Les ombres de Farore

Avec l'Ombre du Héros

[ Hors timeline ]

Plusieurs lunes avaient passé depuis que la plus fidèle des prêtresses d’Hyrule n’était pas venue prier en ces lieux.

La prêtresse de Farore, capuchon relevé sur sa tête, se dirigeait d’un pas souple vers la sortie de la forêt Kokiri ; comme s’il ne fallait pas déranger les esprits des bois à la tombée de la nuit. La forêt Kokiri, autrefois un lieu de paix et de rires, devenait étrangement silencieuse depuis quelques temps. La menace de Ganondorf qui pesait sur tout le royaume depuis l’Ouest avait finalement atteint l’Est, et le village des enfants de la forêt se préparait à l’éventualité d’une invasion prochaine. Le pouvoir de l’Arbre Mojo projetait toutefois une puissante barrière magique au-dessus de l’immense forêt, mais pour combien de temps encore ?

Au cours des prières qu’elle venait d’adresser aux Trois, sous la luminosité décroissante du jour tombant, la prêtresse de vert vêtue avait mis toutes ses forces dans le vœu que les lieux saints soient préservés en Hyrule. La forêt pouvait bien brûler que la seule chose que cette femme ne supporterait pas, ce serait de voir le bosquet sacré se faire envahir par les barbares du désert. Pourvu que Ganondorf respecte sa religion ! Mais elle lui faisait confiance, le seigneur Gérudo avait besoin des Déesses. Tout le monde ici-bas souhaitait leur protection.
Néanmoins ce souhait n’était pas exaucé pour tous les croyants, et la prêtresse le savait fort bien. La prêtresse de Din s’était fourvoyée en s’éloignant des siens, et la prêtresse de Nayru avait mystérieusement disparue – leur malicieuse consœur soupçonnait le Pontife d’y être pour quelque chose. Sans compter la précédente prêtresse de Farore dont le corps n’avait jamais été retrouvé. Etait-elle vivante ou morte ? Nul ne le saurait peut-être jamais. La prêtresse ne voulait, en aucun cas, finir comme toutes ces femmes d’Eglise. Prier les Déesses ne suffisait pas, il fallait également s’ingénier chaque jour pour survivre.

Arrivée sur le pont suspendu qui menait à la sortie de la forêt, la prêtresse de Farore se remit à penser que, décidément, il lui faudrait sous peu une protection physique permanente. Elle ne savait pas manier les armes, ni la magie, et elle s’inquiétait quelque peu des différentes menaces à l’encontre de l’Eglise qui se profilaient dans un horizon plus qu’agité. Bientôt, les païens voudraient profiter du chaos généré par Ganondorf et lui trancheraient volontiers sa gorge dénudée. Il fallait quelqu’un pour la protéger, mais qui ?
Elle repensa soudainement à ce chevalier noir rencontré un beau jour sur les rives du fleuve Zora. Qu’était-il advenu de lui ? Avait-il réellement disparu ? La prêtresse de Farore avait tant misé sur lui pour qu’il devienne le véritable Héros d’Hyrule, plus robuste que son sosie éternellement sapé en Kokiri, et plus digne d’être le Champion potentiel de Farore. Mais il n’était plus là, et elle devait abandonner tout espoir de le revoir un jour.

La religieuse en était là de ses réflexions lorsqu’elle sortit enfin de la forêt, par le trou pratiqué dans le tronc d’arbre géant. Le soleil venait de se coucher, et l’azur des cieux s’assombrissait peu à peu. Dans moins d’une heure, à cause de la Lune morte, elle n’y verrait plus rien. Il lui fallait atteindre l’habitat le plus proche avant qu’un pillard ou un monstre ne vienne attenter à sa précieuse vie.

La prêtresse venait à peine de détacher son cheval blanc lorsque son oreille perçut un bruit, non loin d’elle. Une présence noire et mortifère venait de faire surface, elle ne voyait rien, mais elle le sentait. Se pourrait-il que… ?

