Manteau d'hiver & ombre des pins

RP Libre :)

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Lanre


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Ramenant le dos de sa main contre son nez, le Ceald se dégagea les narines d'un souffle. La fourrure qui entourait son poignet lui caressa doucement les joues, avant qu'il ne récupère sa broche improvisée dans une branche de bouleau. Le regard perdu dans le vague, il laissa les maigres flammes de son campement ronger le bois et la fumée lécher l'écureuil qu'il avait capturé, plus tôt dans la journée. La faim commençait à se manifester, la fatigue le guettait et surtout le froid de la nuit s'imposait à lui, mieux qu'aucun tyran ou aucun Neìdr fantasmé n'aurait su le faire. Le feu le réchauffait à peine et ne l'éclairait guère plus. Ses yeux glissèrent vers les étoiles, que Swann semblait tenir en haute estime et qui l'avaient si souvent guidé dans ses périples. Elles-mêmes ne s'avéraient pas d'un grand secours alors que la saison sombre approchait de plus en plus. En vérité, il ignorait si elle n'avait pas d'ores et déjà débuté. Les cieux, les nuages et les astres de cette contrée lui parlaient moins que ceux qu'il connaissait. Les légendes voulaient que Bròn et Solsken demeurent les mêmes, par-delà les mers et les dents-de-pierre. Il n'en avait jamais douté et n'en doutait pas aujourd'hui non plus. Mais il ne parvenait pourtant pas à discerner aussi clairement les signes envoyés par leur danse. Reniflant bruyamment, l’apatride finit par déposer le pic de bois sur les attaches qu'il avait fixés à cet effet de parts et d'autres du foyer. Quittant la souche sur laquelle il avait élu domicile jusqu'à lors, il se rapprocha de l'âtre pour mieux sentir sa chaleur englober ses mains. Accroupi, à deux pieds des braises, l'Etranger se prit, un instant, à jouer avec les petites langues orangées. Leurs courbes et leurs ondulations attrapaient ses yeux sans trop de difficultés.

Conscient que la viande ne serait pas fumée avant de nombreuses heures, il tira davantage de bois pour alimenter le cœur du feu de camp. Plongeant ensuite le bras dans la sacoche de cuir que le Sheikah – c'était ainsi qu'il s'était présenté – lui avait ramené, il en sortit un quignon de pain sec, quelques airelles accompagnées d'une poignée de noix. Plus les jours passaient, plus ses repas se faisaient maigres. Il grogna, d'avance agacé, réalisant qu'il aurait une fois de plus le sentiment d'avoir le ventre aussi vide avant et après avoir mangé. Il savait pourtant à quel point les petites graines étaient nourrissantes et, usuellement, ne pas avaler de viande des semaines durant ne lui posait pas de soucis. Pour autant, ce soir plus que tout autre, il aurait aimé profiter du fruit de sa chasse. Il avait décidé de boucaner la viande pour pouvoir la conserver le plus longtemps possible mais il s'imaginait déjà courir après d'autres gibiers au levé du jour. Les Dovah savaient pourtant qu'il n'en avait pas le temps. Attrapant une pierre un tant soit peu ronde, il entreprit de briser quelques baies-de-bois avec — et surtout de s'occuper l'esprit. Sans nouvelles de Swann, ni de personne en réalité, depuis qu'ils s'étaient séparés, le chasseur ne pouvait que reconnaître l'évidence : toutes ses recherches n'avaient rien donné. Il n'avait pas l'ombre d'une piste. En vérité, en dehors des songes qui le travaillaient parfois depuis le début de son aventure avec le Cygne, il n'avait aucune certitude. Pas la moindre. Il était même tout à fait possible qu'il cherche après un mirage. Une illusion de ce qu'il avait perdu et aurait aimé retrouver.

Il soupira, longuement, avant d'avaler la première partie de son souper. Le vent soufflait avec plus de force que ce à quoi les landes de Swann l'avaient habitué, sans pour autant le gifler avec davantage d'insistance que ne le pouvaient parfois les embruns de ses propres terres. Les quelques arbres auprès desquels il avait trouvé refuge pour la nuit murmuraient, dans leur dialecte qu'il n'avait jamais su – ni cherché, en vérité – comprendre. Rares étaient ceux par qui les Doyens se laissaient écouter. Brieg lui avait expliqué, jadis, que ceux qui le pouvaient avaient tous été passé par le fil de l'épée. Il savait désormais combien c'était faux ; et combien les Hommes pouvaient avoir mauvaise mémoire, combien ils pouvaient effacer des pans entiers de leur histoire ou la travestir. Ce qui, soit dit en passant, ne le dérangeait pas outre mesure — sinon pas le moins du monde. Il n'avait jamais souhaité laisser une marque sur le monde. Ce qu'il voulait lui était encore interdit. Pourtant, cela, il ne l'avait pas oublié. 

Il se rappelait l'odeur de ses cheveux, la texture de sa peau, le bleu-violet de ses yeux. Il se souvenait de l'âpre de ses lèvres, de ses sourires complices et de ses colères. Il se souvenait sa magie, violente et froide. Mais il se souvenait aussi la douce fièvre de sa hutte, la lumière de son brasier dans l'ombre. La jeune femme lui manquait. Il l'avait crue perdue, après son départ, mais elle resurgissait désormais. Si l'ascète n'avait jamais regretté la fin de ce cycle de sa vie, il n'avait aucune intention de laisser une quelconque incarnation du destin les éloigner de nouveau. 

Lanre tira un peu plus sur les pelisses qui couvraient ses épaules, pour mieux se protéger du givre naissant. Çà et là, les premières neiges étouffaient la terre, recouvraient les racines et inhumaient les roches. Certains des cours d'eau qu'il avait du traverser commençaient doucement à cristalliser puis geler, donnant à quelques unes de rivières une allure de verre. Doucement mais sûrement,
Helv'ē commençait son hibernation. Les chênes, les ifs et les pins se  paraient de leurs robes blanches, les loups reformaient les meutes et les ours regagnaient leurs tanières. Comme chaque soir, les corbeaux piaffaient, leurs croassements sans cesse plus narquois, lorgnant sur sa capture. La fumée les tenait à distance respectable, vers la cime des quelques arbres de sa tanière improvisée ; et il les préférait aussi loin que faire se pouvait. Son regard austère grimpa le tronc d'un gros conifère jusqu'à croiser celui de l'un des rapaces. Il siffla entre ses dents, sans trop savoir si l'animal comprendrait son intention. Il n'avait jamais partagé l'affinité de Blanche à l'égard de ces oiseaux. En vérité, il ne les avait jamais véritablement aimés : en son fort intérieur, il avait toujours la désagréable impression que leurs petit yeux pouvaient sonder son cœur.

Sa paume épousa délicatement le ventre de l'arc qu'il avait récupéré dans la première cache du Cygne. Sans un bruit, ses doigts se refermèrent contre la hampe, enfermant la tige de bois clair. Son regard n'avait pas quitté la bête, dont-il avait presque l'impression qu'elle le défiait. Dans un souffle silencieux, mais assez gelé pour que de ses lèvres fuisse la fumée, il se hissa sur ses deux jambes, sans se lever réellement pour autant. Sa main droite chercha brièvement après le carquois, tirant l'avant dernier trait originel qu'il avait su garder. Les vingt-trois autres flèches, il les avait taillées et assemblées pour remplacer celles qu'il avait perdu au fur et à mesure de son voyage. Certaines, il les avait fait d'os, d'autres de bois de seul. Quelques unes avaient une tête de pierre ; et d'autres encore – plus rares, néanmoins – étaient parées de fer. Une seule portait un chapeau de bronze. Elle tournait entre son pouce, son index et son majeur. Toujours sans perdre sa proie des yeux, il encocha le projectile, avant d'armer le bras. L'animal croassa. Le chanvre grinçait tristement en s'arrachant au bois de plus en plus tendu. Bientôt, l'empennage vint griffer sa gueule, quelques pouces seulement sous ses yeux. Par habitude, comme il le faisait chaque fois qu'il avait le temps de préparer un trait, il réajusta sa prise sur la hampe de l'arc. L'espace d'un instant, les lieux semblaient sous l'emprise d'un mutisme presque surnaturel. Hadj s'était tue, et avec elle ses anciens. Le vent ne soufflait plus. Et puis le projectile siffla, avant de perforer le tronc du rapace. Dans le contraste de la nuit et des faisceaux de lumière de la lune, il distingua la bête chuter de son perchoir.

En hâte, Lanre passa l'arc à son épaule. Dans le même mouvement, il récupéra le carquois et, sans prendre le temps de l'accrocher à sa hanche, le hissa sur son dos, jouxtant l'arme de bois. Son regard embrassa brièvement la lame et la dague qu'il avait laissé près du feu, mais il ne récupéra finalement que le petit coutelas de Blanche. Il doutait que quoique ce soit lui arrive d'ici à son retour, mais il en avait été séparé assez longtemps pour ne pas souhaiter le perdre de vue. Bien vite, l'ivoire reposait contre son flanc. D'un regard rapide par dessus son échine – vieux réflexe d'ours traqué –, il s'assura que rien n'approchait derrière lui. Sans attendre, peu désireux qu'il était de laisser sa prise aux vers ou aux mouches, il quitta son campement. Quelques minutes, à peine, le menèrent à la dépouille de l'oiseau. L'arc toujours sur le dos, retenu d'une main, il arracha de deux doigts la flèche qui perçait la buse de part en part, sans faire montre d'une grande compassion. Récupérant l'animal par les serres, il l'accrocha rapidement à sa ceinture, prévoyant de le dépecer une fois de retour au feu dont il ne distinguait déjà presque plus la lumière. L'ombre des pins masquait toutes les lueurs.


Roshu Aaron


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Une vie plutôt calme et sereine. Il y avait quelques années, il ne s’imaginait pas prendre déjà une pause dans sa vie parsemée de combats et d’aventures. Un quotidien plus ou moins calme dans sa boutique à la citadelle d’Hyrule. C’était vraiment différent de ses fameuses missions qu’il accomplissait auparavant. Dans son royaume natal, c’était comme une institution. Le sorcier de feu avait repris ce type d’activité ici. Puis, avec les guildes, c’était autre chose. Il avait vraiment l’impression de servir une noble cause. Jusqu’à ce que les événements commençaient à dérailler. Au final, Roshu avait retrouvé la paix intérieure.

Dis ainsi, on croirait qu’il avait vécu une époque farfelue à cet âge. C’est vrai que l’homme aux cheveux blancs n’avait que 20 ans. Ce n’était pas comme s’il avait atteint la quarantaine pour faire sa crise. Mais, durant ces 5 dernières années, il avait vécu tant de chose qu’un adolescent ne pourrait vivre. Entre temps, il avait beaucoup muri. Les combats, les morts, les circonstances l’avaient profondément changé. Yuri ne le reconnaitrait plus s’il revenait à Solar, que ce soit physiquement ou mentalement. Au final, il était content de cette transformation. On pouvait dire que son deuil était finalement passé.

Ce jour-là, afin de renouveler son stock, il s’était décidé d’aller récupérer quelques plantes ou objets insolites. Le jeune homme s’était lancé dans un hobby plutôt singulier. La création d’armes magiques. En cherchant dans les bouquins, le sorcier avait vu qu’il pouvait enchanter des équipements. Que ce soit des armures ou des protèges-bras. Un enchantement pourrait lui être utile. Ou s’il lui était possible, la création d’une seconde baguette. Sa puissance en serait décuplée, comme à l’époque où il avait des cheveux bleus. Puis, il pourra également les revendre et avoir plus de rubis. L’ancien ambré raisonnait de plus en plus comme un marchand. Une de ses clientes l’avait particulièrement marqué. Ce qui l’avait poussé à se perfectionner.

Durant quelques jours, il s’était promené dans le royaume d’Hyrule. Le tout en charrette ou à pied. Dans ce genre de situation, c’était vrai que son cheval lui manquait. Il pourrait en acheter un autre. Sauf que Roshu avait peur que la même situation recommençait. Celui où cet étranger lui avait volé. D’ailleurs, depuis tout ce temps, il ne l’avait pas croisé. Peut-être qu’il était mort. Mais le monde était bien grand. Pyro était devenu probablement la monture d’un nouveau propriétaire.

