Posté le 31/08/2008 23:58
La rosée constellait les cheveux dorés de la femme, qui était suivie de son disciple. Cela faisait plusieurs jours qu'il s'entraînait et apprenait d'elle, aussi avait-il gagné une période, courte, de repos. Elle avait commencé par des exercices d'étirements, et autres entraînements, puis avait commencé le voyage qui se devait d'être reposant. Pour l'instant, il l'était : traversant une forêt après avoir passé une plaine, l'Aube filtrait à travers la végétation, dans une brume gracieuse faite d'un orange magnifique. Mais il était le seul à admirer cette beauté matinale, puisque déjà, la femme accélérait. Il avait déjà eu de mauvaises surprises avec elle, comme par exemple le jour de son "anniversaire". Il avait eu le droit, ce jour-là, à un combat contre des bandits. Cela aurait pu être banal, s'ils n'avaient pas été aussi nombreux qu'inexpérimentés. Leur forteresse avait été creusée, et il était dur de combattre dans des lieux aussi sales. Pourtant, il s'en était tiré, et plus mort que vif, il était revenu à l'entrée, et y vit son Maître. Qui attendait, las et indifférent aux blessures qui s'était déposé sur l'enfant, comme de l'eau restait après une bonne baignade. Il n'avait d'ailleurs jamais eu l'occasion de nager.
Lorsque le soleil fut enfin haut dans le ciel, ils étaient arrivés à un village, et s'étaient dirigés directement vers l'auberge. Elle était bondée, et seule deux tables étaient libres : ils en prirent une rapidement, attendant d'être servis. Ce qui n'arriva jamais.
En effet, une dispute éclata assez rapidement. Une sorte de bande de mercenaires s'étaient regroupés et "s'amusaient" avec une serveuse. Ils devaient être huit, ou peut-être neuf. Dans un profond soupir, le disciple se leva après que son Maître ait adressé un clin d'oeil.
"Je ne sais pas si c'est votre galanterie ou votre odeur, mais cette femme ne semble pas vous apprécier. À vrai dire, je m'en fiche, mais cela fait du bruit, et c'est désagréable. Alors on va faire un jeu, très simple. Votre "chef" me combat, je lui casse une vingtaine d'os, et vous partez tous autant que vous êtes. Sans la gentille demoiselle que vous vous permettez d'infortuner.
-Brindille, que dis-tu, s'écria l'un d'entre eux, indigné. Tu vois bien que nous sommes occupés, nous n'avons pas le temps de jouer. Alessandro, occupes-toi du jeune garçon."
L'homme qui semblait porter ce nom était ivre, et marchait à peine droit. Pourtant, il s'avança vers le jeune homme déterminé, et très sûr de lui. L'enfant pris son épée, et le décapita comme si l'ivrogne lui tendait la tête pour qu'on la lui coupe.
"Ah, comment as-tu osé !"
Malgré que le chef se soit exclamé avec une violente véhémence, sa voix fut couverte par un rire qui jaillit des entrailles de Kyrélia, dont Akashiro était le disciple.
"Peut-être, dit-il lorsqu'elle fut calmée, que tu arriveras à briser dix os... Bon, allez, quinze parce que c'est toi, mais jamais tu ne pourras en briser une vingtaine !
-Oui, tu as peut-être raison, avoua-t-il. Bon, alors partez, ou sinon je vous brise dix os, voire quinze puisque c'est moi."
On l'avait provoqué en duel, alors il devait être le seul à y répondre, son honneur était en jeu. Il se précipita, dégainant vulgairement sa masse imposante, et arriva à la hauteur du garçon. Il ne prit pas le temps de viser, et son arme s'abattit vers lui. Il explosa le sol, l'effleurant.
Non, il ne l'avait même pas effleuré.