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



La nuit tombait progressivement sur la Plaine, sans l'inquiéter. Ce n'était pas comme si le jeune homme pouvait aller se reposer dans une auberge, ou trouver refuge chez l'habitant. Rien que la rumeur de son retour - enfin, de sa renaissance, plus exactement - rendait le peuple plus effrayé que jamais. Et cela n'était pas pour lui déplaire ; les Hyliens - au sens large - étaient si fascinants... Sans même voir la menace, ils la craignaient déjà. Sans même sentir la mort à leurs portes, il s'en protégeaient à l'avance... Il n'y avait que les Hyliens pour s'autoriser ce genre d'écarts. Car oui, pour lui, c'était une tare. Une erreur, que de se limiter inutilement. Lorsque l'on était pas soi-même en danger à l'instant présent, pourquoi s'en prémunir si tôt ? Bien qu'il fallait l'avouer, aucun Hylien quel qu'il soit n'était en sécurité, ici... Pas avec son Maître dans les parages, quoique ce serait peut-être la recrudescence de nouveaux bandits profitant du chaos d'Hyrule pour piller, violer et tuer qui aurait raison du peuple lui-même.

Cela aussi l'intriguait autant qu'il ne le passionnait : la capacité des habitants à s'entre-tuer. La méfiance était de mise dans les rues de la ville, et cela l'aurait presque déçu et frustré de ne pas pouvoir s'en approcher. L'étude des différents types de personnes était juste sa principale occupation. Et ce qui l'amusait peut-être même plus que d'occire quelques bons gens un peu trop imprudents. Ces derniers commençaient presque à manquer à l'appel. Rares étaient assez téméraires pour s'aventurer dans les zones les plus dangereuses. Et donc, son épée et son fidèle compagnon commençaient à s'engourdir.

L'animal galopait tout autour de son maître, dans un certain rayon, ni trop loin, ni trop près. Il n'était pas inquiet. Ce soir, personne ne s'aventurerait dans la Plaine... Et si on osait le croiser, avec un peu de chance, il resterait assez calme pour ne pas tuer aussitôt. La nuit le rendait parfois un peu plus impulsif que la journée, où il prenait le temps d'étudier et décortiquer le comportement Hylien.

Alors qu'il ne s'attendait plus à ce que l'on croise ses pas, son regard rouge presque enfantin se fixa sur une masse verte. Un corps de femme, dont les cheveux ondulaient avec le vent. Ce visage, même éloigné à plusieurs mètres, lui semblait bien familier. Même peu présent dans ses souvenirs, il s'y trouvait et venait de lui donner un goût de déjà-vu relativement désagréable. Se créer une propre existence était difficile, avec ce genre d'images lui apparaissant presque à chaque fois qu'il croisait la route d'un objet ou de quelqu'un.

Se rapprochant de peu, sa monture noire aux yeux tout aussi rouge sang que ceux de son propriétaire le suivant à la trace, ralentissant afin de se poser à ses côtés, le jeune homme tenta de mettre un nom sur ses traits. Un brin compliqué, puisqu'il était rare que les sons suivent les visions dans son esprit. Oui, sa mémoire aimait être farceuse et ne lui donnait jamais entièrement les bonnes informations...!

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



La prêtresse posa le pied sur l’étrier, et passa l’autre jambe sur le dos de son cheval comme le ferait un garçon. Saisissant ses rênes avec fermeté, la jeune femme claqua d’un mouvement sec le cou du cheval qui partit au galop. L’animal obéissait facilement à la prêtresse ; peut-être pouvait-il sentir que s’il lui tenait tête, celle-ci se retrouverait tranchée.

L’équidé eut à peine le temps de ne faire qu’un court kilomètre que la prêtresse le fit ralentir, puis s’arrêter. Quelque chose n’allait pas. Quelle était cette présence que même une personne dénuée de pouvoirs comme elle pouvait ressentir ? Quelle était-ce, cette aura sombre qui semblait avoir empoisonné l’air de la plaine depuis quelques instants ? Et surtout, pourquoi lui semblait-elle si familière ?
La dame en vert eut sa réponse lorsqu’elle chercha autour d’elle, dans la nuit tombante. Un autre cavalier approchait, perché sur une monture noire comme le jais dont les yeux rubis transperçaient l’obscurité qui tombait. C’était un homme, coiffé d’un bonnet. La prêtresse, par réflexe, s’empara du couteau qu’elle gardait contre son mollet droit sous une sangle en cuir. Elle était prête, et elle n’avait pas peur de tuer s’il le fallait.

