Posté le 05/11/2014 16:59
L'acier formait une véritable extension de son bras. Sous le masque roux qui lui rongeait le bas du visage, il ne put réprimer un début de sourire. Depuis qu'il était arrivé, c'était sans doute la première arme digne de ce nom qu'il trouvait. Il ignorait complètement comment un peuple capable de bâtir au travers des montagnes ne savait pas dompter l'acier. C'était quelque chose qui lui semblait tout à fait inconcevable. L'esprit plein d'interrogations auxquelles il ne parvenait à trouver de réponse logique, il porta le fer devant lui, menaçant de l'estoc un adversaire invisible. Ses doigts se desserrèrent alors de la hampe qu'ils avaient épousé un instant plus tôt, jusqu'à la quitter presque totalement. Une vieille méthode qu'Aaricia lui avait enseigné pour estimer l'équilibre d'une lame et celle-ci lui apparaissait une fois de plus de la meilleure qualité qui soit, au vu de toute la ferraille qu'on lui avait proposé jusqu'à lors. D'un petit mouvement de la main, il ramena la claymore entre ses doigts puis la raccrocha au râtelier d'arme sur laquelle il l'avait trouvée. « Elle plait pas à m'sieur ? » Lâcha innocemment l'artisan, le détaillant sous toutes les coutures d'un regard qui n'existait pas chez lui, mais qu'il avait appris à comprendre et il savait dorénavant ce que cela voulait dire. Au Sud du Mur, les citadins ne le regardaient pas ainsi : il n'était alors qu'un esclave bon à batailler dans le sang et la boue des arènes d'Ainsley. À bord de la galère qu'il avait coulé, les regards étaient touts autres également. Souvent, on l'avait détaillé, mais il n'y avait qu'ici que les gens cherchaient après une pochette remplie d'or qu'il ne possédait pas.
Son regard croisa celui du ferronnier. L'homme n'insista pas immédiatement, mais avait déposé les poignards qu'il nettoyait un instant auparavant. Derrière lui, il laissait l'âtre mourir tandis qu'un garçon s'affairait à ranger le matériel de la forge un peu plus loin dans l'établi. « C't'une ben jolie épée, savez ! » Lança le vieil homme en tournant le dos au Ceald, qui le contempla à son tour. Le vert-de-gris de ses yeux ne tarda pas à bondir entre deux étals sur lesquels sommeillaient couteaux, haches ou masses, avant de revenir au dos du commerçant. L'espace d'une seconde, il réalisa à quel point il lui serait simple de récupérer l'un des gourdins et de fracasser la nuque du vieillard puis s'en aller avec n'importe laquelle des pièces d'alliage, pour peu qu'elle lui convienne. Ca n'était pas ainsi que Braig lui avait appris à traiter avec les gens mais plus que le meurtre, il rejetait l'or que s'échangeaient les hommes ici. La pulpe de ses doigts vint caresser le petit meuble de bois, avant d'effleurer le cuir qui gainait une hachette. Ses yeux restaient fixés sur l'échine de l'inconnu. Il se garda de conserver sa main si proche des tranchants comme des maillets, se dirigeant plutôt vers un petit arc étrange, dont la forme l'intriguait particulièrement. Monté sur une tige de bois et de fer gravé, la courbe était autrement plus étriquée qu'il n'était habituel. Ses sourcils se froncèrent, tandis qu'il se demandait comment une voute aussi chétive pouvait donner lieu à suffisamment de puissance pour projeter une flèche.
"Ca, c't'une arbalète. Encore qu'on dit aussi qu'c't'une baliste. C'comme un arc normal, mais ça fait beaucoup plus mal. Les Chevaliers de Zelda savent de quoi j'parle !" Ricana le forgeron, une lueur malicieuse dans l'oeil. Et s'il ignorait ce qu'était un chevalier comme il n'avait pas idée de qui était Zelda, il comprenait le trait d'humour qu'avait tenté son guide au sein d'une armurerie qui lui paraissait bien étrange quand il repensait à celles de son peuple. Il se racla la gorge. L'hylien ne lui était toujours pas naturel, quand bien même il progressait un peu plus à chaque occasion. « Comment ça fonctionne ? » S'enquit-il simplement, sans prétention. Le mécanisme l'étonnait particulièrement. « Ben... Dans les faits c'est un arc, mais il n'y a pas besoin de maintenir la corde en tension. » Il pointa du doigt une petite languette de métal qui perçait le fût de bois. « C'est cette pièce là, l'arbier, qui le fait pour le tireur. Du coup, c'est nettement plus facile à utiliser. Vous voulez tester ? » Le ferronnier était déjà parti, lui arrachant presque la chose des mains. Le Ceald grogna, presque agacé, mais se laissa conduire jusqu'à l'atelier où le chauve remontait un treuil, avant d'encocher un carreau. A peine-eut-il fini qu'il la lui glissa dans les bras à nouveau avec un clin d'oeil, non sans s'essuyer le front une seconde fois.
