Grimace sous le masque

[RP avec Zelda. Semi-libre ; MP pour rejoindre]

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Llanistar van Rusadir


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(vide)

Gros et gras qu'il était, Saron s'essoufflait vite à courir le long du rempart sud de la citadelle, comme une souris ayant un chat aux trousses. Le garde ne laissait ni une porte ni un camarade le ralentir, et il donnait des coups d'épaules aux unes comme aux autres, en direction de la porte principale de la cité. Sur son front, la lueur du soleil couchant faisait perler quelques gouttes de sueur, le rendant luisant et surlignant d'autant sa calvitie. Vraiment, Saron était trop vieux pour ces conneries. Lui qui se demandait encore le matin même si il n'allait pas raccrocher... C'était peut être le moment. Rendre de lui même son manteau et son gant de sous-officier avant que sa passion pour la bouteille ne le fasse renvoyer, ça sonnait mieux qu'une exclusion sans prime de vétéran et sans récompense pour tous ces années de bon et loyaux services. Il aurait dû le faire à midi, quand il avait trouvé la nourriture de la caserne dégueulasse et que l'idée l'avait à nouveau effleurée. De toute façon, passé l'âge qu'il avait - et ce quand bien même Saron ignorait son âge exact, ou l'avait oublié - on avait plus sa place dans l'armée. Place aux jeunes, surtout qu'avec la guerre, être soldat devenait bien plus risqué que ce pour quoi il avait signé !

« Alors le vioque, on a raclé le fond de bouteille ?! »

Saron cracha au visage du jeune con qui manquait bien trop de respect envers ses aînés à son goût, et continua sa course. Le pire c'était qu'il ne pouvait pas lui donner tord. Mais à trop ouvrir sa gueule, il risquait d'ameuter le lieutenant. Et ça, Saron voulait l'éviter à tout prix. De toute façon il était sur le point d'arriver. Il passa dans la dernière tour en défonçant presque une porte de ses gonds et arriva finalement à la porte sud ; Pas un rat dans le poste de garde. Le précédeceur de Saron, ce traître, avait déserté sitôt son tour de veille terminé. Il ne l'avait pas attendu, et surtout il n'avait pas remonté ce fichu pont levis ! Et dans sa course trop rapide pour les jambes du vieux soldat, le soleil avait quasiment disparu à l'horizon !
Saron se précipita alors vers le mécanisme du pont, prêt à rattraper son erreur et couvrir ainsi ses fesses du courroux de son supérieur. Il avait commencé à actionner les chaînes lorsqu'il entendit une voix appeler depuis en bas des remparts.


« Hey ! Attendez ! »

Curieux, il alla vers une des archères du poste de garde et constata qu'un voyageur arrivait vers la porte, en tâchant de remuer un cheval qui semblait éreinté. Un resquilleur de dernière minute, à ce moment précis, Saron ne pouvait craindre pire poisse ! Il continua à remonter le pont, ce qui provoqua un nouveau concert de cris.

« Arrêtez donc, vous n'êtes pas à une minute prés ! »

Oh que si, il l'était ! Pour qui il se prenait ce civil, à croire qu'il savait mieux qu'un vétéran du remontage de pont-levis quand il convenait de le remonter ?! De toute façon la règle était simple ; plus personne après le coucher du soleil. Alors pourquoi s'acharner à vouloir l'emmerder ? De toute façon, le pont était quasiment remonté, barrant le chemin au voyageur, arrivé trop tard au pied des murs.

« Pitié les gars, j'ai plusieurs jours de voyage dans les pattes ! Vous allez pas faire ça à un de vos frères d'armes ! »

Saron stoppa son geste. Il se maudissait déjà, sentait les emmerdes lui arriver dessus, entendait déjà sa femme l'engueuler d'avoir si peu de bon sens. Mais le vieux soldat relâcha sa poigne sur le mécanisme et laissa le pont retomber au dessus des douves. La camaraderie, c'était son point faible. La raison qui lui avait fait rejoindre l'armée, celle pour laquelle il était resté malgré tous les coups durs et qui l'aidait à supporter une époque morose et trop nouvelle à son goût. Il entendit les sabots d'un cheval sur le bois, et aussi celui de bottes ferrés sur le rempart. Il attendit quelques instants avant de remonter le pont et entendit, alors qu'il le faisait, une voix derrière lui,

« Au rapport, sergent Saron. Pourquoi les portes ne sont elles pas encore closes ? »

Il opposa à la voix de la sanction un silence résigné, sachant pertinemment que le lieutenant se fichait de ses arguments, qu'il n'avait que trop attendu ce moment pour le virer de ses rangs. Saron lui adressa un regard plat, de ses yeux bleu pâle. Sigwen lui souriait en coin, avec une ironie à lui flanquer des pains dans la tronche. Les deux hommes ne s'étaient jamais supportés, ils n'auraient sans doute plus à le faire longtemps. Le lieutenant fit signe au sergent de le suivre. Ils descendirent le rempart, Saron en homme défait et Sigwen en bourreau satisfait.
Mais lorsqu'ils arrivèrent devant le poste de garde des officiers, Saron remarqua que le voyageur attendait, les bras croisés sur la poitrine. Son capuchon empêchait que l'on voit son visage mais lorsque sa voix retentit, le lieutenant se figea.


« Foutez lui la paix, Sigwen. Il a sauvé votre cul ce soir. »

Saron crut bien avoir vu un ange ce soir là. Car le lieutenant se retourna, lui fit signe de retourner à son poste et resta quelques instants à échanger avec l'inconnu avant de retourner avec les autres officiers. Quand à l'homme, il disparut dans le glacis des rues de la citadelle, sans demander son reste. Plus tard, le vétéran devait s'en souvenir avec une pointe de tristesse ; l'homme semblait défait.
* * *

« Un général ne devrait pas faire ça ! »

Les mots de Sigwen résonnait encore dans l'esprit de Llanistar lorsqu'il passa devant l'autel à Nayru qui démarquait le quartier des riches marchants de celui des petits artisans. Sur le moment, il avait savouré la surprise inscrite sur le visage de l'officier, qu'il trouvait de manière généralement trop arrogant et pompeux pour son grade médiocre. Mais à la longue, ses mots le marqueraient, le nordique le sentait, car ils avaient frappé juste.

