Hyrule's Journey

Il s’en rappelait encore, comme si c’était hier. Ce jour-là, le combat avait fait rage. Un beau combat, qu’il avait adoré. Et pourtant, il avait fallu fuir. Sans réfléchir plus qu’il ne le pouvait, il avait attrapé la Prêtresse de Din, sa protégée, celle qu’il devait défendre durant l’assaut, et l’avait chargée sur son dos. Poursuivis, il avait fait de son mieux pour s’échapper avec elle. Mais elle n’avait pas pu s’accrocher, et s’était faite capturée, alors qu’il s’en était sorti, non sans une blessure à sa jambe. Puis, une fois de retour au désert, il avait essayé d’arracher des informations à une prisonnière, mais elle n’avait été d’aucune utilité. Chaque fois qu’il y repensait, chaque fois qu’il revoyait cet enchaînement d’événements, il revoyait à quel point il avait échoué. Il n’avait pas pu accomplir sa mission, et la honte le brûlait autant que la colère envers ceux qui osaient poser la main sur la sainte. Sa sainte.

La nuit n’était pas tombée depuis longtemps sur la plaine, mais elle suffisait à lui donner l’énergie nécessaire pour avancer. Cela faisait des jours… Des jours qu’il suivait au mieux cette aura, qu’il cherchait sans relâche la représentante de Din. Plus que pour son maître, plus que pour le bien de leur clan, elle finissait par lui manquer un peu, cette petite. Elle était de ces Hyliens auxquels il s’était attaché, et elle remportait sans l’ombre d’un doute la première place en la matière. Sa confiance fragile n’avait encore jamais été brisée par la sainte. C’était peut-être l’une des raisons pour lesquelles il voulait absolument la retrouver. Il l’imaginait si petite et effrayée là où ces gens devaient la retenir prisonnière… Il fallait qu’il la sorte de là.

D’ordinaire, il ne se fiait pas à la moindre aura qu’il croisait. Mais celle-ci était, pour l’instant, la plus proche de celle qu’il recherchait. C’était sa seule piste, sa seule chance. Et elle l’avait mené, après quelques temps, jusqu’à un lieu qui ne l’intéressa, dans sa forme comme dans sa localisation, qu’à moitié. Une chose était sûre, on n’emmenait pas ici un être à qui on ne voulait pas de mal. Il était certain que ce qu’il suivait, si c’était bien la prêtresse des flammes, était passé par ici, mais n’y était pas resté. S’ils avaient osé la toucher, ne serait-ce qu’un jour, une heure, une seconde, il le leur ferait regretter... Son regard erra sur les murs de pierre tombant en ruines alors qu’il cherchait une porte. Il y entra. On n’y voyait rien, et la nuit n’aidait pas. Quelques pas en avant faisaient tinter il ne savait trop quoi. Des chaînes, peut-être ? En tout cas, quiconque avait évolué ici n’était plus là.

Il poussa un soupir à fendre le cœur et ressortit, déçu. Ce ne serait pas pour aujourd’hui non plus… Il remonta sa cape devant le bas de son visage. Il n’y avait plus qu’une seule solution, celle d’aller se mêler aux Hyliens, d’en savoir plus. Aussi excitante qu’angoissante. Un doux mélange qui prenait peu à peu prise sur lui. Amusant. Il fit quelques pas vers sa destination, vers les constructions des Hommes plus loin. Le désert lui manquait déjà, mais avoir à son esprit le visage de la Prêtresse l’aidait à continuer. C’était son devoir de réparer son erreur…

Une voix lui parvint, et il se retourna pour voir d’où elle provenait. Qui était encore assez fou, confiant, ou même les deux à la fois, pour s’adresser en pleine nuit à un inconnu ? Les Hyliens étaient décidément fascinants. Ils arrivaient à pleurer sur leur sort quand eux-mêmes le provoquaient. Pourtant, la silhouette s’imposant à son regard rouge était bien différente de tout ce qu’il avait pu voir jusqu’à maintenant. Il s’agissait d’un homme, à en juger par son ton et par sa taille, qui portait avec lui une lance, ainsi qu’une armure faisant penser à un lion. Original. Peu discret, mais plutôt intéressant. L’ombre plissa les yeux lorsqu’il se présenta à lui. Et il osait en plus lui demander simplement la raison de sa présence ? Il n'avait pas de nom à lui donner en échange, si ce n'était celui qu'on lui avait attribué peu de temps auparavant. Un surnom auquel il tenait trop pour qu'il soit utilisé par n'importe qui, et surtout si tôt.

