Le retour de la Reine des Voleuses

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    Nabooru eut un geste de recul.

    Le regard gêné, elle leva les mains au ciel pour signaler à ce marchand qu'elle ne voulait pas son morceau de tissu. Ou, plus précisément, qu'elle ne voulait pas l'acheter. Elle s'écarta, doucement, tandis qu'il haussait la voix pour tenter de la convaincre qu'elle ne pouvait trouver mieux ailleurs. Finalement, elle parvint à se fondre dans la foule et à ne plus l'entendre.

    « Ces hyliens... » soupira la jeune Reine.

    Elle n'était pas bien contente d'elle-même ; habituellement, elle pouvait voler n'importe quoi à n'importe qui. Mais leur réputation les précédait : les gérudos étaient particulièrement surveillées dorénavant, qu'elles fussent des alliées ou non de la Princesse. Ses sœurs avaient beau se moquer gentiment d'elle, Nabooru savait qu'aucune d'entre-elle ne saurait mieux faire. Elle ignora leurs moqueries et continua à déambuler dans le marché.

    La Sage et son escorte attiraient de nombreux regards. Et pour cause, les autorités avaient à faire face à beaucoup plus d'affaire de vol qu'à l'accoutumé. Les gérudos ne pouvaient pas s'en empêcher ; c'était comme une seconde nature chez elles. Malgré tout, un temps viendrait où elles ne seraient plus désirées dans l'enceinte du Bourg. Peut-être était-ce déjà le cas d'ailleurs... ? La Princesse avait beau fermer les yeux, elle devait savoir. Après tout, la chambre de Nabooru se remplissait petit à petit de nouvelles trouvailles. Elle ne revenait jamais les mains vides du Bourg.

    « Faites vous plaisir, dispersez-vous, mes sœurs », dit la jeune femme en subtilisant discrètement une bourse de la ceinture d'un passant. « Ils se méfient trop. »

    Les femmes du désert acquiescèrent et s'éparpillèrent dans la foule. Les pas de l'Exaltée la conduire jusqu'à la fontaine centrale, où elle s'accouda en observant le jeune homme dont elle avait volé la bourse. Il faisait les cent pas en scrutant le sol dans l'espoir de la retrouver. La rouquine esquissa un sourire amusé, jusqu'à ce que ses pensées ne la menèrent à son Désert.
    Nabooru se mordilla la lèvre inférieure en ressassant ses échecs et l'humiliation qu'elle y avait subie. Le temps passait... et elle n'était toujours pas retournée auprès de son peuple. Combien de temps allait-elle attendre encore pour se décider ? Pour trouver une solution ? Pour vaincre le mal qui avait envahi ses terres...

    « Reine Nabooru. » Ces mots la sortirent de sa rêverie. Devant elle, cinq soldats, armés jusqu'aux dents. « Vous allez devoir nous suivre », reprit l'un d'entre-eux. Un vétéran, à y voir les cicatrices sur son visage. « Votre présence perturbe le peuple, nous vous ramenons au château. »

    La Reine Brisée se fendit d'un nouveau sourire amical.

    « C'est hors de question, coco. »

    Si Nabooru était une aussi bonne voleuse, ce n'était pas uniquement parce qu'elle était capable de voler n'importe qui ; elle maîtrisait aussi parfaitement l'art de la fuite. Jamais un garde ne l'avait attrapé, et ça ne risquait pas d'arriver. Qu'ils soient cinq ou mille, la gérudo leur échapperait toujours, et elle comptait bien le leur faire comprendre. Elle avait tous les droits de circuler dans cette cité et les plaintes n'y changerait rien.

    La jeune femme se saisit d'un sac de farine posé sur l'étalage à ses côtés et le perça avec sa dague. En un temps record, les cinq gardes étaient recouverts de poudre blanche et essuyaient les rires des hyliens. Ils se lancèrent à la poursuite de la Reine des Voleuses, qui déjà les distançait d'une vingtaine de pieds.

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Il soupira brièvement en se débarrassant de la sueur qui poissait ses tempes, sa gueule son torse. Recueillant un peu d'eau dans le creux de ses mains, l'Hylien humidifia son museau, fatigué. La petite fontaine lui avait permis de s'affranchir des viscères, du sang et de la crasse qui inondaient les catacombes de la Citadelle. Le contact frais du liquide lui fit plus de bien qu'il ne l'aurait cru. Il n'ignorait pas que certains regards se posaient sur lui, dans son dos à mesure qu'il tachait tant bien que mal de sauver la tunique de soie que Belle lui avait offerte. Torse-nu, dans l'une des ruelles de la capitale Hylienne, à décrotter l'étoffe bleue brodée de fils d'argent. « La peste que ces tissus... » Murmura-t-il, visiblement agacé. Sans nul doute les soieries du Castel étaient admirables, mais il remarquait surtout qu'elles n'étaient pas effectives. Il grogna à nouveau, frottant la tunique aussi délicatement que faire se peut. Il craignait de déchirer le crin. La fièvre s'empare de ceux qui faisaient le commerce de telles étoffes ! Plus d'une fois, ce jour, il avait regretté sa bonne vieille tunique. Au moins n'aurait-il pas été la cible de tous les regards comme c'était le cas dans l'immédiat. Ca et là, les gens l'observaient s'acharnant sur le tissu. Certains détaillaient les balafres qui courraient sur ses flancs. Il ne disait rien mais n'avait jamais aimé attirer l'attention comme c'était le cas. Pire encore, il répugnait ce sentiment qui grimpait en lui, cette impression presque vicieuse de se transformer en une bête de foire. Son regard croisa celui d'une enfant, brusquement. Il se retourna subitement sur la fontaine et le brocart qu'il noyait presque.