Llanistar se sentait fatigué. Pas seulement épuisé par la longue traque dont il rentrait à peine, mais également éreinté moralement, par son échec total lors de cette dernière. Pas un instant avant son départ il n'avait douté de lui même. Son don, son talent naturel allait le faire réussir là où les autres lui avaient failli. Ces certitudes étaient si solides qu'il s'imaginait alors à peine s'absenter quelques jours. Une douzaines de jours après son départ, perdu en pleine nature, sa dernière piste envolée, le limier avait dû se résigner et rentrer la queue entre les jambes, et la truffe basse, de honte et de dépit. Et comme pour se faire l'échos de sa situation, le ciel s'était déchaîné contre lui et Borvos, son cheval. Une bonne monture, qui l'avait bien porté les premiers temps mais s'était rapidement révélé moins fougueux que Anthem. Mais Llanistar était parti déguisé, incognito ; il avait dû laisser sa monture de général à l'écurie.

Il fut rapidement conscient que malgré la distance entre les hautes tours du château et la fange de la populace, son escapade n'était pas passée inaperçue. En croisant une patrouille, il avait entendu son nom prononcé avec mépris, comme celui d'un lâche. Perplexe, le nordique avait finalement entendu un enfant lui énoncer la vérité telle que se la figuraient les gens ;
« Papa, c'est vrai que le général il nous a abandonné ? ». L'air désolé du père, seule réponse à son fils, lui avait coupé le souffle. Llanistar n'avait pas prévu cela. Ni ce que la rumeur déclencherait.
Au fil de son trajet, il entendit assez souvent son nom, toujours associé à un crachat ou un soupire. Plusieurs fois, il eut une furieuse envie de déchirer son manteau, de montrer son visage et de tout dire à ceux qu'il croisait. Leur expliquer, les rassurer, leur dire que dés le lendemain, il serait à nouveau tout entier dédié à eux. Il n'y parvint pas.

D'ordinaire, Llanistar savait ce qu'il aurait fait. Il se serait rendu dans la pire taverne, le plus profond trou de basse-fosse et y aurait picolé tout ce qui lui tombait sous la main. Mais pas ce soir. Pas dans cet état. Il savait bien que l'alcool ne l'aiderait en rien sinon à sombrer dans sa mélancolie. Or, malgré tout ce qui allait mal, le nordique avait surtout envie de s'accorder un peu de répit. Un peu de calme, avant de replonger dans la tempête. Il ferait mentir les rumeurs dés que le soleil serait levé à nouveau. Cette nuit là était la sienne. A lui seul.
Une nuit dédiée au silence, sans vacarme, sans fracas.

Il amena Borvos jusqu'à une fontaine pour lui permettre de s'abreuver tandis qu'il écoutait un filet de musique qui s'échappait de la fenêtre d'une auberge. Abaissant son capuchon, il se laissa ainsi bercer un instant. Et finalement, Llanistar sentit une présence s'approcher, derrière lui. Il ferma aussitôt son esprit. Il s'était promis le silence, il y avait bien le droit. Encore fallait il que son esprit le veuille bien. La présence s'avança encore.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Ses yeux bleus s'égarèrent un instant sur la surface bouillonnante de la soupe, mais très vite une voix la rappela à la réalité.

"T'endors pas hein ? On a encore beaucoup de monde à servir."

Elle releva rapidement la tête, hochant la tête d'un air entendu.

"T'as l'air ailleurs. Plus que d'habitude. Il s'est passé quelque chose chez toi ?"

"C'est où d'ailleurs chez toi ?
- C'est vrai ça, on ne sait presque rien sur toi !
- Peut-être que notre Tetra nous cache une autre vie !"

La jeune femme esquissa un sourire timide à ses amies. La majorité d'entre elles étaient des religieuses, elles avaient dédié leurs vies aux Déesses et vivaient au Temple non loin. Quelques-unes n'étaient pas allées jusque là mais souhaitaient tout de même offrir leur soutien. Il y avait toujours beaucoup de monde à la soupe populaire et des bras en plus n'étaient jamais de refus. C'était d'ailleurs ainsi qu'ils avaient accueilli Tetra sans trop poser de questions.

"Bien sûr, je passe mes nuits à patrouiller en ville pour faire régner l'ordre."

Son ton se voulait taquin mais pas moqueur.
Elle versa la soupe dans un bol qu'elle fit passer à ses collègues pour la distribution, tout en suivant du regard sa progression. Comme souvent son cœur se serra en voyant le visage émacié de l'homme qui réceptionna le maigre repas, tout comme la file encore nombreuse derrière lui.


"Ça expliquerait ces cernes en tout cas !
- Tu nous as dit que tu étais l'apprentie de la Prêtresse de Nayru, mais on ne te voit jamais au Temple !
- Elle non plus il faut dire..."

"C'est parce que j'ai une autre mission. Tenez."

À nouveau elle fit passer un bol de soupe qui trouva rapidement preneur.

"Tu peux bien te reposer parfois.
- Tu devrais venir avec nous sur le marché après !
- C'est vrai ça, il parait qu'une nouvelle troupe de ménestrels est arrivée en ville, j'aimerais bien les voir !"

Un instant les yeux de la jeune femme semblèrent briller, laissant penser à ses amies qu'elle allait accepter leur proposition. Pourtant elle finit par secouer la tête, agitant ses longs cheveux blonds.

"J'ai beaucoup à faire ce soir. Une prochaine fois peut-être ?"



La princesse rajusta sa cape et ramena la capuche sur sa tête. Elle avait abandonné ses robes richement brodées portées au château pour une version beaucoup plus simple et discrète. Elle s'était inspirée de ce qu'elle avait vu les autres femmes porter, et opté pour une robe de bure brune corsetée, surmontée d'une chemise en lin blanc. Un tablier accroché à ses hanches et des manches retroussées achevaient de lui donner un air plus manuel que ses tenues habituelles. Les sabots qui dépassaient du bas de sa jupe changeaient aussi radicalement des chaussures pourtant variées dont elle avait l'habitude.
Jusque là, sans atours royaux ni aucun fard personne ne l'avait reconnue, mais elle ne voulait pas prendre de risque pour rentrer au château.


Elle n'avait pas menti en parlant de travail, mais elle s'autorisa tout de même à flâner et parcourir à son rythme les ruelles. Elle en avait besoin pour remettre de l'ordre dans ses pensées. Le bruit reposant d'une fontaine guida ses pas. Elle s'arrêta un instant pour l'écouter, mais c'est son regard qui fut surtout frappé par une silhouette familière.