Il laissa son regard glisser le long de la silhouette de la baliste, en longer la courbe et en jauger l'aspect avant de la prendre véritablement en main. Sous ses doigts, il sentait le métal froid de la détente. Il ne lui en fallait guère plus pour saisir le fonctionnement de l'appareillage. Jetant un coup d'oeil rapide sur l'officine dans laquelle il se trouvait, il porta l'arme à son épaule et inspira comme il avait l'habitude de le faire à chaque fois qu'il ciblait un adversaire. Fut-il monté sur deux pattes ou sur quatre. Un rapide pas sur le côté l'écarta du pilier de bois qui soutenait l'armature. Lanre pivota ensuite pour faire face à la ruelle dont il venait. Envahie par une horde d'individus tout à l'heure, il n'en restait pratiquement plus en l'immédiat. Tout juste quelques badauds qui se hasardaient et paressaient entre les échoppes. L'un d'entre eux, particulièrement frêle, tenait un panier d'osier ou de paille – il n'aurait su le dire – rempli de fruits. Les pommes qu'il put apercevoir lui rappelèrent des jeux d'enfants qu'il avait pu avoir avec Bjorn avant que leur amitié ne se dégrade d'autant plus subitement qu'elle lui avait toujours semblé immuable.
Le trait fila immédiatement quand il pressa le ressort. Dans un bruit assourdissant, le carreau prit son envol, tandis qu'il grinçait des dents, aussi surpris que dérangé par le vacarme de l'arbalète. Les cailloux qu'ils lançaient, gamins, avaient le mérite de ne faire de bruit que quand ils déchiraient une fenêtre ou percutaient un de leurs amis. Ils ne leurs vibraient pas non plus en main. Le paria n'aurait pas parié sa tête, mais il était pratiquement sûr que l'arme du forgeron avait essuyé un choc quand il avait tiré. Il l'avait senti lui glisser entre les doigts, ou presque. Baissant les yeux vers l'arme, il laissa les traits de son visage se durcir, marquant son mépris et sa déception. « C'est tout...? » Cracha-t-il, l'oeil mauvais remontant vers l'artisan dont le faciès se décomposait. « C'est.... C'est de la folie ! Vous auriez pu tuer quelqu'un ! » Grimaça-t-il avant de se jeter sur le Ceald en grommelant qu'il souhaitait récupérer son arbalète. « C'est tout l'objet d'une arme, il me semble. » Asséna-t-il, simplement, le regard sévère, avant de le déporter vers la gamine qu'il avait pris pour cible. Le panier qu'elle gardait avait explosé et l'intégralité de son contenu s'était déversé au sol. Plusieurs fruits, percés de part en part par le dard de fer forgé s'étaient déchirés avant même de rencontrer les pavés.
L'homme insista, les deux mains cramponnées au fût de la baliste. « Rendez-moi ça ! » Mugit-il, l'air paniqué. « Rendez-moi ça ou je fais appeler la garde ! » Le rouquin finit par lâcher l'arme, tandis que l'apprenti du forgeron se précipitait vers la pauvre enfant dont le panier lui avait fait office de cible. Après tout, en ne la touchant pas, il avait sans doute démontré son habileté ? Il aurait été plus à l'aise avec un véritable arc, sans nul doute, mais il avait réussi sans mal à faire mouche et n'atteindre que ce qu'il souhaitait atteindre. Les deux hommes s'échangèrent un dernier regard, polaire, avant que le Ceald ne s'éloigne d'un pas aussi rapide qu'énervé. Quand il passa le porche, l'assistant se baissait plus bas que terre pour récupérer les fruits qui pouvaient l'être. Lanre le toisa également, la gueule comme boucanée par une colère naissante. Il ne s'arrêta cependant pas, laissant le trio qu'il avait formé bien involontairement et s'engagea dans l'artère pratiquement désertée désormais.
[HRP : Lanre n'est pas parti et le RP n'est pas terminé, hein. XD N'hésite pas à l'arrêter :p]