J'ai peur du silence de tes mains

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    Malon aurait parié que le passetemps de Ganondorf était d’attaquer les villages de la Reine. Après le Ranch de sa mère, le Roi des Voleuses n’avaient pas perdu de temps à envoyer ses sbires attaquer le village Cocorico. Nombreux étaient ceux du village qui était venu prêter main forte aux fermiers du Ranch Lonlon lors de la reconstruction: tout normalement, Malon avait voulu rester pour aider les habitants à son tour, au lieu de fuir se réfugier entre les murs de la Citadelle. Même si elle n’était qu’une personne. Une seule âme. Mais si elle pouvait faire la différence pour une seule personne, alors la fugueuse aurait réussi sa tâche.

    Malon avait passé l’attaque du village à se cacher dans la cave à vin de la maison d’accoter, hache à la main, tandis que ses comparses se recroquevillaient toutes ensembles dans un coin plus sombre. Une nuit entière à se transformer en chien de garde, à ne quitter des yeux la petite trappe de bois au dessus d’elle que lorsque des bruits se rapprochaient de leur dernière sortie de secours si la maison venait à bruler. Elle aurait aimé que Link soit avec elle, mais en cette lugubre soirée, elle n’était pas la seule qui avait besoin de lui. Elle ne pouvait que demander à Farore de veiller sur lui.

    Ce fut un garde portant les étendards de la Princesse qui retrouva le petit groupe. Sortie de son trou, la rouquine eut tout juste le temps de trouver Link, accompagné d’Épona avant qu’il ne refile au galop. Elle s’était tenu en silence pour la première fois, ravalant sa salive et ses mots acerbes. À peine le destin les réunissait qu’il les séparait à nouveau. Il était juste de laisser les personnes qu’elle aimait partir. Qu’elles reviennent et repartent ensuite de leur propre gré. Elle avait commencé à l’apprendre et à l’accepter. Et puis, n’était ce pas en perdant quelque chose qu’on apprenait réellement à apprécier sa valeur ? Ou à s’en détacher complètement ?

    Malon assista les paysans à libérer les chemins encombrés de débris et à enterrer leurs morts. Elle courrait dans tout les sens, apportant des couvertures chaudes ainsi que des bouillons de bœuf ou de poulet chauds pour tenter d’éloigner les froids automnaux. Il n’était certainement pas évident d’aborder tout ses gens en détresse entrain de pleurer ou encore en train de prier. Malon tendait parfois l’oreille, récoltant les paroles des éprouvés. Les mots qui s’enchainaient parfois en cantique la surprenait. Toutes les prières étaient dirigées vers les Déesses, leur demandant de protéger leur famille ainsi que leur bien les plus précieux, d’accepter leur défunt et en demandant pardon pour leur pécher. Mais qui priait pour Ganondorf ? Qui, en quelques années, n’avait pas eu l’humanité de prier pour le seul pécheur qui en avait le plus besoin ? Malon avait déjà prier pour lui, mais ne sachant exactement pourquoi le Sombre Seigneur attaquait les terres de la Reine – peut-être était-ce seulement une question de faire verser le sang ou peut-être y avait-il un objectif plus poussé derrière – il était bien difficile de spécifier sa requête.

    Les premiers jours éreintant passèrent à une vitesse absurde. Les problèmes se réglaient de plus en plus, mais d’autres se créaient : le village commençait à manquer de nourriture et l’hiver venait. Sa Majesté avait bel et bien envoyé des rations supplémentaires provenant directement du Ranch Lonlon – Malon n’avait même pas eut à écrire une lettre à son paternel pour qu’il agisse – mais elles ne semblaient satisfaire la faim des villageois. Après tout, le Ranch n’était pas non plus remis totalement sur ses pieds et les dernières récoltes avaient été perdues, proies aux flammes.

    Bien vite, certains villageois avaient pris le problème en main en créant un groupe de chasseur. Malon en profita pour les rejoindre. Elle s’était fait revirer de côté plusieurs fois par son manque de savoir faire dans le domaine, mais son acharnement paya au bout du compte. Elle savait son ancien employeur vengeur. Avec l’humiliation que Link lui avait fait subir, il reviendrait probablement vers elle pour régler quelques comptes. Elle ne devrait pas tarder à bouger vers des lieux plus surs, quoi qu’avec le Champion de la Force dans les parages, il n’y avait certainement plus aucun endroits qui l’étaient. Certes, en ce moment, la nouvelle présence de ses compagnons de chasse suffisait à tenir l’aubergiste à des distances raisonnables … mais ça ne saurait durer éternellement.

    Rejoignant les hommes et les quelques femmes qui faisait partie du groupe, Malon fit fuir les proies les premières fois avec grand brio. La rouquine apprit à faire des nœuds ainsi que des pièges et fut même initiée à l’arc à flèche. La première fois qu’elle dû dépecer un lapin lui pesa sur l’estomac : c’était totalement contre sa nature première au Ranch. Elle savait que certains chevaux étaient élevés pour leur viande, mais jamais Malon n’avait-elle tenu à participer à un acte qu’elle considérait barbare. Maintenant, c’était une question de vie ou de mort pour certain.

    Les temps avaient changés et la rouquine aussi. Dans le monde, il y avait les rêveurs et les réalistes. Logiquement, dans un ordre naturel, les rêveurs trouvaient les autres rêveurs et les réalistes trouvaient les autres réalistes, mais plus que souvent, l’opposé était vrai.

    Les rêveurs avaient besoins des réalistes afin de ne pas s’approcher trop près du soleil. Et sans les rêveurs, les réalistes ne quitteraient jamais le sol. Malon était une rêveuse et c’était le monde réaliste, les guerres et les morts qui l’avait rapproché du sol et non une personne en particulier. Si auparavant elle avait toujours souhaité qu’un chevalier blanc l’emmène sur son cheval blanc vers des horizons romantiques, la rouquine préférait maintenant les dragons : les dragons conquéraient le feu et les hommes. Et comme les chevaliers en armure blanche, les dragons ne couraient pas les rues, mais existaient.
    . . . . . . . . . .

    Une fine couche de neige embrassait avec douceur les arbres et les plaines d’Hyrule en cette journée nuageuse. La neige finirait par se transformer en couette duveteuse sur le paysage et lui murmurait d’aller dormir, jusqu’à ce que l’été ne revienne.

    Ses pieds chaussés chaudement laissaient des traces au sol, tandis que la neige des arbres qu’elle accrochait s'attachait à ses vêtements comme la bardane en été. Ses cheveux roux étaient tressés pour l’occasion, cachés sous une capuche de lin, gardant ses oreilles au chaud. Un arc en main, un carquois au dos, un coutelas ainsi que quelques babioles accrochés à sa ceinture, Malon était partie à la chasse par elle-même. Ou plutôt, seule : en se séparant, le groupe espérait attraper plus de gibier. Mais laisser une débutante en solo n’était probablement pas une bonne idée. La fugueuse du ranch n‘avait cependant rien dit : après tout, c’était eux les experts et ils devaient la trouver d’un niveau acceptable pour la laisser chasser seule. Son doute s’était lu sur son maigre visage et le meneur de l’attroupement n’avait pas hésité une seconde à lui mettre une main réconfortante sur l’épaule, lui récitant les quelques règles de la chasse, lui conseillant d’aller à l’orée de la forêt qui bordait le petit village de Lydes, bordant la rivière Zora, avant de disparaitre à son tour derrière un rocher. La forêt de Lydes était calme et abritait plusieurs petits gibiers comme des lièvres ou encore des perdrix. Quelques herbes médicinales y poussaient aussi, pour déjà être venue dans la forêt afin d’en récupérer et guérir quelques fermiers. Et le temps de s’y rendre fut court à cheval. D’ailleurs, elle laissa la bête attachée à un arbre avant de s’enfoncer un peu plus dans la forêt – bien petite comparée à celle des kokiris.

    Ses pas étaient posés. S’accroupissant, écoutant et retenant sa respiration malgré elle, Malon fut en mesure de capter les empruntes d’un lièvre. En fait, elle ne fit que lever les yeux à l’horizon que la bête était là, mâchouillant le peu d’herbe découvert de manteau blanc. Accroupie entre les branches mortes au sol, la rouquine appuya son genou sur une souche, s’aidant à relever le haut de corps et à armer l’arc en sa possession.

    Elle avait ramené la corde de l’arc jusqu’à sa joue. Sa main tremblait, Malon pouvait la sentir toute proche de ses lèvres gercées par les premiers froids de l’hiver. Ses bras n’étaient point encore habitués à l’exercice. La rouquine avait le lièvre en vu. Elle retint sa respiration, contrôlant ses tremblements, tirant un peu plus la corde, s’assurant que la flèche soit bien placer … puis elle décocha, fermant ses yeux sur le coup de la surprise, toujours épatée par le bruit que la flèche faisait quand elle filait dans l’air, ne sachant si sa flèche avait bien eu sa proie. Ou autre chose.
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Lanre


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(vide)

Il porta la main jusqu'à son museau. Du doigt, le Ceald appuya sur sa narine avant de souffler. L'eau s'échappa de son naseau et retourna à la rivière. Il réitéra l'opération, se dégageant la truffe pour de bon. Le froid caressait sa peau nue et il lui semblait qu'il revenait un tant soit peu chez lui. Tout l'y attendait, sans doute. Battu par le vent, la pluie et la neige, à n'en pas douter. L'apatride jeta un oeil à la glace qui cristallisait sur le ruisseau, avant de la briser du poing. La couche était fine et bientôt l'eau fraîche lui lécha les phalanges. Cette austérité de l'Hiver naissant lui évoquait le chaton joueur qui n'avait ni les griffes ni les crocs pour s'attaquer véritablement à son maître et il ne put s'empêcher un petit sourire en coin. Ses paumes plongèrent sous le verglas.

Il contempla un instant l'image qu'il tenait au creux de ses mains. Le reflet d'un homme, d'un portrait grinçant. Des joues dévorées par une couronne de feu, mais également rongées par les cicatrices. Un visage dur et froid, plus que la couverture de verre qui sommeillait sur l'ensemble des fleuves qui parsemaient ses terres. Des lèvres qui avaient oublié comment rire, de toute évidence. Il grimaça, réalisant qu'il ne reconnaissait pas la gueule qui le dévisageait. Il connaissait la lueur qui brillait au fond de ce regard - les yeux d'Olwen brillaient de la même façon, jadis - mais du reste, c'était un étranger qui le fixait. Un frisson remonta son échine, tandis qu'il tremblait en silence, incapable de s'arracher au plus simple et au plus franc des miroirs.