Doucement elle se remit en mouvement pour rejoindre l'homme qui semblait de bien triste humeur. Elle s'assit sur le bord de la fontaine avant de faire entendre sa voix.

"Je suis contente de vous voir ici."

Zelda dévoila son visage en tirant la capuche qui le couvrait. Elle était certes plus difficile à reconnaître sans couronne, sans bijoux, sans maquillage et dans une robe simple, surtout que peu s'attendaient à la croiser seule en ville, mais ses traits restaient les mêmes.

"Bien que je n'aie pas douté de votre retour pour ma part."

Elle ignorait la raison exacte pour laquelle le général était abattu mais il aurait fallu être sourd pour ne pas entendre les reproches formulés à son égard suite à son départ un peu précipité.

Elle garda le silence un instant en écoutant le doux murmure de la fontaine. C'était un moment qu'elle attendait et redoutait à la fois. Elle se savait responsable de ce qui avait amené le général à partir en toute hâte.

"J'espérais juste que vous seriez vite de retour parce que... J'ai tellement à dire que je ne sais pas par où commencer..."


Llanistar van Rusadir


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Llanistar l'avait reconnue avant même qu'elle ouvre la bouche pour le saluer, à sa manière. De ce qu'il en savait, Zelda ne parvenait à échapper à ses sens que lorsqu'elle devenait Sheik et que toute trace de son pouvoir disparaissait. Autrement, la plupart du temps du moins, le général pouvait sentir sa présence, diffuse, toute en majesté, d'un bout du château royal à son opposé. Pourtant, ce soir là, il n'avait ressenti cette présence si particulière, comme la lumière du soleil sur des paupières fermées, qu'au dernier instant. Pas plus qu'il ne l'avait remarqué avant qu'elle ne s'avance sur cette place, d'ailleurs. Cela ne pouvait signifier qu'une chose ; Aux yeux des quelques passants qui déambulaient encore dans ces rues endormies, la femme qui se tenait dans son dos n'était pas la princesse Zelda. Le général compris mieux que ses mots fussent aussi évasifs.

Se retournant, il croisa son regard l'espace d'un instant, avant de baisser légèrement la tête en guise de salut, le genre qui signifiait son respect sans trop attirer l'attention. Il considéra la tenue de sa suzeraine, toute en modestie et en banalité ; certainement le meilleur choix pour se fondre dans les gens du commun, mais lui ne pouvait s'empêcher de trouver cela... incohérent avec l'image qu'il se faisait d'elle. De la même manière qu'il considérait l'allure de Sheik comme le comble de la bizarrerie hylienne, Llanistar s'amusait presque de rencontrer Zelda habillée comme une commune jeune fille à marier du peuple. A plus forte raison qu'il ne devait pas resplendir non plus, tout sanglé dans une tenue d'éclaireur de l'armée ; du genre à mieux convenir aux torrents de boue qu'aux tapis de velours. Ah, ils étaient beaux, la Couronne et son Bouclier ! Il aurait pu en rire, mais il se sentait trop fatigué pour cela. Au contraire, il ne souhaitait ni parler, ni échanger avec elle, ni avec personne d'autre. Il avait besoin de rester seul avec lui même un petit moment, juste une nuit, et le destin semblait vouloir lui refuser jusqu'à cela.

Il sentait son humour tourner maussade lorsqu'elle évoqua son retour, et le rassura sur sa foi en sa loyauté. La geste était bon, mais trop précautionneux pour que Llanistar y voit autre chose qu'un baume passé sur une blessure de l'âme encore à vif. Les mots du garçon lui revinrent aussitôt à l'esprit et il ne put répondre qu'avec une ébauche de sourire, murmurant dans un souffle court un morceau de réponse,
«... Mon devoir. »

Ce mot sembla résonner sur chaque pavé de cette fichue place. Comme si il avait renversé un seau d'eau sur le sol, le général considérait chaque goutte du son se répandre sur la pierre, se glisser dans chaque interstice, rebondir sur chaque obstacle, pour mieux s'évaporer dans l'immensité du ciel étoilé. Sans y réfléchir, il avait entrouvert son esprit, et en jouait comme un gamin se plonge dans un jeu imaginaire familier. Mais déjà le pouvoir de Zelda l'éblouissait, cette fois bien moins violemment. L'aura d'ordinaire aussi ardente que le Soleil s'avérait plus douce, en accord avec cette robe et cette humilité qui tranchait avec celles que la Reine arborait d'ordinaire.
Alors, sans y réfléchir il établit une connexion avec elle. Juste un contact, l'équivalent d'une caresse tout juste frôlée, mais ce fut suffisant pour le pousser à se retrancher derrière ses barrières mentales. Un rien avait suffit, non pas pour qu'il saisisse ce que ressentait Zelda, mais pour capter une similitude, une symétrie ; une affinité. C'était son mot pour décrire deux états d'esprits comparables. Le devoir. Il les écrasait, elle comme lui.
A cette pensée, il n'eut plus vraiment envie de la fuir, elle et ses mots. Au contraire, quelque chose crevait en lui, et il aurait sans doute eu un mouvement de sympathie, si il ne s'était agit d'elle et de lui, d'une princesse et de son général. Quand bien même ils avaient échangés des secrets, jamais Llanistar n'aurait eu l'outrecuidance de se voir comme autre chose qu'un serviteur de sa reine. Il regrettait encore régulièrement sa nonchalance, lorsqu'au soir de la bataille de la vallée gérudo, il lui avait servi de l'alcool comme un frère d'arme le ferait à un autre. Inconvenant, et très embarrassant, même des mois après. Il se contenta de l'inviter à s'asseoir à ses côtés, après qu'elle lui ait dit avoir beaucoup à lui confier. Lui même sentait dix sujets de conversation se mêler derrière ses lèvres et il lui fallut rassembler sa contenance quelque peu émoussée par son séjour sauvage pour se contenter d'un laconique,


« Je suis content de vous savoir saine et sauve. » Cela allait de soi mais après tout, il était parti sur un coup de tête et n'avait cessé depuis lors de regarder en arrière, tirailler entre son devoir de protection de Zelda et son voeu personnel de pourchasser celle qui avait failli l'assassiner. « Je n'aurai pas dû quitter la ville sans vous prévenir mais... » Ses mots restaient comme collés entre ses dents, chacun lui évoquant un goût plus répugnant les uns que les autres. Difficile d'évoquer un sentiment reposant sur aussi peu d'éléments concrets et certains que le soupçon qui lui était venu, le soir de l'évasion de Swann Dragmire. Conscient que ses mots pourraient provoquer des dégâts trop grands comme un bien trop maigre, il garda le silence. « Enfin... c'était compliqué. Je ne voulais pas que ma décision repose sur vos épaules ». Quand bien même ça n'était pas toute la vérité, c'en était pas faux pour autant. Llanistar avait bel et bien fait de sa quête un acte personnel et comptait bien ne pas mettre en danger quelqu'un d'autre, raison pour laquelle il avait également laissé Orpheos derrière lui.

