Dans l'enfer de la Plaine

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Withered


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Les dagues vinrent mordre les os, brisant le silence de la nuit. Les créatures râlaient, cherchant à briser la femme en face d'eux. La gerudo au regard mauve ne leur en laissa pas le temps, de nouveau dan le dos du plus amochés. Un deux trois coups, et le tibia vola au loin, fragilisant l'équilibre du monstre. Un coup de pied précis vint finir de faire tomber la bête, tandis qu'une dague volait déjà vers le second. Il l'arrêta sans mal et la jeta plus loin, là où somnolait le reptile blanc -il n'avait pas de réelle utilité face à des monstres sans chair ni sang-. Withered souffla du nez, contrariée. Elle tentait une nouvelle technique, mais celle ci n'était pas concluante. Pas assez rapide ou lancée avec trop peu d'élan, les monstres finissaient toujours par éviter la dague et l'éloigner d'elle.

Sans perdre une seconde de plus, ses mains se joignirent, et ses paupières se fermèrent. Lorsqu'elles se rouvrirent, un nuage de papillons mauves encerclait le sakdoss. N'importe qui aurait pu trouver ça mignon si l'essaim n'était pas accompagné d'un crissement désagréable, et que la pression qu'il infligeait pouvait rendre fou le premier personnage un peu niais. La gerudo sembla glisser sur l'herbe, et sa seconde dague en main, elle vint cueillir la tête du monstre, protégée par son bouclier vivant.

Une fois la dague récupérée, elle rajusta sa tunique et plaça ses armes dans les bracelets de cuir cachés sous ses manches. Elle récupéra le reptile albinos et le glissa contre son sein, là où était sa place. Ses yeux mauves se tournèrent alors vers une petite butte non loin ; une silhouette plus sombre que la nuit s'y dessinait, arrachant presque un sourire à la Sombre Vipère.


"Je n'ai pas l'habitude d'avoir des spectateurs Chancelier."

Elle le laissa venir, ayant déjà fait l'effort de parler. Si les esprits lui avaient volé beaucoup de choses, il y avait des compagnons de voyage qui ne s'oubliaient pas. Et derrière son masque froid et distant, Withered gardait graver le visage des trois personnes qui l'avaient accompagnée dans son âge d'or.


Astre


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C’était une danse de mort comme rarement il me fût donné de voir. Ombre dans l’ombre, maîtresse d’un lasso d’ivoire qui conservait une impassibilité furieuse dans le vert effacé de l’herbe, je contemplai son ballet funèbre scandé par les éclairs d’argent qui déchiraient la plaine comme un feu d’artifice de ferraille. Un nuage insectoïde, dont l’assassine était à l’origine, vint envoiler les adversaires d’une gaze mortuaire plus efficace encore qu’esthétique. L’obscurité perdait un à un ses enfants aux os froids. Je restai là, du haut de ma butte, spectateur quasi-royal, majestueux comme un aigle du haut de son nid, qui contemple captivé les jeux qui se déroulent à ses pieds. L’ennui feint dont il se pare n’est qu’une protection vaine pour qui le connait bien. Elle avait vaincu tous ses ennemis à présent, je n’y étais pour rien mais il était évident que ma présence ne lui aurait été d’aucune utilité, surtout dans un combat aussi inconséquent. C’était une femme : reconnaissable à ses gestes précis, à la fluidité aquatique de son déhancher, à l’utilisation d’une force bien plus savante que brute, bien plus travaillée qu’instinctive. Il y avait dans son jeu de jambes, dans ses élans félins, une familiarité qui me rendait las et suspicieux. Je ne voulais pas y croire, non. Ce serait créer un rêve sur un nuage, et ce nuage, à terme, crève et crache sa soupe glacée sur les crédules. Et pourtant, mon cœur palpitait étrangement, plus au fait que mon propre cerveau. C’était elle. Oh, le violent lilas, le délicat serpent… Impensable et pourtant quelle surprise… moi qui la croyais morte, moi qui la croyais disparue. Déjà je m’emballais sur une hypothèse du cœur, déjà je me répandais en niaiseries qui, si bâties sur un mensonge, s’écrouleraient dans un affreux boucan et l’horreur mélancolique viendrait à nouveau me lacérer les tripes. Peste ! Je n’avais pas pensé à elle depuis une éternité, comme si j’avais refoulé son souvenir au plus profond de mon être pour continuer à avancer. Son nom avait flotté bien des fois sur mes lèvres, parfois même je l’avais prononcé à voix haute comme pour lui donner consistance, mais c’était certain, j’avais minimisé son souvenir pour ne pas trop en souffrir. La psychologie du guerrier maudit, ahah ! Quelle rigolade…

La sentinelle pivota sa tête et ses yeux insondables me pétrifièrent comme une statue. J’étais bel et bien le héros glacé, figé, d’une réalité passée, un souvenir en pierre, une antiquité.