Un petit voyage non sans embuche. Il avait rencontré un petit groupe de bandit, avec des bourses de rubis quasi remplie et des armes plutôt étincelantes. La preuve que c’en étaient fut la charrette, quelques mètres plus loin, avec les cadavres des civils. Roshu était arrivé trop tard pour les sauver, malheureusement. Cela ne l’empêchait pas d’aller s’attaquer sur ces monstres sans vergogne. Il s’approchait d’eux et n’hésitait pas à balancer plusieurs sorts de feu. Ils ne faisaient pas le poids face à la magie.

Le bilan de tout ceci : des corps enflammés, le sac à dos du sorcier contenant leurs bourses et les armes qu’ils pouvaient récupérer. Plus personnes allaient les utiliser et il n’y avait aucun risque de représailles. Ils étaient désolés pour les gens morts pour rien. Mais ce monde n’était pas fait que de bonnes intentions. Les gentils manquaient trop à l’appel, ces derniers temps. Au moins, les équipements feront le plaisir des nouveaux propriétaires.

La nuit tomba et Roshu s’était engouffré dans une forêt pour se reposer. Il devait être qu’à deux jours de la citadelle. Ce n’était plus très loin afin de retrouver le confort de son lit. Mais dormir à la belle étoile ne le gênait pas. L’être de Solar avait l’habitude. Etre autour d’un feu de camp qu’il aurait créé, en mangeant un lapin qu’il avait chassé auparavant. Toutefois, avec l’absence de lumière dans les parages, le sorcier de feu devait sortit son arme magique. D’un simple mot, une flammèche se forma à la pointe. Suffisamment forte pour éclairer les alentours. Il se disait qu’être un peu plus à l’intérieur, vers une clairière, serait un bon camp de fortune. Ainsi, personne ne devrait l’embêter la nuit.

Ça, c’était la théorie. Parce qu’en avançant, il pouvait remarquer une silhouette. Une personne devant lui, à quelques mètres. Roshu ne pouvait pas distinguer l’identité de cet individu. Par conséquent, il s’approcha un peu plus. Il espérait tomber sur une personne amicale, pour une fois. Non pas que cela lui démangeait de parler mais il voyageait seul depuis quelques jours. Mis à part les bandits qui étaient sa seule rencontre, il s’était rare arrêté aux villages avoisinant la plaine. Mais, c’était en découvrant le visage de ce type.

Au moindre geste suspect, Roshu n’hésitera pas à contre-attaquer. Restant silencieux, il fixait cet homme, l’étranger. Le sorcier de feu ne bougeait pas. Ce combattant était tout aussi imprévisible, niveau comportemental. Alors, il ne savait pas comment réagir. Son visage restait ferme, n’exprimant que le sérieux. Les sourcils légèrement froncés. Sa colère bouillait intérieurement mais le jeune homme voulait rester calme et ne pas exploser. Il n’était pas pour un combat maintenant mais s’il était obligé de le faire, sa réaction sera rapide…


Lanre


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Le feu, dans l'obscurité, n'avait jamais été le meilleur des atouts. Il brûlait et n'éclairait, finalement, que pour les autres : ses langues rougeâtres se voyaient de loin mais ne projetaient que peu de lumière. Une torche dans les bois sonnait, à ses oreilles aux moins, comme l'assurance de tomber dans la première embuscade venue. Une nouvelle fois, l'arc glissa de son épaule à son poing, tandis que lui s'accroupissait — trouvant refuge derrière un large taillis, parsemé de ronces presque autant que de feuilles. D'instinct, sa main droite gagna sa sacoche, avant qu'il ne réalise qu'il n'avait toujours pas eu l'occasion de préparer davantage de décoctions. Il lui restait deux explosifs. Le premier, il l'avait confectionné à base de poudre de noix et de salpêtre, avant d'ajouter au mélange des fragments de roche, d'os et d'acier. Le second sommeillait dans une petite fiole scellée, qu'il n'ouvrirait en aucun cas. Grognant sans un bruit, il tira un trait de son carquois, non se saisir également de sa dague d'ivoire. Sans la moindre précipitation, l'Ours arma sa flèche. Son genou droit enfoncé dans la terre sèche, il jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule, estimant le temps qu'il lui restait et la distance que l'inconnu devrait parcourir avant qu'il ne le juge trop près. « Faènn.. — », siffla-t-il entre ses dents, trop bas pour être entendu. Pestant contre lui-même, il se jura de reprendre la production de mixtures si tôt que faire se peut. Dans un noir pareil, il distinguait sans mal les lueurs de la flammèche, mais guère plus. Certaines de ses préparations auraient pu largement lui faciliter la tâche.

La lumière que dessinait et qui découpait vaguement un pan de la silhouette n'émanait pas d'une torche. Bien trop frêle, trop fragile, il lui semblait que le moindre coup de vent aurait pu la balayer. Sans trop savoir pourquoi, il éprouvait une certitude qui le mettait mal à l'aise. Il n'avait pas eu à passer longtemps sur ces terres pour y constater à quel point H'ud rongeait jusqu'aux racines des arbres. Plus jeune, le phénomène l'avait rendu curieux. Brieg n'était pas le plus avare en contes et en légendes, relatant les récits malheureux d'impétueux piégés par les forces qu'ils ne savaient contenir, ni maîtriser. Aujourd'hui, il savait pertinemment que le vieillard les mettait en garde aussi subtilement qu'il savait le faire ; et si ses mémoires étaient nécessairement biaisées, il n'en demeurait pas moins méfiant. Défiant, même. Les forces de la nature ne nourrissaient que très rarement les mêmes ambitions que lui. Calant la hampe de sa dague contre le fond de sa paume, lame pointant vers le bas, il laissa le chanvre et le bois chanter dans un murmure que lui-même percevait à peine. Soudainement, il se tira à sa cachette, désormais à découvert. Tenant l'inconnu en joue, et la gorge qu'il avait nue pour cible. « Vaèste. — », ordonna-t-il simplement d'une voix qui ne souffrait pas la contestation. La tête de fer qui couronnait sa flèche y ajoutait probablement. « Pas un pas de plus », reprît-il, soucieux de se faire comprendre. Il n'ambitionnait pas plus la bataille qu'usuellement mais le cours de l'histoire lui avait enseigné – durement – qu'un être averti en valait deux, sinon plus. Son regard, davantage vert que gris mais probablement indiscernable dans l'ombre de la nuit et des fourrés, scrutait la silhouette qu'il tenait pour menace potentielle. La carrure fine, les épaules tombantes et la démarche étaient révélatrices et en disaient déjà beaucoup sur l'oiseau de nuit qui s'aventurait dans les bois. L'adolescent – son dos n'était pas courbé à la manière de ceux des vieillards – ne l'écouta pas et fit quelques pas de plus, s'avançant par trop vers lui. Brusquement, le nerf de l'arc en gifla le ventre. Dans un cri étouffé le chanvre revint, tentant vainement d'étreindre la courbe de l'arme. En moins d'une seconde, le trait fila, déchirant les cieux en silence.

L'espace d'un instant, au moins, la flamme qui dansait au bout du bâton de l'imprudent s'éteignit. À aucun moment il n'avait souhaité blesser le petit magicien, tout juste l'avertir. Le Ceald le savait précisément : il n'aurait pas cette amabilité une seconde fois. Le prochain trait, si prochain trait il y avait, irait directement à l'œil, la trachée ou la gorge. Il n'avait pas pour habitude de tuer lentement. Sous ses yeux austères, le jeune homme – il supposait qu'il s'agissait d'un homme – finit par s'arrêter. Visiblement son avertissement portait davantage de fruits quand il laissait le fer parler à sa place. En silence, d'abord il soupira. « Reste où tu es », siffla-t-il suffisamment fort pour qu'on l'entende au moins à quelques pieds. Ses doigts soustrayaient discrètement un second projectile, couronné d'os cette fois-ci. Ce type de flèche – les plus courantes chez lui – comptaient parmi les préférées de Blanche. Plus facile à ensorceler, sans doute. À nouveau, il encocha le carreau, ramenant l'arc devant lui et la pointe de sa flèche vers le sol. Il ne prit pas la peine de préciser plus verbalement la portée de sa mise en garde qui, en vérité, tenait plus de la sommation que de l'aimable précision. L'hospitalité n'était pas la seconde nature chez lui qu'elle pouvait être chez Nyttę̄́, bien au contraire. Un moment, les deux inconnus se contemplèrent en véritables chiens de faïence sans qu'il ne puisse poser de traits sur sa gueule plus que par le passé. Finalement, l'étoupe légèrement tirée pour pouvoir réagir promptement et le coutelas d'Hiver bien calé au creux de sa paume, Lanre se décida à rompre le silence. Les mots ne lui vinrent pas de suite, du moins pas dans la langue de son interlocuteur. Instinctivement, il commença dans un dialecte qu'il était probablement le seul à maîtriser sur ce pan d'Helv'ē. « Obed'd ȁ veran, distrijg », le tança-t-il de prime abord, exigeant des précisions qu'il n'aurait probablement – certainement – pas donné lui-même, si la situation avait été inversée. Plusieurs marques sur son torse, ses bras, son dos ou sa gueule pouvaient en attester. « Qu'est-ce que... — », commença-t-il brièvement, cherchant comment formuler sa question dans un jargon qu'il espérait assez peu barbare pour être compris. Les syntaxes changeaient presque radicalement de l'Hylien à sa propre langue. « Qu'est-ce qu'y t'amène ici, gamin ? Parle. Vite. » S'enquit-il alors, après avoir finalement trouvé le lexique qu'il lui fallait pour exprimer l'idée qu'il voulait faire passer. Son index, son majeur et son annulaire se refermèrent un peu plus sur la corde, de part et d'autre de l'empennage, alors qu'il étirait un peu plus la pression sur l'arc.


Roshu Aaron


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Le silence était mot d’ordre. Les souvenirs de Roshu revenaient à la surface. Malgré la nuit, les flammes du camp permettaient de distinguer le visage de cet homme avec l’arc. Cela remontait à des mois. Peut-être une ou deux années, il ne savait plus vraiment. Mais, ce qui était sûr, c’était que leur dernière rencontre ne s’était pas passée correctement. Surtout que cet homme semblait toujours aussi agressif. Le jeune homme n’avait fait que deux pas avant de voir une flèche de planter devant l’arbre. Sans doute un avertissement suite à cet acte non agressif. Le sorcier de feu s’était placé en diagonal, se tournant à moitié sur la gauche vers l’individu. Une aubaine car son côté droit était plongé dans le noir.

Il ne savait pas si ses actions seront hostiles ou non. Mais, quitte à prendre des précautions, autant aller jusqu’au bout. De sa main droite, il s’empara de son arme magique. Impossible de le voir du point de vue de l’archer, ses mouvements étaient plutôt limités de ce côté-là. Il subsistait toujours son brassard métallique au niveau de son avant-bras gauche. Une protection qui lui sera utile, en cas d’un autre tir. Maintenant, l’inconnu réussit à parler le langage de ces lieux. Finalement, peut-être que le dialogue pouvait être possible avec l’étranger.

L’homme aux cheveux blancs restait toujours neutre. Il ne voulait pas montrer ses mains pour dire qu’il était inoffensif. Une erreur qu’il ne répétera pas.

« Comme vous, probablement. Passé la nuit dans ces plaines, à l’abri des monstres. La forêt reste un bon endroit pour se protéger … »

Ce n’était pas comme s’il traquait ce type. Aucune intention agressive de sa part, comme d’habitude. La vengeance n’était pas dans son crédo. Son cheval, Pyro, avait disparu le même jour avec cet homme. Peut-être que maintenant, il avait un nouveau propriétaire qui s’occupait bien de lui. C’était de l’histoire ancienne. La tension continuait d’être électrique, tant que la personne n’abaissait pas son arc. Mais, Roshu était prêt à recevoir une autre flèche, s’il devait choisir cette éventualité. Toujours et encore le combat. Dire qu’il venait d’en terminer un dans la journée. La vie d’un combattant n’était jamais de tout repos.

Le nouveau marchand lâcha un soupir. Son sac à dos se faisait plutôt lourd et il aurait aimé se reposer un peu. Cette clairière était un bon endroit. Mais, est ce qu’il était la bienvenue dans ces lieux ?

« Ecoutez, je veux juste me reposer jusqu’à l’aube. Je peux simplement rester loin de votre espace vitale. Pas de combat, pas de contact social, juste deux êtres chacun dans son coin. »

A une époque, parler et discuter avec son interlocuteur faisait plaisir à Roshu. Découvrir qui était celui qu’il avait en face de lui, le connaitre davantage, créer des liens amicaux.
Maintenant, le sorcier se réfugiait dans une sorte de bulle. Dans sa boutique, il jouait le marchand. Même s’il redevenait plus sociable, en revoyant des visages familiers, comme la sage de l’eau, rien ne l’empêchait de retourner dans son armure. La tranquillité, c’était tout ce qu’il voulait. C’était, peut-être, le souhait de cet homme. Il vivait sans doute en ermite, à l’écart de la citadelle et de la civilisation.