Sans doute à cause de l'aboiement d'un chien dans une ruelle alentours, sa monture s'agita soudainement. Etant hors de portée des rennes, Llanistar projeta son esprit pour le calmer d'une caresse mentale. Simple réflexe, pour éviter de se faire remarquer. Une banalité, après avoir passé plusieurs jours avec cette bête dans la nature. Mais là bas, il n'y avait personne pour le voir. Personne pour sentir ce qu'il venait de faire. Le général se figea, et n'osa pas regarder sa reine tandis qu'il déclarait, d'une voix lasse, « Je suppose que nous avons en effet bien des choses à nous dire. » On pouvait y deviner son embarras, mais aussi une pointe de ce soupçon qui s'obstinait à tirailler son esprit.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Zelda laissait les silences s'installer entre eux à chaque pause que faisait le général. Peu bavarde, elle réfléchissait à la meilleure façon d'aborder ce qui serait inévitablement un choc.

"Je vais commencer."

Il lui semblait urgent de partager avec lui ce qui s'était passé. Non seulement après les jours épuisants qu'il venait de passer à courir après les fugitifs, mais aussi parce que le poids était lourd à porter. Les soutiens avec qui elle se sentait la possibilité de le partager sans risque se comptaient sans doute sur les doigts de la main.

"Ce qui va suivre... j'espère que vous le prendrez comme une marque de confiance."

La main de la princesse vint se poser sur l'épaule du Général. Dans les secondes qui suivirent ce contact, la Place du marché autour d'eux sembla se dissiper dans la brume.
Les cris animés de la ville se firent de plus en plus lointains jusqu'à finir étouffés. Ils avaient été remplacés par le calme de la bibliothèque royale.
Face à eux, Zelda se trouvait face à son propre reflet, plongée dans ses lectures.
Le silence fut bientôt interrompu par le bruit d'une porte qui s'ouvrait, laissant deux individus faire irruption.


Le souvenir de cette nuit-là, elle avait choisi de le montrer tout entier et aussi authentique qu'elle le pouvait à son général. C'était, lui semblait-il, la meilleure façon de lui confier son secret sans oublier le moindre détail. Et lui faire revivre le même cheminement qu'elle. Sans un bruit, elle se concentrait pour rendre la scène aussi fidèlement que possible sans en perdre le fil.

Elle se vit donc à nouveau faire face aux deux fugitifs. Discuter avec eux, chercher à en apprendre plus, pour finir par accepter le marché qui lui était proposé et leur offrir une porte de sortie non sans garantie de pouvoir garder l’œil sur eux.

Peu à peu le souvenir s'estompa et ils reprirent leur place sur le bord de la fontaine qu'ils n'avaient jamais véritablement quittée.

Si sa magie n'avait pas totalement cessé, elle servait à présent à protéger leur conversation. Assourdissant le bruit pour les oreilles indiscrètes qui auraient pu traîner.

"Comment ils sont arrivés jusqu'à moi ? Je n'en sais pas plus que vous. Je crois que nous sommes tout deux curieux d'élucider ce mystère. Mais ce que je sais, c'est que j'aurais pu mettre un terme à leur escapade."

La jeune femme laissa retomber le silence pour laisser au Général le temps de digérer la nouvelle. Il venait de passer plusieurs jours à leur poursuite. Il avait peut être même vécu leur fuite comme un échec. Elle savait que ce serait difficile à entendre.

"Je ne l'ai pas fait. Mais je sais où ils sont."

Elle avait fait un choix. Un choix difficile et risqué, mais qui pouvait rapporter beaucoup.

"J'ignore ce que vous savez exactement de la Triforce, mais les informations que je cherche pourraient s'avérer décisives pour faire pencher la balance de notre côté. Et les obtenir de cette façon épargnerait sans doute un bon nombre de pertes pour nos armées. Si vous avez des questions à ce sujet, j'y répondrai."

Elle se souvenait, dans un futur qui n'était plus le leur, n'avoir eu d'autre choix que sceller Ganondorf avec l'aide des sages. Serait-il de retour aujourd'hui si elle avait été en mesure de récupérer le fragment de Triforce qui était en sa possession à l'époque ? Et à présent qu'il en possédait deux... Est-ce que connaître le moyen de les récupérer ne pourrait pas éviter des combats sanglants et qui ne feraient que repousser l'échéance ? Et si elle pouvait rassembler les trois fragments... N'était-ce pas une assurance pour apporter la paix à Hyrule ?

"Vous venez de passer des jours rudes. J'aurais souhaité pouvoir vous en parler plus tôt. Vous avez le droit de me détester. Ou d'être en désaccord avec tout ceci. Même s'il est un peu tard pour faire marche arrière, j'espère de vous un avis sincère."

Elle avait besoin de conseils, pas de courbettes.
Ses yeux cessèrent de fuir le Général pour venir accrocher son regard.


"Je vous prie seulement d'une chose. Quoi que vous pensiez de moi, pour le bien du Royaume, parce que vous tenez autant que moi à ses gens, gardez tout ceci secret."


Llanistar van Rusadir


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Le contact de la main de la princesse sur l'épaule de Llanistar agit à la fois comme la pire des blessures et le plus efficace des onguents, sur le soldat fatigué et las qui dérivait jusque là à la frontière de son épuisement et de ses angoisses. Drôle de chose qu'une trahison apaisante, surtout pour le dernier des Rusadirs ! Lui qui avait reçu plus que son lot de couteaux dans le dos, de ses proches comme d'un roi du monde, il se retrouvait par le pouvoir de sa souveraine confronté à la clé du mystère qui le tourmentait depuis des semaines ; Comment avait il pu échouer à garder prisonniers des ennemis du royaume ?