Il finit presque par se perdre dans sa besogne. Les tâches ne semblaient pas flétrir pour autant. Excalibur dormait toujours, appuyée contre le rebord de la cascade artisanale. Une barbe de quelques jours lui rongeait doucement les joues et le démangeait plus que de raison. Le tissu avait été beau un jour, c'est certain. Mais dorénavant, il ne valait plus rien. Il siffla d'irritation, sans parvenir à s'entendre néanmoins. S'il n'y avait pas prêté attention jusqu'à lors, tant le bruit était une constante dans la ville de Zelda, un vacarme certain remontait néanmoins la rue. Déposant la chemise encore trempée sur le pourtour de la fontaine, il s'éloigna légèrement de la fontaine, cherchant à comprendre d'où venait ce raffut relativement inhabituel, même pour la Citée de Belle. Fronçant les sourcils et plissant les yeux, il ne tarda guère à discerner un large nuage de poussière. Blanche jadis, mais brune désormais. Au milieu de tout ce foutoir se dessinaient une demi-douzaine de silhouettes, dont une nettement plus lestes que les autres. Un léger sourire illumina son visage jusqu'à lors fermé quand il réalisa que c'était l'oeuvre d'une vieille amie.

D'une vieille amie dont il espérait des nouvelles depuis plusieurs semaines, sinon plusieurs mois.

L'Enfant-des-Bois recula vivement, récupérant ses effets. Il boucla sa ceinture et y accrocha sa lame en quelques secondes. Il frissonna en passant la tunique froide et humide. S'il pouvait se dégoter quelque chose de plus sec sur le chemin, il n'hésiterait sans doute pas. Mais pour l'heure, il patienta, s'appuyant sur l'orée du lave-main. Tôt ou tard, la Gérudo passerait par ici, sans quoi elle ne se serait pas engagée dans cette artère. Il ignorait si c'était parce qu'elle connaissait le Bourg ou si c'était par pur hasard, mais le destin semblait les avoir réunis. Une fois de plus. Il jeta un regard rapide à la troupe qui se tenait derrière son amie. Des soldats, sans le moindre doute. Leur démarche le trahissait presque aussi sûrement que le bruit qu'ils ne faisaient. Bientôt, les rires démarrèrent tout autour de lui. Le spectacle de la garde de Llanistar recouverte de farine, soufflant et haletant comme des bœufs, incapables de mettre la main sur une femme désarmée. Sans autre armes qu'une dague à la lame courbe et pour armure un sarouel, une paire de babouche et un morceau de tissu sur le poitrail. Avant même qu'il ne s'en rende compte, son rire s'élevait comme ceux des autres.

Pourtant, quand les citadins regardèrent passer Nabooru, poursuivie par cinq joueurs d'épée de la Garde de la Citadelle, lui s'élança derrière eux. L'Exaltée les distançait déjà de plusieurs foulées, mais il se sentait d'humeur taquine. Sans remords pour le pauvre homme qu'il allait sans doute humilier plus qu'il n'était nécessaire de le faire, il attrapa un des couteaux qui pendait à sa ceinture. Le griveton courrait et ne remarqua rien. Jusqu'à ce que l'acier morde le cuir de sa ceinture, et que ses chausses commencent à l'abandonner. Le vagabond avait déjà laissé choir la dague qu'il avait emprunté et sans qu'aucun des hommes de Rusadir ne le remarque, il était passé devant. Trop concentrés sur leur cible, aucun d'entre eux ne réalisa qu'ils distançaient leur propre compagnon. Le boucan était tel qu'ils n'entendirent pas non plus le fracas des plaques et des mailles, quand le troupier s'écrasa au sol se prenant les pieds dans ses culottes. Les éclats de rires fusèrent, tandis que certains sifflaient amicalement cet inconnu au cheveux-de-blé et aux yeux de givre. Le blond bondit sur une des caisses empilée, avant de sauter de nouveau. Sans trop de mal, il s'agrippa à un balcon et se hissa jusqu'aux toits plats du Quartier des Tanneurs. La Reine Apatride avait pris suffisamment d'avance pour qu'il ne parvienne plus à la retrouver du regard. « Joli... ~ », souffla-t-il simplement, une légère brise jetant le désordre dans sa tignasse qui prenait un malin plaisir à lui revenir sur le faciès. Il soupira en écartant quelques mèches qui lui barraient la vue, cherchant la Sage de l'Esprit de ses deux perles polaires. Un peu plus bas, il entendait les fantassins du Général désespérer à la tâche. Nonchalamment, il trébucha sur une plante en pot. La céramique vint s'écraser contre le casque d'un des troupiers, rabattant instantanément sa visière. Les cris agacés lui tirèrent un sourire de plus.


Orpheos


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C’était une belle journée pour s’échapper du château. Lui qui préférait vagabonder la nuit plutôt que de sortir le jour, Orpheos venait cette fois de faire une exception à ses habitudes. Le Cabinet des Arts l’étouffait trop, depuis plusieurs jours qu’il passait ses après-midi à recevoir des représentants du spectacle des différents peuples, ou à écrire et à signer des paperasses en tous genres, ses murs couverts de livres avaient fini par lui donner un sentiment insupportable de claustrophobie. Il avait dû s’absenter en urgence, invoquant un besoin d’air frais.
La princesse Zelda et le général Llanistar devaient eux aussi être en train de régler les affaires qui leurs étaient propres, dans leur bureau respectif. Mais si le général sortait très régulièrement pour superviser les troupes et la garde royales, Orpheos savait que la princesse demeurait enfermée à longueur d’heures. Ce qu’il ne savait pas, c’était comment cette femme faisait pour maintenir un tel train de vie depuis des années sans devenir folle. Orpheos, lui, ne tiendrait pas une semaine.