"Je n'ai pas l'habitude d'avoir des spectateurs Chancelier."

Un sourire éclatant se dessina sur mon visage. Je descendis d’un bond de mon socle, prenant vie. Le pas vif, je me demandai un instant s’il me fallait l’entourer de mes bras, lui baiser humidement les deux joues, me faire gêne à son expressivité limitée. Je pouffai, puis, arrivé enfin à sa hauteur, mon regard la toisant de bas en haut et de haut en bas, un commentaire d’une inutilité crasse me sortit des lèvres comme un serpentin de fête.

« C’est bien toi, Withered. »

Dans l’obscurité, on ne pouvait pas voir le rouge tremblotant de mes pupilles : l’humidité les avait gagnées, j’étais un peu bouleversé. Je secouai la tête et lui posai une main un peu maladroite sur l’épaule.

« Je suis heureux de te voir. »



Withered


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Elle acquiesça, réponse aux deux remarques de l'homme en face d'elle. Il ne semblait pas avoir changé, si ce n'est qu'il manquait l'ombre qui lui semblait liée. Elle avait rarement vu les deux comparses seuls et loin de l'autre, véritable duo aux cerveaux ingénieux. Elle l'étudia, le laissant poser la main sur elle.

Liudia sortit de sa cachette, s'enroulant autour de l'avant bras d'Astre. Un terrain inconnu mais une présence familière. Liudia fit marche arrière et s'improvisa écharpe de la gerudo. Elle réfléchit. C'était agréable de retrouver un camarade de son envergure, mais sa solitude apparente était presque oppressante.


"J'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé pendant tout ce temps."

Etrangement, son ton était presque doux. Elle avait conscience de sa propre absence, de sa fuite presque. Mais la Sombre Vipère était ainsi : elle allait où elle voulait, sans penser aux autres. C'est ce qui faisait d'elle ce qu'elle était, une tueuse froide et une combattante efficace. Et peu pouvait l'influencer au point de la faire changer de cap.

Ne sachant que faire, elle hésita avant de poser sa main sur celle du Chancelier. Elle était de retour, mais elle avait besoin de ses informations à lui. Elle voulait savoir ce qu'il s'était passé, et où était leur cocon de ténèbres. Elle n'était pas revenue en vain, et elle espérait ne pas être déçue. L'esprit du Chancelier devait avoir un plan, c'était obligé. Il en avait toujours eu un d'avance. Elle fronça les sourcils.


"Où sont les autres ?"


Astre


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Je sentis sur mon bras le contact glacial de l’animal domestiqué par ma compagnonne des glorieux jours. Ce bracelet d’ivoire spontané n’était pas mon ennemi, j’en étais sûr. C’était pourquoi je lui laissais la liberté d’envahir certains pans de ma chair blême sur laquelle il paraissait se fondre. Le reptile arrêta ses courtoisies et repartit sur les terres plus familières du cou de sa maîtresse. Quant à moi, je ne lâchais pas des yeux Withered, de peur qu’elle ne s’envolât à nouveau pour des horizons inconnus. Je n’arrivais toujours pas à croire à mon bonheur ; elle, vivante. Ma superstition naturelle me penchait à croire que les déesses me faisaient encore une fois un tour de passe-passe ; telles que je les connaissais, elles inverseraient mon heureuse fortune pour des malheurs paralysants.

L’obscurité dont s’était paré le jour amenait avec elles ses bruits et bêtes de nuits, qui guettaient les retrouvailles avec une solennité de glace. La Sombre Vipère, monument de dignité, inaltérée : le temps ne l’avait pas érodée, elle. Son honneur restait intact, le mien laissait à désirer pour moult raisons plus ou moins justifiables. Etais-je en droit de lui faire face ? Il me fallait refouler au plus profond de moi mon âme morte et lui présenter une apparence plus morale. Je ne pouvais pas la décevoir. Je ne pouvais pas me décevoir.