« Maintenant, je peux m’asseoir devant cet arbre ? » Il pointa l’arbre où la flèche avait atterri, d’un léger mouvement de la tête. « J’ai marché toute la journée avec ses affaires et je voudrai bien m’arrêter. »


Eorah Vif-Argent


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Eorah ferma les yeux. Le monde tanguait autour d’elle comme le pont fou d’un navire en plein tempête. Appuyée sur un bâton de marche, la métisse avançait à petits pas dans une plaine maintenant sombre. Elle s’était faite piéger par la nuit, et se trouvait maintenant à la recherche d’un abri.

Les papillons voletaient devant ses yeux, son corps tremblait de froid. Eorah était dans un sale état. Les mois avaient passés mais les séquelles de Cocorico et de sa séquestration par Dark Link pesaient encore sur sa carcasse maintenant fragile. Une mèche de cheveux blancs barrait sa tempe, un peu plus claire parmi son épaisse masse argent.

Elle s’appuya une nouvelle fois sur sa canne de fortune et massa son front. Un gémissement sourd échappa des lèvres de la Sheikah, en même temps d’un nuage de vapeur. Etait-ce des flocons de neiges qui dansaient en tombant ? Simplement sa vue dérangée ? Elle essuya ses yeux d’un geste rageur, horrifiée de trouver sur le dos de sa main des larmes. Un sanglot secoua la jeune femme qui s’arque bouta sur son support. Elle pleura tout simplement, là, debout et au milieu du chemin. Durant de longues minutes. Tête basse, cheveux sales pendant autour de son visage terreux. Merde ! Merde ! « MERDE » hurla la jeune femme avant de redresser le visage, et de scruter les ombres. Elle n’arrivait pas à discerner l’endroit où elle se trouvait.

Proche de la citadelle ? Du Ranch ? Avait elle dévié et passé à côté d’un des nombreux villages de la campagne Hylienne ? Elle était perdue, et ça l’angoissait. Avait-elle à nouveau eu une absence ? Pourvu que non ! Un long frisson remonta le long de l’échine d’Eorah. Elle enroula ses bras autour de sa frêle carcasse.

Puis elle se remit en route. Elle avançait avec précaution et lenteur, négociant un tournant a environ un kilomètre de là, quand elle aperçut une lueur.

D’abord Eorah cru à une nouvelle hallucination, ou un tour que lui jouaient ses yeux. Par reflexe elle tendit son Esprit, avant de faire rapidement machine arrière. Nouveau petit changement : utiliser son pouvoir lui donnait des maux de tête et des vertiges violents. La métisse s’agrippa à son bâton de marche, le temps que le malaise passe. Toutefois elle avait eu le temps de percevoir une présence, prêt de ce qui lui semblait être un feu de camp.

Le cœur battant, la jeune femme se mit en route, en direction de ce qui lui paraissait être soudainement un havre de paix, de chaleur et de confort. Malheureusement le trajet fut long. A son arrivée, la métisse discerna deux ombres. Une épaisse et massive et une autre, plus frêle. Elle fronça les sourcils pour mieux voir. Car la petite silhouette avait l’air difforme. Peut-être à cause du gros sac à dos que le jeune homme portait. Eorah dut s’approcher à la limite de la lumière en clopinant pour distinguer enfin ce qui se tramait.

Un large sourire illumina son visage alors qu’elle retrouvait la crinière rousse de Lanre. Aux mots « Reste où tu es ! » Eorah se figea. Dans le contrejour, elle n’arrivait pas à savoir si c’était envers elle que le Ceald était hostile. C’est alors qu’elle reconnut la seconde voix. De curiosité et de perplexité, elle pencha la tête de côté. Silencieusement, elle attendit un moment de calme avant de lancer timidement : « Et moi, je peux profiter de la chaleur de ton feu, s’il te plait ? » Puis une minute plus tard : « Salut Rosh’, toujours sur la route ? Pourquoi faire ? Vengeance ? Ou tu as trouvé une nouvelle occupation ? » Le ton était curieux et anxieux à la fois. Elle se souvenait que trop bien d’un certain sac en toile de jute que le jeune homme lui avait mis sur la tête. Cette fois ci, Eorah ne serait pas en mesure d’empêcher un nouveau kidnapping et encore moins de s’en tirer avec des cabrioles.

Elle avait tout à fait conscience, déjà de n’avoir pas été discrète –ce qui la faisait enrager- et d’en plus devenir la cible du duo masculin. Les doigts de la jeune femme se resserrèrent autour de son bâton de marche, sa bouche se tordit en un sourire qu’elle souhaitait avenant. Elle regardait les deux hommes aux visages flous en espérant que son mal être ne serait pas aussi flagrant.


Lanre


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Au creux de sa paume sommeillait le coutelas d'ivoire de Blanche, jouxtant le chanvre qu'il tira doucement vers son coude en réalisant que son mystérieux hôte esquissait un mouvement qu'il peinait à discerner. Après un bref temps-mort, pendant lequel il avait affermi sa prise sur la hampe de bois regrettant de ne pas avoir récupérer son épée, l'inconnu éleva la voix. Il parlait vite, presque plus qu'Aedelrik et le Ceald peina d'abord à le comprendre. Grinçant des dents, il garda le silence tandis que l'autre enchaînait immédiatement, se plaignant de sa fatigue, à l'évidence las d'avoir à mener les affrontements qui semblaient le poursuivre. Rapidement, le ton autant que le contenu du message que lui envoyait l'étranger commença à l'agacer. Il n'avait jamais eu beaucoup de patience pour les geignards et les douillets. Il avait toujours eu une préférence marquée pour celles et ceux qui s'attaquaient aux problèmes et aux défis plutôt que de les jauger voire les éviter. En outre, il était lui même exténué, inquiet et par conséquent peu enclin aux concessions, encore moins qu'usuellement. Un autre jour aurait pu voir l'Ours de meilleure humeur, mais en cette nuit de début d'Hiver, il n'avait aucune intention de parlementer. Anticipant le mouvement que pourrait tenter le vagabond, il arma soudainement son bras, décochant un second trait sans plus prévenir. La flèche, qui reposait une seconde tête vers la neige, vint se ficher à moins d'un pouce du tendon d’Achille de l'inconnu, entre ses deux jambes. « Tu bougeras quand je te le permettrais », siffla-t-il visiblement agacé, encochant un troisième projectile couronné d'os. « Et, crois-moi... », reprit-il dans un soupir qui traduisait son sentiment, « ... si tu dois bouger, débrouilles-toi pour te tirer loin d'ici. » La menace n'était pas des plus subtiles, mais elle n'avait pas vocation à l'être. Il savait l'être quand la situation l'exigeait, mais n'avait pas la moindre envie de faciliter le dialogue ou de chercher le consensus. Au fond, il ne prêtait que peu d'intérêt aux objectifs et aux désirs que nourrissait le jeune homme. La seule chose qui l'importait véritablement, c'était l'hostilité dont pouvait faire preuve le voyageur à son égard. Le reste ne comptait absolument pas. Les plaines étaient suffisamment grande, lui semblait-il, pour qu'il n'ait pas à recevoir un être dont il ignorait tout. Surveiller ses arrières c'était une chose. Inviter le loup à pénétrer dans la bergerie, comme disaient les Hyliens, c'était une tout autre histoire. « Farha cead. » Glissa-t-il, d'instinct, dans sa langue natale, peu désireux d'un affrontement pour autant. « Rebrousse chemin. » Ajouta le rouquin sans en préciser davantage. La tension demeurait palpable, indéniable, mais elle ne l'avait jamais effrayé.

Une seconde voix s'éleva, réussissant à le surprendre. Sans se laisser le temps de l'hésitation, l'apatride banda son arc, ciblant ce qui semblait être le crâne de la nouvelle silhouette. Cachée par l'obscurité des arbres et l'absence de lune, sa proie lui était presque invisible. Il resta ainsi une vingtaine de secondes qui lui semblèrent durer une éternité, jusqu'à ce que la pression ait raison de son bras. Sous ses doigts, le bois tendu craquait. Lentement, sans faire feu, il ramena la corde vers le ventre de l'arc avant de s'enquérir dans un souffle: « E... Eorah ? — ». Accordant un bref regard au jeune garçon pour s'assurer à nouveau de ses intentions, l'étranger reporta vite ses yeux vert-de-gris sur la jeune femme qu'il n'avait plus revu depuis l'attaque de Cocorico. Il y avait alors croisée brièvement avant de séparer en deux un mastodonte de feu, d'os et d'ivoire qui défiait la mort. Le reste de la bataille était rapidement devenu plus confus. L'arrivée du Dovah puis sa capture resteraient des instants gravés dans sa mémoire. La fumée, la cendre, le sang et la boue maculaient et obstruaient le reste de ses souvenirs. Ils ne s'étaient rencontrés qu'une unique autre fois, au cœur des ruines sacrées, dans les Bois Perdus. C'est là qu'il lui avait sauvé la vie. Il poussa un profond soupir avant de hausser les épaules, baissant momentanément sa garde. « Installe-toi. » Siffla-t-il simplement, désignant le feu de camp qu'il avait abandonné à pieds, presque à mi-chemin du magicien. Il n'ajouta rien, se contentant de ramener son arme contre son épaule et le trait dans le carquois qu'il prit cette fois le temps de ramener à sa hanche, sans se départir de la dague de Nyttę̄́. D'un pas décidé, il franchit l'espace le séparant du jeune homme qu'Eorah semblait connaître, toujours d'aussi mauvaise humeur mais sans intention ni volonté de le chasser comme il prétendait le faire quelques instant auparavant. Il avait trop à penser, trop à s'inquiéter pour s'encombrer l'esprit avec des faux problèmes de la sorte. Et les Dovah savaient qu'il aurait besoin des flèches qu'il avait tiré. Bousculant presque l'Hylien d'adoption, Lanre récupéra le projectile qu'il avait planté aux pieds de sa cible. Il ne lui accorda pas un mot, mais son regard austère parlait pour lui, mieux que n'auraient su le faire ses lèvres gercées ou sa langue. Puis, il continua son chemin vers le deuxième trait, profondément enfoncé dans l'écorce d'un grand-chêne. Le chasseur posa sa paume gauche sur le tronc, puis enroula ses doigts autour de la verge de sa flèche, encore impressionné par la puissance de tir de l'arc qu'il avait trouvé dans l'une des caches de Swann. « Àlāinn.. », murmura-t-il pour lui même plus que pour aucun autre de ses compagnons d'infortune. Laissant son poids peser sur le bois, un instant, il ne tira le dard d'acier qu'après quelques secondes. Pendant un court moment, le vernis sylvestre lui opposa un peu de résistance, mais il finit par récupérer son bien.

C'est en jouant doucement avec le trait, le faisant tournoyer entre ses doigts, que le traqueur regagna le campement à quelques pas de là. S'approchant doucement d'Eorah, il la toisa brièvement de son regard froid et sévère, avant de la tancer sans méchanceté. « Tu sais encore vider le gibier ? » S'enquit-il, décrochant le corbeau qui pendait à ses hanches pour le laisser tomber aux pieds de l'estropiée. La première fois qu'il l'avait trouvée, elle était entre la vie et la mort. Aujourd'hui, elle semblait à peine mieux. Il fronça les sourcils, observant la jeune femme. Ses joues émaciées trahissaient la faim qui la rongeait peut-être un mois. Elle avait maigri, beaucoup. Son front, qui trônait sur une gueule écorchée et salie par la terre, brillait comme celui des fiévreux. La canne qu'elle refusait de quitter en disait elle aussi beaucoup. « Que t'est-il arrivé ? » Souffla-t-il en s'agenouillant près de la jeune femme et en commençant à plumer l'animal qu'il avait abattu, laissant à fumer l'écureuil capturé plus tôt. Il doutait qu'elle soit en mesure de s'occuper elle même de la dépouille du freux et il ne comptait pas la laisser dans un état pareil. Bien sûr, il aurait souhaité reprendre les recherches immédiatement et se lancer à la poursuite de Nyttę̄́ sur le champ, mais il lui fallait se rendre à l'évidence : quelque puisse être le danger qui la traquait, il ne savait pas où elle se terrait. Et, en l'immédiat, il n'avait guère d'autre pistes que la foi. Celle qu'elle parvienne à se cacher de ses ennemis aussi bien qu'elle ne le faisait de lui. « Tiens... », lança-t-il doucement à Eorah, s'arrachant tant bien que mal à ses craintes et lui passant une petite outre de cuir, remplie d'eau claire. « Bois. Ça te fera du bien », ajouta-t-il, non sans un regard en direction du vagabond, un peu plus loin.