« - Je pourrais te retourner la question. Il est facile de voir que tu n’es pas n’importe quel péquenaud traînant dans n’importe quel village. Alors, toi, que fais-tu ici ? »

En avait-il vraiment quelque chose à faire ? Non, pas vraiment. Mais c’était son aura. Elle avait quelque chose de différent. Plus forte. Cet homme devait être puissant. Assez pour que cela attire son attention. Avec les récents événements, et certaines personnes – des lâches, c’était ce qu’il pensait – abandonnant le navire, son Maître serait peut-être heureux qu’il lui rapporte de quoi se battre. Aussi, il était probable qu’il ait besoin d’aide – il détestait l’admettre – dans sa recherche de la Prêtresse. Il n’avait pas pour habitude de se mêler aux Hyliens, et il était sûr que celui-ci ne passerait pas plus inaperçu que lui, mais peut-être avait-il entendu des choses qui pourraient être utiles dans sa quête.

« - Je cherche quelqu’un, si tu tiens vraiment à savoir. »

Il ne voulait pas donner trop d’informations dès le départ. On ne savait jamais. Peut-être faisait-il parti de ces hommes « bons » et pleins de vertus. Peut-être prendrait-il peur en voyant plus clairement son visage pâle, ses cheveux noirs comme les ténèbres et ses yeux rouges. Au moins, il pouvait s’estimer heureux qu’on ne puisse pas forcément voir sa ressemblance avec « le héros ». Tout le monde n’avait pas « l’immense honneur » d’avoir vu ce dernier d’assez près pour cela. Mais il fallait malgré tout rester prudent.

A ces mots, il se figea, son regard s’éteignant l’espace d’un instant avant de reprendre une brillance qu’ils n’avaient que rarement. Que lorsqu’il se sentait particulièrement enjoué, quand la situation était bonne. Cette nuit avait-elle finalement décidé de lui offrir quelque chose d’intéressant ? Car cette description, aussi vague soit-elle, de ce que le guerrier « Yld » cherchait était largement suffisante pour qu’à son esprit, son père, son créateur, n’apparaisse. Cet homme cherchait Ganondorf. Pourquoi ? En tout cas, il ne lui dirait rien sur lui tant qu’il ne lui donnait pas un peu plus d’informations. Lentement, il se rapprocha de lui et lui tourna autour, le détaillant. Avec cette armure, difficile de juger de quoi que ce soit…

« - Dans ce monde, il y a des gens plus importants que d’autres, tu vois. Beaucoup plus importants que moi, et beaucoup, beaucoup plus importants que toi… Les personnes que nous recherchons sont d’importance égale. Alors, nous allons échanger… Toi, tu vas me dire ce que tu sais, et si ce que tu sais est suffisant, je te dirai ce que moi je sais. Marché conclu ? »

Il fallait dire que si cet homme était mal intentionné – en tout cas, mal intentionné envers son maître, et pas comme les gens en général l’entendaient –, il n’arriverait pas à grand-chose tout seul. Il ne voyait aucun insigne, aucune marque d’un clan ou d’un groupement en particulier.

« - Mais tout de même, je me dois de te demander pourquoi tu recherches ce « puissant Seigneur »… ! »

Il s’arrêta en face de lui, son léger sourire caché par sa cape. Cela allait être amusant, finalement…

Il considéra longuement cette main tendue. Faire confiance à un Hylien rencontré ainsi n’était pas la meilleure chose à faire, il le savait bien. Mais c’était l’une de ses seules chances. Tout le monde devait savoir où se trouvait la Prêtresse, mais pas lui. Il n’était pas assez mêlé au reste du monde pour cela. Aussi, cet homme « banal » était sa porte ouverte sur l’humanité, en quelque sorte, et il comptait bien l’utiliser. Et puis, après tout, s’il voulait rejoindre les rangs de son cher Maître, pourquoi l’en empêcher ? S’il était bon, il serait gardé. Sinon… D’où la nécessité de vite lui demander les informations dont il avait besoin.

« - Je recherche une femme. Plus exactement, une Sainte. Elle est l’avatar de la déesse Din en ce royaume. Sa Prêtresse. Et, vois-tu, elle m’est très chère, de même qu’à la personne que tu souhaites tant rencontrer. Si tu sais quelque chose, parle. Et sinon, je te conseillerai d’aller chercher, le plus « discrètement » possible bien sûr, ce que je te demande. »

Lentement, il prit sa main, la serrant avec force, sans pour autant y aller trop violemment. Il ne fallait pas abîmer ce futur jouet – ou ce futur collègue, c’était du pareil au même –, en tout cas, pas maintenant.

« - Rapporte-moi ce que je veux savoir, et je répondrai à ta question. Je ferai même en sorte que tu rencontres ce grand Seigneur… Enfin, si tu es sage. »

Un léger sourire étira ses lèvres, dissimulé par sa cape. Ce n’étaient que des paroles, pour l’instant. Il n’avait rien promis, et même s’il l’avait fait, ses promesses avaient-elles une réelle valeur ? Il était un être de ténèbres… C’était peut-être l’une des raisons pour lesquelles il aimait – si on pouvait dire que c’était de l’affection – la Prêtresse. Elle faisait partie des rares, et peut-être était-elle même la seule, à le considérer comme une personne.