"J'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé pendant tout ce temps."

Astre leva les yeux au ciel pour tenter de déchiffrer l’énigmatique noirceur derrière laquelle se cachaient les triplettes malicieuses. Que s’est-il passé pendant tout ce temps, Withered ? Je suis mort deux fois, deux fois suis-je revenu. J’ai gangréné les Phénix qui n’existent plus qu’à titre honorifique. Conan s’est éclipsé, comme tant d’autres guerriers avant lui, dans la chute brutale vers laquelle je l’ai poussé. Que restait-il des derniers jours de gloire ? Quelques lamentations…
Sa main glissa sur la mienne comme un gant de soie. Cette marque d’attention m’obligeait à lui rendre des comptes.


"Où sont les autres ?"

Arkhams a disparu, il est vraisemblablement mort : il a dû s’éteindre, menton poisseux de vomi collé à son thorax frêle, derrière une auberge malfamée. Tsubaki avait dû regagner le confort de sa forêt. Et Kuro… Kuro, tu n’as pas pu le connaître mais ce garçon faillit nous accompagner vers de grands destins. Lui aussi, évaporé.

« Les autres ont disparu de la circulation. Ils sont peut-être morts. Je n’en sais rien. »

Encore une fois avais-je fini esseulé, comme un arbre dans le désert, une poussière au milieu de l’intégrité sableuse. Le dernier bastion noir des Profondes Ténèbres, un souvenir oublié.

« Où étais-tu ? » lui demandais-je avec un vague sourire triste. Et surtout, pourquoi ce retour ? Que cherchait-elle ?


Withered


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Elle ne sut si elle était surprise ou bouleversée de la nouvelle. Mais elle ne laissa rien paraitre, une fois de plus. Disparus ? Ils n'étaient déjà pas nombreux, les voilà réduits à seulement quelques spécimens. Elle inspira profondément. C'était le risque, elle le savait. Mais voir ce risque prendre vie était autre chose. La gerudo n'était pas sentimental, mais voir son petit univers ainsi éclaté pourrait la déstabiliser dans les jours suivants.

La question arriva comme prévu, déchirant le calme de Withered. Elle aussi avait des comptes à rendre, et plus qu'à Ganondorf ou à un autre maitre de bas étage, c'était à ses anciens compagnons qu'elle les devait. Elle s'était préparé, mais ses sourcils se froncèrent tout de même sous la nervosité.


"J'étais sur d'autres terres plus familières pour moi."

Elle retira sa main, et s'éloigna de quelques pas en lui tournant le dos. Elle revenait avec un nouveau but, une nouvelle ambition. Son objectif était clair, mais se devait-elle de le partager avec son ancien camarade ? Ses dons de stratégie lui serait utile, mais aurait-il l'endurance nécessaire pour assumer son rôle ? Elle fit volte-face, ses iris perçants vrillés sur lui.

"Je suis revenue, c'est tout ce qui compte. Et quel est votre but actuel sur ses terres chancelier ?"

La sévérité pesait dans sa voix. Elle n'était pas là uniquement pour le plaisir des retrouvailles, et elle espérait surtout ne pas être déçue par l'errance de l'ancien responsable des propagandes de leur clan.


Astre


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A peine ma question posée, j’avais senti que je pénétrais dans un autre monde, un monde sauvage, un monde où les règles n’étaient pas celles du tout-venant mais celles bien particulières de Withered. La réponse mit peu de temps à venir mais je compris qu’il était peut-être trop tôt pour engager la discussion. Après tout, Withered était ma sœur d’armes ; il me fallait respecter un temps de latence, celui de la compréhension, avant de creuser plus en détails le sujet.

"J'étais sur d'autres terres plus familières pour moi."