Lorsque le Sheikah dépassa le portail royal, un sentiment jouissif de liberté le prit au cœur. Enfin hors du château ! Pour quelques heures désormais, il disparaîtrait et redeviendrait un citoyen comme les autres. Du moins, sauf pour quelques-uns d’entre eux qui parviendraient à le reconnaitre.
Qu’allait-il faire ? Où pouvait-il aller ? Prier les déesses au Temple du Temps ? Non, il n’avait aucune envie de s’enfermer à nouveau. Il allait plutôt flâner dans les ruelles du bourg d’Hyrule, regarder les badauds, écouter leurs conversations, et prendre la température de leur moral qu’il savait très affecté par les temps qui couraient. Orpheos, en parfait sauvage, avait toujours préféré observer les gens plutôt que de les laisser s’approcher de lui.

La place du marché était bruyante et l’air en vibrait. Tout le monde avait eu la même idée que lui, et était sorti pour profiter de cette journée ensoleillée. Les premières minutes, Orpheos se contenta de marcher lentement entre les acheteurs de toutes les boutiques. Et puis, lui-même finit par s’arrêter devant un stand de fleurs. Pousserait-il le cliché jusqu’à acheter une rose pour son aimé ? Et d’ailleurs, est-ce qu’une brute barbue comme lui pouvait apprécier les choses délicates comme les fleurs, en dépit de son cœur doux comme celui d’un agneau ? Orpheos n’en savait rien, et d’ailleurs, la simple pensée de Llanistar le fit sourire.


-Pourquoi souriez-vous, Messire ?
s’enquit une jeune femme derrière le stand, occupée à tresser une couronne de fleurs.
-…Pardon ? Ah, pour rien.


Il fallait se reprendre ; ce n’était pas dans les habitudes du chancelier de bafouiller et de rêvasser. Cependant, la fleuriste avait capté le sourire typique du cœur amoureux, et elle s’apprêtait à insister lorsqu’un tapage s’éleva non loin d’eux.


-Oh non, encore ces Gérudos… murmura-t-elle.

Croyant à une attaque, l’air absent du chancelier se métamorphosa en une expression déterminée. Abandonnant derrière lui une rose blanche dont il s’était saisi, le Sheikah s’élança plus vite que son ombre -à proprement parler- vers la source de cette agitation. Un nuage blanc venait de saupoudrer partiellement la place du marché, et des soldats se précipitaient derrière une silhouette de femme qui disparut trop vite pour qu’Orpheos la rattrape. Une seconde plus tard, un soldat hurla d’avoir perdu son froc sous un éclat de rire général.

Refusant d’abandonner malgré cela, Orpheos se mit également à courir en contournant la grande fontaine pour emprunter une des artères du bourg. A ce moment, il aperçut un autre homme grimper en vitesse le balcon d’une maison pour se retrouver sur le toit. Il avait l’allure crasseuse et suspecte des voleurs, peut-être un allié des Gérudos, voire des Dragmires.
Ni une ni deux, Orpheos accourut vers une échelle qu’un jeune homme comptait utiliser pour grimper sur le toit. S’excusant de la lui emprunter, le Sheikah ne perdit pas plus de temps et grimpa furieusement les barres en bois de l’échelle. Après avoir attrapé un drap blanc qui pendait sur un fil à linge étendu entre deux maisons, Orpheos se retrouva prestement sur le toit.

Sa cible se trouvait sur la rangée de maisons d’en face. Il ne fallait pas attendre, le voleur allait le voir d’un instant à l’autre. D’un bond puissant, Orpheos bondit de son toit pour atterrir sur l’autre, et lança le drap sur le détrousseur pour l’empêcher de faire le moindre mouvement supplémentaire.


    Nabooru avait creusé la distance qu'il lui fallait.

    En se fondant dans la masse populaire, les gardes l'avait perdu de vue. Le moment était venu d'en profiter. Ni une ni deux, la gérudo sauta par dessus un établi et se cacha dessous. Elle apaisa le marchand qui s'était installé ici, surpris, avec un sourire amusé et un clin d'œil. Bien qu'elle fut une gérudo, et sans se rendre compte qu'il manquait une écharpe parmi ses étoffes - cette fois, la Reine avait réussi ! -, il rentra dans son jeu et lui rendit son sourire. Les gardes lui passèrent devant, au pas de courses, sous l'incompréhension et les fous rires de tous. Lorsqu'il rabaissa son regard pour prévenir la femme du désert que les soldats étaient passés, elle s'était envolée. Avec un autre tissu de qualité, tant qu'à faire. Le marchand abusé hurla au vol, et les gardes revinrent sur leurs pas.

    Fière d'elle, la Reine du Désert repartait en sens inverse avec les bras remplis de ses trouvailles. Mais derrière elle, les gardes relancés à sa poursuite l'avaient retrouvé et se rapprochaient. Tous maculés de blanc, il ne lui fallut que peu de temps pour les repérer.

    « Oh oh... », laissa-t-elle échapper.

    Elle allait devoir sacrifier une de ses trouvailles. Se saisissant de l'écharpe, elle en attacha chaque extrémité aux pieds de deux établis dressés devant une boutique. Lorsqu'elle se redressa, elle fit signe aux gardes, les narguant avec un malin plaisir, puis pénétra le bâtiment en toute hâte. Les gardes filèrent à sa poursuite, mais ils se prirent les pieds dans le piège de l'Exaltée, très contente d'entendre le claquement des armures qui s'écrasaient sur le pas de la porte.

    La bâtisse comportait un étage qu'elle s'empressa de gagner. Elle ouvrit une fenêtre et observa les gardes tenter de se relever alors qu'ils s'écrasaient les uns les autres, avant de trouver un cordage qui rejoignait la maison d'en face. L'idée, saugrenue et un peu folle, ne tarda pas à germer dans l'esprit de la Sage qui se fendit d'un nouveau sourire.

    Elle posa un pied sur la corde, bientôt suivi du second. En équilibre, elle s'avança, lentement, mais plus rapidement que ne saurait le faire la grande majorité du peuple. C'est arrivée au tiers de la distance qu'elle aperçut un jeune homme posté sur un toit, deux maisons plus loin sur sa gauche. Elle ne le reconnut pas de suite et n'en eut pas tout à fait le temps ; un autre homme, aux cheveux bien plus sombre, l'avait rejoint et menaçait de l'attraper avec un drap.