« Les Hommes aiment à se voir reflétés en de troubles miroirs », estimait Brieg quelques années plutôt. Et tandis que le vert-de-gris de ses pupilles demeurait rivé sur le visage de cet homme aussi sauvage que perdu, il lui semblait revoir l'ancien. Le vieillard l'avait accompagné en de nombreuses occasions, durant les rites, les veilles ou jusqu'à l'aube des batailles. Il se souvenait du jour où le doyen l'avait autorisé, pour la première fois à recevoir les ornements réservés aux guerriers après qu'Aaricia n'ait accompli le rite et mené Naraan à terme, sous le regard des frères et des aînés. Il se souvenait aussi de la lame qui lui avait arraché sa langue après la victoire de Vaal'an. Après Bjorn, il avait été le premier à mourir. Sans qu'un mot ne parvienne à desceller les plis de sa bouche, le rouquin jeta l'eau sur le faciès qu'il savait sien. Alors que se brisait le reflet, d'autres images prenaient d'assaut son esprit. L'espace d'un instant, il avait oublié que rien ne l'attendait plus sinon les braises grisonnantes d'un monde jeté à bas. Quand tomberaient les premières neiges, chez lui, plus rien n'existerait. L'hermine blanche et glacée des petites-gens recouvrirait tout.

L'eau, presque glacée, lui piquait les pommettes en s'insinuant dans la barbe hirsute qui masquait sa gueule. Elle courrait dans son cou, avant de longer son torse. La neige mordait doucement ses genoux, tout juste recouverts d'un peu de lin, et il ne pouvait s'empêcher de penser aux terres dont on l'avait chassé. Celles qui l'avaient porté, nourri. Celles qui l'avaient vu naître, vivre et tuer. Celles qu'il avait tâché de défendre, celles qu'on lui avait arraché. Et s'il avait toujours rêvé - sans doute à l'instar de ses frères de Clan - d'une liberté sans limite ni mesure, il en touchait du doigt les frontières. En mal d'ancrage, il comprenait à quel point il n'était rien. Oh, certes, il n'avait jamais voulu de la gloire, si chère à tant des hommes et femmes de sa tribu. Seulement, la tribu n'était plus. Son univers tout entier s'était écroulé et avec lui l'ensemble de ce qu'il avait jamais été. Ses poings s'étaient refermés sur les bords du rivage quand, dans un grognement sourd, il frappa l'eau du plat de la main, brisant une seconde fois son reflet.

Le paria se redressa et laissa son regard se perdre entre les arbres et les bois blancs, se surprenant à penser à la sorcière à qui il devait la vie. Il ignorait ce qu'il était advenu d'elle et comme chaque fois qu'il laissait le doute l'assaillir de la sorte, elle apparaissait comme l'un des rares remparts qui lui restait. Sans doute aurait-elle apprécié ce pan de forêt.

La plante de ses pieds s'enfonçait dans la poudreuse quand il avança de quelque pas pour regagner le cuir et les pelisses qui lui servaient d'armure et de plastron. La neige recouvrait les fourrures et s'était mélangée au pelage, par endroit. Il prit à peine le temps de la secouer avant de l'enfiler et de s'asseoir le temps de passer ses bottes, puis ses gantelets. Les souvenirs et les regrets l'assaillaient peut-être, mais la faim le tenaillait au moins autant. Ses doigts descendirent jusqu'à deux rubans de tissu sombre, suspendus à sa ceinture. Le premier glissa entre ses lèves, jusqu'à ses dents, tandis qu'il montait le second jusqu'à la crinière écarlate qui reposait sur ses épaules. En quelques tours du poignet, il attacha ses cheveux en une queue de cheval, puis la rehaussa à la manière des siens avec le deuxième fil d'étoffe.

Alors qu'il tirait sa fronde, son bras lui arracha une grimace. La plaie que Swann lui avait infligé le lançait encore et il décida de ne pas chasser que l'animal : si les Wyrms le souhaitaient, les plantes qui pouvaient calmer sa douleur poussaient dans ces bois. Si c'était le cas, il saurait les trouver.

Sans un mot, lanière de cuir en main et pointe de flèche dans la besace, le maraudeur se mit en chasse. Alerte, il plissa les genoux et s'avança accroupi, comme il l'avait toujours fait. Le fer de ses bottes marquait la neige sans bruit et son regard suivait de près le lièvre qui pataugeait tant bien que mal dans la poudreuse, à la recherche de quoi se remplir la panse. De la main gauche, il fit sauter la fermeture de la bourse dans laquelle il conservait ses projectiles et en récupéra une petite poignée. L'animal continuait d'avancer, si inconscient qu'il l'enviait presque. Quand il se stoppa face à l'une des dernières motte d'herbe qui tapissait encore les sous-bois, Lanre estima que c'était le bon moment. Au cuir, il joignit le silex taillé en aiguille, prêt à asséner un coup mortel à son repas du soir. Camouflé par un grand-pin, il s'extirpa à sa cachette le temps de... — 

Le trait fila, avant d'empaler avec force l'arbre qui se retrouvait derrière lui. L'écorce se déchira dans un bruit qu'il aurait su reconnaître parmi tant d'autre et il garda le silence encore surpris. L’empennage de la flèche qui venait de percer le bois lui avait caressé le nez. A quelques pouces près, le fer l'aurait tué, ou au moins délesté de son museau. « Beiddgar'... ! — » Siffla-t-il en se retranchant à couvert. Immédiatement après que le carreau ne se soit fiché dans l'épicéa, son regard avait glissé dans la direction inverse. La tempête qui dansait au fond de ses yeux avait suivi la pente jusqu'à repérer ce qui lui semblait être le tireur.

Lanre pesta, grinçant des dents. La fronde dont il disposait ne ferait pas le poids face à un archer un tant soit peu talentueux et la précision dont avait fait preuve celui-ci l'inquiétait assez pour qu'il en vienne à ne plus penser au reste. L'intégralité de son être se concentrait sur cette menace qu'il enrageait de n'avoir su déceler plus tôt. Ses phalanges décolorées par la pression, il jeta un oeil aussi discrètement qu'il n'était capable de le faire sans parvenir à retrouver son assaillant, ni son repas. « Fjànd'in Ifreànn... ! » Murmura-t-il, sans crainte du blasphème qu'il proférait. Ces attaques surprises et, d'apparence, sans raison formaient au moins l'un des rares éléments qui ne le dépaysait pas réellement. Et si le temps avait su faire son affaire - il n'avait pas été très ardu de comprendre à quel point Hyrule était moins hostile que Celves - il restait tout aussi tendu qu'à l'époque ou il menait assauts, raides, rixes et manœuvres de harcèlement sur les troupes ennemis.

Rester immobile, c'était mourir, au moins savait-il cela. Sans plus attendre, il roula jusqu'à gagner un buisson à quelque pieds de là. Aucune nouvelle flèche ne vint l'accueillir et il réitéra le processus. Bientôt, il disposait d'un angle de vue suffisamment neuf pour contempler la situation d'un tout nouvel oeil. La rouquine qui avait tiré semblait chercher sa cible du regard et il en profita pour se glisser dans son dos. Habitué des approches discrètes, il parvint à l'approcher sans se faire repérer ; ou du moins sans provoquer de réaction. Jonglant de la fronde à la dague, l'étranger s'avança derrière la chasseresse, jusqu'à pouvoir décrire clairement l'ensemble des motifs dessinés par la neige sur sa tunique.

"Joli tir." Souffla-t-il, la voix posée et le ton serein. Sa main droite avait gagné les lèvres de l'inconnue tandis que la droite, munie de la dague de Blanche, partait à la rencontre de son cou. « Mais dis-moi... », reprit-il après un bref moment. Son regard parcourût rapidement le corps de la demoiselle et en dépit de l'attirail qu'elle transportait avec elle, il doutait qu'elle fut de celles qui combattaient et moins encore de celles qui tuaient. Une chasseuse, sans doute, attirée par le même trésor que lui. « ... Qui est-ce que tu visais ainsi, exactement ? » Questionna-t-il alors, libérant l'archère de son emprise et ne reculant que d'un pas. Son instinct lui disait qu'il n'avait pas à la craindre, mais des décennies à lutter pour la survie lui avaient appris à ignorer la naïveté et l'amabilité. En reculant de la sorte, il ne menaçait plus la rouquine mais disposait d'assez d'allonge pour réagir avant qu'elle ne puisse décocher.


    Ses lèvres laissèrent passer l’air coincé depuis un bon moment déjà dans ses poumons. Son cœur repris un rythme rapide et ses mains recommencèrent à trembler, l’effort achevé. Ses yeux s’ouvrirent tranquillement, à la même allure à laquelle ses muscles finissaient de se détendre. Pas de gibier en vu, ni même de trace de sang qu’elle aurait pu facilement suivre. Malon laissa ses épaules retomber tout en soupirant. Elle était une cause perdue, mais n’était-ce pas ce qu’elle avait pensé la première fois qu’elle avait tenté de faire de l’équitation ? Un maigre sourire naquit sur ses lèvres à l’évocation du passé. Ah ! Toute la collection d’ecchymoses qu’elle s’était faite sur les jambes. Les souvenirs de son paternel et de ses bandages maladroits, mais remplis d’amour et de paroles encourageantes déferlèrent sur les tapis blancs de la forêt.

    L’apprentie chasseuse prit appui sur l’arbre à sa droite, pressant sur ses deux pieds, avant de s’avancer d’un pas léger et nonchalant là où le lièvre se trouvait auparavant. Pas une seule trace de sa flèche. La jeune fille abaissa sa capuche, laissant la brise froide caresser ses longues oreilles pointues. Elle avait visé trop haut, comme bien souvent, ayant toujours en tête les premières fois que la flèche venait se ficher à a peine quelques mètres de ses pieds lors de ses débuts.