Roshu Aaron


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Encore un autre pas pour provoquer une autre volée. Cette fois-ci, le sorcier ne pouvait pas se laisser abattre de cette façon. Refuser le combat ne signifiait pas être considéré comme mort. S’il existait des moments où le sang ne coulerait pas, le Solarien prendrait cette occasion. Bercé par cette lassitude le dominant depuis plusieurs semaines, il fallait croire qu’il existait des personnes aussi têtues que cet homme aux cheveux de feu. Roshu voyait bien les doigts sur son arc, prêt à se relâcher pour décocher la flèche. Il n’avait pas baissé sa garde, ni perdu l’expérience. Ses yeux restaient rivés sur les réflexes de son interlocuteur. Et au moment où le projectile s’abattit, la main droite du second éclat se porta immédiatement sur sa baguette de sorcier.

Il ne se concentrait pas spécialement sur l’impact. Rien que le fait de ne rien sentir au niveau des nerfs lui permettait de comprendre que ce n’était qu’un autre avertissement. Toutefois, il ne comptait pas recevoir la troisième. Des flammèches dorées se formaient autour du bois sombre. Prêt à utiliser un sortilège s’il le fallait. Peut-être une araignée enflammée pour ce chasseur en contre-mesure. En protection, il avait son bouclier de lumière ou de feu. Dire que pour un retraité, Roshu recommençait à penser comme un chevalier. Savoir quel sort serait efficace selon les circonstances. Au vu de sa palette de sortilèges magiques, le sorcier de feu avait l’embarras du choix.

Ses orbes rouges foncés se focalisait sur celle de l’étranger. Il ne dit pas un seul mot, penchant légèrement sa tête sur le côté. La lueur à ses côtés en disait long. Il laissa échapper un soupir, en pensant qu’il devra encore se battre aujourd’hui. Lorsque, tout à coup, le jeune homme entendit une autre personne arrivée. Décidément, dans ces bois, il y avait une réunion. Il avait peur qu’au moment où il détourne le regard, l’archer décidé de lui ficher une flèche en pleine tête. Mais, il prenait ce risque, surtout après avoir reconnu cette voix venue de son passé.

Une surprise se dégageait de son visage. La bouche entre ouverte, Roshu ne pensait pas revoir cette femme aux cheveux argentés ici. Sa dernière rencontre n’était pas fructueuse. S’étant résulté à des côtes cassés et une discorde avec son ancien compagnon d’arme. Depuis, l’eau avait coulé sous les ponts. Les Phoenix n’étaient qu’un lointain souvenir et Eorah n’avait pas vraiment de lien direct, mis à part à cause de sa mère. Une belle époque où il adorait combattre au nom de la justice et qu’il n’y avait que ça qui l’importait. Par contre, le sorcier ne ressentait aucune haine à son égard. Sa question le faisait sourciller. Probablement rancunière après ce que les deux compères lui avaient fait subir.

Mais, ce n’était probablement pas le moment de ressasser ses vieux souvenirs puisque la demoiselle commençait à vaciller. Une raison de plus poussant le sorcier à ne pas se lancer au combat. Hors de question de se battre inutilement avec une personne blessée à ses côtés. Roshu dissipa les flammes et rangea sa baguette magique. L’étranger connaissait également Eorah et se chargeait de récupérer ses flèches. Cela signifiait qu’il était plus apte de se mouvoir sans être menacé par un arc. Pendant ce temps, le jeune homme désirait aider son ancienne ennemie. Sauf qu’il n’y connaissait rien en magie de soin.

Pris par la fatigue, il s’assit enfin près de l’arbre et déposa son grand sac à dos par terre.

« Une nouvelle occupation, maintenant. La vengeance des Phoenix, c’est de l’histoire ancienne. Surtout qu'il est inutile de poursuivre un spectre, non ? Tout ce qui s’est passé avec ta mère est oublié. Tant que tu ne continues pas à me chercher des problèmes, comme la dernière fois avec le chevalier. Ma mâchoire s’en souvient encore. »

Du repos après de longues heures de marches ressourçait considérablement le petit être. Il laissa échapper un soupir de soulagement. Un lointain souvenir plutôt drôle, en prenant du recul. Où lui et Fallavier avaient poursuivi Eorah avant de l’interroger sur sa mère et son père. Cette dernière avait même attenté à la vie des derniers Phoenix. Pour une raison qui l’échappait toujours, soit-dit en passant. Le sorcier leva les yeux aux ciels en ressassant sa mémoire avant de revenir dans le présent. Il avait souri un très court instant, ce qu’il n’avait pas fait depuis un long moment. Une vengeance qu'il avait cherché mais qu'il n'avait pas réussi. Une sombre défaite qui lui avait laissé un goût amer auparavant. Mais, maintenant, ces liens avaient quasiment disparu.

« Le voyage dans le temps, si je me souviens bien … En tout cas, je ne vais pas t’attaquer, surtout vu ton état. Peut-être que j’ai quelque chose pour te soigner dans mon sac … »

Roshu prit une des lanières afin de tirer le sac à sa portée. A l’intérieur, il y avait plusieurs armes, de nourritures, d’accessoires et d’objets en tout genre. Les récompenses de sa pérégrination. Sauf que l’homme agressif prit les devants en donnant une mixture à Eorah. Les deux semblaient se connaitre puisqu’il n’avait pas encore menacé la femme aux cheveux argents avec son arc. Ce qui montrait bien une différence de relation. Par conséquent, il était inutile qu’il cherche à l’intérieur de son butin une potion quelconque. Cependant, il extirpa un poisson de la réserve qu’il avait préparé pour son expédition. Son ventre réclamait de la nourriture.

Le Solarien le prit dans sa main gauche puis sortit sa baguette magique. Il ne souhaitait pas utiliser le feu de camp de l’inconnu pour griller son saumon. Le pyromancien préférait le cuir à sa façon, en enflammant le bout de son arme et commença la cuisson. L’homme aux cheveux blancs posa ensuite son regard vers les deux compagnons de fortune.

« J’espère que tu n’as pas été blessé ou poursuivi par des gens aux intentions troubles. Cela serait bien gênant qu’il nous trouve ici, tu ne penses pas ? »

Il ne savait pas si Eorah ramener autant de problèmes que sa mère avait faits auparavant. Roshu restait neutre à son sujet, voulant faire table rase de son passé. Il n’était plus qu’un ancien combattant, un ancien Phoenix et un ancien Ambre. Malgré les torts causés. Peut-être qu’il avait finalement muri.

« Sinon, toi et cet homme, vous vous connaissez ? Si je me tiens bien à l’écart, peut-être que je sortirai en un seul morceau de cet forêt … »

Toutefois, était-ce le cas aussi pour la Sheikah ? Elle était mal en point mais si elle reprenait des forces, le sorcier se demandait si les soucis d’antan n’allaient pas revenir brutalement. Ou bien son côté paranoïaque refit surface. Ces propos avaient été prononcés avec un ton sarcastique, qui n’allait probablement pas à Roshu …


Eorah Vif-Argent


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Le cœur d'Eorah manqua un battement. Ses yeux de sang se rivèrent sur la pointe dirigée sur elle. Elle ne distinguait pas le projectile mais devinait a peu prêt de quoi il en retournait, grâce a la position qu'avait soudainement adopté le Ceald. Ses doigts se serrèrent un peu plus sur le bâton qui la retenait. Se redressant de son mieux elle tenta de prendre un air farouche, alors que tout son être tremblait d'épuisement. Ultime bravade; au cas où la flèche devait prendre son envol. Les jointures blanches, elle fit un effort pour lever les yeux de la menace, et chercha le regard de son ami. "La ... Lanre?" son ton était inquiet, car mine de rien Eorah n'avais pas envie de mourir ce soir. Elle ne reconnaissait pas l'aventurier en cet instant. Même si elle l'avait connu méfiant, elle n'avait jamais eu a être sa proie. La situation la dépassait. Elle avait peur ...

Le corps de la jeune femme tremblait de tension. Elle sentait ses articulations hurler a la mort, elle avait mal partout partout. Sa gorge se nouait progressivement. Sa langue et sa bouche étaient soudainement sèche. Durant les vingt secondes que dura l'affrontement silencieux la métisse avait complètement oublié le mage de feu. Puis ... "E... Eorah ?" La Sheikah relâcha son souffle, qu'elle retenait depuis l'instant où le roux s’était brusquement tourné vers elle. Un petit sourire étira les lèvres de l'estropiée qui hocha lentement du chef. "Oui ..." Un seul mot, prononcé dans un souffle. Elle ferma les yeux de soulagement quand l'arc s'abaissa vers le sol, manquant de peu de se laisser tomber a terre elle aussi. Une main, qui avait plusieurs mois auparavant déchiré son cocon de soie, désigna le feu luisant. "Installe-toi." Un gémissement reconnaissant échappa a la métisse qui ne se fit pas prier et s’avança vers la chaleur du foyer.

"Une nouvelle occupation, maintenant. La vengeance des Phoenix, c’est de l’histoire ancienne. Surtout qu'il est inutile de poursuivre un spectre, non ? Tout ce qui s’est passé avec ta mère est oublié. Tant que tu ne continues pas à me chercher des problèmes, comme la dernière fois avec le chevalier. Ma mâchoire s’en souvient encore." Elle hocha vaguement la tête. Dodelina en fait, plus qu'autre chose. Elle tâtonna de son bout de bois le sol, comme si un nid de serpents s'y cachait en permanence. Sa langue pâteuse refusa de danser pour répondre au mage. Tout ce qu'elle fit c'est lui lancer un regard vide. Enfin, de jeter un regard dans la direction où elle pensait que Roshu se trouvait. Pestant contre ses blessures et leurs séquelles Eorah sentit enfin sur son visage la lueur chaude. Elle soupira de bonheur. La métisse entendit le mage ronchonner, mais ne s'attarda pas sur ses mots. Elle était épuisée et maintenir une conversation tout en essayant de survivre lui demandait beaucoup d’énergie.

Ses jambes cédèrent alors que Lanre dépassait Roshu pour récupérer un premier projectile. Tombant a genoux devant les flammes dansantes, la métisse attendit sagement son retour. Eorah tendit son Don et perçut le jeune homme alors qu'il allait s'installer dans un coin, pour éviter le courroux du rouquin. A nouveau un flash douloureux la fit reculer derrière ses murailles psychiques. Eorah porta la main a son front en gémissant de douleur.

Elle gardait la tête baissée, tendant les doigts vers les lueurs orangées pour les réchauffer. Le nœud dans sa gorge ne voulait pas se défaire, la honte lui enserrait le cœur. Jamais elle n'avait été en bonne santé en compagnie de Lanre. A croire que c’était fait exprès. Tirée de ses sombres pensées par le bruit de pas qui s'approchait, la métisse jeta un œil en bais a Roshu, s'attendant a un coup fourré. Mais fort heureusement il ne s’agissait que du Chasseur, flèches en mains. Eorah dut lever la tête quand ce dernier arriva a sa hauteur, gibier a la main. "Merci" lui chuchota-t-elle, autant avec le regard qu'avec la parole. Mais sous le regard froid Eorah baissa bien vite le regard, a nouveau, pour le concentrer sur la lumière vive face a elle. " Tu sais encore vider le gibier ?" Elle hocha la tête, en assentiment, et tendit les mains vers la forme sombre près de ses genoux. Occuper ses mains était une bonne idée, ça la détournerait de ses douleurs et de son mal être.

"Le voyage dans le temps, si je me souviens bien … En tout cas, je ne vais pas t’attaquer, surtout vu ton état. Peut-être que j’ai quelque chose pour te soigner dans mon sac …" Elle redressa vivement la tête, soudainement tendue, les doigts refermés autour de son bâton de marche. Elle serra les dents, prête a marcher dans les flammes pour aller donner une bonne correction au jeune homme, estropiée ou pas. Screugneugneu. Sa mauvaise humeur n’était que le résultat d'une longue journée. Elle était malvenue et malpolie, mais soulageait Eorah et la détournerait de son dégoût de soi. Elle secoua la tête pour chasser ses mauvaises idées et se convaincre que l'adolescent ne lui voulait pas de mal. Revenant a son occupation première, Eorah concentra ses pensées sur la volaille a plumer.