    « Gaffe à toi, l'ami ! » Lança-t-elle, complice sans qu'elle ne se rende compte de qui il s'agissait.
    « Reine Nabooru, descendez immédiatement ! Ne nous rendez pas la tâche plus difficile qu'elle ne l'est ! » Hurla quelqu'un alors.

    La Reine baissa le regard vers la foule pour apercevoir les gardes qui avaient enfin réussi à se relever. Et qui entraient dans la boutique, certainement pour aller se lancer à sa poursuite. Ou pire : défaire le cordage. La chute n'en serait à priori pas mortelle, mais la rouquine n'avait pas spécialement envie de s'y risquer.

    « Et maintenant, tu fais quoi, espèce d'andouille ? » Se demanda-t-elle, agacée de s'être mise elle-même dans cette situation... périlleuse.

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Nabooru avait su s'arracher à son regard sans mal et sans tomber dans une arrogance déplacée, il espérait encore être plus attentif que le plus anonyme des hommes de Llanistar ou de Zelda. Ses lèvres s'étirèrent en une petite mimique discrète alors que ses yeux parcouraient les allées, plus bas. La basse-ville tout entière lui semblait envahie par les holas et les rires d'un peuple qui réapprenait doucement à sourire après des mois entiers de guerre. Et il en faisait de même, en s'avouant vaincu par la jolie Gérudo qui lui avait échappé. « Cherchais-tu seulement à la rattraper ? », s'interrogea-t-il en silence sans vraiment s'attendre à formuler une réponse claire. Et pourtant... — Evidemment qu'il cherchait à la rattraper. Les dernières nouvelles qu'il avait d'elle lui avait été rapportée par Sheik, quelques heures après l'unique occasion où il avait levé la main sur un ami. L'Hylien ne tarda guère à se mordiller doucement la lèvre inférieur, tandis que le remord chauffait légèrement ses joues. Il en voulait toujours à Belle, mais... La colère retombée, il ne trouvait aucune excuse à son attitude.

Un commerçant de plus ne tarda pas à crier au vol, déchaînant un peu plus les traînes-misère en qui il se reconnaissait bien plus que dans les nobles officiers qui se battaient pour la Couronne et le trône de Zelda. Il soupira, enfonçant les mains dans les poches de son vêtement. Même s'il était incapable de cautionner les actions de l'Exaltée, elle parvenait à le sortir de ses problèmes. De ceux d'Hyrule. Peut-être même parviendrait-elle à nouveau à lui tirer un rire, songea-t-il, un air amusé et presque joyeux sur le visage. Sans s'en rendre compte, il s'était laissé aller jusqu'à avancer au bord du toit. De toute évidence, la jeune femme ne tarderait pas à reparaître à en croire le marchand qu'elle avait su délester de quelques biens, sans doute. Détachant la boucle qui maintenait Excalibur accrochée à sa ceinture, il s'assit ensuite sur le rebord du toit, ramenant l'épée contre son giron. Il avait sans doute l'allure d'une de ces gargouilles qui sommeillaient dans les alcôves de la façade de la Cathédrale du Temps, quoiqu'il apparaissait nettement plus bariolé que les monstres de pierre. Mais comme eux, il guettait. Le givre de ses yeux glissait le long des mur, à la recherche d'une Reine malheureusement en perdition.

Son intuition fut la bonne puisque Nabooru fit à nouveau irruption. Elle se faufila au travers d'une fenêtre, non sans un rapide coup d'oeil aux gardes et aux badauds plus bas, qui s'écrasaient tant bien que mal. Le bruit du fer cognant l'acier emplissait presque plus les ruelles que celui des rires - pourtant à gorge déployée...! - de la populace. Il se hissa à nouveau sur ses deux jambes, tout en la contemplant alors qu'elle avançait lentement sur les cordages reliant deux masures de la Ville-Close. Ca et là, le linge pendait, accroché aux larges filins dressés entre les bâtisses, complexifiant le parcours de la Dame des Voleuses. Et bientôt, l'étoffe le recouvrait également.

Il avait entendu son amie l'interpeller. Il n'avait pas eu le temps de réagir néanmoins.

Quand Nabooru l'avait prévenu, le drap passait déjà au dessus de son crâne. A présent, la pierre brune embrassait douloureusement sa joue. Il grogna tandis qu'il lui semblait qu'une masse lui tombait dessus comme le renard se jette sur la poule. Sa main gauche toujours refermée sur la gaine de sa lame, la droite vint s'aplatir contre la roche, pour mieux lui servir de point d'appui. Dans un râle étouffé, il tâcha de jouer des épaules sans parvenir à se relever. La poigne de celui qui le maintenait au sol n'était peut-être pas si forte que celle d'un Hache-Viande mais son adversaire était certainement plus conscient de ses mouvements que lui ne l'était. Bien vite, un bras passa sous sa gorge, l’enserrant impitoyablement et le tirant en arrière. Il suffoqua alors que son torse s'élevait et quittait la charpente. L'air lui manquait déjà depuis trop longtemps, quand il envoya son coude en arrière, cherchant à frapper sans trop savoir ce qu'il pouvait toucher. Il eut le sentiment de faire mouche, mais rien ne l'en assurait. Quand la strangulation dont il était victime se défit, il était incapable de dire si c'était le résultat de son assaut ou d'un fait extérieur qu'il ne pouvait voir. Il n'en avait cure de toute façon.