    « Joli tir. »

    La rouquine fut surprise par la voix qui venait par derrière, beaucoup trop proche d’elle à son gout. Voulut-elle crier ou faire face à l’individu, ces actions étaient maintenant impossibles. Une imposante main barrait sa bouche, empêchant tout son d’en sortir. Malon s’était agitée, posant l’une de ses mains sur celle de l’homme, cherchant à s’en dégager, mais la lame qui vint caresser sa gorge la tint bien vite à l’ordre et lui fit oubliée les idées de coups de pieds et de mains dans des directions aléatoires. Si la peur avait gagnée son cœur, elle fut bien vite remplacée par une certaine hardiesse qui se lisait dans son regard. Elle avait calmé sa respiration, lui laissant quelque peu reprendre le contrôle de la situation. Si il y avait bien une chose qu’elle n’aurait pas cru rencontrer dans cette forêt, c’était bien un assaillant. L’homme reprit de plus belle la parole. Elle pouvait sentir son souffle réchauffer sa nuque … avant d’être libérée. À sa plus grande surprise.

    Relâchée, Malon avait reculé de plusieurs pas, perdant parfois pied dans la neige, bien trop occupée à pointer son arc en direction de son agresseur. Sans réfléchir, ses doigts s’étaient emparés d’une flèche, mais maladroite comme elle était et peu habile avec une arme entre les mains, la flèche se retrouva bien vite au sol sans qu’elle n’ait eu l’opportunité de la glisser sur le bois et de tendre la corde.

    Piteuse, la rouquine avait tout simplement abaissée son arme dans un mouvement qui respirait l’abandon. La fugueuse avait posés ses yeux saphirs sur la flèche au sol – considérant son lamentable échec – avant de les relever, sondant ceux du rouquin face à elle. Sa barbe lui mangeait le visage tandis que ses yeux avaient quelque chose qui lui rappelait ceux de Link : ils étaient loin d’être de la même couleur, mais possédait ce même miroir où il était possible d’y voir de violentes tempêtes y naître. Et ses mouvements ? Nul. Peut-être n’avait-elle rien à craindre de lui, malgré son entrée qui lui rappelait tout le contraire.

    Ses vêtements ou plutôt ses fourrures, lui indiquait qu’il s’agissait probablement d’un chasseur, quoique beaucoup plus expérimenté qu’elle. La rouquine était même prête à parier qu’il l’était plus que n’importe qui de son propre groupe au village. Mais, il était autre chose qu’un chasseur, quelque chose de plus. Un combattant ? Un assassin ? De la manière et avec la facilité qu’il s’était approché d’elle et plaqué sa dague contre son gosier, c’était à se poser des questions. Malon posa sa main sur cette dernière : elle pouvait encore sentir le froid qui émanait de l’arme lécher sa peau.


    « Le lièvre. » finit-elle par répondre à sa question, pointant légèrement là où se trouvait le gibier avant qu’elle ne manque malheureusement – et heureusement – son tir. « Je peux vous le laisser, si vous voulez. » s’enquit-elle presque immédiatement, hochant la tête pour approuver ses dires. Mais l’animal était parti depuis belle lurette déjà et les chances de le retrouver étaient faibles.

    « Pourquoi m’avoir attaqué ? »

    Et relâchée de sitôt. Malon était loin d’être menaçante habillée et « armée jusqu’au dent » comme elle l’était. Peut-être y avait-il une règle entre chasseurs que la fugueuse n’avait pas respecté, que les autres avaient oublié de lui dire. Un règlement qui allait dans le sens de « c’mon territoire, pas touche » ? Cependant, l’accent de l’homme lui disait qu’il n’était pas du coin. Un de ses aventuriers, de ses voyageurs qui venaient d’au delà des frontières des terres des trois déesses. Peut-être était-ce une règle acquise chez lui alors ?

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Lanre


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Il avait esquissé un pas discret à chaque fois qu'elle avait reculé. Sans être fondamentalement menaçant le Ceald rongeait peu à peu, et au fur et à mesure, la distance que l'Hylienne souhaitait imposer. Il ne lui voulait aucun mal, mais depuis bien des années il avait compris que se protéger soi-même revenait souvent – bien trop souvent – à blesser les autres. Entre ses doigts, il laissait doucement courir la dague de Blanche jonglant comme auraient pu le faire d'autres avec une piécette, à la manière des Skaalds d'Hyrule qu'on nommait « Troubadours ». La jeune femme se saisit d'une flèche, sans doute pour mieux lui imposer ce qu'il lui refusait depuis lors. Le regard du rouquin glissa de celui de la belle. Elle avait les yeux d'un bleu à la fois fragile et profond ; dense et insondable. Ils lui évoquaient cette tumultueuse Mer du Nord sur laquelle Aaricia, Braig et Olwen avaient eu droit à un dernier voyage. Du moins, il l'espérait.

"Shhhhht. T-t-t-t." Fit-il simplement, s'avançant d'un nouveau pied tandis que l'acier se fichait dans la neige, entre elle et lui. Sans un mot de plus, il rangea le coutelas que la Sorcière lui avait chaleureusement cédé à son départ. Rapidement, l'archère commença à se justifier. Les yeux du paria avaient quitté la chasseresse pour rejoindre le trait qui trouait ce suaire d'Hiver. La jeune femme parlait vite : c'était à peine si elle s'accordait une seconde pour retrouver une once d'air. S'il restait muré dans son mutisme, il la comprenait. Quelques instants plus tôt, il aurait pu la tuer aussi aisément que l'océan brise les bicoques et aussi sûrement que l'âge ne ruinent guerrières, guerriers, paysans ou Jarl. Peut-être avait-elle peur. Peut-être, au contraire, était-elle soulagée mais restait sur ses gardes. Il ignorait ce qu'attendait les gens ici-bas, pour l'après-vie. S'il y avait bien un sujet qu'il ne souhaitait pas aborder avec Aedelrik, c'était celui-ci. L'homme était encore trop sujet à la dépression et aux pleurs pour qu'ils puissent parler de mort librement. Car, en dépit de la colère qu'il ressentait à l'égard du voleur, il restait son ami. Quand il aurait passé le cap qu'il avait à franchir, peut-être pourraient-ils s'exprimer sans craintes ni contraintes.

Ses doigts accrochèrent la hampe de la flèche et il extirpa l'acier à la poudreuse sans un regard pour l'Hylienne. Elle s'inquiétait des raisons de son approche et s'il n'était pas tenu de lui répondre, il était las de se battre partout où il allait. Fut-ce avec les poings ou avec les mots. « Pour ça. » Souffla-t-il, d'une voix assez basse, forçant inconsciemment la jeune femme à tendre l'oreille si elle souhaitait l'entendre. Le maraudeur s'était relevé et jouait avec le trait comme s'il n'était qu'une simple branche. Le bois embrassait un doigt pour ensuite glisser dans les bras d'un autre, s'improvisant la cavalière de cinq des sieurs parmi les plus habiles danseurs du petit bal qui se jouait entre les deux roux. « Ton premier tir a manqué de m'arracher le nez. » Reprit-il, serein. L'intonation qu'était la sienne ne portait ni menace, ni violence. Le vert-de-gris qui brillait au fond de ses pupilles se décrocha de l'alliage qui formait la pointe mortelle, au cours d'une énième jig, pour chercher les mains de sa vis-à-vis. Elle ne les avait pas lisses mais ne les avait pas non plus mutilées. Si le carreau continuait de tourner, il commença à perdre en vitesse à mesure que le trappeur prêtait de plus en plus d'attention au silence. Au silence des mains de la belle.

"Tu... débutes ?" S'enquit-il, avec un peu d'hésitation. Tantôt les mots de sa langue lui revenait. Cette femme portait quelques uns des traits distinctifs de son peuple, quand bien même d'autres trahissaient son appartenance à une ethnie différente. Les longues oreilles effilées sont l'apanage des Hyliens, disait Aedelrik quand il lui évoquait les peuples qui vivaient sur ces terres. Pourtant, il lui semblait que ces gens-là mataient les femmes et les laissaient tout juste voyager de la cuisine au lit. Un demi-sourire étira ses lèvres à cette pensée. Aucune des Cealds n'aurait accepté de subir pareil affront, sauf à être enceinte jusqu'aux yeux et alitée en attendant la naissance de l'enfant. Et encore... Constater que ce genre de dame n'était pas uniquement le propre des siens lui réchauffait sans doute plus le cœur qu'il ne souhaiterait jamais l'avouer. « Je crois que ceci t'appartient. » Glissa-t-il, stoppant la flèche dans sa dernière danse. L'empennage ne caressa pas le nez de demoiselle, mais à quelques pouces prêt il aurait pu. Il laissa la jeune femme récupérer son dû avant de s'éloigner doucement pour s'adosser contre un rocher suffisamment imposant pour qu'il supporte son poids. Son regard demeurait fixé sur les poignets, les paumes et les doigts de celle qu'il ne voyait pas encore comme une femme à proprement parler. Loin de la fillette, certes, mais pas encore une femme.

"Tu tires trop haut." Lâcha-t-il, peut être trop sec pour être bon pédagogue. Croisant ses bras sur sa poitrine, l'apatride se décida à observer la fille de ferme qui lui faisait face. Quand bien même ses mains ne parlaient pas, elles le renseignaient bien assez. La chasseuse qu'elle était tenait encore bien mal son arc pour se prétendre expérimenté et sa peau restait trop douce – d'apparence, du moins – pour qu'elle eut été de celles qui se battent. En revanche, elle était trop sale pour appartenir à une fille de Jarl. « Combien de vies dépendent de ta flèche ? » Lança Lanre. La question demeura en suspens, alors qu'il laissait son regard vagabonder vers l'animal qui faisait du bruit dans les branches. Un merle sans doute. Tout juste de quoi nourrir un gamin.


    Malon se sentie coincé : à chaque pas qu’elle faisait pour le distancer, l’homme en faisait un pour combler l’espace qui les séparait. La fermière s’était arrêtée : ça ne servait à rien de continuer à reculer … à moins de partir en courant. Il y avait cependant quelque chose chez l’inconnu – ou était ce dans l’air d’hiver – qui tenaillait sa curiosité. Tenant toujours sa gorge, Malon fixa le dit nez pour mieux relever le regard et marmonner quelques mots d’excuses. Elle n’avait certainement pas fait exprès de rater sa cible. Le lapin. Pas le rouquin. D’ailleurs, elle ne pu que constater l’habileté qu’il avait de faire danser sa maladroite flèche qu’il avait amassé. Sa main avait délaissé son gosier pour venir joindre sa sœur : les deux mains se présentaient collées, comme si elles attendaient qu’on y dépose un liquide, bien qu’il s’agissait plus d’une flèche.