Mais elle ne fut pas assez rapide. Ou alors elle mit trop longtemps a poser sa canne de fortune et se calmer? Car quand ses doigts arrivèrent au niveau de l'oiseau mort, celui ci disparut. Les mains d'Eorah se refermèrent sur du vide et elle se redressa en les observant d'un air abasourdit, en les rapprochant très près de son nez. "Que t'est-il arrivé ?" questionnait le vagabond maintenant juste a coté d'elle. Et Roshu de relancer : " J’espère que tu n’as pas été blessé ou poursuivi par des gens aux intentions troubles. Cela serait bien gênant qu’il nous trouve ici, tu ne penses pas ?" Eorah les regarda tout les deux, l'un après l'autre, durant une longue minute. Puis elle souffla : "Le Roi Dogondo ... J'ai ... Quand il a dévalé la Montagne ... Cette nuit là ... Je crois ... Qu'il a envoyé une pierre dans ma direction ... " Elle montra sa tempe marquée d'une balafre blanche. Puis secoua a nouveau la tête. "La suite, c'est flou. J'ai fais partie des prisonniers des Femmes du Désert. Torture, faim, soif, maladie, poison aussi ... il me semble ... , j'ai cru que mon heure était venue... " Elle haussa les épaules et défit légèrement le manteau miteux qu'elle portait pour montrer ses oripeaux Gérudo, sales et déchirés. "J'ai réussi a fuir, mais me suis perdue dans le Désert. J'y ai erré pendant des mois. -Elle désigna plusieurs brûlures sur son visage et ses mains- Et n'en suis sortie que tout récemment."

"Tiens... Bois. Ça te fera du bien." Une gourde souple arriva entre ses doigts et Eorah reconnu le bruit d'un liquide alors qu'elle le portait a ses lèvres. Encore forte -et a juste titre- de son expérience entre les dunes de sable, Eorah se contenta d'une toute petite gorgée qu'elle garda longtemps en bouche avant de l'avaler. Elle s’éclaircit la voix en rendant la poche souple a son propriétaire avec un sourire reconnaissant en remerciement. "La chaleur d'un ami fait aussi beaucoup de bien. Merci." Chuchota Eorah. "Et pour te répondre Aaron : Je n'ai a mes trousses rien d'autre que mes démons personnels. Personne ne viendra ce soir. Enfin pas a cause de moi."

A la dernière remarque de l'adolescent, Eorah sourit franchement et tourna ses yeux sang vers le rouquin : "Oui nous nous connaissons, c'est la deuxième fois que Lanre me sauve la vie." Puis regardant a nouveau le mage : "A ta place je ferais attention, oui. Il est aussi dangereux qu'impressionnant." Puis après un silence, comme si elle devinait les pensées du jeune homme, tout en respectant celles de leur aîné : "Mais t'en fais pas sur mon compte. J'ai pas la force pour te coller une fessée."

Eorah ferma alors les yeux, épuisée par cette justification en bonne et due forme. Elle laissa ses épaules s'affaisser doucement, comme si la tension accumulée durant les derniers jours s'en allait progressivement. Elle joua doucement des doigts pour éprouver leur souplesse. Puis elle releva le regard vers le rouquin et murmura : "Est ce que je peux t'aider avec l'oiseau? S'il te plait?" Elle dégaina a demi l'une de ses fidèles lame d'argent, et en effleura le fil. Puis la sortit complètement de son fourreau pour caresser la lame du bout des doigts. Elle murmura un peu pour elle même : "J'ai peur ... J'ai l'impression d’être sourde et aveugle." Car de l'arme magique ne lui parvenait nul murmure, nul chant, alors qu'avant elle aurait été submergée de souvenirs. Eorah recommença a trembler. La dague tomba au sol entre ses genoux alors qu'elle remontait les bras sur son torse et détournait le visage vers les ombres pour cacher les larmes de panique qui lui montaient aux yeux.

[spoiler][Alors j'espère bien avoir interprété vos posts. Et j'espère que vous comprendrez la logique du mien.
Et histoire de vous pourrir la lecture : https://www.youtube.com/watch?v=fJ2ClPjFnB8
Ne me remerciez pas c'est avec plaisir :p ][/spoiler]


Lanre


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Les corbeaux croassèrent une sinistre mélodie, du haut des cimes. Sans que le vent ne se lève, les larges pins se mirent à craquer ; leurs branches fatiguées à susurrer des mots bien trop sombres pour qu'il ne les comprenne. L'étranger releva les yeux de son ouvrage, laissant un instant l'oiseau qu'il avait entre les doigts. Les sourcils froncés, les traits tirés, accroupi près du feu et de la Sheikah, il scrutait les cieux et les nuages qui, doucement, venaient camoufler la lune. Il n'aurait su dire précisément ce qui posait problème, mais un frisson invisible secoua ses épaules. Quelque chose avait changé. Et quoique ce puisse être, cela ne lui disait rien qui vaille. Sans prendre véritablement le temps d'écouter ce que pouvaient se dire les deux enfants d'Hyrule, il laissa son regard glisser le long des troncs, défiant l'obscurité des Bois qui entouraient la petite clairière. La maigre lumière des flames éclairait la neige comme autant de petites langues orangées, parfois rougeoyantes. Un peu plus tôt, le manteau d'hiver scintillait d'argent et de gemmes, mais les nues s'étaient maintenant couvertes d'un épais paletot plus funeste que l'encre. Peu à peu l'ombre rongeait le monde, s'approchant toujours plus d'eux, se riant du feu et encouragé par le concert moribond des ailes noires que Nyttę̄́ aimait à protéger. Du coin de l'oeil, il chercha après la lame qu'il avait laissé de l'autre côté du petit braséro, tout à l'heure. Ses tripes mentaient rarement et le fait est qu'il devinait qu'il aurait à s'en servir avant la fin de la nuit. Laissant sans un mot le gibier à Eorah qui le demandait, il se hissa sur ses deux jambes tout en restant légèrement courbé, le poing fermé ; les phalanges pales sous la fourrure. Sous ses talons, la neige chantait doucement, presque morte, tandis que ses yeux restaient rivés sur cette horizon noire, cachée à son regard. Aux regards de tous, en vérité. Bientôt, ses doigts se resserrèrent tout autour du bois sculpté de la hampe de son arme. Par réflexe autant que par habitude, il soupesa la lame, qu'il commençait pourtant à connaître, sans jamais quitter des yeux le coeur des bois qu'il sentait hostile, inquisiteur.

Le dos arrondi, les genoux pliés et la nuque droite, l'Ours tira du feu une branche, s'improvisant tant bien que mal un semblant de torche. Bien loin des conservations que tenaient les deux autres, il s'approcha lentement mais sûrement du cercle de ténèbres, plus nébuleux encore qu'un ciel sans assombri par l'orage. « Shhhh — », siffla-t-il simplement, après un éclat de voix plus fort qu'un autre, sans pour autant accorder à ses deux compagnons d'infortune le moindre regard. Les corbeaux cessèrent leur orchestre, les arbres enfin firent silence. Dans l'ombre, il lui semblait que se dessinaient des formes, aussi massives qu'insaisissables. Parmi elles, une silhouette filiforme se découpa l'espace d'une seconde, avant de disparaître comme si elle n'avait jamais existé. Ses dents grincèrent en silence quand le vent – ou quelque voix que ce fut – reprit doucement, à voix si basse qu'elle en était presque inaudible, la berceuse macabre des charognards. La minute suivante, une violente bourrasque vint briser la ramure des arbres. Le bruit du bois qui se rompt retentit brièvement, avant qu'un tronc tout entier ne craque avec fracas. Il n'eut pas besoin d'un avertissement supplémentaire : avant même de penser à quoique ce soit d'autre, le sauvageon se jeta en avant d'un bond. Dans son dos s'effondrait l'un des géant d'écorce, broyant tout sur son passage. Sur eux se referma soudainement la nuit, mauvaise, amère, plus sombre que l'ébène. Leur feu de camp broyé sous le poids, sa torche noyée dans la neige, ils se trouvaient à leur tour pris au piège d'un crépuscule brumeux, qui les aveuglait mieux qu'aucun masque de bure. Malgré cela, le Ceald tenta un bref coup d’œil par dessus son épaule, dont les pelisses étaient couvertes de flocons moribonds. Il ne parvint pas à distinguer Eorah, qu'il savait pourtant à six pieds sur sa droite, à peine, tant il faisait sombre. « Shh.. ! » Siffla-t-il entre ses dents, le vert-de-gris de ses yeux à nouveau rivé sur la menace, à l'attention de ses camarades improvisés, particulièrement à celle d'Eorah qu'il savait incapable d'assurer sa propre sécurité en l'immédiat. « Recule », ordonna-t-il, sèchement, d'une voix qui ne souffrait pas la contradiction. Son pouce vint s'appuyer contre le quillon rond – presque inexistant – de son acier, dont il dirigea l'estoc vers le dernier endroit où il avait cru voir quelque chose. « Loin. » Ajouta-t-il dans un grincement de dents probablement trop sourd pour être compréhensible. Combattre en protégeant une estropiée s’avérerait plus complexe que de protéger sa propre peau, de cela il était certain. Il ne s'agissait nullement de bienveillance à l'égard de la jeune femme : uniquement d'un pragmatisme presque cynique qui l'avait toujours sorti d'affaire jusqu'à présent. Sans un mot de plus, il s'arracha à la poudreuse avant de se débarrasser du bout de bois qu'il avait saisi tout à l'heure et dont la brise avait soufflé la flamme. A la place, ses doigts gagnèrent sa ceinture puis s'enroulèrent autour du petit coutelas d'ivoire.

A grand bruit, les corbeaux prirent leur envol, criant à plein poumons parfois, quand ils le pouvaient encore. Le récital des ailes, des becs, des serres et des plumes dura une minute encore, masquant l'étrange chuintement qui résonnait tout autour de la clairière, entre les arbres. D'instinct, Lanre tourna sa gueule, portant son regard partout où ses oreilles lui indiquaient un danger qu'il ne savait voir. Grave, peut-être un peu nerveux, il recula de deux pas dans la neige, alors que prenait de plus en plus le grésillement frénétique qui les entouraient tout trois. Clac, clac, clac, clac. « 'Chier », souffla-t-il, une seconde avant que les bêtes ne s'avancent à la faveur de l'obscurité. A première vue, et sans pouvoir en être sûr, il discernait cinq silhouettes, venant les encercler. Deux à l'ouest, une autre paire à l'est et au moins une provenant du nord. A l'évidence, des insectes géants, comme il n'en avait plus vu depuis son séjour à l'arène. Sauvages, cette fois. Les créatures progressaient doucement, caressant et enduisant leurs mandibules de salive ou de venin. Ramenant sa lame devant lui, opposant au prédateur son tranchant comme un bouclier, il tâcha de garder la tête froide, rassemblant toutes les informations qu'il avait à propos de pareils monstres. Il les savait rapides... et meurtriers. Ils firent un pas de plus, puis l'instant de calme avant la tempête s'arrêta aussi brusquement que n'avait tourné le vent. D'un bond, les Bourbons se jetèrent sur leurs proies, tous crocs dehors. Lanre s'élança à son tour, juste à temps pour ne pas finir écrasé ou percé par les griffes qui l'avaient frôlé. Dans l'esquive, il eut tout juste le temps de discerner deux bêtes s'attaquant au gamin, tandis qu'une autre tentait de tirer Eorah par la jambe. Frappant de tranche et d'estoc, il parvint à se ménager un semblant d'espace sans véritablement parvenir à blesser durablement l'animal. Sa carapace semblait absorber les assauts mieux qu'une armure cloutée, le forçant peu à peu reculer. Le combat s'annonçait complexe.


Roshu Aaron


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Pendant tout ce temps, cette femme avait affronté des horreurs indescriptibles causés par l’autre faction. Depuis leur dernière rencontre au village Cocorico lors de l’assaut. Cela remontait à plusieurs mois, déjà. Le sorcier avait perdu le compte depuis ce temps. C’était à l’époque sa période faste commençait sa longue chute en enfer. Le jeune homme ferma les yeux quelque instants, profitant du repos. Il écouta également la deuxième réponse d’Eorah concernant l’étranger. Evidemment qu’il était dangereux vu ses capacités à voler un cheval. Même si le tuer démangeait Roshu, ce dernier ne le fera pas, traitrise ou non. Il restait un homme d’honneur, malgré ce que les gardes disaient.