Il ressentit une violente douleur sur les phalanges, et l'enfant commença le décompte. À peine la masse fut-elle relevée, que déjà, son nez était cassé. Puis un puissant coup de genou lui avait percuté la jambe droite. Puis il s'attaqua aux côtes, aux avant-bras, à la jambe gauche, et il s'arrêta là. L'homme pleurait, mais il ne s'en rendait pas compte. Bien au contraire, il s'était tournée vers la femme aux cheveux dorés, lui lançant un regard interrogateur.
"Tu ne sais même pas à combien d'os tu en es ! Ah, te voilà dans de beaux draps maintenant. Tu as vraiment besoin de mon enseignement finalement..."
Honteux, l'enfant s'était éloigné de son adversaire, dont les compagnons peinaient à le faire sortir. Les spectateurs, eux, toisaient l'enfant de la même manière que l'on regarderait un ange, si jamais il en descendait un des cieux. Il revint s'asseoir, et les bavardages commencèrent à reprendre.
"Nous approchons, reprit Kyrélia, et désormais, je t'interdis de te battre.
-De quoi approchons-nous ?
-De ton lieu de vacance voyons !"
Son sourire était effrayant, et chaleureux à la fois. Il ne doutait cependant pas d'elle, mais se demandait si son ventre arrêterait bientôt de crier famine.
Après avoir manger, ils continuèrent leur route, et arrivèrent finalement devant une étendue d'eau aussi immense que magnifique. "La mer", avait commenté Kyrélia en s'amusant de l'ignorance de son disciple. Son emmerveillement en était de toute évidence à la hauteur, et il poussa un sifflement d'admiration en déposant son regard sur l'eau. Il avait connu une autre étendue d'eau, mais celle-ci était incomparablement plus grande. Les reflets éblouissant glissaient sur les ondes d'un bleu que le ciel envierait, et les vagues faisaient s'élever une musique douce, un chant venant de la mer.
Puis lorsque l'admiration fut passée, il comprit pourquoi il était ici, et un frisson lui parcourut l'échine. Depuis qu'il avait été jeté à l'eau, il en avait une peur intense, et son Maître l'avait bien remarqué. Ils avancèrent un peu, jusqu'au bord de la falaise qui dominait l'océan, appréciant la vue, et pour le disciple, sentant une angoisse croissante.
"La vue est vraiment magnifique, on a bien fait de faire un si long voyage. Bon, eh bien je suppose qu'il ne reste plus qu'à faire demi-tour, non ?
-Non. Tu vas plonger, et je vais t'apprendre à nager lorsque tu seras de nouveau conscient, si tu es encore en vie. Puis on s'entraînera dans l'eau jusqu'à ce que tu y coules, puis je te ramènerais à la terre ferme, peut-être."
Il n'y avait aucune conviction dans les paroles de la femme, comme si elle voulait qu'il perde espoir, ou en tout cas, n'ait nulle illusion. L'adolescent hésitait, puis il demanda dans quelle tenue il pourrait y aller, ne pouvant garder son équipement pour plonger. Donc un grognement, il comprit qu'il était le seul à devoir sauter de cette hauteur, et se mit en tenue, un peu intimidé et gêné. Les paroles de son Maître résonnaient dans sa tête : "Je suis ton Maître, et non une femme. Tu es mon disciple et non un homme. De toute façon tu n'en as pas l'âge, si cette hauteur t'effraie." Elle devait se douter l'effet que ça lui ferait, car il fut, très peu de temps après, prêt à sauter. C'est génial, se disait-il, au moins il n'y a pas de risque que je meurs dans d'atroces souffrances...
Puis il plongea. Ce fut long, et au fur et à mesure qu'il descendait, il avait de plus en plus peur. Son coeur lui faisait mal, et préconscient, il ressentait déjà la douleur qu'il pensait ressentir dans quelques secondes. Sa dernière pensée le réconfortait, en lui disant qu'au moins, il reposerait dans la merveille bleue de la nature terrestre. Et comme échos à cette pensée, il fit s'élever une véritable colonne aquatique, malgré que son plongeon était irréprochable. Il était tombé plus bas que ses réserves d'oxygène ne lui permettrait de remonter, et malgré une lutte pour retourner à l'air libre, il perdit connaissance avant que son corps ne soit plus qu'un vulgaire objet flottant.