Mais elle reconnut bientôt le visage du cavalier. Ce jeune garçon au teint pâle et aux yeux rouges flamboyants, ces vêtements noirs…

-Tu es… Link ?! souffla la jeune femme quand il se fut assez approché, alors qu'elle remettait le couteau sous sa robe. Comment est-ce possible… ?

La prêtresse fit mouvoir son cheval vers celui du Link noir, mais la bête mugit et se cambra à son approche. Le chevalier sombre effrayait le cheval.
Il était vrai que le double de Link faits de ténèbres pouvait effrayer. Ses yeux étaient les plus impressionnants, et ils dévisageaient la prêtresse à l’instant même. Il n’avait toujours rien dit. Se rappelait-il au moins d’elle ?


-Que vous est-il arrivé depuis tout ce temps ? J’ai bien failli vous croire parti dans l’autre monde.

Il y’avait une éternité que les deux ombres de Farore ne s’étaient effectivement pas rencontrées. Leur dernière entrevue remontait aux précédentes Nuits d’Or.

-Votre présence m’a manquée, confessa-t-elle.

Elle préféra ne pas sourire. Les dernières paroles qu’ils avaient échangées s’étaient terminées sur un affreux malentendu : la prêtresse avait alors lancé au chevalier sombre qu’elle serait peut-être forcée, un jour, de devoir suivre son jumeau vêtu en Kokiri plutôt que lui. Il s’en était allé sans qu’elle n’ait eu le temps de lui dire qu’elle ferait tout son possible pour le protéger.
Comment réagirait-il cette fois ?

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



[Je tiens à préciser que DL est à coté de son étalon, pas dessus ^^]

"- Tu es… Link ?!"

Un violent frisson parcourut tout son corps, le secouant brièvement alors que son visage prenait une légère teinte de colère. Ce nom... Ce nom...! Ce n'était pas le sien, bon sang !

"- Comment est-ce possible… ? Que vous est-il arrivé depuis tout ce temps ? J’ai bien failli vous croire parti dans l’autre monde. Votre présence m’a manquée."

Il plissa légèrement les yeux, détournant la tête pour réfléchir. Malgré tout ses efforts, la mémoire ne lui revenait pas. Il n'avait que des flashs de cette demoiselle toute verte, sans ses paroles bien évidemment - puisque ses souvenirs étaient de véritables petits enquiquineurs de premier ordre, pire que de jeunes Kokiris -. Parfois violents, parfois doux... Sans aucun ressenti pour lui. Pas ses affaires, après tout. Si son prédécesseur n'avait pas été capable d'entretenir ses relations sociales - même s'il ne s'en jugeait pas meilleur adepte non plus -, c'était tant pis pour lui. Il était bien où il était.

"- Une première chose... Ne m'appelez plus jamais par ce nom."

Son regard rouge sang se planta sur elle. Tout innocent, presque celui d'un enfant. D'un enfant démoniaque, cependant, car malgré cette affluence de candeur presque touchante, l'aura de maléfice s'émanant de lui à l'instant présent était forte, agressive, presque piquante et aussi tranchante que la lame de l'épée en sa possession.

"- Je ne sais pas ce que mon grand-frère vous avait promis ou même dit, mais moi, je ne suis pas mêlé à cette histoire."