Le Solarien rouvrit les yeux et déplaça sa main droite pour attraper sa gourde se trouver à côté de son sac à dos. Comme un tic nerveux, il tapait de son index gauche sa jambe. D’une simple poussé de son pouce droit sur le bouchon, il put boire l’eau qu’il avait récolté quelques heures auparavant dans une source d’eau. Tout en continuant à observer ce que la femme et l’inconnu préparaient comme plat. Il n’était qu’un simple étranger et ne souhaitait pas intervenir dans leur démarche. Roshu Aaron s’imaginait en train de préparer le gibier en compagnie d’une personne chaleureuse. Celle en qu’il avait une confiance aveugle depuis longtemps. Une pensée qui le rendait joyeux l’espace d’une dizaine de secondes. Mais, impossible de le concrétiser dans la réalité monotone.

Il rangeât ensuite sa gourde dans son emplacement habituel. Tout à coup, le roux siffla, attirant l’attention de l’homme aux cheveux blancs. Il semblait se préoccuper de quelque chose dans la pénombre. Le sorcier de feu n’aimait pas cette impression. Et à ce moment, l’obscurité s’abattit sur le camp de fortune à cause d’un arbre tombé sur le feu de camp. Sous la surprise, l’éclat doré se leva immédiatement. Etait-ce le vent qui avait causé cette chute ou un individu ? Roshu sortit sa baguette et purgea les ténèbres en embrasant le bout de son arme magique avec une flammèche. Il s’approcha d’Eorah, afin de protéger la personne la plus vulnérable d’une éventuelle attaque.

L’ancien ambré voyait des créatures s’approcher dangereusement du groupe. Il se tourna, comptant le nombre d’ennemi, tout en pointant sa baguette en face de lui. Le feu pourrait surement les empêcher de venir trop près. Roshu avait dû mal à reconnaitre les monstres mais ils ressemblaient à des sortes d’araignées. Son ancienne faiblesse devenue l’une de ses forces. Le sorcier se mordit la lèvre inférieure, essayant de trouver une stratégie offensive. Un coup d’œil rapide pour voir que deux s’occupaient déjà de l’inconnu et qu’un derrière lui s’attaquait à Eorah. Le Solarien avait la charge de deux Bourbons.

Fronçant les sourcils, le sorcier ne souhaitait pas continuer cette dance macabre plus longtemps. Mais c’était eux de lancer le combat en s’élançant sur Roshu. Ce dernier utilisa son sort de vent Aero Cinos pour les repousser. Avec une force assez puissante, les monstres volèrent légèrement en arrière. Pour les prochaines secondes, le Solarien pouvait prendre son souffle. Il commença en lançant une lance de flamme pour chaque adversaire à une vitesse assez rapide afin qu’ils n’esquivent pas. Sauf que si l’un le reçoit sur une des pattes, l’autre se déplaça sur le côté avant d’attaquer le jeune homme. Roshu l’avait vu et enclenché ensuite son katana aux flammes dorées pour assener une entaille diagonale. Il avait réussi à le toucher sauf que le monstre était doté d’une sorte d’armure. Même avec ces flammes, le sorcier devait employer davantage de sort magique.

D’ailleurs, ça tombait bien, parce qu’il avait toujours voulu voir un combat avec son animal enflammé. Le sorcier se déplaça de telle sorte à voir les deux grosses araignées en visuel. Puis, sur celui à sa gauche, il souffla ces deux mots :

« Aragna Volcana »

Et pointa sa baguette sur le monstre à sa gauche. Il invoqua sa ancienne grosse peur : une araignée aux flammes dorées légèrement plus petite qu’eux. Mais donc ses attaques allaient être redoutable. Le combat se rééquilibrait un peu plus. Cela lui permettait de s’occuper de son opposant vivace en face de lui. Cette créature s’apprêtait à attaquer. Cependant, Roshu était déjà prêt à contre-attaquer et lança son sort de feu explosif. Une petite boule de feu se colla au niveau de la carapace et provoqua une explosion d’une taille moyenne, permettant peut-être de fendre son armure …


Eorah Vif-Argent


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Eorah soupira. Ses doigts gours venaient de trouver les plumes du corbeau et agrippaient a elle comme si sa vie en dépendait. La parure sombre ceda une première fois avant que la métisse ne se rende compte de ce qui se tramait. La silhouette chaloupée et imposante de Lanre passa devant elle. Les yeux rouges de la jeune femme suivirent sa masse impressionnante alors qu'il s’éloignait de son pas leste.

"Lanre?" appela Eorah d'un ton nerveux, avant de se faire rabrouer d'un sifflement. La jeune femme pinça les lèvres, un peu étonnée. Puis soudainement ça sauta aux yeux de l'estropiée. Elle reconnu dans l'attitude de l'aventurier la même tension qu'un peu plus tôt. La Sheikah se raidit a son tour. Ses mains maladroites lâchèrent l'oiseau qu'elle tentait de plumer pour se saisir de ses dagues enchantées. Elle frissonna légèrement, attendant le chant habituel des lames, mais soupira en ne rencontrant que le silence. Nul murmure apaisant ne s’écoulât dans son Esprit. Nulle connaissance oubliée vint prendre avec grâce le contrôle de ses gestes. Eorah se retrouva "seule", et perdue. Et ça c'est quelque chose qu'elle ne supportait pas. Plus depuis le Désert, plus depuis la perte de son frère.

Les genoux de la jeune femme hurlèrent de douleur lorsqu'elle se hissa sur ses pieds. Grimaçant, Eorah se leva péniblement. Elle était encore courbée quand le tronc lui tomba dessus, pas assez rapide pour l’éviter, trop esquintée pour comprendre ce qui lui arrivait. Les branches lui cinglèrent le visage comme autant de petits coups de fouets, lui déchirant la peau. Le feu de Ceald fut broyé, les plongeant tous dans le noir. Un cri aigu, de douleur et de surprise, échappa à la jeune femme, mais il noyé dans le grincement d'agonie du bois. "Nyyahhh ...."

Le nez dans la neige, la belle perçut un autre sifflement. Elle redressa la tête, tira sur son corps pour le dégager de sous le mastodonte végétal. Sauf que sa jambe gauche ne suivait pas, prisonnière sous le bois massif. La métisse tirait dessus vainement quand Lanre marmonna l'ordre de fuir. Elle hoqueta, sentant le danger imminent. "Att ... Attends!! Je ne peux pas!!!" Ce qui était on ne peut plus vrais. Car même une fois libre -Finalement les branches cédèrent sous les tractions répétées et désespérées de la jeune femme- elle ne put obéir. Car déjà de un, ça ne se fait pas de laisser les copains s'amuser tout seuls. De deux elle n’était pas en état de le faire, et puis de trois n'en avait pas envie. Elle voulait aider, de son mieux. De ses maigres ressources. Et puis même, il était plus facile pour la jeune femme de se rouler en boule sous les branches de l'arbre mort que d'essayer de fuir a la Gerudo.

A ses cotés une petite flamme fragile vacillait. Elle aussi tremblait, ses bras avaient beaucoup de mal a la porter. Eorah était terrifiée. Autant moins de dix minutes plus tôt elle ressentait essentiellement de la reconnaissance et un début de bien être. Autant maintenant, la peur et le froid étaient revenus, puissance dix mille. Le regard sanguin remonta sur le visage de l'adolescent. Lui aussi semblait dur, tant les ombres lui mangeaient le visage. Eorah eu beaucoup de mal a le reconnaître dans l'obscurité. Elle le regarda courir vers l'une des choses qui les attaquaient. Désolée de ne pouvoir aider convenablement, Eorah resta une seconde a genoux au sol.

Puis ses mains agrippèrent les branches de l'arbre mort et elle se hissa péniblement sur ses pieds. quand il était tombé, la métisse avait perdu ses lames d'argent. Consciente du problème, de leur proximité, elle recula d'un pas. Elle espérait les trouver à l'aube. Si cette dernière pointait son nez pour eux. Mais a peine debout que quelque chose s'emparait a nouveau de sa jambe, la droite, comme pour l’empêcher de se défendre. La traction, inattendue, brutale, la jeta a nouveau au sol. Eorah grogna. Dans sa chute, sa main avait arraché une branche, peu épaisse. Le Bourbon la tira vers lui, tout en se frottant ses mandibules. Les yeux sanguins l'avait aperçut a l'occasion d'un rayon de lune. Coquine cette dernière s'amusait a aller et venir, comme pour rajouter du piment a cette nuit déjà mouvementée.

La Sheikah tenta de frapper la bête avec sa branche, mais cela n'eu pour effet que de mettre l'horreur en colère. Se jetant en avant, cette dernière transperçât la jeune femme avec ses crocs. Eorah hurla. De peur, de douleur et de colère. Le poison de ces choses était réputé pour être presque instantané. Des larmes montèrent aux yeux de la jeune femme alors que la brûlure du poison se rependait déjà dans ses veines, depuis l’épaule,que les crocs avaient déchiré, jusqu’à son cœur. Ce dernier battait plus vite, a cause des sentiments éprouvés et rependait plus rapidement le poison dans son corps.

"Oh Misère ...." Gémit Eorah alors qu'une seconde brûlure naissait dans sa poitrine. Elle ferma les yeux et laissa son corps meurtri exprimer sa douleur. Elle avait l'impression que trois doigts, longs et immenses, lui transperçaient la poitrine et lui déchiraient les poumons. Ça combiné a l'engourdissement du poison. Elle se tourna sur le coté, et ses prunelles rouges fixèrent sans les voir les insectes de feu du mage.

"Il faudrait qu'il lance son sort de boules de feu ..." murmura Eorah, en se souvenant du carnage parmi les Gérudos. Elle se souvenait d'un sort que le mage avait usé sur les flancs de la Montagne, cette fameuse nuit la. C'était un des derniers souvenirs nets d'Eorah, avant son réveil dans le Désert et la torture de Dark Link. Mais il était trop tard, et de ses paroles elle n'avait émit qu'un vague gargouillis. Sa langue pâteuse refusa progressivement de bouger, a l'image de ses bras et de ses jambes. La métisse devait faire un effort pour respirer, et encore, cela était très douloureux. Misère se sustentait, il ralentissait son cœur déjà affolé. Le poison progressait maintenant moins vite dans ses veines, mais il continuait son bout de chemin.

Au dessus de la Sheikah, le Bourbon sifflait et s’agitait, comme si on le frappait avec un fouet invisible.
Agacé, il expulsa son gaz depuis ses sacs a venin. Mais le nuage était peu concentré car il venait de l'utiliser sur la jeune femme entre ses pattes.  

Et pendant ce temps la ... la Lune observait tout, de son œil blafard ...


Lanre


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La carapace de chitine qui recouvrait la bête la protégeait avec presque autant d'ardeur qu'une armure taillée dans du fer noir. L'estoc de sa lame ripa violemment contre la cuirasse, sans réellement parvenir à la percer, et secoua son bras du poignet jusqu'au coude. Il grogna, reculant tant bien que mal, la poudreuse rongeant ses jambes jusqu'à mi-mollet. Gardant son acier bien devant lui, il jaugea un instant les monstres qui s'approchaient doucement. L'un arrivait sur son flanc gauche et l'autre avançait droit sur lui. Il fit un moulinet rapide, avant de laisser sa main libre monter à l'assaut de son épaule, encore douloureuse. Ses dents grincèrent en silence et il pesta contre l'obscurité, à la faveur de laquelle les créatures gagnaient du terrain. Quand la première se jeta sur lui, le Ceald ne prit pas le temps de réfléchir et plutôt que de tenter de parer l'offensive, il fit un bond sur le côté et frappa de tranche cherchant à porter la le croc d'acier dans les faiblesses de l'insectoïde. L'épée força la première patte, déchirant nette l'articulation avant de griffer la seconde. Et tandis que le mastodonte barrissait, l'ours joua brièvement du glaive, jonglant une unique fois avec, le temps de l'attraper par la lame. « Sínnge ! » Siffla-t-il, la lange coincée entre les dents, avant de frapper lourdement sur la patte du Bourbon, sans lui laisser le temps de se retourner. Le pommeau de bois orné de bronze enfonça le cuir de l'insecte aussi sûrement que la mer n'érode les récifs, tirant à la bête un cri strident. Sans hésiter une seconde, le vagabond leva sa masse improvisée avant de l'abattre une nouvelle fois, tapant sourdement sur le côté gauche de l'abdomen. « Helt Eagla... ? — » S'enquit-il, reculant doucement, les lèvres étirées par un demi-sourire et la gueule barbouillée par la barbe autant que par le sang. Arqué, les genoux fléchis, il cherchait du regard les yeux sinistres du Venimeux. Ses doigts vinrent tester, dans un réflexe, l'arête de fer. À quelques pieds seulement, le géant frottait ses mandibules laissant son camarade s'évaporer dans l'ombre des grands-pins. « Allez, avance » grommela-t-il, toujours alerte et dans l'attente. Les tambours de ses tempes battaient ses oreilles avec une férocité toute renouvelée.  Entre ses paumes, l'alliage tournait, témoin de son impatience.

