandir, douter, souffrir... et par empathie, peut-être, j'ai souffert avec toi. Je suis intervenue comme je l'ai pu pour t'aider, t'accorder des pouvoirs que la marque t'avaient injustement retiré. Et j'ai continué de le faire jusqu'à ce que j'ai suffisamment confiance en toi. Il fallait aussi attendre que je trouve un moyen de sortir, de reprendre ce qui m'appartient. Mon corps, entre autre. "
Son regard changea alors. Il était devenu plus dur dès qu'elle eut fini d'expliquer les raisons qui l'avaient poussés à agir ainsi. Swann voyait alors sa véritable nature, car elle redevenait comme elle l'avait toujours connue, une idée sournoise derrière la tête et les yeux reflétant une forme de méchanceté qui lui échappait toujours mais dont elle ne doutait dorénavant plus du tout. Cela la fit irrémédiablement douter sur la sincérité de ses mots. Cette femme, au fond, n'avait cherché qu'à la manipuler en se faisant passer pour un être de magie réclamant des sacrifice. Elle l'avait façonné en une sorte de faucheuse, une sorte de petit jouet à elle... quelle déception. La Belle ne lui en voulait même pas, elle espérait juste mieux. Beaucoup mieux que ça.
" Tu m'as aidé pour finalement me réduire au silence ? La finalité m'échappe... "
" J'ai pensé à ça justement, et je me suis dis... ", dit Kelya avant de pointer Astrid du doigt, toujours plantée à l'entrée. " ... qu'il fallait que je te trouve un autre corps. "
Swann tourna la tête presque instinctivement vers la marchande. Pouvait-elle se résigner à la tuer, et au passage renoncer à son propre corps ? Une partie d'elle, marquée par de nombreuses blessures, par un tatouage qu'elle avait appris à aimer, par une malédiction de la sorcière de Cocorico. Et ainsi détruire l'esprit d'une innocente jeune femme issue du peuple, charmante et plus vivante que l'assassin ne le serait jamais. D'un autre côté, il y avait Kelya... ou elle-même serait-on tenté de dire. Tout du moins une partie d'elle... dans les deux cas elle devrait se détacher de quelque chose de terriblement important pour elle. Pas du tout convaincu, en proie au doute, elle se retourna vers la jeune Netil. Dubitative, elle déposé son regard sur le sol. Elle si sûre d'elle la plupart du temps... peut-être parce qu'elle n'avait eu à faire face à un dilemme si cruel.
" Je t'aime bien, Swann ; tu es un peu comme mon enfant. Une fille que j'ai aidé à faire grandir comme je l'ai pu, que j'ai toujours aidé pour se sortir des pires situations. Si fais comme je t'ai dis, nous pourrons parler plus ensemble. Je te parlerais de ce que nous avons accomplis, de ton pays, de ta mère. "
Ces paroles arrachèrent un sourire au Cygne Noir. Elle secoua la tête lentement, de droite à gauche, s'estimant presque trop conne d'avoir couru après un passé qui finalement se trouvait juste sous son nez, à l'intérieur même de son crâne. Mais Kelya la décevait, pour diverses raisons. Et cette déception prit le pas sur sa curiosité, tout en se rappelant qu'elle se condamnait à l'ignorance si elle prenait la décision d'écouter son instinct plutôt que sa tête. Mais c'était ainsi qu'elle avait presque toujours agis, au fond ; et elle était toujours vivante. Alors pourquoi changer une façon d'être à un moment si capitale de sa vie ? La décision était prise...
" Ni toi... ", commença-t-elle, relevant les yeux vers l'ancienne reine, " ... ni moi ne toucheront à un cheveux d'Astrid. Et tu ne prendras pas possession de mon corps non plus. "
Deux bras attrapèrent soudainement Kelya dans son dos, avant de porter deux coups derrière les genoux pour la coincer au sol. Prise par deux clefs de bras, elle se retrouvait là immobilisée, les yeux grands ouverts pour n'avoir pas su sentir le coup venir ni être en capacité de réagir. Elle aurait dû le sentir venir... mais elle n'avait pas pensé que Swann refléterait sa propre image pour créer un second corps derrière elle. En fait, elle avait faux sur toute la ligne, et elle commençait déjà à regretter.
" Qu'est-ce que tu fais ?! " Hurla-t-elle de rage ainsi que de douleur.
Swann sortit un poignard, puis s'approcha à pas lent en direction de sa proie. Elle prenait ainsi le temps de réfléchir encore un peu à la question, de peser une dernière fois le pour et le contre. Puis cela éclata comme une évidence alors : avait-elle vraiment besoin de savoir qui elle avait pu être par le passé ? Elle en voyait déjà les fruits. Une monarque réduite à l'état d'esprit, malveillante et au cœur de glace, prête à tout pour retrouver une grandeur passée. Et surtout, elle-même, un assassin en proie au doute, à l'avenir et au passé incertain - quoiqu'assez clair maintenant - dont le seul soucis soit devenu la mort d'une personne admirée et aimée. En cela, Kelya avait réussi quelque chose de terrible, puisqu'elle avait réussi à corrompre suffisamment le cœur du Cygne Noir pour qu'elle en devienne un instrument de mort, une menace pour un si faible et si petit royaume. Si Swann avait effectivement quelque chose à lui reprocher, c'était bien ça ; de ne pas avoir su reconnaître la défaite par le passé, et de fomenter en secret une revanche avec la Belle comme principal outil. C'était là la différence fondamentale entre ces deux personnalités et esprits issus de la même âme : l'une agissait par pur intérêt personnel, tandis que l'autre souffrait de son amour pour le peuple d'Hyrule et sa situation. Et si elle reconnaissait ne pas être un exemple pour tous, elle estimait au moins agir pour de bonnes raisons, établies sur de solides convictions.
" Je sauve une vie ", souffla-t-elle doucement.
" Elle crèvera bien un jour ! C'est la guerre après tout ", railla Kelya, un sourire provocateur dessiné sur ses lèvres.
Le Cygne Noir sourit de nouveau, par réflexe. Elle n'avait pas compris... elle ne comprenait rien. Et cela rassurait la dragmire, car si elle ne parvenait pas à saisir, cela signifiait qu'au fond elles n'étaient pas identiques. Beaucoup de choses les séparaient, en plus de diverses motivations dans la vie. Elle se garda bien pourtant de lui expliquer qu'elle se sauvait d'abord elle-même en ne cédant pas à la tentation d'aller chercher son passé en passant par la mort d'une innocente. Kelya n'aurait même pas tenter de le comprendre, même formuler ainsi.
L'ancienne ambrée s'agenouilla et posa le couteau contre la poitrine de la femme aux yeux d'or. Puis avant d'enfoncer la lame, elle souffla ces quelques mots, cruels de vérité et froids comme la glace : « Finalement, tu aurais mieux fais de continuer à avoir peur de moi ». Sans sommation, elle enfonça alors le poignard dans le cœur.
Et toute cette histoire se termina. Enfin.