    « Ça se voit tant que ça, hein. » s’enquit-elle en riant jaune un peu, fixant le vide derrière l’inconnu. Malon avait cru avoir fait des progrès fulgurants, à en croire les paroles de ses compatriotes chasseurs, mais peut-être était-ce seulement de belles paroles pour l’encourager. Même si le but de leur parole était noble, la rouquine aurait tout de même préférée la vérité. Il avait fini par lui remettre la flèche, un peu trop près de son visage à son gout. Elle s’en était saisit d’un franc poing et la ramena au niveau de son torse, ne manquant pas d’essayer elle-même de faire tourner la flèche entre ses doigts comme elle avait vu l’homme faire, mais un seul quart de tour fort désastreux la dissuada de poursuivre.

    Il s’était éloigné sans que Malon ne le regarde, croyant qu’il quittait le boisé ou s’en allait tout simplement vaquer à ses occupations. Après tout, elle s’était excusée, ils s’étaient expliqués – plus ou moins – et tout était rentré dans l’ordre. Elle n’avait pas perdu sa gorge, il n’avait pas perdu son nez. Pensant être seule, la fugueuse soupira, laissant ses membres tendus souffler un peu …


    « Tu tires trop haut.»

    Mais il s’était planté là, sur un massif rocher, empli de mousse et de champignons. Elle avait été surprise, leva la tête en sa direction et sans pouvoir s’en empêcher, l’avait quelque peu dévisagé, non par méchanceté, mais plus par questionnement. « Je sais. » avait-elle dit brièvement, le ton quelque peu sec. À croire qu’elle s’était trouvé un professeur temporaire et surprenamment volontaire. Malon avait fait quelques pas, ses chausses laissant des traces dans la poudreuse décrivant un arc de cercle. Le rouquin était intriguant, similaire à un loup bien qu’il avait plus la stature d’un ours. Que pouvait-il bien vouloir gagner à lui enseigner ? Après tout, rien n’était gratuit ou cédé : un service pour un service.

    Malon l’observait toujours quand il posa ce qui paru à la fugueuse une question ultime, alors que pour lui, une question des plus niaise. Combien de vies dépendaient d’elle ? Combien réellement ? Son cœur s’était resserré comme la tempête sur un navire perdu en mer. Elle ne savait pas … et ne voulait probablement pas savoir réellement. La rouquine renifla le froid mordillant son nez, resserra son poing gauche sur l’arc, cherchant, demandant au bois de transpercer ses doigts de ses échardes. Mais il n’en fut rien.

    Malon aurait très bien pu rester au Ranch, avec son paternel et sa famille, ses amis et ses compagnons de travail. À ce moment elle aurait pu exactement lui dire le nombre de vie qu’elle avait sur les épaules. Mais après la nuit où elle avait vu sa demeure, ses terres, ses bêtes et ses récoltes brulées accompagnés des cris des fermiers et des quelques voyageurs, ainsi que cette imposante ombre encore plus noir que ce qu’elle imaginait être la mort, la fermière avait compris ce que son cœur tentait de lui crier depuis des lustres: elle devait agir. Même si elle avait quitté le Ranch, il n’était pas rare que l’apprentie chasseuse sente toujours la chaleur des flammes sur sa nuque.

    Elle savait – ou plutôt pouvait – maintenant imaginer la peine que Farore avait abattue sur Link en le faisant Élu du Courage. Combien de vie dépendait de lui ? Hyrule tout entier reposait sur ses épaules et elle se maudissait de lui en avoir voulu durant des années alors qu’elle commençait tout juste à comprendre ce dans quoi il était plongé. Elle n’était pas partie du Ranch Lonlon parce qu’elle tenait à aider Link, loin de là : elle voulait faire ses propres pas dans ce monde chaotique, avoir une main sur le destin, sur son destin. Si elle avait à mourir, au moins aurait-elle la chance de choisir comment. Qui ne voudrait pas ce genre de chance ?


    « Hmm. » fut sa seule réponse à la question. Son esprit ailleurs, ses pensées voilées par des images, Malon n’avait pas pris conscience des agissements de son corps qui avait armé son arc de sa flèche gauche et ramener la corde à sa pommette. Elle prit une inspiration, visant ce qu’elle croyait être un petit oiseau puis lâcha la corde. Le trait fila, mais comme si Malon pensait posséder des pouvoirs de passe-muraille, la flèche fonça dans quelques petites brindilles et vint frapper l’oiseau. Ce dernier dégringola, battant des ailes pour ne pas être victime de la gravité. À peine rendu au sol, la corneille d’un noir charbon sautilla et s’envola à nouveau vers le ciel, seulement assommée par la flèche – qui s’était fiché dans les branches de l’arbre – ne présentant aucune blessure apparente.

    Malon arma tenta d’armer rapidement son arc pour tenter d’abattre l’animal une seconde fois. Avait-elle réussi à placer la flèche et un demi-tour sur elle-même que la bête à plume n’était déjà plus visible. Probablement déjà loin même. La rouquine jeta un regard las à l’homme qui s’était improvisé mentor, alors qu’elle ne savait même pas s’il était lui même doué à l’arc. Peut-être voudrait-il plutôt faire marche arrière avant qu’il ne soit trop tard.


    « C’était toujours trop haut ? » fit-elle en haussant les épaules. La réponse était évidente …

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Lanre


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Le trait fila plus vite que ne le pouvait son regard, mais le Ceald avait déjà envisagé son incapacité à suivre le projectile. Quand les doigts de la fille de ferme commençaient seulement à se détendre, les yeux de l'apatride fixaient l'arbre qu'elle visait depuis quelques secondes. La flèche s'envola, un temps, avant de percuter le conifère. L'acier brisa une branche avant de frapper l'animal qui se cachait sous la neige et les aiguilles. Sans un mot, il observa le volatile se débattre, puis chuter. Le noir de son plumage et la distance qui les séparaient l'empêchaient de distinguer clairement l'impact du tir de la rouquine. En dépit de la bonne vue dont il jouissait, le paria n'aurait pas su dire si la jeune femme avait blessé la bête. D'un mouvement de la tête, il redirigea le vert-de-gris de ses yeux sur l'apprentie chasseresse : prise de court, elle peinait à armer une seconde flèche quand il aurait fallu un instant auparavant. Sans même avoir à jeter un oeil à la corneille, il savait qu'elle continuerait à voler ce soir. « C'est mieux. » Fit-il simplement. S'il avait été sec tout à l'heure, il avait su adoucir le ton. Sans être moins ferme, au moins avait-il su se détacher de tout ce qui pouvait être compris comme de l'animosité.

"Mais tu rentres quand même les mains vides." Souffla-t-il ensuite, toujours adossé à la roche qui le soutenait quand la demoiselle faisait les cent pas. Son regard retourna à la neige qu'elle avait marqué de la plante de ses pieds, avant de remonter jusqu'à l'océan qui l'invitait presque à plonger. Un instant, il fixa les iris de l'archère en herbe, tandis qu'un léger silence s'installait. Puis, après un instant, le vagabond s'arracha à son dossier. Ramenant les bras le long de son corps, il dépassa sa camarade improvisée jusqu'à retourner sur l'endroit où demeuraient ses traces. « Tu les alertes. » Glissa-t-il, ensuite, sans un autre regard pour la fugueuse. Pliant les genoux, le Skald laissa l'un d'entre eux s'enfoncer dans la poudreuse, quand l'autre vint soutenir son bras droit. Du gauche, il balaya la neige, dissipant quelques unes des marques. Tandis que ses doigts embrassaient l'hermine gelée, il laissa son esprit divaguer. Le gel lui picotait doucement la peau, comme s'il souhaitait le dévorer tout entier. A cette image, Lanre ne put empêcher un petit sourire de naître. Les commissures de ses lèvres s'écartèrent doucement, traçant sur sa gueule un air amusé. Non pas rieur ou bienheureux, mais bel et bien amusé. De cet amusement que peuvent connaître les guerriers, les survivants et les oubliés. « Savoir tirer, ce n'est pas tout. Savoir viser non plus. » Reprit-il. Sa main droite glissa vers la neige, masquant une autre des traces de la fermière. Une fois de plus, il laissa un manteau de mutisme entourer le peu de conversation qu'ils pouvaient avoir. Entre ses doigts sommeillait quelques flocons, qu'il écrasa du pouce et de l'index.

Tandis qu'il continuait de farfouiller la neige, l'étranger finit par tomber sur une Gant-de-Bergère qui, de toute évidence survivait à l'hiver. Délicatement mais sans perdre de temps, il sectionna la tige juste à la naissance. Il n'avait encore rien attrapé, mais le voyage en valait déjà la peine. Son regard revint à la chasseuse, tout aussi silencieuse que lui apparemment. Il ignorait si elle ne l'écoutait pas ou si, au contraire, elle buvait ses mots. « Les tromper n'est pas si simple. » Souffla-t-il en se relevant, après avoir glissé la petite fleure dans une des poches de cuir qui pendait à son ceinturon. Et bien que ces quelques mots pouvaient sonner creux à qui ignorait tout de l'art de la traque, le trappeur n'enfonçait pas une porte ouverte. « Ils savent ce que tu ne peux pas voir. » Ajouta-t-il en s'avançant vers elle. Loin de faire des esprits des proies, il savait simplement quelles étaient ses faiblesses et comment les comprendre pour mieux s'en émanciper autant que faire se peut.

Le Ceald ficha ses yeux dans ceux de l'Hylienne, avant de naviguer en direction de la flèche qu'elle avait perdu, quelque part sous la robe d'épines. « Les oiseaux ne sont pas les proies les plus gratifiantes. Tu t'attaques à du... gibier alerte, mais maigre. » Lâcha-t-il, nonchalamment. Quand bien même un mot lui avait manqué un instant, il ne doutait pas de sa capacité à délivrer le message qu'il souhaitait faire parvenir à la braconnière. « Ca n'est pas du gibier de débutant », observa-t-il simplement. C'était peut être dur, mais il n'avait pas vraiment l'habitude de parler de façon détournée. Au moins on ne pouvait lui reprocher une certaine franchise.


    « C’est mieux. »

    Le grondement de sa voix vrombit dans ses oreilles. Là où Malon s’attendait à un commentaire négatif et bilieux, elle y trouva plutôt des paroles qui se voulaient plus impartiales qu’encourageantes. Mais cela lui suffit à éteindre cette folle envie d’abandonner la chasse. La fermière glissa sa main sous son nez ruisselant, masquant le sourire qui avait saisi ses lèvres crevassées, mais qui su bien vite y mourir après le second commentaire de l’homme : en effet, elle rentrait les mains vides. Et le fait de se le faire rappeler la dégoutait. C’était comme lui dire qu’il n’était pas d’ici. Une affirmation secondaire. À cet instant, la rouquine souhaitait seulement que la chance ait décider de suivre ses autres comparses.