Nouveau coup asséné directement dans l'image de son "ancêtre" que devait avoir la jeune femme à la chevelure verte. L'étalon à ses côtés, soufflant calmement de l'air bien chaud de ses naseaux, semblait perdre lentement patience. Il devait vouloir bouger et courir librement, mais ne pouvait pas abandonner son maître comme ça. L'animal était un tantinet protecteur avec son propriétaire, de quoi surprendre, car leur relation était quasiment fusionnelle ; chacun réagissait en fonction de l'autre sur un tempo déconcertant. Après tout, la bête avait été corrompue par l'essence même de son être. Ses propres pouvoirs sombres l'imprégnaient et lui donnait cette apparence si semblable à celle de son cavalier.

"- Grand-frère est mort. J'ai pris sa place."

Grand-frère... Il avait tendance à appeler tous ses précédentes incarnations comme cela. Ils n'étaient pas lui. Un peu comme si un lien de sang inexistant liait toutes "leurs" renaissances, à ses yeux. Et Ganondorf était presque comme un père... Sa Mère, l'Eau, évidemment. Une bien belle famille, en somme.

"- Qui êtes-vous...?"

Ses grands yeux rouges semblèrent détailler la demoiselle, comme s'ils tentaient de la transpercer pour connaître le moindre de ses secrets. Pourquoi son aîné avait-il voulu, un jour, s'approcher d'elle ? Elle n'avait rien de particulier. Elle était toute verte. Comme un arbre. Ou de l'herbe. Ou ce crétin de Héros qui ne pouvait pas s'habiller autrement que comme un garçonnet de la forêt. Ridicule. Risible même. Et pourtant, cela ne lui importait pas, pour l'instant. Il était juste emprunt d'une curiosité d'enfant.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



-Une première chose... Ne m'appelez plus jamais par ce nom.

Le ton était clair, la menace était lancée.
La prêtresse de Farore fut heureusement capable de dissimuler la surprise qui la saisit. Le regard écarlate qu’il lui planta faillit la faire déglutir. Ce n’était pas ce regard qu’elle connaissait chez ce "Link". Celui qu’elle avait auparavant fréquenté lui lançait des regards torturés, comme s’il avait déjà vécu trop d’années. Ce soir, le même chevalier la regardait comme un enfant. Un enfant prêt à se débarrasser d’un jouet trop encombrant.


-Je ne sais pas ce que mon grand-frère vous avait promis ou même dit, mais moi, je ne suis pas mêlé à cette histoire. Grand-frère est mort. J'ai pris sa place.

Les derniers mots résonnèrent dans la tête de la prêtresse, qui fonctionnait déjà à plein régime pour comprendre ce qui n’allait pas. Ses lèvres se tordaient en une moue calculatrice qui trahissait sa déconvenue. Puis, un instant plus tard, elle crut commencer à comprendre. Les pièces du puzzle s’assemblaient doucement…

-…Vous n’avez pas perdu la mémoire… Vous êtes passé à travers une renaissance…

L’horreur de la compréhension sourdait dans sa voix. Le Link sombre, lui, resta stoïque.

-Qui êtes-vous...?
-…L’une des trois représentantes majeures des Déesses d’Hyrule, répondit la jeune femme en fixant ses grands yeux brillants comme elle le put. Je suis la prêtresse de Farore, Notre déesse du Courage.

Son orgueil d’être une personne de renom en Hyrule lui fit reprendre un peu de sa contenance. La situation était finalement très simple, pensait-elle : l’homme -mais en était-ce vraiment un ?- qui se tenait face à elle ne se souvenait plus d’elle, et était revenu d’entre les ténèbres auxquelles il appartenait. Il était probablement au service de Ganondorf, comme l’était son incarnation précédente que la prêtresse avait connue.
Parviendrait-elle à recréer le lien de confiance qui s’était tissé ? Il ne s’agissait pas d’attaches, elle ne s’en embarrassait pas, non. Il s’agissait d’une relation faite de compréhension mutuelle et de désir de coopérer.


-Celui que vous appelez "grand frère" m’a bien connue, confia la dame toujours juchée sur son cheval. Nous avions des projets communs pour faire de lui le véritable Héros de ce royaume… en lieu et place de celui que nous méprisions. Que vous méprisez.