Le contact sur ma main disparut. C’était la fin du pathos, la conclusion parfaite aux retrouvailles épandues. Nous débarquions sur un nouveau terrain, celui de l’action : d’une certaine manière, elle avait mieux réagi que moi devant les aléas du temps et son lot de malheurs. Etait-ce sa condition de femme qui, sur le long terme, la préservait ainsi ? Je n’étais pas sûr d’avoir un jour la réponse, mais cela me tracassait : moi qui avait laissé vibrer mes propres états d’âme devant cette guerrière, cela prouvait peut-être mon amour pour elle : cela mettait surtout en évidence mon inconstance mentale et ma folie chronique. Etait-ce quelque obscure sorcellerie qui avait déstructuré ainsi toute ma froide méchanceté, ma colère insondable, mes sarcasmes coutumiers ? Moi qui faisais la paire avec la Sinistre Vipère lorsqu’à la plaine, nous hélions les gueux du haut de notre arrogance légitime, dans une sorte de jeu puéril que seuls les plus puissants peuvent se permettre ; lorsque la joute s’envenimait avec les rares ennemis qui se mettaient en travers de notre route et que nous montrions toute l’ingéniosité de notre rhétorique, elle dans un style court et succinct, moi déjà dans du verbiage outrancier ?  J’avais laissé l’hypersensibilité dévorer mon esprit combatif.

Troublé que j’étais et bringuebalé par mes hypothèses et conclusions, je n’avais pas vu Withered bouger. A présent, elle me présentait son dos : j’eus un sourire, entre lassitude et amusement. Je la devinais bouillonnante, mécanique ; dans sa tête, un geyser de pensées. Tant d’occasions manquées… elle se retourna et balaya de ses yeux toute la sensiblerie dont mon âme dégoulinait, à la recherche d’une réponse franche et solide.


"Je suis revenue, c'est tout ce qui compte. Et quel est votre but actuel sur ses terres chancelier ?"

Quel est mon but ? Elle me mettait du « chancelier » avec cela, comme si les années n’avaient pas défilé, comme si nous nous étions perdus de vue pour seulement quelques semaines et qu’à nouveau nos esprits maléfiques s’attelaient à leur démoniaque entreprise.


« Mais conquérir Hyrule, pardi ! Eclater cette bulle de tensions à mi-voix, profiter de ce quart de chaos ridicule pour asseoir mon séant sur le trône douillé du royaume ! Engrosser la Zelda pour qu’une fois au moins dans sa vie, elle puisse goûter le bonheur de s’être rendue utile. » C’était parti, je dégringolais dans mes délires de malade et laissais libre cours à la violence de mon imagination. Je n’avais rien à perdre de toute façon. Car je suis Astre et rien ne peut me laisser vissé indéfiniment à l’inertie. Ne rien faire, c’est déjà mourir en soi. Je suis Astre, et je compte bien reprendre non ce qui m’est dû, ni même ce que je mérite, mais bien ce que je désire. Par la force, dans le fer et le sang.

« Et toi Withered, que nous vaut cet aimable retour ? » Je récupérais, dans l’adrénaline, mon ironie doucereuse et mes cruelles manières. « Je doute que cela ne soit que par bons sentiments, pour retrouver la famille et les amis, que s'explique ton retour. Que se cache donc derrière tes jolis yeux violets et ta froide impassibilité ? ». Je lui jetais un sourire gourmand, pour lui faire entendre que ce n’étaient que de basses taquineries. En même temps, j’espérais avoir des réponses : j’étais bien curieux de connaître les motivations du retour de la Sinistre Vipère.




Withered


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Un sourire étrange se dessina sur les lèvres de la gerudo. Si certains ne voyaient que folie dans les mots, les actes et les attitudes passés et présents d’Astre, elle savait que tout cela cachait à merveille son génie malsain. Ce n’était pas pour rien qu’ils avaient réussi à corrompre la prêtresse de la force, et qu’ils avaient organisé un mariage dans le sang et les flammes. Il y avait toujours eu des cerveaux derrière chacune des actions, et c’est ce que Withered cherchait en revenant. Des stratagèmes, et surtout, une volonté de bouger.

« Voilà des projets dignes de vous Astre, et je crois que Zelda appréciera toute votre affection. »

Etait-ce un premier flocon de neige ? Cela aurait pu être possible, il était tellement rare que la Sinistre Vipère fasse un trait d’humour que cela aurait pu déclencher une tempête. Peut-être était-ce parce son interlocuteur se permettait de la taquiner, mais c’était surement parce qu’elle était heureuse –si c’était possible pour elle- de retrouver un ami et allié de longue date, comme si rien n’avait changé.
D’un geste sec, la gerudo récupéra une de ses dagues cachées dans sa paume ouverte. Son regard s’attarda sur la lame, détaillant ses moindres détailles. Chaque griffure, chaque morceau de métal manquant ou entaillé avait son histoire. Mais désormais, elle devait en écrire une nouvelle. Elle ne s’attarderait pas sur le fond du problème ; on l’avait chargé de récupérer un bien, mais elle n’aimait pas se faire passer pour un maillon d’une chaine.