Saisissant l'opportunité qui se dessinait, il s'extirpa à la main qui le malmenait un instant plus tôt. L'homme, il doutait qu'il s'agisse d'une femme, était encore au sol quand il jeta son pied contre le tissu qui l'avait fait prisonnier quelques secondes auparavant. Il ne cherchait pas tant à blesser, mais d'avantage à immobiliser voire neutraliser. Sans offrir de nouveau son dos à l'inconnu, il jeta un bref regard vers la fenêtre et les cordes sur lesquelles elle se tenait avant que sa vue ne se floute. « Nabooru ! » Lança-t-il simplement, en comprenant sa détresse. Ses doigts se resserrèrent sur le drap à ses pieds et il s'élança. D'un bond, il gagna le toit qui suivait, puis celui d'ensuite, jusqu'à rejoindre la jeune femme à qui il lança sa prise comme il aurait pu lancer une planche à un naufragé. La Gérudo s'y accrocha et d'un coup sec il la ramena contre lui. Son regard retourna vers son agresseur qu'il ne parvint pas à voir. Sur son visage se brossèrent les rides du lion alors que ses traits se durcissaient. « Viens. » Siffla-t-il avant de prendre la main de son amie dans la sienne. Sans attendre un accord quelconque, il la tira avec lui, sautant du toit.

Les deux jeunes gens atterrirent dans un tas de foin assez large pour amortir leur chute et les camoufler l'espace d'un instant. La venelle était plus déserte que jamais. Quelques gardes passèrent sans s'arrêter, et il se décida enfin à sortir. « Tu pars par là. » Glissa-t-il, sans appel, pointant du doigt le chemin qu'il envisageait pour elle. Il n'était pas commun qu'il prenne la direction d'opérations ou de mouvements et en dépit du ton, cela n'avait rien à voir avec un ordre. « J'irais par ici, suivant les gardes qui viennent de passer. On se retrouve tout à l'heu...— » Reprit-il, avant de s'arrêter subitement. Quelqu'un approchait. Le Fils-de-Personne s'élança hors de la paille et tira son épée. D'un coup sec, il trancha les liens qui maintenaient une pile tonneau, qu'il renversa d'un coup de pied. « Cours ! » Hurla-t-il à l'attention de Nabooru, perçant un tonnelet d'un coup d'estoc. Le vin s'écoula, courant entre les pavés, verglaçant une chaussée déjà glissante. Celui qui les traquait aurait bien du mal à garder l'équilibre, alors que les fûts roulaient à sa rencontre et que l'alcool grisait la route. Il prit tout juste la peine de ramener sa lame dans sa gaine avant de courir à son tour.


Orpheos


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Il y était, il l’avait attrapé. Le drap avait complètement recouvert la tête du malfaiteur inconnu. Orpheos le plaquait désormais sur le toit en l’étouffant grâce au tissu immaculé, couplé à l’action de son bras passé sous sa gorge. Il allait suffisamment l’étrangler pour lui faire perdre connaissance, et ensuite l’amener vers les gardes qui -il fallait bien l’admettre- rencontraient toutes les difficultés du monde à remplir leur devoir.

Le malfaiteur coincé sous le drap avait de la force dans les muscles, il jouait des épaules violemment pour se sortir de là, mais Orpheos tenait bon. Il le tira même en arrière pour augmenter la pression de son bras sur sa trachée. Il savait comment s’y prendre, l’art Sheikah du combat et de l’assassinat coulait dans ses veines.
Et pourtant ! Le malfrat parvint contre toute attente à se ressaisir et à envoyer son coude en plein dans le sternum du chancelier. Ce dernier suffoqua. Sous le coup de la surprise et de la douleur, il fit l’erreur de relâcher la pression de son bras et de se laisser tomber sur le toit. Un pied vint ponctuer la contre-attaque avec force, à travers le drap qui le couvrit à son tour.


-Nabooru !
appela l’inconnu.

Comment, Nabooru ? La voleuse qui venait de sévir en bas n’était autre que la reine des voleuses, la Gérudo Exaltée ? Mais alors qui pouvait être l’homme ?
Quoiqu’il en soit, le drap se retira très vite de sa vue, et Orpheos eut à peine le temps de se relever pour voir sa cible s’échapper sur les toits d’en face. La reine des voleuses vint le rejoindre en un clin d’œil, juste avant que le Sheikah n’échange un regard assassin avec l’inconnu. Il était crasseux et Orpheos crut ne pas le connaître ; pourtant, il eut un doute soudain.


-Attendez !


Mais le duo s’échappa encore en sautant de leur toit. Hors de question qu’Orpheos les laisse s’en aller sans lui régler des comptes, il les aurait ! Le chancelier n’attendit pas une seconde de plus pour sauter lui aussi en face, mais la garde qui courait encore en bas passa par-là, et il se permit de les arrêter un instant depuis son perchoir.

-Gardes ! les alpagua-t-il.
-Chancelier Orpheos ?! s’écria le meneur de la troupe.
-Ordonnez la fermeture temporaire du pont-levis. Continuez de poursuivre la voleuse pendant ce temps, et je vous en prie, cessez d’humilier votre fonction !


Son interlocuteur armé n’osa répliquer, et il préféra se joindre à la poursuite des deux fauteurs de trouble en suivant les mouvements d’Orpheos qui finit par sauter dans la même rue que les deux autres. Un tas de foin réceptionna le corps gracile du chancelier qui, avant de repartir au pas de course, fit un arrêt pour remarquer le vin qui s’écoulait entre les pavés depuis un tonnelet percé. Le bougre faisait tout pour le ralentir, mais il sous-estimait son poursuivant. Orpheos le vit même s’enfuir en direction d’une rue devant, séparé de Nabooru, que le dignitaire désigna du doigt aux gardes qui venaient derrière lui :


-Rattrapez-la ! Elle doit comparaitre devant la princesse !

Sans attendre leur réponse, Orpheos repartit à la poursuite de l’autre tout en prenant garde à la chaussée glissante. Ses pieds dérapèrent deux mètres plus loin dans le vin, mais il avait trop le sens de l’équilibre pour se heurter à un obstacle aussi simple. Le petit stratagème de l’inconnu eut quand même pour effet de ralentir sa course, et Orpheos ne pouvait se permettre de perdre la moindre seconde sur lui. Déjà, il le perdait de vue ; il devait absolument trouver un moyen pour l’arrêter.