La réponse lui fit mal autant qu'elle dégonfla au creux de ses tripes une angoisse nouée depuis cette fameuse nuit, et que des jours entiers de traque infructueuse n'avaient pu apaiser. Llanistar eut envie de se lever, de s'en aller, furieux, de ne jamais revenir avant d'avoir réparé ce qu'il persistait à voir comme une erreur... Et en même temps, il sentait un désir profond de se retourner, de se jeter dans les bras de Zelda, de lâcher enfin des larmes où il laisserait sa lassitude et ses tourments couler hors de lui. Tiraillé entre les deux, il ne fit rien. Il écouta. Autour d'eux, le temps semblait ralentir à l'oeil nu, la fontaine était rendue silencieuse, l'air se trouvait comme alourdi... Le général ignorait si la tête du royaume usait de son pouvoir pour le calmer, mais il ne pouvait s'empêcher de l'être et ne s'en plaignait pas.

Entendre sa reine lui donner la clé du mystère, la sentir en maîtrise de la situation... Cela l'aida à encaisser le coup. Bien sûr, Llanistar lui en voulait toujours, surtout de ne pas lui en avoir parlé, de ne pas l'avoir consulté ou même informé à posteriori ! Mais lorsqu'elle s'en excusa, il lui trouva de lui même une bonne raison. Il se souvenait assez clairement de son départ du château ; A peine quelques heures après l'évasion, seul et dans l'anonymat, empreint d'une fureur comme il en avait rarement connu. Zelda n'aurait sans doute pas pu imaginer une telle réaction. Alors, il garda le silence, accepta ses excuses d'un signe de tête, et écouta.
Jusqu'à ce qu'elle lui demande son conseil.

Llanistar releva la tête, pour la première fois depuis un long moment. Il croisa le regard de sa reine et, fait surprenant, n'y lut aucune ironie. Il poussa lentement, très lentement, la porte de son esprit, offrant un passage à la lumière intense qui irradiait d'elle et il ne vit que sa sincérité, et sa bienveillance. Il crut, pendant un instant, qu'il allait s'autoriser un geste indécent pour son rang, mais un écho de souvenir fit passer l'ombre du visage d'un tyran sur celui de Zelda, et il se ravisa. Sa gorge se serra, en se remémorant ce que vaut une parole vraie pour un roi. Le général eut alors envie de se réfugier derrière le meilleur bouclier qui soit ; un beau mensonge, séduisant et plaisant à l'oreille. Mais non. Il était trop las, trop épuisé. Orpheos lui manquait, tout comme d'autres qui lui auraient craché à la figure par haine de la duplicité et des mots faux. Le premier avait beau être loin, et les autres encore plus, certains même là dont on revient pas, leur souvenir agissait comme un regard empli de jugement. Llanistar ravala alors sa lâcheté et déclara à Zelda Nohansen Hyrule,


« Je ne peux pas approuver votre geste, ma reine. J'ignore ce que Swann Dragmire vous a promis mais j'ai connu des vipères de son espèce par le passé... Le pire de leurs poisons passe par leur langue. Elle a obtenu sa liberté, et vous n'avez obtenu d'elle qu'une promesse qu'elle n'aura aucun mal à rompre. » La charge était rude, le ton à la limite de l'insolence, et sans doute y avait il dans sa voix trop de cette émotion qu'il cherchait à taire. Après avoir lâché de tels mots, il se leva, comme si il n'osait soudainement plus soutenir le regard de sa souveraine. Cependant, ce qui suivit ne fut pas plus violent. Ce fut, en revanche, bien dur à admettre, et à dire. « Mais mon avis, vous devriez le jeter au caniveau. »

Contre toute son éducation, contre toute son expérience, et tout son caractère, Llanistar était en train d'admettre qu'il avait eu tord. Et, avec du recul, la perte de sa main avait sans doute été moins douloureux.

« Quand je vous ai rencontré la première fois, j'ai promis d'être le bouclier de votre royaume... le votre. Vous vous souvenez ? C'est encore ce que j'essaye d'être aujourd'hui. Et quel bilan ! » Ricanant, les bras ouverts comme pour désigner la place endormie autour de lui, et au delà, Hyrule tout entier. « Quels résultats épatants ! Époustouflant, le général ! Brillantes, ses stratégies ! Légendaires, sa ruse et son astuce ! Et alors cette chasse à l'homme en solitaire, quelle idée visionnaire ! »

Il avait fini le souffle court, incapable de hurler à plein poumons, ainsi qu'il en aurait eu besoin. Comme si, d'un coup, les reproches que lui faisaient la plupart des sujets de Zelda lui semblaient si méritées qu'il se devait de se les infliger lui même. Pourtant, cette tirade ne provoqua plus en lui l'abattement des autres fois. C'était une chose de se lamenter devant un verre bien rempli, mais ce soir là, il se trouvait en toute autre compagnie. Cette fois, Llanistar allait affirmer sa volonté d'en tirer une force. Il se retourna et fit face à sa reine. Sa voix était fatiguée, éraillée, lasse, mais derrière cette façade, le général avait retrouvé une étincelle dans le regard.

« Majesté, j'ignore tout de cette Triforce. La magie m'est largement inconnue. Je ne sais rien des forces qui semblent décider du destin de nous tous dans cette guerre, et c'est trois fois mon tord. J'ai méprisé tout cela, parce que j'étais sûr de mon savoir et de mon expérience. Mais Hyrule n'est pas le reste du monde. Ce qui se passe ici... ne concerne pas que votre trône. Le tyran nous menace tous, qu'importe nos frontières. » Un instant, son esprit dériva vers son monde. Ses amis, restés là bas. Son pays. La simple idée de les voir brûler à cause de Ganondorf lui fit serrer les poings de colère. Lorsqu'il poursuivit, sa voix avait retrouvé de sa force. « Ma reine, j'ai longtemps regardé de haut votre intérêt pour ces pouvoirs mystérieux... C'est terminé. Je suis votre bouclier, votre serviteur. Je vous sers, avant de servir mon orgueil et mes certitudes. Et si vous y attachez autant d'importance, si vous pensez que cela vaut que Swann Dragmire retrouve sa liberté... Alors je vous suis, jusqu'au royaume des morts s'il le faut. Je passerais mes nuits à retrouver ce que notre ennemi a volé, et je n'aurai de cesse que Link en redevienne le porteur ! Vous comptez sur m... »

Alors qu'il s'approchait, la fatigue le fit trébucher et il tomba sur un genoux devant elle. Au dernier moment, il se raccrocha à une de ses mains. De l'extérieur, il eut sans doute l'air d'un piètre chevalier, fort peu semblable à ceux des contes. Mais ce que vécut Llanistar à cet instant avait tout d'un récit de légende.
Dans sa chute, il avait ouvert son esprit, sans même s'en rendre compte. Et à ce simple contact, il plongea dans un océan de lumière. Alors que, d'ordinaire, le pouvoir de Zelda l'aveuglait comme le soleil au zénith, le général ne ressentit qu'une lueur douce, apaisante. Fasciné, il eut des flashs, des bribes de vieilles émotions, des fragments de souvenirs... Rien de concret ni de très lisible. Mais au coeur de tout cela, comme le fil rouge d'une histoire, il saisit des sentiments forts ; le devoir, la bienveillance, l'amour, l'espoir. Tout cela résonna alors si fort en lui qu'il se décrocha, ne pouvant en supporter plus.