La prêtresse pouvait encore discerner cette envie de la briser en deux, au fond des yeux de son étrange interlocuteur, comme un serpent prêt à mordre. Elle le percevait même dans son aura, et c’était bien pour cela qu’elle préférait ne pas descendre de son cheval, prête à cavaler s’il le fallait. La prêtresse ignorait les arts du combat de la magie, elle devait se débrouiller avec les moyens qui lui venaient sous ses fragiles mains.
Toutefois, afin de montrer un signe de respect envers lui, elle descendit de sa monture pour se mettre à sa hauteur. Face au danger, la témérité demeurait plus forte chez elle que la crainte.


-Vous semblez différent de lui, dit-elle après un silence. Aussi, je ne vous encouragerai à rien, ni à devenir quelqu’un. Je puis cependant vous offrir mon aide pour ce qu’il vous plaira.

Pas de doute, c’était bien la même entité : il n’avait physiquement pas changé. Il semblait pourtant foncièrement différent de sa conscience précédente, et pour cela, la religieuse ne voulait pas prendre le risque de le froisser. Il paraissait plus dangereux et imprévisible qu’auparavant. Mais peut-être réagirait-il positivement à ses avances.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Elle avait intérêt, la chienne, à ne l'encourager à rien. Son prédécesseur était-il assez en manque de reconnaissance pour chercher à être quelqu'un qu'il n'était pas plutôt que de chercher à devenir lui-même ? Quel crétin. Il avait bien fait de mourir. Il était bien où il était, et le jeune garçon ne pouvait que se dire qu'il était heureux d'être finalement tel qu'il était. Peut-être différent des autres Ombres, oui, mais lui au moins se forgeait sa propre personnalité, ses propres désirs.

"- Je ne serai jamais une copie." se contenta-t-il de déclarer.

Son aura se calma finalement, de même que l'étalon noir à ses côtés, qui décida en fin de comptes d'aller faire un tour à quelques mètres, tout en restant malgré tout proche de son maître. Donc, cette fille-là servait Farore... Il avait bien déjà aperçut celle qui vouait sa vie à Din, de par leur camp commun, mais celle-là lui semblait différente. Pas du tout à l'image d'enfant qu'on aurait pu se faire de la Déesse qu'elle représentait.

"- Comment ça fait ?"

Brusque changement de sujet. Ses prunelles à la couleur sang s'encrèrent d'autant plus dans celles de la dame, qu'il dévisageait maintenant comme rongé par la curiosité. Même s'il ne l'aimait pour l'instant pas - non seulement, elle l'avait comparé à Link mais en plus à son prédécesseur -, il se demandait des tas et des tas de choses sur elle, comme il s'en demandait toujours sur chaque Hylien - au sens large - qu'il croisait, et surtout sur ceux qui osaient l'approcher de plus près.

"- Comment ça fait d'être Prêtresse de Farore ? De servir quelqu'un qu'on n'a jamais vu ? D'accepter d'abandonner son nom, son passé, son présent, et sans doute son futur, pour adopter cette appellation ? De devoir assumer la responsabilité d'être quasiment une sainte aux yeux des Hyliens ?"

Et là, il pencha la tête, avec un sourire. Un sourire léger, digne d'un enfant qui tenterait d'amadouer ses parents ou ses proches pour obtenir quelque chose. Un sourire pratiquement adorable, en réalité, si l'on mettait de côté sa véritable nature et qui il était.

"- Comment ça fait de devoir jouer celle qui les aime alors qu'ils sont tous faibles ?"

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



-Je ne serai jamais une copie.

Cette réponse, balancée dans une fausse indolence, provoqua en la prêtresse de Farore une déception comme elle n’en avait plus connu depuis longtemps. Elle se surprit elle-même à avoir espéré quelque chose de quelqu’un ; cela ne lui ressemblait pas. En l’espace de six mots, le sombre cavalier venait d’annihiler tous ses vieux projets d’alliance avec lui.