« Je crois qu’il est temps pour moi de récupérer un trésor qui reste depuis trop longtemps inutilisé. »

Ses yeux qui n’avaient pas quitté l’arme vinrent finalement se reposer sur Astre.

« Je veux récupérer les fragments de triforce. Ainsi, votre future épouse n’en sera que plus calme, et nous pourrons ensemble nous dresser face au château. »

Tout ceci n’était que vague projet, qu’une idée qu’on lui avait mise en tête. Mais Withered avait étrangement envie d’y croire, et de profiter de l’occasion pour croiser le fer avec de nouveaux ennemis, ou encore servir les intérêts de feu leur clan. Peu importe contre qui ils devraient se dresser, ils avaient déjà milles projets en tête. Mais le plsu important était qu'ils rechevauchent côte à côte, dans leur propre chemin.


Astre


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« Voilà des projets dignes de vous Astre, et je crois que Zelda appréciera toute votre affection. »

J’éclatai de rire devant cette plaisanterie impromptue. Ma vulgarité, loin de la gêner, semblait lui avoir redonné quelque confiance en ma désagréable personne. Je me demandais d’un coup ce qu’avait pu être son errance, ce qu’elle avait dû réaliser pendant tout ce temps-ci, d’errance lointaine, d’abandon patriotique : était-elle partie braver les fleuves torrentiels qui dessinaient leurs splendides arabesques dans les terres moites d’Orient, sandales de bois aux pieds et mousselines légères pour seuls apparats ? Avait-elle joué les aventurières sous le « rouge, blanc et bleu, tambour et soleil* », couleurs d’une obscure organisation antiroyaliste qui combattait l’administration à l’extrême-est du royaume, là où les femmes portent leurs cheveux noirs et soyeux jusque la taille comme une cape d’hiver, avec ces grands yeux de chat qui vous dévisagent avec une curiosité malicieuse ? Quelle avait été sa vie des dernières années, c’était une question dont je n’aurais probablement jamais la réponse.

« Je crois qu’il est temps pour moi de récupérer un trésor qui reste depuis trop longtemps inutilisé. »

Ses yeux laissaient brûler en leur pupille un foyer puissant et paranormal. L’on sentait en son sein palpiter le cœur ardent d’une jeunesse réveillée, une jeunesse qui pompe et qui crache comme un poumon de nourrisson qu’on vient tout juste de gonfler d’air.

« Je veux récupérer les fragments de triforce. Ainsi, votre future épouse n’en sera que plus calme, et nous pourrons ensemble nous dresser face au château. »

Rien que cela ! elle voyait les choses grandes, comme un théâtre, ce monde hors de portée, des rêves à n’en plus finir, une cascade miroitante de désirs inassouvis et inachevables. Quelle belle carrière, quelle grandeur d’âme ! Elle si pudique, elle si consciente, si rationnelle, que du bon sens, toujours du bon sens ! et la voilà qui me contait des rêves enracinés de jeune héros, un feu ardent qui ne s’éteint pas, sauf à la mort, sauf à la fin. La fin de quoi ? La fin d’une vie, le début d’une autre, un nouveau cycle qui la fait tourner une fois de plus, jamais de trop, une fois et deux, puis trois puis quatre, et pour toujours ! une histoire sans fin ! Ah, comme je me sentais revigoré par sa faim démentielle, démesurée, cet appétit géant, dont elle devait inévitablement connaître l’issue négative, l’impossibilité catégorique ; mais comme tous les géants, elle n’en tenait pas cure, elle gardait son cap, bien droit vers le récif, prête à déchirer la poupe de son navire et à couler; à sombrer dans l’insondable rêve, mourir pour celui-ci, un avenir noir et chaotique, du romantisme à l’état pur.


« Nous partageons bien des folies, Withered. Allons fomenter nos vilains projets, à peine conçus que déjà avortés ! mais nous sommes les enfants d’une race aujourd’hui morte, celle des diables héroïques qui cabotinent avec la réalité jusqu’à leur ultime souffle ! »

*https://www.youtube.com/watch?v=dFg0bqvNZnY