Lorsqu'il revint au monde réel, pas plus d'un instant avait passé. Llanistar avait lâché la main de Zelda. Il sembla comme ailleurs jusqu'à ce que sa monture ne hennisse soudain, inquiète de le voir immobile. Il finit par sourire, presque tristement, non sans douceur. Comme un enfant, soulagé de voir un secret révélé, quitte à se faire punir en conséquence.

« Vous l'avez senti, n'est-ce pas ? Je vous ai perçu répondre. La plupart des gens en sont incapables. Je peux capter leurs émotions, lire en eux pour certains, les comprendre quand ils ont des esprits simples. C'est un don, et une malédiction. » Il désigna son crâne du doigt. « Le don est là dedans, depuis ma naissance. Avec le temps, il grossit. Un jour il... » Llanistar se tut brusquement, l'oeil trouble. Certaines choses ne méritaient pas que l'on mette des mots dessus. Des mots trop douloureux. « Je vous l'ai caché, comme à tous. Les gens deviennent... méfiants, quand ils savent. Et la méfiance les pousse parfois à des extrémités. Forcément, ça ne me pousse pas à accorder ma confiance aisément. »

Lentement, comme si il ployait sous le coup d'un fardeau, Llanistar se releva et déclara, avec un brin de malice, à sa reine. A l'enfant chargée du poids du devoir qu'elle avait été et à la souveraine qu'elle était.

« Mais je pense que, sur ce point, nous sommes deux. »


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Il n'était pas difficile de deviner que son annonce avait remué le général. C'était naturel et elle s'y était attendue. La sentence fut elle aussi difficile à entendre. Si elle était reconnaissante envers Llanistar de respecter sa demande de franchise, les doutes de ce dernier réveillaient également ceux qui la torturaient.

Une part d'elle voulait se convaincre que si les événements ne tournaient pas comme elle l'avait prévu elle pourrait réparer ses torts : mais au delà des pouvoirs qu'elle pourrait déployer se posait la question de sa liberté d'action. Et les risques, toujours ces risques qui l'entravaient. Serait-elle prête à les braver pour intervenir personnellement ?

L'homme revint pourtant sur ses paroles, et c'est un regard surpris qu'elle leva vers lui. Elle n'était donc pas seule à se sentir impuissante ou perdue. Lui aussi avait sans doute à prendre des décisions qui engageaient l'avenir des autres. La princesse se retint d'interrompre le soldat, persuadée qu'il avait besoin d'exorciser ce qui le rongeait, tout comme elle s'était confiée.

Ses yeux se perdirent un instant au dos de sa main alors qu'il évoquait le pouvoir divin. La marque restait invisible lorsqu'elle n'utilisait pas son pouvoir mais elle connaissait son emplacement par cœur. Elle-même en savait encore trop peu à son goût à propos de ces forces. Seules de vieilles légendes déformées par le temps avaient traversé les générations jusqu'à elle. C'était aussi une guerre de savoir qui se jouait, et elle ne ferait plus l'erreur d'offrir à n'importe qui un accès à la bibliothèque royale avant d'en avoir elle-même découvert tous les secrets.

En attendant, les paroles de son général la touchaient. Son soutien comptait énormément, ce n'était pas un hasard si elle avait choisi de le mettre dans la confidence. Ce n'était pas dû à son grade mais à la confiance qu'il lui inspirait. Aux déclarations enflammées de l'homme d'armes, les yeux de la princesse brillaient d'une lueur de gratitude. Quoi que leur réserve le futur, elle se sentait moins seule que quelques instants plus tôt.

Perdue dans ses propres pensées elle ne vit qu'au dernier moment que le général trébuchait et elle eut juste le temps de tendre la main par réflexe. Mais ce n'est pas uniquement du bout de ses doigts qu'elle eut le sentiment de le rattraper.

La sensation aurait été difficile à expliquer. Si vous avez déjà essayé de décrire une odeur ou une couleur, alors vous savez peut-être qu'il y a de ces choses évidentes pour lesquelles on n'a pas jugé bon de créer des mots, des choses qu'on définit au travers du vécu.
C'était une de ces expériences. Elle sentait qu'il était là. Pas juste là, devant elle, mais "là". Et parce qu'il était de ceux à qui elle avait accordé sa confiance, elle lui ouvrit machinalement les portes au lieu d'essayer de se dérober. L'intrusion se changea en invitation et pourtant elle dura à peine le temps d'un battement de cils.
La princesse aurait presque pu croire qu'elle avait rêvé cette sensation, mais une fois ses esprits revenus le général lui fournit une explication qui laissait peu de doutes.


"C'est pourtant beau de pouvoir communiquer sans paroles."

Qui n'avait jamais eu du mal à exprimer ses émotions ou souffert d'une situation causée par un malentendu ? Quelle peine parfois de ne pas arriver à formuler une pensée, partager une expérience.

"Mais je comprends. Malheureusement. Et j'imagine assez bien quel tourment aurait été le mien si le vieux magicien de notre Cour n'avait pas été là pour me guider et répondre à mes questions quand mes pouvoirs se sont éveillés. Si je peux vous être d'une quelconque aide, faites-le moi savoir."

Son père n'avait jamais partagé son don pour la magie. Et sa mère n'aurait à sa grande tristesse jamais pu répondre à ses interrogations, qu'elles concernent ou non la magie. Elle avait eu de la chance de recevoir malgré ça un apprentissage adapté.