-Comment ça fait ? demanda-t-il brusquement.
-…De quoi parlez-vous ?
-Comment ça fait d'être Prêtresse de Farore ? De servir quelqu'un qu'on n'a jamais vu ? D'accepter d'abandonner son nom, son passé, son présent, et sans doute son futur, pour adopter cette appellation ? De devoir assumer la responsabilité d'être quasiment une sainte aux yeux des Hyliens ?... Comment ça fait de devoir jouer celle qui les aime alors qu'ils sont tous faibles ?


Le sourire enfantin et le regard pénétrant du sombre Link auraient pu déstabiliser la prêtresse, une minute plus tôt, sauf que celle-ci venait de refermer la petite porte laissée entrouverte à son humanité. Elle n’espérerait plus rien de lui, c’était fini.
Toutefois, il avait gardé l’esprit sagace de sa précédente incarnation, et ses questions méritaient une réponse réfléchie venant de la prêtresse :


-J’ai grandi dans l’espérance de pouvoir servir les Déesses. L’existence de leur pouvoir a été prouvée maintes fois par l’intermédiaire de leurs champions, et même si je n’ai jamais vu de mes yeux celle que je sers, ma foi est restée intacte. C’est un honneur d’abandonner son identité pour la sainte cause que je sers.


Les lèvres de la prêtresse se pincèrent soudain.

-Néanmoins, je ne suis peut-être pas moi-même une sainte. Mes mains sont tâchées par le sang de ceux que j’ai dû purifier de leur infamie. Je sais malgré tout ma cause juste, et je vois ma responsabilité devant le peuple comme mineure face à celle que j’ai devant les Déesses. Je ne joue pas celle qui aime le peuple, je n’en ai pas besoin. Je n’use pas d’hypocrisie devant les faibles, puisque je ne les regarde pas. Je suis inaccessible, inatteignable, sauf par ceux que je considère comme suffisamment robustes pour me soutenir dans la foi que je porte depuis toujours en moi.

Ses yeux vrillèrent ceux du sombre Link. La prêtresse ne disait jamais rien au hasard, et il devait bien l’avoir ressenti. L’aiderait-il un jour à porter la foi et le culte de Farore en Hyrule ? L’ancienne l’aurait certainement aidée, elle, mais l’ombre du Héros actuelle resterait probablement loin de ces préoccupations religieuses. Dommage.

-Et vous qui parlez du peuple, que voulez-vous devenir pour lui ? Leur terreur, ou leur sauveur ? Que peut bien être le but existentiel d’un être comme le vôtre, hormis servir la cause du seigneur Gérudo ?

La prêtresse s’était, elle aussi, décidée à tester son interlocuteur. Jusqu’à quel point serait-il fidèle au profane qui lui servait de Roi ?

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



La dame était une redoutable combattante verbale. Elle savait manier les mots avec cette sincérité que les Hyliens les plus nobles avaient perdue, ce qui ne manquait pas de surprendre le jeune homme. Franchement, la religion elle-même ne l'avait jamais intéressé. Il ne détestait pas les croyances mais bien les croyants. Ceux-ci cachaient leurs peurs et leurs envies derrière une pseudo volonté divine qui, en réalité, n'existait pas. Et il était convaincu que les Déesses, aussi pures et douces soient-elles, étaient comme tous les autres : elles ne mettaient leurs espoirs que dans les plus forts et les plus méritants.

"- Il n'y a aucune importance à savoir ce que je veux de ce peuple ou non."

Il n'allait quand même pas avouer ses véritables envies à l'une d'entre eux. Elle n'aurait jamais compris. Toute prêtresse pécheresse qu'elle était, elle n'aurait jamais compris son sentiment. Lui-même en avait bien du mal, alors comment aurait-elle pu y saisir quoi que ce soit ? Il se rapprocha de quelques pas, se plantant face à la Dame Verte, lui souriant toujours comme un gosse qui se préparerait à quémander quelque chose.

"- Vous n'aimez pas le peuple, vous avez tué, et pourtant, vous êtes malgré tout une prêtresse désignée par des croyants ? Je me demande comment ça a pu arriver...!"

Sa dernière phrase fut entrecoupée, le jeune homme secoué par de violents sursauts, en proie à un fou-rire fulgurant.