Soudainement, le Bourbon qu'il avait mutilé s'élança, tous crocs sortis. Ses longues chicots brun-rougeâtre rendus brillants par le poison, filèrent comme des traits vers la cuisse du paria. Conscient qu'il serait bien incapable de se dérober et de danser des heures durant, il esquissa un dernier pas de côté, s'éclipsant sur la gauche pour mieux laisser les larges incisives mordre l'écorce et s'y coincer. En silence, il observa brièvement l'arachnide se débattre en gémissant, tâchant de s'arracher à sa prison de bois et d'épine. « Bien tenté », grimaça-t-il en armant son bras. Dans un râle, il écrasa son arme contre la boîte crânienne de l'animal une première fois. Puis une deuxième et une autre fois encore, défonçant toujours un peu plus l'ossature et la gueule de la bête. A chaque coup les percussions et les timbales secouaient son cœur, battaient ses tympans et la rage pulsait dans ses veines comme chaque fois que la fusée d'une épée épousait sa main. Une quatrième fois, le pommeau de sa lame emboutit l'épaisse coquille déjà brisée du Bourbon. Dans une gerbe de sang l'animal s'agita, broyé par les soubresauts. De rage et encore porté par l'adrénaline, le maraudeur envoya son pied dans la carcasse sans vie sans vraiment parvenir à l'arracher à ses carcans de bois. « AAAAAAAAH ! RAAAAAAH ! » S'époumona-t-il, hurlant sa frénésie à l'obscurité, penché en avant, prêt à bondir. Les peintures de guerre qui barraient son visage s'effaçaient sous les faisceaux vermillons qui inondaient sa trogne. « RAAAAAAAAAAAAAAAH ! » Son point gauche percuta son thorax, sa main droite toujours fermement accrochée à l'acier. Ses yeux vert-de-gris scrutaient les racines, à la recherche du moindre signe qui trahirait son deuxième adversaire. Tout autour de lui retentissaient les vacarmes du combat, qu'il discernait à peine. Et pourtant, la forêt demeurait désespérément silencieuse. Une goutte de sang – ou de sueur – glissa le long de son nez avant d'éclater, blafarde, dans la neige. D'instinct, la pulpe de ses doigts chercha après la dague de Blanche, qui restait certainement l'arme la plus efficace de son arsenal.

La bête frappa sur sa droite, sans pitié ni avertissement. Avant d'avoir compris ce qui lui arrivait l'Étranger gronda sourdement, propulsé en arrière sous l'impact. Les griffes acérées de l'araignée laçérèrent de nouveau le cuir de son armure sans parvenir à le démanteler sur toute la longueur. « Ugnh ... — » souffla-t-il difficilement, à la recherche de son souffle, luttant pour ne pas s'effondrer comme un arbre plié par le vent. De ses doigts gourds glissa l'épée qui avait tué le premier colosse.  « Tu fais chier », lâcha le sauvageon, le regard rivé dans celui du géant des bois. Privé de sa lame, il se saisit du petit sachet de salpêtre qu'il conservait dans sa sacoche. Toujours courbé, il plaça sa main droite aussi loin possible devant lui, comme s'il souhaitait empêcher l'animal de l'approcher ou au moins l'apaiser. Comme dans un rituel, ce dernier enduisait ses mandibules et ses pattes de venin. « Tout doux mon beau », murmura-t-il, profitant tant que faire se peut des quelques secondes d'accalmie pour élaborer une stratégie de fortune. Le sang maculait sa gueule, grimant un casque de mort sur son crâne. Ses oreilles bourdonnaient, sifflaient et sa vision demeurait trouble depuis la dernière passe. La poudreuse crissa de nouveau, un bref instant avant que le Bourbon ne charge, enragé. La grenade fila avant d'exploser brusquement, à quelques pouces seulement des mâchoires griffues du monstre. Les maxillaires de la créature bruissèrent dans un son stridulent alors que les éclats de bronze, d'os, de fonte et de roche lui arrachaient des pans entiers de chair. A la faveur des noix mojos, Lanre récupéra son acier, le tenant à nouveau à la manière d'un fléau. Contre ses phalanges sommeillait la tranche quand il lyncha la bête, encore aveugle. Une première fois, puis une deuxième, le marteau de fortune vint rosser l'échine de la bête. La troisième fois, il enfonça le pommeau de sa lame au plus profond de l’œil de l'animal. « Esā an farha, Nimhe », soupira-t-il à l'adresse de l'arthropode, soudainement pris de court et éreinté. Reniflant bruyamment avant de cracher le sang qui poissait ses lèvres et sa langue.

Appuyant le talon sur la dépouille de la créature, le chasseur tira sur sa lame un instant avant de finalement parvenir à la décoincer. « Jǝ́'Sho̱r ... — » souffla-t-il comme une prière, non sans un regard sur ses mains meurtries et caleuses mais intactes. Reculant de quelque pas il prit le temps d'un rapide coup d’œil circulaire, à la recherche d'autres titans à six pattes. L'épée rivetée au poing, la démarche fauve, il discerna les flammes qu'Och'ė̄ avait déjà invoquées contre lui, sans qu'il n'en garde de souvenir distinct. Elles s'animaient, se mouvaient et se battaient comme les prédateurs qu'elle affrontait. Il aperçut également, près des ruines du feu de camp, la silhouette d'un autre géant. La jeune femme avait disparue, mais la bête grattait la terre avec trop de véhémence pour que cela soit anodin. Sans trop savoir précisément ce qu'il prévoyait de faire, le rouquin se mit à courir, fonçant aussi vite qu'il lui était encore possible de le faire, les muscles tirés par la fatigue, fourbus. Petit à petit, il avala les vingts et quelques pieds qui le séparaient du flanc du Bourbon et il arma une fois de plus son bras. L'ours joua des épaules, projetant tout son poids contre l'insectoïde, avant de frapper du pommeau. « Hmpff ... — » Gronda-t-il tandis que la neige cherchait à le noyer. Ses doigts, jusqu'à présents noués à son arme, s'en séparèrent sans qu'il ne puisse les retenir. Les mains enfoncées dans la poudreuse, il s'arracha avec difficulté à son étreinte juste à temps avant de se noyer. Haletant, à genoux, les tympans vrillés par le sang qui martelait ses tempes, il inspira brusquement comme un naufragé. « Hallja ! » Lança-t-il d'abord, le vert-de-gris explorant le manteau d'hiver dans lequel s'embourbait la bête, renversée sur le dos. « J' ɵƞd? »  S'enquit-il ensuite, repérant la jeune femme. Sans attendre une réponse, il l'attrapa par les mollets et la tira brusquement à lui pour l'éloigner de l'insecte massif. Il ignorait combien de temps il faudrait au colosse pour se retourner. « Debout .. ! » Fit-il à la Sheikah, attrapant ses mains pour tenter de la relever, malgré sa raideur. « Lève-toi ! » Ordonna-t-il, insistant, une fois de plus : il n'ignorait pas que dans le cas contraire ils y passeraient l'un comme l'autre.


Roshu Aaron


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La bataille semblait de plus en plus rude à l’intérieur de cette brume. Ces monstres étaient une grande première pour le sorcier de feu. Il ne connaissait pas exactement leur spécificité et leurs pattes acérées risquaient d’être dangereux s’il se faisait toucher. Son face à face pourrait se terminer rapidement. Il avait déjà utilisé son sort explosif afin de trouver son point faible. Derrière cette carapace se trouvait la chair. Du moins, probablement. A moins qu’il possédât une autre armure. Son araignée de feu continuait d’attaquer avec son corps ardent. Le monstre était trop concentré sur ce sort plutôt que le mage de feu. Par conséquent, il se tourna en direction du dernier endroit où se trouvait Eorah.

Roshu n’avait pas oublié sa blessure et son incapacité à combattre. Il se demandait même si elle était capable de se mettre debout vu son état. Cet assaut surpris était à point tombé. Il parcourra le brouillard, essayant de voir plus devant lui grâce à cette flammèche dorée sur le bout de sa baguette. Il ne souhaitait pas avoir une mort sur la conscience, pas cette fois. Personne ne tombera dans cette forêt. Il finit par tomber sur la demoiselle, au sol, face à un autre gros insecte. Le timing était bon puisque l’autre homme arrivait en même temps. Il en avait probablement terminé de son côté. Comme d’habitude, quel que soit l’adversaire, ce Lanre était très coriace.

Sans se prononcer sur un plan en particulier, les deux hommes savaient comment agir face à cette situation de crise. En s’approchant de la demoiselle, le Solarien vit son état de santé préoccupant. Ces satanés créatures l’avaient touché avec une sorte de poison. Le sorcier de feu avait esquivé cette attaque tout à l’heure et tant mieux. La priorité restait de la sortir de ce pétrin et de neutraliser absolument cette bestiole. L’inconnu couru vers la femme aux cheveux blancs afin de la tirer hors du danger. C’était au tour de Roshu d’agir.

Il attira l’attention de cette araignée difforme en lui lançant une boule de feu droit dans cette carapace. Evidemment, il fallait plus de puissance pour transpercer l’armure. Le jeune homme s’approcha et utilisa son katana aux flammes dorées pour couper une patte. Cette partie était un peu plus sensible, réussissant à le blesser. Fou de rage, le Bourbon tenta une attaque frontale avec un coup d’estoc. Roshu le bloqua à l’aide de son arme. Une épreuve de force entre les deux combattants commença. Le sorcier de feu mit toute sa poigne afin de repousser cette patte. Il utilisa subitement Aero Pulse, augmentant la puissance.

Le Solarien réussit cette parade. Il enchaina immédiatement avec un Fire Impact en plein sur la gueule de ce monstre. Une petite boule de feu se colla entre ses deux yeux avant d’exploser. Roshu posa son avant-bras gauche devant sa tête, évitant la poussière entrant dans ses yeux. Il observa son résultat, voyant ce Bourbon par terre. Le magicien pouvait souffler un instant. C’était ce qu’il faisait en se retournant, pour voir si Eorah et Lanre étaient en sécurité.

Cependant, il restait encore un ennemi. Celui dont son araignée de feu s’occupait. Suite aux enchainements de ses attaques magiques, il avait disparu. Alors, la créature revenait à la charge vers Roshu. Cette fois, il envoya une salve de lances enflammées dorées en direction de ce monstre. Sans qu’il n’ait le temps de contre-attaquer, le Solarien lança une boule de feu sur sa gueule et courut droit vers lui pour assener un dernier coup. Son katana de feu transperça en plein dans sa bouche. Il enfonça aussi profondément qu’il pouvait, évitant de mettre son bras à l’intérieur. S’assurant de la mort, il désactiva son arme et retira sa baguette.

Le jeune homme se mit accroupi, reprenant encore plus son souffle. Il avait utilisé trop de sorts durant ce combat. Normalement, il n’y avait plus de monstres dans les parages. Roshu était assez fatigué. Mais, il restait encore un objectif à accomplir. Le sorcier se releva ensuite et tenta de repérer les deux compagnons de fortune. Il s’approcha d’eux et vit Eorah mal en point. Elle avait, sans doute, inhalé le poison de ces monstres.

« Ne t’inquiète pas Eorah. Je pense avoir un antidote dans mon sac à dos. Un souvenir d’un village. »

Roshu courut vers l’endroit où il avait déposé son matériel. Il embrasa le bout de sa baguette à nouveau pour y voir plus clair. Une fois qu’il avait son sac, il fouilla à l’intérieur. Le sorcier de feu récupéra la fiole capable de soigner la demoiselle. Du moins, il espérait que cela allait marcher. Le Solarien s’approcha de la jeune femme et lui fit avaler le contenu de la potion.