    Les pieds de la fugueuse s’immobilisèrent et elle ne pu s’empêcher de fixé son nouvel ami, sans aucune gêne, longuement. Elle ne savait quoi penser de lui ou quoi faire de lui. La jeune femme avait envie lui lancer des piques. Après tout, de quoi il se mêlait ? Se prenait-il pour une seconde figure paternelle dont elle n’avait clairement pas besoin ? Mais l’assurance dont il faisait preuve quand il plongeait son regard dans le sien sans aucun malaise, la façon dont ses pas s’enfonçaient dans la poudreuse en se dirigeant vers elle, comment elle ne l’entendait point respirer alors qu’il la dépassait … Il était clair que contrairement à lui, elle les alertait.

    Malon fit volteface, tranquillement, tentant peut-être de s’inspirer de l’inconnu. Pas un moment sa voix brisa le silence. Elle était distraite aux mots prononcés par le chasseur accroupi ainsi qu’à ses gestes, possédée par un sentiment de confusion qu’elle cacha tant mieux que mal en frottant ses mains ensemble, créant une chaleur suffisante à réveiller les bouts de ses doigts engourdis. Malon avait parfois – souvent – cette envie de se rebeller contre les déesses en mettant à feu et à sang tout ce qu’elles avaient créées, alors que d’autres moments, elle avait tout simplement envie de se mettre en boule et de maudire son incapacité à faire les choses. Son sang bouillait tel celui du Mont du Péril, mais pouvait se refroidir à tout moment comme les Cavernes de Glaces. Malon trouvait cependant que la peur commençait à avoir un côté de plus en plus séduisant. Elle fut doucement tirée de ses pensées par un mot manquant de son interlocuteur, mais qui trouva tout de même les lèvres du nordique.


    « Ca n'est pas du gibier de débutant. » avait-il fini par ajouter. Il avait raison. Malon voyait bien plus gros que ce qu’elle était capable de réaliser. En fait, elle voyait toujours plus gros que plus petit. Un lièvre ou encore un renard ferait peut-être mieux l’affaire qu’un volatile.

    Malon renifla. Sa manière de garder pour elle qu’il avait raison, mais qu’elle détestait cette affirmation. La rouquine franchit de bonds la distance qui les séparait. Sous les épines du conifère, ses doigts vinrent s’emparer de neige et de brindilles pour en faire sortir la flèche qui n’avait pas atteint l’oiseau chanceux.


    « Montre moi comment faire. » s’enquit résolument la rouquine en se pressant sur l’homme. Malon se retrouvait pratiquement sous son nez, les yeux rivés vers les émeraudes de l’homme. Elle comprimait l’arc à flèche sur le torse du Ceald alors que son autre main glissait la flèche retrouvée entre ses doigts. Si il était venu ici, c’était probablement pour chasser : alors qu’il fasse ce qu’il était venu faire en premier lieu. Elle apprendrait en le regardant, comme elle avait appris en regardant son père et sa mère travailler sur la ferme familiale. Elle tenterait du mieux que possible de devenir son ombre … à moins qu’il ne se décide à l'asseoir sur un gros rocher et lui ordonner de rester là.

    Des paroles qu’elle désobéirait avec grand plaisir.
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Lanre


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La fermière se pressa contre lui, cherchant son regard avec une espèce d'insolence qu'il ne pouvait lui refuser. Non pas parce qu'elle était belle — il l'avait noté de prime abord, dès lors qu'il avait cessé de la voir comme une menace. Pas non plus parce qu'elle était déterminée à réussir, quand bien même il se reconnaissait dans cette démarche qui l'avait parfois mené à la folie. Non... Ce qui le pousser à laisser passer l'audace qui brûlait les yeux de l'enfant n'avait rien à voir. Cette arrogance, c'était la sienne. C'était celle de son peuple. L'espace d'un instant, il se crut de retour à Cealth, sur sa première chasse. Il avait un peu moins de dix cycles, à l'époque. Quelques hiver avant la Traque. Si le souvenir des griffes sur son flanc lui revint, plus vif que jamais, il n'en montra rien. La cicatrice, bien que cachée sous le cuir et les pelisses, parlait pour lui. Ses doigts se refermèrent sur le bois quand il acquiesça sans un geste. « Tâche de rester silencieuse, alors. », souffla-t-il simplement. Ses lèvres avaient glissé jusqu'à l'oreille de la rouquine et si ces quelques mots ressemblaient à une confidence, ils cachaient un véritable avertissement.

Sans rien ajouter, il s'arracha à cette presque étreinte et jeta un regard en l'air. Lentement, mais sûrement, la nuit tombait. Le vent se levait, les feuilles bruissaient doucement. Çà et là, quelques flocons chuchotaient des mots qu'il ne pouvait pas comprendre. Ce qu'il saisissait, en revanche, c'était la direction dans laquelle il leur faudrait aller. Partir en chasse quand paraissent les étoiles n'était pas une si bonne idée, autant mettre toutes les chances de leur côté. « Par ici », siffla-t-il tandis qu'il courbait le dos et arquait les genoux. Les perles vertes retournèrent une dernière fois à l'apprentie chasseresse. Elle lui rappelait les siens. Sans rien ajouter, il intima à la jeune femme de tenir la même position que lui. Il ignorait si elle en était capable, et quand bien même il avait des raisons d'en douter, il ne la ménagerait pas. Elle avait formulé le souhait de l'accompagner – sans le dire, certes – et s'il jouait le jeu, elle en ferait de même.

Il avança, accroupi, conscient qu'une piste ne se dévoilerait à eux ainsi. Balayant la poudreuse à la recherche de traces qu'ils n'auraient pas brouillés, l'étranger tâchait de se remémorer la scène qui avait précédé leur rencontre. Il suivait un lièvre, avant qu'une flèche ne manque de lui arracher le nez. Ses doigts carressèrent doucement l'empennage, alors qu'il ramenait la fente du trait contre la corde en boyau. Ça n'était pas la meilleure arme qui soit pour la chasse, mais il s'en contenterait. Après un bref instant, il reprit sa marche vers l'Est, non sans penser à Grimm. Jadis, il lui avait appris quelques uns des principes primordiaux de toute traque. La femme était une fière guerrière, mais n'avait rien d'une chasseuse. Sa compagne du jour n'était pas plus une guerrière que lui n'était un forgeron, mais elle ne l'avait pas encore perdu de vue. Elle ne s'était pas relevée non plus. Laissant l'acier griffer la neige, il accelera la cadence de pas. Ses lèvres se crispèrent : l'effort était réel, même pour lui. Il avait beau avoir appris à marcher de la sorte, la petite grimace trahissait sa peine : furtif, il l'était mais cela avait indéniablement son prix.

Doucement mais sûrement, ils se rapprochaient de la piste. Cà et là, l'hermine gelée qui drapait le monde se fendait de plusieurs petites traces. Le bois ripa contre le bois, en silence, tandis qu'il ajustait la position du projectile. Stoppant sa respiration sans plisser les yeux, il arma le trait. Le vagabond ramena les plumes jusqu'à sa joue, maintenant l'arc à l'horizontale. Il stabilisa un peu plus sa position d'un genou dans la poudreuse, puis tira. Une demi seconde, à peine, l'air vrombit alors que les boyaux ne giflaient sèchement le bois.

Il ignorait si la flèche avait brisé la nuque de l'animal avant de la percer, mais le lièvre resta coincé contre l'arbre. Une seconde, la bête gesticula, comme à chaque fois. Il s'avança, sans prendre la peine de se cacher, mais après un regard. La main gauche toujours fermée sur l'arc, la droite vint rejoindre la dague qui pendait à sa ceinture. Si des chiens ou des loups traquaient la même proie, il ne les avait pas repérés, mais la prudence coutait trop peu pour qu'il s'en arroge. Méfiant, le chasseur s'avança jusqu'au petit être qu'il avait cloué à l'écorce du bouleau. Ses doigts se refermèrent sur la flèche, qu'il tira d'un coup sec. Le vent dans les feuilles portant les hurlements de l'arbre dénudé, Lanre lança le trait en direction de la fermière. Le lièvre, piqué comme sur une brochette, était encore secoué de derniers spasmes.  « À ton tour, maintenant. Dépèce-le. » Siffla-t-il, sans appel, le regard vert-de-gris plongé dans celui azur de la jeune femme. Tirer une bête était une chose, en retourner le cuir jusqu'à dénuder la chair et les os en était une autre.


    Pendant un laps de temps, elle avait cherché une quelconque réponse dans les yeux du chasseur, mais il n’y avait rien à y lire, si ce n’était de la nonchalance. Pas une fois ne fit-elle marche arrière, continuant de se presser sur l’homme. La rouquine voulut relancer la question à nouveau, plus lentement : peut-être n’avait-il rien saisi de sa requête. Son impatience s’évapora rapidement quand les mots de l’inconnu vinrent chatouiller son oreille, bien qu’ils pesaient beaucoup plus que de simples consonnes et voyelles. Il y avait là une menace. Il glissa, tel le vent, arc en main, alors que la fugueuse ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en coin avant de se retourner.

    Quand les prunelles vertes comme les profondes forêts de l’est se tournèrent vers elle, Malon donna un coup de tête, signifiant qu’elle le suivait … ou ferait de son mieux, quand elle vit la position qu’il adopta. Elle ajusta le carquois sur son dos et courba le dos. Un pas en avant de l’autre, Malon les plaçait du mieux qu’elle le pouvait dans les empreintes du colosse devant, tel les enfants au bourg qui sautait de pierre en pierre, sans quoi l’herbe transformée en lave dans leur imaginaire lècherait leurs doigts d’pieds. Cependant, pour la jeune femme, elle avait l’impression d’être sur le dos d’un énorme ours blanc et qu’un pas mal placé réveillerait la bête qui sommeillait probablement dans les verts de gris de l’étranger.