"- Les Hyliens sont donc suicidaires ?"

Et là, il éclata complètement d'un rire à mi chemin entre le charmant ; clair, doux, presque chantant, et l'effrayant ; pour à peu près les mêmes raisons. Il respirait d'une noirceur profonde tout en était tout à fait cristallin, et l'expression de son visage si enfantine, tel un gamin tout heureux, ne troublait qu'encore plus cette impression de sombre angoissante.

"- Vous êtes si amusante !"

Il se laissa partir à rire encore quelques temps, avant de s'arrêter soudainement, son regard changeant du tout au tout. Les yeux légèrement plissés, ses prunelles rouge sang devenues plus adultes, plus perçantes, posées lourdement sur la femme, son sourire transformé, à faire peur. Il semblait passé du plus adorable des marmots au pire des assassins en une fraction de secondes.

"- Et impressionnante..." souffla-t-il doucement. "Je me demande quelles autres choses aussi amusantes et impressionnantes vous avez à me montrer...!"

Mieux valait pour elle qu'elle ne le contredise pas...

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



-Il n'y a aucune importance à savoir ce que je veux de ce peuple ou non.

Ses yeux, toujours ses yeux, vrillèrent une fois encore ceux de la prêtresse. Le chevalier noir s’approcha même d’elle, jusqu’à ce qui lui soit complètement impossible d’éviter ce regard. Le sombre Link lui souriait.

-Vous n'aimez pas le peuple, vous avez tué, et pourtant, vous êtes malgré tout une prêtresse désignée par des croyants ? Je me demande comment ça a pu arriver...! Les Hyliens sont donc suicidaires ?... Vous êtes si amusante !

L’alter-ego de Link riait maintenant aux éclats. En réponse, la prêtresse de Farore lui offrit un sourire sucré qui masquait l’énervement commençant à pointer. Cette nouvelle Ombre du Héros semblait moins apte à comprendre ce qui motivait la prêtresse que la précédente. Si elle n’aimait pas le peuple, c’était pour mieux aimer les déesses, et si elle avait tué quelques âmes profanes, c’était pour que les déesses maintiennent l’ordre du monde. Que deviendraient tous ces misérables du peuple sans des gens comme elle ? Ils étaient si emplis de vice que les pluies torrentielles finiraient par recouvrir entièrement leur terre jusqu’à la fin des temps, afin de les punir. C’était grâce aux gens d’Eglise comme elle, comme les trois prêtresses, que l’ordre se maintenait au-dessus de toutes leurs têtes !

Elle regarda son drôle d’interlocuteur terminer sa crise de fou rire -d’ailleurs, pourquoi cet idiot riait-il ?- avant qu’il ne redevienne sérieux. En quelques minutes, la prêtresse s’était déjà habituée aux changements d’humeur soudains de ce personnage complètement lunatique. Les ombres ne la déstabilisaient pas, seule la lumière divine pouvait la faire se prosterner.
Toutefois, les ondes meurtrières qu’elle ressentit à nouveau chez le Sombre Link l’incitèrent à maintenir la plus grande prudence.


-Et impressionnante... Je me demande quelles autres choses aussi amusantes et impressionnantes vous avez à me montrer...!
-Vous le saurez très bientôt, croyez-moi, répondit la religieuse avec un sourire plein de mystère.

Partir. Il lui fallait partir, vite. Ces pulsions meurtrières qu’elle percevait toujours avec force chez lui, cela ne lui plaisait pas. Le maigre poignard qu’elle maintenait sous sa robe ne la protègerait pas de lui. Il lui fallait rejoindre la plus proche habitation comme elle l’avait prévue, maintenant que le jour n’était vraiment plus et que la nuit devenait de plus en plus noire.


-Nos chemins se recroiseront. Mais peut-être qu’à notre prochaine rencontre, nous aurons moins le temps de parlementer. Vous comprendrez à ce moment-là en quoi je peux devenir… amusante.