La solution lui vint quand il jeta un coup d’œil à son ombre. Allait-il vraiment oser l’utiliser en pleine rue et en plein jour ? Il n’y avait pour le moment personne aux alentours, et de toute façon, la confusion était trop grande dans les rues alentour…


-Où qu’il soit, immobilise-le.

L’ombre d’Orpheos s’élança aussitôt sur le pavé, bien plus vite que n’aurait pu le faire son maître, à la recherche de celui qu’il talonnait. Il avait une connexion avec sa propre projection et s’il saurait la retrouver elle, alors il le trouverait lui.
Et bientôt, il le rattrapa effectivement dans une autre ruelle.


-Arrête-toi et viens te battre, si tu es un homme, lança-t-il à son adresse tandis qu’il lui tournait le dos.

C’était bien la première fois qu’Orpheos jouait les justiciers, mais en ignorant le sentiment grisant que cela lui procurait un peu, il ne pouvait permettre que Llanistar voie sa garde se faire ridiculiser plus longtemps.

Juste avant que l'inconnu ne se retourne, l’ombre regagna les pieds du Sheikah et ne fit plus aucun autre mouvement que les siens. Ni vue ni connue, ou du moins le pensait-il.


    Nabooru tira de grands yeux ronds.

    « L... ? »

    Était-ce... Link ? Par Din, s'il s'agissait bel et bien de lui, il fallait avoir l'œil pour reconnaître ses traits ! La reine des voleuses en resta bouché bée tandis qu'il lui lança le draps pour la tirer de son mauvais pas. A peine eut-elle le temps de poser le pied sur une tuile que le cordage sur lequel elle avait fais son petit numéro d'équilibriste était sectionné à l'autre bout par la lame d'un garde. L'aide du lutin-qui-n'en-était-pas-un était la bienvenue pour le coup, bien que surprenante. Depuis combien de temps n'avait-elle pas eu la moindre nouvelle du garçon ? Elle avait perdu le compte, et si les retrouvailles ne lui tirait pas un franc sourire, c'était davantage dû à la situation actuelle qu'au manque de nouvelles. Après tout, Link était un loup solitaire et elle l'avait toujours su.

    Il ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits et lui saisit la main avant de l'entraîner... dans sa chute ? Nabooru sentit un frisson lui parcourir le dos et ses traits se crispèrent, peu habituée à ces sauts. Si elle faisait confiance à Link - et elle se dit qu'elle avait toujours raison de le faire à la vue du matelas de paille qui l'attendait en bas -, la spontanéité de son geste l'avait quelque peu surprise. Pour autant, une fois cachée dans la paille, elle eut enfin un peu de temps pour reprendre ses esprits. « Qu'est-ce que tu fiche ? » Chuchota-t-elle sur un ton inquisiteur. Si son aide était bienvenue, elle restait persuadée qu'elle pouvait très bien se sortir seule de ce guêpier. La question n'attendait pas de réponse cependant, et il n'y en eut pas. Des gardes passèrent tout près d'eux et il fallait garder silence. Un instant de répit dans toute cette agitation alors que les rires du peuple s'entendaient encore. Un instant de répit durant lequel la gérudo huma l'air... avant de grimacer.

    « Beuh... c'est toi qui sent comme ç... ? » Fit-elle en sortant de leur cachette.
    « Tu pars par là. »

    La gérudo tourna instinctivement la tête dans la direction qu'il lui indiquait, puis acquiesça en silence. Elle fit quelque pas en avant et commença à épousseter ses vêtements tandis que le garçon reprit la parole. Il ne finit cependant pas son explication, sentant comme Nabooru qu'une tierce personne approchait d'eux en vitesse. Il fut le premier à réagir ; et alors qu'il réglait le problème, elle partait déjà de son côté en toute hâte. Ignorant si elle le suivait ou non, elle prit l'initiative de pénétrer dans une maison lorsqu'il lui sembla que des gardes étaient encore lancés à sa poursuite. Elle referma la porte derrière elle lorsqu'elle se rendit compte que le garçon avait détalé par une autre voie ; les retrouvailles attendraient donc. Pour l'heure, il s'agissait d'échapper à une garde plus collante que dans ses souvenirs. Tant de moyens déployés pour rattraper une voleuse et son complice, était-ce vraiment tant utile que cela ?

    Ignorant les habitants qui ne manqueraient pas de rameuter les soldats par ici, la reine gagna le premier étage et passa par la fenêtre pour rejoindre celle opposée du bâtiment le plus proche. Peut-être qu'ainsi, elle échapperait à ses poursuivants, qui ne pouvaient pas se permettre de tels sauts. Mais son enthousiasme s'éteignit rapidement lorsqu'elle remarqua qu'ils la suivaient depuis les ruelles et lui collaient toujours au train. Décidément... !
    Lasse, elle décida de repasser par la voie aérienne, d'où elle pourrait notamment plus facilement retrouver la trace de Link. Pour ce qu'elle en avait vu, le héros était poursuivit par quelque chose d'encore plus tenace que cette saleté de garde royale ; Et s'il l'avait aidé, elle lui devait bien un coup de main en retour.

    Par chance, une fois sur le toit, elle remarqua que son ami n'était qu'à l'autre bout du pâté de maison, dans une ruelle. Mais il faisait face à cet étrange et mystérieux homme à la chevelure ébène et dont elle ne voyait que le dos. Quelque chose de sombre se dégageait de lui, même d'aussi loin. Inquiète pour l'hylien, elle se décida d'intervenir et chercha du regard une solution à son problème. Un sourire joueur se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle posa ses yeux sur une corde poussiéreuse mais en bon état. Elle s'en saisit et gagna le toit le plus proche ; elle attacha ensuite sa trouvaille autours d'une cheminée, puis saisit l'autre bout en s'écartant le plus possible du point d'attache.

    « Par la déesse... », souffla la jeune femme en se rendant compte de ce qu'elle était en train de faire.