    Son cœur battait dans ses oreilles et lui brulait la poitrine : trop de mètres avait-elle parcouru en oubliant d’inspirer et d’expirer, comme si les animaux pouvaient sentir ou entendre sa respiration des lieues à la ronde. Le chasseur se mit à accélérer le pas : Malon ne put suivre seulement qu’avec ses jambes et dû s’aider de ses mains afin de se propulser plus rapidement, mais aussi pour ne pas perdre son fragile équilibre. Les quelques cheveux rebelles ayant fui sa tresse se mirent à coller sur son front humide de sueur. À cet instant exact, elle se mit à le détester : qu’est-ce qui pressait autant ? Essayait-il de la semer ? Ne pouvait-il pas voir qu’elle avait de la difficulté à le suivre ? Elle le traita de plusieurs noms et voulut se remettre sur ses deux jambes pour qu’il l’entende bien fort, mais tous ses gestes furent glacés dans le temps lorsqu’il arma l’arc. Elle n’avait vu aucune bête et tirer le vide ne lui ressemblait pas – non qu’elle le connaissait, mais elle pouvait l’assurer.

    La jeune femme posa ses deux genoux dans la neige le plus silencieusement possible, relevant l’échine un moment, protégeant son faciès des branches d’un revers de main, pour y voir plus clair malgré le colosse qui lui barrait la vue. Tout ce qu’elle pu voir fut la flèche s’enfoncer dans un petit gibier. En plissant les yeux, elle pouvait deviner un lièvre, d’après ses derniers gigotements. La rouquine regarda l’inconnu – elle ne connaissait toujours pas son nom – s’approcher de sa prise, couteau en main et seul un ordre fusa de ses lèvres.

    Tout juste sur ses deux pieds, Malon attrapa l’animal par la fourrure du cou et ses doigts ne tardèrent à se mêler au sang de l’animal. Le dépecer ? Elle l’avait déjà fait, quelques fois, pour Ingo lorsqu’il revenait de chasse. Cependant, elle avait seulement eu le temps et l’autorisation d’enlever la peau de l’animal : il ne lui avait jamais montré ni fait confiance afin d’enlever les organes. L’apprentie chasseuse savait pertinemment qu’elle ne devait pas percer la vessie ni l’estomac, mais jamais l’ingrat employé du Ranch (ni même la bande de chasseurs qu’elle venait de joindre) ne lui avait confiance à cet égard – et à bien d’autres moments.

    D’un battement de cil, la jeune femme s’était tournée vers le tronc d’arbre le plus près. De sa main libre, elle s’était saisit de deux courtes cordes dans l’une de ses sacoches: chacune de leurs extrémité enroulée autour du pied arrière de la bête et l’autre à une branche cassée au niveau des yeux de la rouquine. L’animal se retrouvait alors le dos contre l’écorce et la panse à découvert. Malon observa un instant la bête, renifla le dégout qui subsistait toujours face à ce genre d’action et se saisit de son propre couteau. Le même qui avait malheureusement blessé le héros lors de leur courte réunion au village Cocorico.

    Avec une certaine aisance, l’apprentie incisa un cercle autour de chaque patte arrière, juste au-dessus de l’articulation. Après quelques autres incisions, Malon glissa le manche du couteau entre ses dents alors que ses mains s’appliquèrent à tirer la peau du gibier vers le bas. La peau venait d’elle-même, bien qu’elle devait parfois user de ses doigts pour séparer la peau et la fourrure. Au niveau de la tête, sa main empoigna fermement la base du cou de la bête qu’elle fit tourner sur elle même, brisant la nuque du rongeur

    Elle avait déjà entendu un homme au teint charbon, à l’auberge du Ranch, parler d’une technique de dépeçage qui impliquait seulement ses mains. Si elle avait eu plusieurs lièvres, Malon l’aurait probablement essayée, mais elle n’en avait qu’un seul qu’elle ne pouvait pas se permettre de gaspiller. Et puis, son compagnon voudrait probablement reprendre le bien qu’il avait chassé.

    La rouquine lui lança un regard en glissant la fourrure toujours chaude sur son épaule. Elle reprit le couteau entre ses mains, ses doigts laissant d’infimes gouttelettes de sang sur son faciès.


    « Je ne sais pas comment faire le reste. » avoua-t-elle sans gêne, son attention retournant à la bête.

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Sans un mot, le Ceald observa la jeune femme accrocher le lièvre qu'il venait d'abattre. Jetant un autre coup d'oeil à la flèche qu'il avait tiré, il se souvint des conseils de l'Ancien. Brieg n'avait jamais aimé quand l'un d'eux gâchait le sang d'un animal comme il venait de le faire. La nuque et la gorge du rongeur luisaient d'un rouge que le vieux I'iar aurait certainement désapprouvé. Il laissa ses doigts glisser jusqu'à la hampe du trait, pensif, alors que son apprentie d'un jour déchirait la fourrure sous la première patte d'un coup sec. « Le sang a bien des propriétés, Enfants. Ne l'oubliez jamais », insistait jadis le vieil homme en leur narrant les récits des Grandes-Chasses et des Traques-Sauvages menées en l'honneur des Dieux d'autrefois. Les héros, glorifiés dans l'arène ou mort le visage dans le sable n'existaient pas au delà du Mur. Les figures mythiques que ceux du Sud avaient appris à aimer et idolâtrer comme des esprits n'avaient rien à voir avec les hommes et les femmes qu'on estimait, plus au Nord. Chez lui, l'éloge n'allait pas tant au soldat qu'à la chasseresse, ou au marin. Les gens d'armes ne manquaient pas d'honneur non plus, mais ça ne ressemblait pas au culte qui pouvait animer ceux du Sud. Il n'avait pas ce côté flou, presque abstrait.

« Le sang porte la mémoire, les souvenirs... », déclarait le vieillard, en plongeant la main dans la petite cuve, rougie par l'écume-de-vie. Sans un mot de plus, il badigeonnait le front de chaque enfant, assis à l'écouter. Chacun d'eux écopaient d'un signe entre les deux yeux, toujours le même. La patte du Grand-Ours. « Et puisse celui-ci vous offrir savoir, connaissance et bénédiction. Kogaan. — » Murmurait-t-il ensuite, après chaque marque. C'était le premier rituel par lequel tous passaient, avant de prendre des chemins différents. Tous étaient chasseurs, trappeur et guerrier. Tous rêvaient un jour d'entendre sonner les cors de la Traque. Mais aucun n'était que chasseur, trappeur ou guerrier. Le conflit, la mort et le sang faisaient parti de la vie de tous au même titre que Ves' nourrissait les arbres, qu'Aer n'emplissaient les poumons des vivants. C'était parmi les choses les plus communes qu'on trouvait chez lui. Plus souvent il n'avait croisé un cadavre qu'un Hylien n'avait compté ses pièces et ses rubis.

"Dans l'idéal, tâche de conserver le sang de l'animal que tu tues." Souffla-t-il simplement, sans s'attarder plus longtemps sur les histoires qui lui revenaient en tête. « Ça n'est pas le plus gouteux, mais ça peut servir pour un bouillon. » Il n'en dit pas plus, se contentant d'observer la jeune femme qu'il avait accepté sous son aile. Pour l'heure. Habilement, bien que parfois l'hésitation la prenait. Mais l'acier finissait toujours par avoir le dernier mot, déchirant les tissus qui refusaient de partir, séparant la fourrure de la chair. Elle savait y faire et manquait simplement de pratique. Chez lui, cela aurait été surprenant. Ici, il avait fini par comprendre qu'il s'agissait de quelque chose de relativement normal. Les chasseurs n'étaient pas parmi les plus nombreux — certaines fois on l'avait même prévenu d'un interdit sur certains « domaines ». Il ignorait qui étaient les dieux de ces Hyliens, mais il ne pouvait s'empêcher de les trouver curieux : les siens encourageaient la chasse sur leurs domaines. Il haussa légèrement les épaules, pour lui même, toujours abasourdi par l'insulte que lui avait lancé une femme, quelques jours plus tôt. « Braconneur ! », avait-elle hurlé. Il n'en avait pas compris le sens, et s'en inquiétait peu. Bientôt la belle rouquine finit de déshabiller le rongeur. Il laissa percer un demi-sourire sous la barbe hirsute qui dévorait son menton autant qu'elle ne rongeait ses joues.

"Tu permets ?" S'enquit-il, tendant la main dans l'attente du couteau, tandis que la jeune femme observait la bête après son aveu d'impuissance. Aux yeux de beaucoup d'Hyliens savoir dépecer et dépouiller une bête n'avait, peut-être, que peu d'importance. Au sien c'était pourtant primordial : c'était le premier pas vers l'indépendance. Il ne supportait pas l'idée de devoir compter sur quelqu'un pour quoique ce fut, et ainsi sa route s'ancrait dans une solitude parfois pesante. Mais c'était là le prix de la liberté. La rouquine eu tôt fait de lui prêter son canif, le regard toujours porté sur l'animal. Soupesant le couteau, il ne put s'empêcher d'en juger les qualités... et les défauts. On atteignait pas le coeur d'un homme avec ça. L'acier était souple, loin d'être fait pour percer, de toute façon. Sans prendre le temps de remercier l'enfant-de-ferme, Lanre s'approcha de la carcasse, serrant puis desserrant ses doigts autour du petit manche bardé de cuir, comme pour mieux s'habituer à ses courbes, ses imperfections et ses usures. À l'évidence, l'outil était sobre, récent, mais assez primaire. « Commence par retirer ça », fit-il simplement, en accompagnant l'explication d'un geste. La virilité du lièvre en moins, il pouvait dorénavant se concentrer sur le reste – et l'important ! – du travail. « Glisse tes doigts ici. » Siffla-t-il, avant d'écarter la vessie du reste. « Ensuite, incise. » Jouant de l'autre main, le paria jongla une seconde avec l'arme, de manière à porter la lame jusqu'à la petite ouverture. D'un coup sec, il fit glisser l'acier tout du long de la panse, jusqu'à la cage thoracique.

