Ce ne fut que lorsque la jolie Mentina lui échappa d'entre les mains que Swann comprit avoir été trop maladroite, encore une fois, et elle maudit sa main et son corps pour avoir obligé la jeune femme à s'éloigner. Et lorsqu'elle voulut la retenir pour se lancer dans d'hasardeuses explications, il était déjà trop tard. Le vent frais se rappela à elle pour l'obliger à ramener ses jambes contre son torse ; elle pensa n'avoir jamais eu aussi froid de toute sa vie. Et alors qu'elle avait soigneusement évité certains sujets, cela n'avait servi à rien. Comme à la Rivière, elle la perdait pour quelques secondes, voir quelques minutes cette fois. Finalement, ce n'était tant pas le Trône qui mettait cette distance entre elles, comme elle le pensait au départ. Ce n'était que lorsqu'elle laissait s'exprimer librement ses sentiments que tout tendait à se détruire autours d'elle, et la malheureuse gérudo n'échappait pas à la règle.
Faux eut été de dire qu'elle ne douta pas, là, pendant une seule seconde, que sa vie ne valait pas la peine d'être vécue. Mais elle se refusait à céder au désespoir, et elle balaya cette idée de son esprit, en se rappelant à ce qu'elle avait à accomplir encore. Et puis, il y avait ce mince espoir, petit et ridicule, qui ne cessait de grandir lentement en elle pour ne cesser de la maintenir en éveil. Elle avait beau ne pas essayer d'y penser, c'était tout ce qui la portait en ces jours troubles, et il se rappelait à elle constamment dans l'échec. « Tu fera mieux la prochaine fois », semblait-il lui répéter inlassablement, sans qu'elle ne sache de quoi il parlait vraiment. Mais il se raccordait très bien à ce qu'elle avait dis précédemment : continuer à vivre selon sa propre nature en essayant de ne pas commettre les mêmes erreurs. De quoi aurait-elle l'air si, devant l'objet de toute son attention, elle échappait à cette stricte règle qui avait régi sa vie entière ?
Swann se leva à son tour, se frottant contre ses bras pour tenter de se réchauffer un peu. Elle toussa brièvement, se passa la manche de son manteau sur les narines et chercha des yeux son amie. Elle allaient à son encontre, pour s'excuser de ce comportement... inadéquat ; mais au même moment une cacophonie de sabots frappant le sol se fit audible. La Belle de Villarreal pensa juste, tout de suite : les soldats lancés à sa poursuite les rattrapaient. Elle n'aurait jamais dû rester aussi longtemps avec la danseuse, mais guidé par son instinct comme habituellement, elle n'avait su faire preuve d'un peu de jugeote sur le coup. Les cavaliers se rapprochant du hameau, la dragmire ne perdit pas de temps et disparut derrière une palissade, qu'elle longea pour rentrer à l'intérieur d'une des piètres maisons de bois qui pullulaient dans ce petit village. Elle se blottit contre un mur, dans la pénombre. Le temps qu'ils la retrouvent, elle pouvait songer à la galère dans laquelle elle s'était embarqué, et, éventuellement, trouver une porte de sortie.
Les cavaliers atteignirent en toute hâte le petit hameau. Une grosse vingtaine de chevaux, massifs, portant des soldats aux cuirasses épaisses et scintillantes aux reflets du soleils firent leur apparition. Leurs regards se dispersèrent sur les quelques cadavres - à peine deux, ou trois - laissés là par les troupes du Trône ainsi que sur les quelques maisons encore chaudes de braises fumantes. Certains descendirent de leur chevaux, pour inspecter les lieux vraisemblablement, tandis que trois s'avancèrent en direction de la seule personne vivante qu'ils voyaient ici. Cécilia.
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De tous les soldats, le plus remarqué était Jehan, fils de Robin. Son armure était rouge, aux ornements d'or et d'argent, tandis que son casque était décoré d'une crinière de cheval. De ses yeux sombres, il scrutait la jeune femme, comme pour la jauger. Son cheval le fit s'avancer à pas lent, puis lorsqu'il fut à distance de voix, il la salua, d'une main gauche levée tandis que la droite maintenait les rennes.
« Bonjour à toi, citoyenne », dit-il sobrement. C'est à ce moment que l'un des cavaliers, le plus proche à sa gauche, tira son épée de son fourreau pour l'en menacer la belle brune.
" Capitaine, il pourrait s'agir de l'ennemi ! ne prenons pas ce risque, laissez-moi - "
" Du calme, Vladimir ", lâcha Jehan avec calme et autorité, en posant sa main sur l'épée pour la rabaisser.
D'un simple regard qui en disait plus qu'il ne le fallait sur la relation des deux hommes qu'un long discours, le soldat se calma et tira les rennes de son animal pour poursuivre les recherches en compagnie des autres. Alors qu'un cours silence semblait s'être installé, le capitaine y coupa court dès qu'il eut de nouveau la prunelle de ses yeux de poser sur les belles formes de la gérudo.
" Mon ami est sur les nerfs, veuillez le comprendre. L'attaque des dragmires à user les nerfs de tout le monde ici ; nous sommes à leur poursuite. "
Il parlait d'une voix claire, très distincte. Une forme naturelle d'autorité émanait de cet homme, dont les combats et les échec avait façonné la personnalité. Nul n'aurait su remettre en cause son charisme chez ses cavaliers, pour la plupart éreintés des durs affrontements à Cocorico et de la traque à l'ennemi qu'ils avaient lancé.
" Je suis Jehan, capitaine de la garde, au service de la Princesse ", dit-il en lâchant les rennes, afin de descendre du canasson qui lui servait exceptionnellement de monture en ce jour de deuil.
" Vous avez une idée de ce qui a pu se passer ici ? "