    Mais hors de question d'abandonné son ami ! Même si ça ne fut pas à cette pensée qu'elle s'élança - les gardes qui venaient de monter sur le toit la pressèrent davantage -, elle eut au moins le courage de mettre en pratique sa pensée un peu folle. Suspendue à la corde par un bras, son balancement la faisait fuser droit sur Link, dont elle espérait qu'il remarque sa présence assez tôt pour qu'il saisisse son bras lorsqu'elle arriverait.

    Ce fut chose faite et d'une forte poigne, elle se saisit du bras de son ami pour l'entraîner avec elle dans sa folie. Bien vite, ils montèrent dans les airs, et avant que la vitesse ne ralentisse trop, Nabooru lâcha le cordage. Elle lâcha également son ami lorsqu'elle passa de l'autre côté d'un nouveau toit. Dans l'incapacité de se rattraper à quoique ce soit, elle glissa sur les tuiles et chuta du toit maladroitement... pour atterrir la tête la première dans une fontaine.
    La gérudo avait mal, mais au moins la chute n'avait pas été mortelle, et elle n'avait rien de cassé, miraculeusement ! Elle se redressa, le buste hors de l'eau, se félicitant de sa bonne étoile. Quelques gens la regardaient, étonnés, mais elle ne les remarqua qu'à peine ; ses yeux cherchait déjà son ami, dont elle espérait qu'il se porte mieux qu'elle.

    « Gamin ? » Fit-elle, légèrement inquiète, en enjambant le rebord de la fontaine pour en sortir.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Link

Héros du Temps

Inventaire

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(vide)

D'un bond, l'Hylien se hissa au dessus des fûts qui avaient commencé à envahir la ruelle. La semelle de cuir bouilli de sa botte le fit déraper, tandis que le vin inondait le bois comme la rivière glisse sur les gravillons qui composent son lit. « Peste ! » Jura-t-il, grognant dans le début de barbe qui lui dévorait déjà méchamment les joues. Pas de quoi changer radicalement son visage mais juste assez pour que, trempé et couvert de boue, il apparaisse méconnaissable. Alors qu'il se sentait perdre l'équilibre, le blond poussa soudainement sur sa jambe, dans l'espoir de décoller. Les dents serrées et les lèvres pincées, il joua sur la détente de sa cuisse, avant de s'arracher aux tonnelets qu'il avait lui même lâché. Jetant ses bras aussi haut et aussi loin qu'il lui était possible de le faire, Link parvint à refermer ses mains sur l'axe d'une enseigne. Profitant de son élan, il se laissa porter vers l'avant avant de se laisser retomber, quelques mètres plus loin.

Malgré un équilibre précaire le vagabond sut atterrir sur ses deux pattes. Sans un mot, il reprit sa course. Et si la fatigue ne le tenaillait pas encore, il savait pertinemment que son duel contre la Dragmire l'avait laissé diminué, face à une Nabooru au repos depuis des semaines si pas des mois, et un poursuivant manifestement plein de ressources. Le souffle ne tarderait pas à lui manquer. « Gamin, tu les semais tous.. ! », pensa-t-il, alors qu'il sentait une goutte de sueur tracer un sillon sur le flanc de sa gueule, sous sa tempe. Brusquement, à la faveur d'un peu d'ombre et d'un embranchement, l'Enfant-des-Bois s'engouffra dans l'une des venelles qui irriguait la Grand-Place de la Citadelle. Il avait beau ne pas connaître la ville aussi bien qu'il n'avait pu le faire, il savait au moins dans quelle direction il se rendait. Puisque l'Exaltée elle même peinait à le reconnaître, il doutait encore moins de sa capacité à passer inaperçu... Pour peu qu'il arrive à prendre suffisamment d'avance, et surtout parvienne à changer de peau.

En une foulée, à peine, il gagna le premier étal qui pavait l'avenue. Pestant sans un mot, le vaurien réalisait enfin ce qui était sans doute sa plus belle erreur de cette course. L'allée, bondée de monde, il ne pouvait progresser efficacement sans risquer de blesser l'un ou l'autre des passants qu'il tentait de contourner. Retenant tant bien que mal un sifflement d'agacement, il se mit à courir, fonçant droit sur un mur de pierre brune, bordé par une lignée de piquets de bois. Son talon épousa d'abord le petit mât, avant que la plante de ses pieds n'embrassent la roche. Tendant le bras vers la façade qu'il caressait presque, il profita de la vitesse qu'il avait déjà accumulé pour perpétuer son avancée. Au yeux des badauds, il courrait sur la devanture comme si ses pieds collaient assez au mur pour qu'il puisse s'affranchir des lois de la terre et des cieux. Le premier pas l'amena plus haut qu'il ne l'eut cru. Le deuxième appuya un peu plus son équilibre. Il grinça tout de même des dents en sentant certains pans de roche commencer à s'effriter. Au terme de son cinquième pas, l'Hylien plia subitement les jambes pour mieux bondir.