Cette formation l'avait toujours passionnée et encore à présent elle découvrait de nouvelles énigmes auxquelles son professeur n'avait pas toujours de réponses. La magie sous toutes ses formes l'intriguait. Cette faculté dont elle venait d'être témoin aussi. Était-ce quelque chose qu'elle était capable de reproduire elle aussi ? Elle n'avait jamais tenté de lire un esprit plus que dans un simple but de conversation. Et alors qu'elle se rendait compte qu'elle en savait bien peu sur le passé de celui qui s'était mis à son service, ces questions lui donnaient le vertige. Quel pouvoir d'être en mesure de lire à travers les gens, leurs intentions, leurs savoirs et leurs histoires...

Elle ne put retenir un sourire amer. Si l'homme partageait un tant soi peu sa curiosité, la solitude ne devait pas être le seul fardeau. Il fallait une volonté de fer pour ne pas abuser d'une telle capacité. Après tout c'était lui qui avait séparé leurs mains.


"Je me rends compte que j'ignore quasiment tout de ce que vous avez traversé avant d'arriver ici. Je ne doute pas de vous, vous m'avez montré votre loyauté de bien d'autres façons. Je vous le demande en tant qu'amie : partagerez-vous un jour tout cela avec moi ?"


Llanistar van Rusadir


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Llanistar fut frappé par les mots de sa souveraine, à l'évocation de sa magie. Elle avait dit que ses pouvoirs s'étaient « éveillés ». Dans la crypte de son âme, le mot résonna longuement. Jusque là, il n'avait rencontré que des mages et des sorciers qui avaient choisi leur condition. D'où il venait, les premiers étaient recherchés afin d'être dressés comme chiens de guerre, tandis que les seconds l'étaient pour finir à la potence. Mais toujours, qu'il s'agisse de molosses en laisse comme de loups encordés, le général avait toujours vu la même chose chez ces hommes et ces femmes : La vanité terrible et sans limite d'esprits certains de leur supériorité, se prenant pour des dieux, en profitant pour oublier tout sentiment humain. Ils le jaugeaient toujours avec mépris, qu'ils fussent en armure rutilante ou en haillons. Pourtant, au contraire de dieux, ces orgueilleux pouvaient saigner, et pour l'essentiel, leur dernier soupire avait la même puanteur d'effroi que tous les autres.
Jamais Llanistar ne s'était considéré comme eux. Eux avaient choisi. Leur puissance et leur tourments leur appartenaient. Lui n'avait pu que subir depuis que son don s'était... éveillé. Subir, sans trouver de vrai main tendue pour l'aider.

Il n'eut pas la force de répondre à la proposition de Zelda mais son visage en disait assez. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait apaisé en la compagnie d'une autre personne que lui même. Comme si enfin quelqu'un pouvait le comprendre. A force de lire dans le coeur des gens sans que l'inverse ne soit vrai, un gouffre avait fini par se creuser entre lui et les autres ; une distance que rien ne parvenait vraiment à réduire ; un vide qui empêchait toute confiance de s'enraciner. Même lorsqu'il se trouvait seul, avec Orpheos, il n'arrivait pas à chasser cette angoisse malsaine, ce démon au creux de ses reins, qui remuait en lui susurrant que jamais son amant ne l'accepterait si il savait vraiment qui il était, si il connaissait son passé, si il voyait la face sombre du rutilant bouclier d'Hyrule. Par sa présence, par ses mots, la princesse bannissait ce démon au loin. Llanistar esquissa un sourire empreint par sa mélancolie en repensant à ses mots ; Elle avait vu de la beauté dans ce qu'il était, dans son don. Pas un pouvoir, pas un moyen d'arriver à ses fins. De la beauté. Le général sentit son regard s'embuer tandis qu'un souvenir remontait des profondeurs de sa mémoire. Et puis, tandis que Zelda lui demandait si il pourrait un jour se confier à elle, il déclara tout de go, trop vite pour peser ses mots,


« Il s'appelait Alvios. »

Llanistar écarquilla les yeux et posa une main sur ses lèvres, comme choqué par sa propre impudence. Il avait presque coupé la parole de sa suzeraine, manqué à tous ses devoirs de devoirs et surtout il venait de dévoiler un mot interdit, un secret inavouable, un nom qu'il avait enterré des années plus tôt. Avec ce nom, c'était un voile de pudeur et de deuil qu'il avait arraché à son palpitant à présent écorché à vif. Mais surement était-ce ce même coeur qui venait de parler. Et donc, cessant d'écouter sa prudence en panique, s'abandonnant à cet apaisement que Zelda lui procurait, il poursuivit, à la fois embarrassé et solennel, tremblant et grave,

« Mon histoire est trop longue à vous raconter en une nuit, princesse. A la manière des arbres ancestraux, mes racines se perdent dans l'Histoire et par vanité, je me suis cru obligé de m'élever aussi haut que mes ancêtres les plus illustres. » Il revoyait encore les visages sévères des masques de ses aïeux exposés sur les murs de la demeure familiale. Enfant, ils le terrifiaient autant qu'ils l'inspiraient. Si seulement ils avaient pu le prévenir. « Gravir cette montagne ne m'a apporté que peine et douleur. J'ai sacrifié beaucoup à cette quête insensée, et j'y ai tout perdu... Mais rien ne me manque autant que l'homme à qui appartenait ce nom. Alvios. » Il prit la main de Zelda dans la sienne, et ouvrit légèrement son esprit au sien, lui offrant le souvenir le plus net et clair qu'il gardait de cette époque. Autour de lui, la place s'estompait. « Il combattait dans une arène, dans des spectacles destinés à l'amusement du peuple. Mais là où les autres prenaient plaisir dans le sang et la gloire, il vivait et donnait tout pour inspirer les gens. Il plaçait l'honneur et la poésie du combat au dessus de tout. »

A travers ses yeux, Zelda pouvait voir, au centre d'un immense monument empli d'une foule sans commune mesure avec Hyrule, un colosse à la chevelure blonde, vêtu d'un simple pantalon, ses longs cheveux tressés tombant bas dans son dos, ses muscles saillants sous un soleil de plomb, dansant au milieu de cette fournaise, virevoltant d'un pied sur l'autre autour d'un adversaire balourd, jusqu'à l'envoyer finalement au tapis. Et dans un dernier geste bravache, jeter son sabre au loin et aider son adversaire à se relever tout en adressant un salut tout en grâce à la foule... Et à un homme aux cheveux noirs, et en tenue de général, dans la tribune du roi. Soudain gêné par l'idée de se revoir tel qu'il avait été, Llanistar revint au monde réel aussitôt.