Sans un regard à la fermière, le vagabond reprit. Le couteau toujours en main, calé entre le fond de la paume et le pouce, il vint pincer la vessie. « Quand tu vides l'abdomen... », commença-t-il, la voix légèrement saccadée, alors qu'il entreprenait de retirer les intestins, puis l'estomac. « Assures-toi de bien maintenir ça. Sans quoi, la pisse gâcherait la viande. » Jetant les entrailles qui ne se mangeaient pas, il retira ensuite le foie. « Ne le perce pas. » Glissa-t-il, ramenant le couteau plus proche de ses doigts. « Contente-toi de retirer la bile. » Son regard se porta ensuite sur les poumons, dont il délesta la proie. Les graisses avaient tendance, d'après certains Jarls et certains doyens, à altérer le goût de la venaison. Il préféra néanmoins les laisser : il savait d'expérience qu'elles pouvaient sauver la vie d'un affamé. Lanre essuya brièvement ses mains pleines de sang, poisseuses et rougeoyantes, en les frappant l'une contre l'autre. Puis, retroussant les fourrures qui couvraient ses doigts, il enfonça son index dans le derrière de l'animal, pour le vider de l'ensemble des restes qu'il pouvait garder. « Il faut faire vite. » Lança-t-il à la jeune femme, cherchant cette fois son regard. Il se releva, sans lui rendre son arme, et désigna son travail d'un mouvement du menton. « Si tu perfores les intestins ou le foie, ta chasse ne sera plus consommable. De même, si tu patientes trop avant l'éviscération, tu risques de t'empoisonner. » Le vert-de-gris glissa jusqu'aux abats. « Quand tu le peux, vide un animal immédiatement après l'avoir abattu. Ce ne serait pas l'honorer que de le laisser pourrir. »

Le maraudeur revint une dernier fois à sa proie. Par habitude plus que par nécessité – sa compagne du jour ayant déjà procédé à la brise des membres du lièvre –, il saisit chacune des pattes de l'animal. Dans un bruit sordide, il rompit les articulations comme du pain sec, une à une. S'agenouillant de nouveau, il trancha dans le vif, commençant par l'entrejambe de l'animal. Reprenant par les pattes, il les coupa les unes après les autres, puis s'attaqua au corps de la bête, de la tête vers la croupe. Tirant un tissu de sa besace, il l'enroula soigneusement autour de la viande saine, en veillant bien à ce qu'un espace demeure entre l'étoffe et la chair. « Pour la transporter et la protéger des mouches. » Souffla-t-il à la fermière, en lui tendant les quelques pièces de viande. « Détruit les abats. » Il ne prit pas la peine d'expliquer l'ordre qu'il venait de lui donner. Laisser les déchets revenait à empoisonner d'autres animaux et, par conséquent, contaminer sa prochaine chasse. « Mais avant, laisse-moi récupérer quelques petites choses. » Reprit-il, avant de se servir, sans laisser à la fermière l'occasion de répondre.


    Le faciès de la tête rouillée s’était contorsionné comme celui d’une gamine : l’idée de se faire un bouillon à l’aide du sang d’un animal la répugnait. Cependant, Malon pouvait très bien en comprendre l’utilité. Certains se nourrissaient bien d’insectes de diverses tailles durant la belle saison. Malheureusement, travailler avec les animaux l’avait seulement plus attachée aux différents bestiaux, au lieu de lui donner cette insouciance face à leur mort pour le bien-être d’Hommes. Bien qu’elle savait le destin de la majorité des animaux du Ranch. La grimace mourut bien vite parmi des traits plus doux, mais qui avait tout de même pris une certaine brutalité depuis que sa quête pour retrouver Link l’avait menée hors de ses terres chéries, maintenant salies par le sang d’innocent et de souvenirs d’un vil seigneur.

    Sa traque au Héros du Temps avait radicalement changé depuis qu’elle avait posé les pieds à l’extérieur de son petit monde. Il s’agissait de quelques choses de plus personnelles, une aventure dangereuse, mais qui lui permettait d’aider tellement plus de gens dans le besoin. Même si par moment elle avait seulement l’impression de se mettre les pieds dans les plats. Elle remerciait tout simplement les Déesses d’avoir encore la vie sauve et de mettre, à l’occasion, des individus qui lui permettait de refermer ses doigts sur ce qu’elle désirait. C’était le cas du rouquin – malgré leur approche assez agressive – qui s’était approché derrière elle pour prendre sa place. Habilement, la fugueuse se décala de quelques pas, la fourrure toujours sur l’épaule.

    À sa requête, la fille du Ranch essuya le couteau sur son pantalon avant de lui remettre en main. Non pas que le couteau allait rester propre, mais c’était une habitude qu’elle avait prise. La fermière nettoyait toujours ses outils avant de les ranger ou de les passer à autrui. C’était toujours plus agréable de commencer une tâche avec un outil fonctionnel. Malon s’était promptement éloignée du rouquin, assez pour qu’il ait l’espace nécessaire à travailler et assez pour qu’elle puisse observer chacun de ses gestes.

    L’étranger se mit ainsi à couper les chairs et les organes. Il incisait, découpait, glissait la lame émousser sur la carcasse du lièvre en donnant de très brèves explications. Mais la fugueuse n’avait pas besoin de plus de mots. Les actions parlaient d’elles-mêmes. Agenouillée, elle s’aidait de ses mains appuyées dans la poudreuse pour se maintenir. Chaque mouvement du chasseur qui obstruait sa vue la forçait à s’abaisser, à se relever ou à se contorsionner. Puis il s’était relevé.

    Ses yeux de saphir s’étaient fichés dans ceux du bienveillant inconnu, après avoir remonté les montagnes de fourrures qui habillaient son corps. Les craquements des articulations lui rappelaient les fois où son père cassait le cou des poules. Un bruit qui aurait terrifié la jeune Malon, mais pas celle qu’elle devenait aujourd’hui. Lentement, elle se retrouva sur ses pieds, ses mains engourdies par le froid une fois de plus. Elle les glissa dans la fourrure encore tiède de l’animal sur son épaule. La sensation était toujours étrange : cette peau avait été sur un rongeur bondissant les forêts, il y a encore quelques minutes. La grande main du rouquin tendant un tissu la tira de la lune. Elle s’empara agressivement – et maladroitement – de la viande, de peur de l’avoir fait attendre longtemps.

    À sa demande, elle s’exécuta. Sans un mot. Un simple regard écœuré pouvait parler de la situation. Malon susurra un bref
    « Merci. » alors que le gaillard s’éloignait une fois de plus dans les bois, elle renifla avant de retenir sa respiration, s’abaissant au-dessus des abats, sentant les petits organes encore chaud et visqueux et nauséabond sur ses doigts et dans ses mains. La fugueuse aux cheveux de feu laissa tomber les parcelles de chairs dans un petit sac de toile. Les détruire impliquait notamment faire un feu qui prendrait un certain nombre de temps à faire, alors qu’elle n’avait aucune envie de s’attarder dans le boisé. Les autres chasseurs devaient avoir élu un camp près de l’orée. Comme convenu. Elle pourrait y faire incinérer les abats plus facilement. De toute façon, si elle ne rentrait pas, il était certain qu’un chasseur plus expérimenté viendrait la chercher.

    La jeune femme essuya ses mains maladroitement dans un buisson à ses côtés ainsi que dans la neige, recommençant à respirer tranquillement. Quand elle releva la tête, elle ne vit pas son « nouvel ami ». Malon fit un tour sur elle-même avant de se décider à suivre les empreintes qu’il avait laissées dans les bois. La rouquine finit par reconnaitre son imposante silhouette parmi les bois dorés par le déclin du jour. Ils seraient bientôt entre chien et loup.


    « Besoin d’aide ? » finit-elle par dire en le rejoignant, en gardant tout de même ses distances – question de ne pas empiéter sur son champ de recherche. Elle l’observa, un instant, sans rien ajouter, promenant son regard entre le dos du rouquin et la végétation. Ses pas la menaient doucement, mais surement à lui. Inconsciemment, elle s’était même mise à fredonner l’air d’Épona. Tout doucement. Dans un tempo plus lent. Comme s’il eut été berceuse pour endormir les animaux et tranquillement éveiller les nocturnes.

    « Sinon je vous propose de vous réchauffer auprès d’un feu en bonne compagnie. » Malon s’était finalement avancée vers lui. « À moins que le silence et les corbeaux vous plaisent plus. » ajouta plus légèrement la rouquine en continuant nonchalamment son chemin, en direction de la brunante.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Lanre


Inventaire

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(vide)

Le feu crépitait, illuminant la clairière dans laquelle ils avaient décidés de s'installer. Sans un mot, Liam s'éloigna du petit campement qu'ils avaient monté, Roggvir, Harald et lui. Un de ses comparses renifla bruyamment mais n'esquissa pas un geste pour l'interrompre : ils connaissaient tous les trois les désagréments secondaire de la bière. S'approchant des bois qui entouraient leurs quelques tentes, le chasseur déboutonna ses chausses sans pudeur ou ménagement. Tirant sur son engin jusqu'à l'extraire des fourrures, le trappeur ne chercha même pas à retenir le grognement qui perça ses lèvres décharnées. « Foutu froid. P'tain d'hiver qui veut pas f'nir. » Frissonna-t-il, en se rappelant les vieilles légendes grivoises qui se racontaient chez les habitués des régions froides. Parfois, on l'avait averti : « Tu pisses de la glace, garçon, quand ta queue est pas encore tombée... ». Rien de tout cela n'était déjà arrivé, mais quand l'hiver durait si longtemps et quand la nuit obscurcissait les coeurs autant que les yeux, de vieilles craintes de gamin resurgissaient souvent. « Allez, garçon, fais ton office et on retourne se chauffer les miquettes avec les autres. » Souffla-t-il à son propre égard, comme pour se donner du courage. Il avait beau chasser depuis des années, il ne s'était jamais senti à sa place en forêt, quand mourrait le jour. « Allez, allez, allez ! » Reprit-il, tout en soulageant sa vessie. Le froid n'aidait pas à se presser.