A peine eut-il le temps de ramener ses bras contre ses cuisses que déjà, la toile d'un des commerces de rue le rattrapait. L'Enfant-des-Bois se laissa glisser sur le tissu de la même façon qu'il se laissait glisser sur les immenses feuilles de l'Arbre Mojo, avant de quitter la Forêt. Pariant sur l’élasticité de la toile, le Faux-Kokiri se laissa décoller une fois de plus, pour se rattraper sans mal sur l'un des toits de la Grand-Place. S'aidant de ses deux mains, le garçon reprit sa course, changeant de direction. Dès qu'il le put, il quitta les cieux et se laissa retomber. Son regard de givre cherchait la Gérudo qu'il avait perdu auparavant quand une troupe d'hommes en armes débarqua d'un angle. « Vous ne lâchez pas l'affaire, au moins ! » Souffla-t-il, d'avantage pour lui même que pour les soldats qui le traquaient. « Rends-toi, maraud ! On dit la Reine clémente avec les connards dans ton genre ! » Gueula celui qui menait la petite troupe. L'armet vissé son crâne étouffait sa voix et dissimulait son visage, mais cela n'empêcha pas l'Hylien de lui décocher un regard glacial. « Ah, vraiment ? — » S'enquit-il, les mains sur les genoux, le dos courbé et le front poissé, alors qu'il cherchait tant bien que mal l'air qui le fuyait. La horde de guerrier de fer avançait doucement. Chacun de leur pas, à mesure qu'ils ne battaient le pavé, ravivait le souvenir du carreaux d'arbalète qui avait manqué de le tuer. Il ne saurait même plus dire s'il s'agissait de la veille ou de quelques heures plus tôt. Passant son avant-bras sous son nez, il renifla sèchement. D'ici quelques secondes, ils l'auraient rejoint. Sans le moindre signe avant-coureur, il redémarra comme une flèche. Malgré la bataille menée contre Swann, il gardait assez de ressources pour semer des chevaliers ou des paladins.

Bientôt, ses poursuivants soufflaient comme des bœufs quand il prenait une avance considérable. Et le mur qui se dessinait à plusieurs dizaines de mètres devant lui ne parvenait pas à l'inquiéter : il avait toujours été doué pour l'escalade. Plus que bien des Kokiris, plus que bien des Sheikahs. Il n'avait qu'à passer le carrefour, puis la fontaine, et... —

Son menton percuta violemment le marbre humide, tandis qu'il chutait lourdement sur le petit puits qui trônait au centre de la placette. « Umphf... » Parvint-il à souffler. Sonné et la gueule couverte de sang, il tâcha de se retourner pour mieux découvrir qu'il n'avait pas d'assaillant. Dans le même mouvement sa main s'était glissée à sa ceinture, à la recherche de l'épée de Légende. Quand ses doigts se refermèrent sur du vent, il pesta. Douloureusement. Sa mâchoire le tiraillait comme rarement et il peina à se relever, sans comprendre ce qui l'avait jeté au sol. A la recherche de sa lame, il pivota tant bien que mal, réalisant doucement mais sûrement que ses pieds étaient comme pris dans une vase boueuse, traître, et possessive. « Funérailles ... ! » Lâcha-t-il, en apercevant le pommeau d'Excalibur caché sous une charrette pleine de foin. Il s'élança, avant de perdre à nouveau l'équilibre, sans tomber pour autant. « Bordel ! », siffla-t-il, conscient qu'il était vraisemblablement sous l'emprise d'un sortilège. « La peste que ces magiciens », pensa-t-il tandis que sur son visage se dessinait une moue austère et presque hargneuse. Ce qui tenait auparavant du simple amusement (et peut être de la revanche aimable pour les tirs d'arbalestrie qu'il avait essuyé) commençait à sérieusement l'agacer. Quand une voix s'éleva dans son dos pour ce qui ressemblait presque à un sermon sur la bravoure, il ne put s'empêcher un soupir blasé.

Avant qu'il ne se fende d'une réplique lapidaire – comme à son habitude –, il sût qu'il pouvait bouger de nouveau. Dans l'eau de la fontaine se reflétait la Gérudo qu'il avait aidé jusqu'à présent. Il la laissa approcher et sauta au moment ou elle passait à ses côtés. Quand Nabooru lâcha son bras, ils s'étaient élevés presque assez haut pour prétendre une fois de plus aux toitures de la Citadelle d'Hylia. La jeune femme s'écrasa contre l'ardoise alors qu'il se roulait en boule en brisant le verre d'une fenêtre. Roulant sur le sol de la chambre, il arracha maladroitement le rideau de sa tringle. « Mais enfin... ! » Hurla un homme qu'il devinait allongé dans le lit. « Mon coeur ? Qu'est-ce que c'était ? » S'enquit une femme, avant d'être coupée d'un violent  « Boucle-là, tu veux ?! ». Le blond resta une seconde interdit, sans vraiment entendre ce qu'ils disaient. Son esprit était ailleurs. Plus bas dans la rue. Il glissa trois doigts dans une petite bourse de cuir, tout en s'approchant de la fenêtre. Dans son dos, le couple se faisait de plus en plus vindicatif. Du coin de l'oeil, il vit l'homme brandir un vase et tenter de l'abattre sur sa nuque. Un pas sur le côté suffit pour éviter l'assaut, tandis que l'amphore venait s'exploser contre la crédence du mur. Le vagabond porta un coup unique, du plat de la main. Repoussant son aîné (d'au moins 15 ans) contre le bureau, il ne lui laissa pas le temps de réagir comme il ne prit pas le temps de le regarder s'affaler sur l'écritoire : déjà il prenait appui sur le rebord de l'embrasure pour l'enjamber.

Frottant la tunique de Belle contre le mur, le Fils-de-Personne ralentit légèrement sa chute. Si la hauteur avait été plus importante, cela n'aurait sans doute rien changé, mais puisqu'il n'y avait pas là de quoi se blesser véritablement en temps normal (pour qui savait chuter correctement, du moins), il profita de cet instant pour jouer l'une des cartes qu'il jouait le moins. Fermant soudainement les yeux, il écrasa rapidement les trois noix contre la façade. L'éclair de lumière fut si fort qu'il perça les deux suaires qu'il avait laissé tomber sur l'Enfer Polaire de son regard. Il n'en serait pas aveuglé, mais il était pratiquement sûr que les gardes qu'il avait vu en descendant comme le mage – qu'il soupçonnait de plus en plus d'être le Chancelier – se tiendraient les yeux un moment.

Fonçant aussitôt qu'il toucha le sol, Link fila droit vers Orpheos. Profitant de la distraction qu'il s'était négocié, il frappa. D'abord du genou, visant le foie ou la rate, avec l'espoir de plier en deux son assaillant, puis avec le coude. Si son assaut s'avérait payant, la nuque du musicien risquait de le faire souffrir pour les jours à venir.