Pour la première fois, la jeune femme tourna le dos à l’ombre du Héros. Et elle le fit non sans un sourire satisfait.
Remontant sur son cheval, elle adressa un dernier sourire plein d’énigmes au chevalier noir, une fois qu’elle eut les rênes dans ses mains.


-Ce fut un plaisir de vous r… rencontrer.

Elle avait failli employer le mot "revoir". Seulement, ce n’était plus le Sombre Link qu’elle avait connu, et elle devrait faire avec. Il n'y aurait plus d'alliance. Désormais, la prêtresse de Farore ne pouvait plus compter que sur elle pour répandre la parole de sa déesse dans le royaume. Elle était seule. Mais supporter l’avatar du Courage imposait cette responsabilité solitaire, le Héros du Temps lui-même en savait quelque chose.
La prêtresse croisa une dernière fois le regard rubis du Sombre Link, qui brillait presque dans la nuit, et détourna le sien pour regarder droit devant elle. Son cheval se cabra, et galopa lourdement sur l’herbe de la plaine.

La prêtresse de Farore et sa monture ne furent bientôt plus qu’une ombre et un écho voguant sur l’horizon. Tandis que, derrière elle, l’Ombre de Link s’était depuis longtemps fondue parmi les ténèbres de la nuit.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Voilà que la verte s'éclipsait déjà... Mouais. Au final, elle était un peu à l'image du peuple qu'elle ne portait pas dans son coeur afin d'y laisser une plus grande place pour les Déesses. Bien sûr qu'il avait compris cela. Cependant, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi le reste des Hyliens, lui, ne l'avait pas saisi. On ne choisissait pas quelqu'un qui risquait de nous planter un couteau dans le dos au nom d'une entité divine quelconque comme représentante de cette même entité. C'était juste... Débile. Et fou. Et suicidaire, aussi.

Finalement, peut-être n'était-elle pas aussi marrante que prévu. Il esquissa une moue boudeuse en la voyant partir, comme un gosse avec qui on aurait refusé de jouer. La méchante. Si c'était comme ça, elle le paierait tôt ou tard. Il était du genre assez débrouillard pour pouvoir trouver une vengeance adaptée. Oui, pour lui, cela nécessitait une vengance. Un vrai gamin pourri gâté et capricieux à qui on refusait un jouet de plus à sa collection. Et en l'occurrence, le jouet était une femme avec des longs cheveux verts.

Gleipnir revint à lui, sans même que son maître n'ait besoin de l'appeler. Ils avaient un lien assez spécial pour que cela se fasse naturellement. Le jeune homme grimpa calmement sur le dos de la bête, lui donnant une légère caresse ensuite. Surprenant de la part d'un jeune homme comme lui. Mais ceux qui le pensaient dénué de toute émotion se trompaient largement sur son compte. Car des émotions, il en avait, et même beaucoup. Bon, pas forcément des plus heureuses ou rassurantes, mais quand même !

"- Rentrons chez nous."

Cette phrase murmurée lui arracha un sourire assez amer. Avait-il seulement un "chez lui" ? Il avait une affinité toute particulière avec le Lac, mais il n'y habitait pas. Et son Maître régnait sur le Désert, mais était-ce réellement son droit que d'y vivre ? Si l'on pouvait appeler son existence "vivre" - mais pour lui, on le pouvait -. Il n'était pas comme l'un de ces Hyliens qui, après une longue journée de travail, rentrait au bercail, embrassait femme et enfants, se reposait bien tranquillement pour, le lendemain, pester contre les mêmes choses qu'hier.

Bah... Il réfléchissait trop. La nuit ne faisait que commencer, et elle allait être longue jusqu'au matin. C'était peut-être l'occasion de se rendre utile, non ? Il n'allait pas se battre ce soir, c'était inutile. Autant laisser un semblant d'espoir de paix à ce peuple. Les deux compagnons se dirigèrent vers la Vallée d'un commun accord, sans pour autant se presser.

Ce soir, il admirerait le paysage, à défaut d'admirer les Hommes...

[RP terminé, je suppose ? =o]

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



1