Après quelques minutes qui lui semblèrent être une éternité, le trappeur retourna vers ses deux comparses, inquiet. Jetant sans arrêt des coups d'oeil vers l'orée des bois, désormais d'un noir presque abrutissant, tant il était sombre. « Les gars... Vous vous souvenez de l'histoire ? » Grimaça-t-il en s'asseyant sur la roche qu'il avait trouvé plus tôt. La pierre lui gelait le cul, mais au moins ne le trempait-elle pas comme la neige. « Laquelle ? » S'enquit Harald en faisant tourner la broche sur laquelle tronait un des faisans qu'ils avaient attrapé. Un peu plus loin demeuraient les restes de deux autres oiseaux, dodus et lourds comme des sangliers. Avec eux, du menu gibier que Liam peinait désormais à attraper. Les rotules du pauvre homme n'étaient plus ce qu'elles étaient, depuis qu'une Gérudo y avait calé une flèche lors d'un raid sur le Village. « Y'en a pleins par ici. On dit qu'à Hyrule, tout est magie et qu'y a que des bois maudits. » Liam garda le silence, sentant le poil s'hérisser sur sa nuque. Depuis qu'il était allé pisser, le vieillard se sentait comme... observé. « Je suis certain que le vieux Liam parle de l'Histoire. Celle avec un grand I, quoi. » Siffla alors Roggvir, non sans avaler une longue gorgée d'ale. À l'instar de ses compagnons et comme beaucoup en Hyrule, il ignorait tout des arts de la lecture à la calligraphie. À trois, les hommes peinaient déjà à faire leurs comptes, et sans la petite Marine qui semblait connaître tout ça sur les doigts de la main, ils n'étaient pas sûr de s'en sortir. « Celle de la Femme-Hiver. Celle qui est morte il y a mille ans, au moins, dévorée par les loups. » Roggvir s'était rapproché des flammes pour conter l'histoire à ses amis. Il profitait de l'absence momentanée de leur protégée pour reprendre quelques mauvaises habitudes. « On disait d'elle qu'elle était trop belle et trop intelligente. Bien sur, les hommes n'aimaient pas ça et ils ont fini par la chasser, trop envieux de ce qu'elle refusait d'offrir. » Harald secoua la tête, à la fois nerveux et sceptique. « Notre bonne reine eul'Dame Zelda, elle aurait jamais laissé faire ça. » Tança-t-il, non sans continuer de rôtir le faisan. Roggvir fit les gros yeux, agacé. « J'y parle d'une fille qui est-ty morte y'a mille ans. Ou plus, peut-être même deux mille ans, et y m'cause d'eul'Princesse. Elle a même pas encore les seins qui tombent ta Zelda ! » Harald préféra garder le silence, taire ses difficultés à compter ainsi que son affection pour la Reine. Heureusement que ses seins ne tombaient pas ! « Enfin, bref, on s'en fout », reprit Roggvir qui se calmait à l'aide d'un peu plus d'ale. « Laissez-moi vous raconter la légende de la Dame-Hiver... » un sourire presque malsain déchirait sa gueule. Pour un peu, Liam aurait juré qu'il était taillé au couteau.
*

Sans un mot, le Ceald s'approcha du peu de carcasse qu'il restait de la bête. La nuit commençait à tomber quand ils avaient commencé à dépecer et à dépouiller le petit mammifère et dorénavant, la neige brillait d'une douce lueur d'argent là où pouvaient passer les bras d'Ilaah-la-Grande. Jetant un rapide coup d'oeil aux abats, il se saisit assez vite de la mâchoire, dont il extirpa la langue. Si l'arracher avait souvent été sa solution, enfant, il avait fini par comprendre les colères de l'Ancien et procéda donc minutieusement, avant de s'atteler aux dents. Quant aux yeux du lapin, ils avaient été abimés quand la flèche l'avait cloué à l'arbre. « Ruth... », siffla-t-il entre ses dents, agacé. Ils ne lui auraient pas été de grande utilité, mais Brieg savait quand les employer pour obtenir des résultats qu'il enviait toujours au Doyen. Laissant le reste des déchets de chasse, il se laissa mener jusque dans l'ombre qui recouvrait de sa lourde cape le Domaine Sylvestre. Son regard cherchait, quelque peu en vain, des traces de Chélidoine, de Bryone ou d'Aloès. Fronçant les sourcils et plissant les yeux, le paria tenta d'ignorer les flocons qui chutaient doucement, et s'accrochaient dans ses cheveux comme dans sa barbe. « Non merci. » Lança-t-il simplement à la fermière qui l'avait rejoint. S'il appréciait la proposition, il s'évertuait le plus souvent à refuser l'aide qu'on lui proposait. Certains chez lui y voyaient une espèce de lutte contre une forme d'aliénation à l'autre quand d'autres fustigeaient parfois un excès d'arrogance. Il était loin d'être le seul à partager ce genre de défauts parmi les enfants de son clan. Plus que tout, ils partageaient tous ce sentiment, cette espèce d'instinct de survie, enraciné et insurmontable qui les liait à une liberté parfois si dangereuse. Mais sans laquelle rien ne valait – à leurs yeux – la peine d'être vécu. « La nuit tombe vite. Il fait trop noir pour trouver quelque chose. » Souffla-t-il, simplement, sans s'acharner davantage. Il n'y avait de toute façon pas d'urgence.

Il la laissa s'approcher en chantonnant, prêtant plus d'attention à ses mains qu'à l'air qu'elle fredonnait. S'il ne s'estimait pas en danger, le chemin qui avait été le sien laissait malheureusement quelques traces. De couteau, notamment, mais aussi de flèches. Ainsi que de hache, de fouet et de tant d'autres outils qu'il ne se souvenait plus de tous. Mais, à l'évidence, il faudrait qu'il revienne sur quelques unes de ses habitudes. S'autorisant un dernier coup d'oeil, qu'il savait tout aussi inutile que les autres puisqu'il n'y voyait pas dans un noir si profond. La raillerie de l'enfant le laissa de marbre : s'il témoignait parfois un certain orgueil, ça n'était pas dans ce genre de situations qu'il se manifestait. « Allons-y. » Lança-t-il simplement en se retournant sur la jeune femme. « Je te suis. » Son regard chercha celui de la fermière dont il ignorait encore le nom. Il n'en avait pas besoin de toute façon.Dépoussiérant rapidement son haut des neiges qui s'y était accrochées, le maraudeur entreprit de suivre la rouquine qui s'éloignait déjà. Sans un mot de plus, il rabattit le capuchon de fourrure sur ses oreilles, ignorant les affres du froid.
*

Jetant ses mains devant le feu, Liam se concentra sur le récit de Roggvir. Il n'était pas sûr d'avoir tout saisi, sinon qu'il était question d'esprits et de revenants. Rien que d'y repenser, le vieil homme frissonna. Sur sa nuque, il sentait peser une espèce de regard surnaturel, accompagné d'un froid plus glacé que la neige elle-même. « 'Rrête ek tes conneries », grimaça-t-il à l'attention de Roggvir. « On f'rait mieux de chercher la petiote. La nuit tombe. » Harald opina du chef, plus parce que l'histoire l'inquiétait que parce que l'absence de Marine l'effrayait. Des trois hommes, il était celui qui avait passé le moins de temps avec et, au fond, il ne l'appréciait pas plus que de mesure. C'était presque s'il la voyait comme un poids, une bouche de plus à nourrir. « Bourse-molle ! » Mugit Roggvir à l'attention de ce dernier.  « Arrête de faire semblant de t'inquiéter du sort de la petite Marine, Harald. On sait tous que t'as mouillé tes chausses. » Liam fronça les sourcils, sans s'occuper de la dispute naissante entre les deux hommes. Les flammes l'aveuglaient partiellement – peut être moins que la noirceur de la nuit, il n'aurait su dire –  mais il était presque sûr d'avoir vu quelque chose bouger derrière Roggvir, dans les fourrés. « Ferme ta gueule, Roggvir, tu veux ? Tu dis que des conneries et t'essayes de te faire passer pour un savant. Tous les braves types intelligents savent que ce que tu racontes n'existe pas. C'est pour faire peur aux enfants... » Harald se défendait tant bien que mal, non sans couvrir ses jambes dans un peu plus de fourrure. Tandis que le conteur lui assénait une nouvelle pique, le vieillard referma doucement ses doigts sur les lanières de cuir qui entouraient son arc.

Sans pouvoir expliquer pourquoi il n'alertait pas ses camarades, Liam se dressa soudainement, au dessus des flammes. Une vingtaine de coudées derrière Roggvir, quelque chose avait bougé. « J'le jure... », siffla-t-il entre ses dents, bandant son arc comme s'il visait quelque chose. « J'le jure, y'a-t'y quelque dans l'noir...! Ça bouge ! » Ses doigts caressaient sa joue, l'empennage de la flèche soulignait sa pommette. Sans écouter Roggvir qui se moquait de lui, le vieil homme décocha. Le trait fila, plus rapide qu'une bourrasque. « Si y'a-t'y une de ces Dame-Pâles comme qu'tu dis, j'lui ai câlé ma flèche entre les yeux..! — » Siffla-t-il rageur, en détendant le bras. Il ne voyait déjà plus le carreau, englouti par l'obscurité, comme tous les sons sinon celui du feu qui crépitait, prêt à tous les avaler lui aussi. Son regard, usé, balaya le campement. Autour d'eux, les quatre tentes formaient une espèce de ronde. Les proies s'empilaient, près de la tente de Marine, comme un monticule de cadavres. Il les avaient tous saignés  et s'étaient assurés de faire le nécessaire pour leur conservation. Du ciel tombaient une myriade de flocons, comme une pluie blanche et scintillante. « C'est-tu des larmes de fantôme ? » S'interrogea le vieillard, sans réaliser que la tête lui tournait.
*

L'acier déchira la fourrure, surprenant le Ceald comme un coup de tonnerre. Lanre ne prit pas le temps de prévenir la fermière du danger : il avait tout juste eu le temps d'entendre le vrombissement de la flèche, mais la nuit l'empêchait de distinguer les assaillants. Et s'il espérait que ceux-ci ne pouvaient pas le voir non plus, rien ne lui permettait de d'en être sûr. « Hmpf..! — », grogna-t-il doucement, en percutant le sol. Ses bras s'étaient refermés sur la fermière pour mieux amortir la chute et lui éviter une dernière étreinte. Celle de la Reine des Corbeaux. Gardant le silence, volontairement, le brigand glissa un doigt sur sa gueule, barrant ses lèvres et intimant le silence à la belle. Après l'avoir prévenue, il la libéra de son emprise. D'une main, il essaya de la convaincre de rester baissée, tandis que de l'autre il tirait la dague de Blanche. Le coutelas était froid, gelé même. Doucement mais sûrement, il rampa jusqu'aux racines d'un grand-arbre, derrière lequel il se hissa sur ses deux jambes. Jetant un rapide coup d'oeil, le vagabond chercha à déterminer combien d'archers leurs ennemis alignaient, sans parvenir à distinguer autre chose qu'un brasier. Un feu de camp à l'évidence. « Plægja... — » Ses dents grincèrent sans produire le moindre bruit. Pliant les genoux, comme lorsqu'il chassait, le Ceald referma plus encore son emprise sur le surin.


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