« Excusez moi. Je n'aurai pas dû. Je... »

Mais devant l'absence de colère de Zelda, il se reprit et poursuivit.

« C'est lui qui m'a ouvert les yeux. Avec lui que j'ai cessé de me haïr, de mépriser ce que j'étais... Même si je ne l'ai jamais complètement accepté. Mais quand j'étais dans ses bras... Mes doutes perdaient toute importance. » Il eut un sourire entendu pour la princesse, et glissa, sur un ton qui lui ressemblait assez peu, « Il faut croire que les blondinets ont ce pouvoir là. »

Llanistar se redressa alors et se tint droit devant sa suzeraine. La douleur n'était pas absente de sa voix lorsqu'il reprit la parole, mais le souvenir de Alvios avait ravivé quelque chose en lui ; une fierté qu'il avait trop tendance à étouffer par crainte de réitérer les mêmes erreurs qu'un autre général avait commise en son temps. Il sentit un de ses yeux s'embuer à nouveau mais ne chercha pas à cacher son sentiment plus longtemps.

« Alvios haïssait la tyrannie. Il l'a payé cher. C'est sur sa tombe que j'ai fait mon serment : » Il prit la main de Zelda, la porta à hauteur de leurs poitrine, comme un geste de respect, mais aussi d'amitié. « Jamais plus je ne servirais de despote. Jamais plus je ne porterais le fer contre l'innocent. Jamais plus je n'agirais contre mon honneur. C'est pour ça que je suis venu à vous, princesse. »

Il baissa alors la tête, et dit, n'osant que trop penser de son impertinence, mais sûr de ne plus vouloir laisser le dernier mot à ses démons,

« Je ne m'attendais pas à trouver en vous une amie. »


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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La princesse avait lancé son invitation à la confidence sans trop y croire. Pourtant, le général semblait d'accord pour se prêter au jeu. Son empressement laissa même penser à la jeune femme que se remémorer ces souvenirs lui faisait également plaisir, ou qu'il avait besoin de les partager. Elle pouvait l'imaginer, elle n'avait jamais vécu la même situation, si loin de sa patrie natale, mais des années de solitude à porter un déguisement lui avaient déjà enseigné combien il est dur de n'avoir personne à qui se livrer.

Zelda lui offrit un sourire et des oreilles attentives, l'invitant à continuer. La pression familiale, et même celle qu'on installe soi-même sur ses épaules par pure volonté de respecter la tradition, c'était un point qu'elle pouvait comprendre sans trop de mal.

Elle ne cilla pas quand elle sentit le général saisir sa main et lui ouvrir son esprit. Au contraire, elle admira avec une curiosité non dissimulée les souvenirs dont il lui faisait don. L'architecture colossale qui n'avait rien à voir avec ce qu'elle connaissait, la foule imposante rassemblée là pour assister aux combats et au milieu de tout ça l'homme qui avait tant apporté à son ami. Plus que juste des images, elle sentait une vague de tendresse émaner du général, de celles pour lesquelles les mots semblent manquer. Savait-il qu'il partageait cela aussi ? Lorsque leurs esprits se séparèrent et que le souvenir se dissipa elle avait aux lèvres un sourire bienveillant.

"Il avait l'air doué. Et noble de cœur."

Elle rougit toutefois légèrement à la mention de Link et au souvenir de la nuit récente passée avec lui. Elle n'avait sans doute pas besoin de raconter ce qui était arrivé, quand bien même elle trépignait de partager sa joie avec le monde entier. Elle se contenta d'un murmure en réponse.

"Remercions les Déesses de les avoir placés sur nos routes."

Elle n'imaginait que trop bien la peine qu'elle aurait si les circonstances le lui enlevaient. Peut-être encore plus à présent qu'elle avait goûté à ses caresses, si c'était possible.

Elle fut touchée lorsque Llanistar lui réitéra ce qui ressemblait fort à un serment de fidélité. Mais aussi et surtout une déclaration d'amitié. S'il relevait la tête, il pourrait voir ses yeux pétiller de reconnaissance.

"Je sais combien c'est précieux, je tâcherai de m'en montrer digne."

On pouvait la croire entourée, pourtant elle s'était si souvent sentie seule qu'elle chérissaient ceux qui arrivaient à faire disparaître ce sentiment. Ou alléger le poids qu'elle portait depuis sa naissance et qui s'était considérablement alourdi depuis qu'ils étaient en guerre ouverte.

"J'ai besoin de gens de confiance. Des amis sur qui compter, pas seulement pour me soutenir mais aussi pour me prévenir si un jour je m'engageais sur une mauvaise route."

Elle portait une bien trop grande responsabilité pour oublier qu'elle était aussi humaine et faillible que n'importe qui. Si elle avait besoin de réconfort, elle avait aussi besoin d'avis sincères pour l'aider à prendre les meilleurs décisions.

Mais alors que le général lui parlait d'amitié et d'amour, un autre détail qu'elle avait omis jusque là lui revint en tête. Il faudrait pourtant l'aborder avec Llanistar, de préférence avant qu'il ne rentre au château. Elle chercha un instant la meilleure façon de l'introduire.

"D'ailleurs... il y a un autre sujet que nous devront aborder tôt ou tard... Je vous ai parlé de ce qui s'est passé une fois nos fugitifs arrivés jusqu'à moi, mais je ne suis pas responsable de leur sortie de cellule. Avant de partir, avez-vous eu le temps d'interroger les gardes ?"

Apprendre la nouvelle de l'évasion ne l'avait pas surprise, puisqu'elle y avait contribué. Mais pour savoir comment les deux intéressés étaient arrivés jusqu'à elle, et parce qu'elle devait de toute façon préserver les apparences, il lui avait fallu récolter les témoignages des gardes assignés à leur surveillance ce soir-là. Le résultat avait été beaucoup plus surprenant.

"Et avez-vous... eu des nouvelles récentes du Chancelier Orpheos... ?"

Elle avait du mal à croire à une trahison, et elle se doutait que le général serait sans doute aussi réticent qu'elle à cette idée. Pourtant les témoignages étaient sans appel et elle ne pouvait pas les balayer d'un revers de main et les étouffer si facilement. Elle précisa toutefois sa pensée pour rassurer son ami.

"Ne vous méprenez pas sur mes intentions, surtout après les aveux que je viens de vous faire... Mais il nous serait plus facile de le protéger si nous pouvions entendre sa version des faits..."