De longues minutes plus tard, il ouvrait les yeux.
"L'eau était bonne, disciple ?"
Se relevant sur le sable fin, il prit une épée de bois à côté de lui, qui dorait au soleil en attendant d'être utilisée. Sans penser qu'elle savait qu'il réagirait comme ça, il sauta sur son Maître, qui para son attaque et l'envoya loin dans l'eau. Paniqué, Akashiro bougeait dans tous les sens, lâchant son épée qui flottait à ses côtés. Lorsque son Maître vint vers lui, nageant avec une grâce à la hauteur de sa beauté, il ne savait ce qu'il devait ressentir. Il était tiraillé entre un béatitude adolescente de voir une telle femme, et une peur de couler grandissante. De sa voix apaisante, elle lui dit, bien que cela pourrait plutôt ressembler à un ordre, de se calmer :
"Regarde ton arme. Ce bout de bois est plus intelligent que toi ! Détends-toi, calmes-toi..."
Et c'est ce qu'il fit. Ses mouvements étaient moins brutaux, et il parvenait plus ou moins à se maintenir à la surface. Puis elle lui expliqua le crawl qu'il assimila rapidement, avant de lui montrer comment se battre dans l'eau. C'était étrange, car il se sentait apaisé par les flots, et pour la première fois depuis qu'il était devenu un disciple. C'était d'ailleurs si calme qu'il pensait qu'il devait rêver, ou alors qu'on lui cachait quelque chose. De terrible.
La fin de journée coula telle une étoile filante dans le ciel, mais maintenant qu'il n'y avait plus de soleil, il faisait froid. Evidemment, il n'avait droit à aucun ligne pour se sécher, et résister à cette morsure lunaire ferait partie de son entraînement. Fatigué, il transforma son désespoir en une demande qu'il tourna de cette manière :
"J'ai froid. Je ne suis pas un homme, mais un disciple. Tu n'es pas une femme, mais un Maître. Il me faut de la chaleur. Est-ce que..."
Il n'eût pas le temps de terminer sa phrase et sombra dans un mélange d'inconscience et de sommeil. Et de douleur.
Le lendemain, le soleil embrassait de nouveau la mer, mais ce qui était trop beau pour être vrai, trop utopique comparé à la beauté suprême que pourrait revêtir ce lieu, c'est ce qu'elle lui dit. Après lui avoir fait remarquer que le jour précédent devait avoir été particulièrement éprouvant, il aurait le droit, exceptionnellement, à une journée de repos. La désillusion vint lorsqu'elle lui expliqua que cela ne l'empêchait pas de pratiquer des exercices physiques, sous le soleil qui tappait particulièrement fort. À la mi-journée, il profita d'un peu de liberté pour s'allonger sur le sable chaud, tout en appréciant la sensation de chaleur qui semblait le caresser. Et personne ne vint troubler sa béatitude, si rare, jusqu'au second coucher de soleil qu'il put admirer cette fois. Lorsqu'il n'y eût plus aucune tâche dorée, son Maître déposa une phrase dans ses oreilles endormie :
"Maintenant que tu sais nager et te battres dans l'eau, nous allons pouvoir entamer des missions aquatiques, n'est-ce pas merveilleux ?"
Et parce qu'il savait ce qui l'attendait, ses cauchemars lui fit vivre de manière anticipée les douleurs qu'il subirait, depuis les cavernes qui sont remplies d'eau à la marée haute, les monstres marins qu'il aurait à affronter, et les cent souffrances qu'il subirait. Son Maître le savait, et aimait le voir peiner pour réussir ses objectifs. Elle avait de quoi jubiler en apercevant au loin, une île où se trouvait une caverne entourée dans une forêt...
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