« N’y passe pas. Personne ne va mourir, ce soir. »


Eorah Vif-Argent


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[HRP : "A première vue, et sans pouvoir en être sûr, il discernait cinq silhouettes, venant les encercler. " Par Lanre le 23/04/17]

Elle observait le ciel, a demi masqué par le monstre immonde qui se trouvait au dessus d'elle. Eorah se demanda pourquoi il y avait soudainement tant d'étoile qui brillaient ce soir. Était ce parce qu'elle se trouvait a l'agonie? Est qu'elle allait mourir? Son cœur se serra a cette idée. Non ... pas ça ...

Couchée dans la poudreuse sentant sa peau devenir toujours plus froide la métisse regretta que cette soirée ai viré si mal. Ils auraient dut passer un moment au calme. Enfin un peu de calme! Ça remontait a quand la dernière fois que la jeune femme a dormi sur ses deux oreilles, sans avoir la peur au ventre? Elle s'imagina chacun des membres de ce petit groupe insolite se rouler en boule dans sa couverture après avoir échangé quelques nouvelles du monde. Puis ils auraient pris un repos bien mérité. Peut être même que la présence de Roshu et Lanre aurait dissuader Misère de pointer son affreux nez ce soir?

Elle ne devait malheureusement ne jamais le savoir. Poussant sur ses bras, elle tentait de s'arracher a la neige. A demi sur le ventre, Eorah usait inutilement ses forces. Elle finit par se tourner un peu, et se laisser tomber pour ne plus bouger. Priant pour la première fois depuis des lustres, Eorah pria pour que son calvaire s'achève vite, pour que le froid la plonge dans une torpeur suffisamment profonde pour que la douleur s'en aille enfin.

De son point de vue a raz du sol, Eorah voyait les ombres que les flammes de Roshu créaient. Donnant aux branches des airs de danse macabres que les yeux sanguins de la jeune femme suivaient d'un air absent. Elle percevait les combats menés par ses deux compagnons d'infortunes. Elle put ainsi assister a la mise a mort du premier Bourbon. Elle ferma les yeux pour s’épargner la seconde. Epuisée elle roula pourtant sur le dos, et rouvrit ses prunelles.

Les yeux de sang de la Sheikah observèrent ainsi le second monstre, celui qui lui faisait le plus mal. Peau blanche, silhouette cadavérique, deux trous noirs en guise d'yeux, Misère faisait peur a voir. Le Spectre avait des allures de cadavre tout juste réanimé et pourtant pourri depuis des années. Grâce au lien qui unissait le monstre et son esclave, Eorah pouvait sentir son haleine fétide. Mélange de terre, de sang et de moisi, évoquant un cimetière ou une tombe commune tout juste ouverte en période d'épidémie.

Eorah savait qu'un jour elle devrait le chasser. Pour récupérer son corps, sa santé ou son Don. Car si la métisse l'ignorait, c’était bien Misère qui était la cause de ses multiples handicaps. En privant Eorah de ses ressources naturelles, la Bête s'assurait ainsi la soumission de la Belle.. En l'éloignant de ses proches, il la cantonnait dans sa solitude, assuré de garder ainsi son hôte parfaitement disposée a ses besoins.

Misère disparut soudainement. Eorah fronça les sourcils. La douleur qui la clouait au sol recula un peu, pour ne laisser qu'une impression de vide et de fatigue. Quelques secondes plus tard, le Bourbon leva sa patte, prêt a lui transpercer le crane et la clouer au sol a jamais. Elle hurla alors -faiblement certes- affolée a l'idée se souffrir encore, de mourir ou pire! Soudain la lourde masse de Lanre percuta la carapace. La métisse battit des cils plusieurs fois, comme pour se prouver qu'elle ne rêvait pas. Elle n'osait pas bouger, voulait rester le plus discrète possible, ne pas se mettre en danger. Est ce que l'animal hurla. Elle n'en était pas sure. De la neige lui entrait dans les oreilles, troublait son audition; des flocons voletaient dans ses yeux. Bordel, plus jamais elle ne ferait de camping en plein hiver! Ni d'humour noir! Si elle s'en sortait ... Est ce qu'elle allait s'en sortir?

Piégée dans uns sorte de torpeur dissociée Eorah débâtait avec elle même. Elle avait l'impression de perdre la tête, Ah tiens c'est l'euphorie pré-mortem? A ses cotés, le Bourbon remuait dans tout les sens, furieux. Elle le voyait s’agiter remuant ses pattes a qui mieux mieux déchirant l'air, feulant comme un chat sauvage. Elle bougea encore la tete quand un cri résonna : "Hallja!" Elle répondit d'un soupir douloureux, mais il fut masqué par les cris du Bourbon en flammes que Roshu était en train de vaincre. "Ici" soupira la jeune femme, tentant de se soulever. Son cœur battait a tout rompre, une terreur glacée lui rongeait maintenant le ventre.

Un nouvel appel et voila qu'une paire de main l'attrapait par les jambes. Son dos racla une seconde le sol et le visage inquiet de Lanre parut au dessus d'elle. Tout comme celles d'Eorah, les mains de l'homme étaient glacées. Misère avait totalement disparut pour ce soir, et les doigts de la jeune femme purent se refermer sur ceux de son compagnon d'infortune. il tira une fois, puis une deuxième sur ses bras, pour la faire se redresser. C'est une explosion de feu qui fit basculer Eorah en avant. La traction insistante de Lanre sur ses bras et le danger immédiat du feu, donnèrent un coup de fouet a la jeune femme qui s'assit aux coté du Ceald. Dans le mouvement elle en profita pour essayer de passer son bras droit au dessus de l'épaule de l'Ours et tenta de pousser sur ses jambes pour se redresser. Enfouissant son visage contre l'épaule de l'homme, elle gémit et lacha un "Lanre, J'ai peur ..." aussi naturel que s'il avait été son regretté frère.

S'arracher a la poudreuse fut toute une lutte, car les talons d'Eorah glissaient dans la gadoue blanche en train de geler. Ses gestes hésitants trahissaient son stress et son envie rationnelle de filer le plus loin possible. Le quatrième Bourbon était en train de rendre l’âme sous les attaques de Roshu, quand elle trouva enfin un appui et se hissa sur ses jambes tremblantes. Dans un réflexe Eorah se rapprocha du Ceald, cherchant un refuge dans l'illusion sécuritaire de sa présence. Elle se laissa entraîner un peu a l’écart, lourdement appuyée sur le rouquin; sa main gauche crispée dans la fourrure qui couvrait Lanre, la droite toujours autour de lui pour se soutenir. A bout de forces, de sa longue journée et du poison qui lui rongeait le corps, Eorah fit dix mètres avant de tomber a genoux en gémissant de douleur. "Sauve ta peau ..." Murmura la métisse en fixant le sol blanc de son regard sanguin, avant de le lever sur le rouquin. Les lèvres entrouvertes elle le fixa une longue seconde avant qu'une dernière explosion de retentisse éclairant le duo incongru de sa lumière orangée, les soufflant tout les deux vers l'avant. Une main sur son épaule mordue, serrant pour s’empêcher de se vider de son sang, la métisse tremblait de froid et a cause de l'hémorragie.

Pale comme la lune, des cernes sous les yeux, elle tourna la tete quand Roshu les rejoignit. " Je pense avoir un antidote dans mon sac à dos." Ah? Ça tombe bien ca! A point nommé! Elle avala docilement le contenu de la minuscule fiole avant de soupirer : "Merci." Elle essayait de se calmer, de reprendre confiance en elle, en ses compagnons de route. Sa main tremblait, son corps était agité de petit sursauts. Parfois un gémissement lui échappait, involontaire. Son cœur battait toujours a tout va. Elle dut fermer les yeux pour se concentrer sur son souffle, fait descendre la tension qui l'habitait.

L'adrénaline semblait retomber, la nuit semblait revenir au calme. Elle ferma les yeux quelques secondes, se laissant aller a soupirer. Quand un flash la fit sursauter. Un éclat de pouvoir. Une réminiscence. Misère qui avait du laisser retomber sa vigilance. Elle avait eu le temps de sentir une présence. Hostile, empoisonnée. Sans hésiter, elle tourna ses yeux de sang vers l'endroit d'ou le groupe venait. Elle discerna une ombre parmi les flammes qui dansaient encore. "Il y en a un autre ..." murmura la jeune femme en pointant son bras droit pour leur montrer le cinquième ennemi. Son corps fut pris de violents frissons, elle le regardait qui agitait ses mandibules. Suintant de venin, il les fit cliqueter l'une contre l'autre avant de charger  ...

La jeune femme tremblait de peur, de douleur et de fatigue. Elle gémit de terreur et enfouit son nez dans la fourrure qui couvrait le torse du Ceald, trouvant d'instinct ce léger creux que tout les hommes ont au niveau du torse, cet endroit que les Trois leur ont donné pour pouvoir rassurer les femmes. Un bruit dans son dos, et sa main droite agrippa le bras de son sauveur inattendu. Elle lâcha un cri étranglé, se mit a sangloter tant l’effroi et surtout la peur de rester sur le carreaux se firent importants. "Non .... non ...!!" Elle développa une phobie des araignées sur l'instant, ayant l'impression de sentir le souffle empoisonné de l'insecte sur sa nuque.

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Comment ca je troll? Même po vrais d'abord :p [/spoiler]


Lanre


Inventaire

0,00


(vide)

Ses poumons le brûlaient. Ses dents grincèrent en silence, déformant subtilement sa gueule maculée de sang, de sueur et de neige. Dans son dos, les doigts d'Eorah agrippaient fébrilement les poils de la pelisse d'Aaricia. Alors qu'elle venait se lover contre lui, sa main fouilla la poudreuse, brièvement, à la recherche de la lame qu'il avait laissé s'échapper. Le vrombissement sournois de la bête et les craquements brutaux des langues de feu qui avalaient des arbres entiers rythmaient son action mieux que les tambours de l'arène. Déjà, la fumée noire commençait à lui piquer les yeux, à ronger sa gorge, attaquer son nez. Sur sa langue, elle laissait un goût amer, de braise et de cendre. Alerte, conscient que le temps jouait contre eux mais aussi malmené par l’épais embrun acide, il gronda sourdement. L’incendie gagnait sans cesse plus d’ampleur dévorant le sous-bois avec une vitesse surnaturelle. Ou du moins lui semblait-Il : le rouge et l’orange des flammes l’éblouissaient bien trop pour qu’il ne discerne quoique ce soit de plus que de vagues silhouettes floues, çà et là. S’ils ne s’arrachaient pas maintenant au brasier et à ses carcans, ils y resteraient. « Sa’arla ! — » Pesta-t-il, sifflant entre ses dents. D’une rapide pression sur l’épaule il secoua l’enfant qui avait cherché refuge auprès de lui, comme pour la réveiller. « On bouge ! » souffla-t-il plus sec et plus austère que les vents gelés de la saison sombre. Sans laisser d’autre occasion à la gamine de reprendre ses esprits, il se hissa brusquement sur ses deux jambes, abandonnant définitivement l’ouvrage d’acier, de cuivre et de bois.

Contre sa nuque et son flanc, Eorah pesait de tout son poids, visiblement incapable de se tenir debout sans son aide. Partout autour d’eux crépitait Hēl’J, porté par les longues ailes de son frère et amant. Privé de sa vue, ou presque, en manque d’air frais, le Ceald ramena son avant-bras contre son visage, couvrant son nez, ses lèvres et son menton. Les genoux fléchis, le dos courbé, il traîna la presque-femme sur quelques pas avant qu’ils ne soient rattrapés par leur compagnon d’infortune. La locution rapide et la voix jeune il lâcha quelques mots que l’apatride eût du mal à saisir. A l’évidence, il était bien le seul : tout estropiée qu’elle était, la petite ne tarda pas répondre. Après un bref regard, pour mieux comprendre de quoi elle souffrait exactement, il l’abandonna aux bras du voyageur. La large plaie qui barrait son ventre et le venin de ces créatures auraient probablement raison d’elle de toute façon. Si le brasero et le brouillard âcre ne les tuait pas tous auparavant.

Sitôt libéré, le sauvageon lança ses doigts à la recherche de son coutelas. Contre sa paume, le froid et le poids de la lame de Blanche avait quelque chose de rassurant, de naturel. Comme si l’arme avait été taillée sur mesure ou qu’a force d’affrontements, ses phalanges avaient imprimé leurs marques sur sa hampe. Tirant l’arme de sa petite gaine de cuir, l’autre poignet toujours riveté à son faciès il scruta aussi assidûment que possible l’horizon. Encore ébloui par les lueurs vivaces, qui sans avertissement, mâchonnaient toujours un peu plus écorce de pins pluri-centenaires, il ne discerna pas le cinquième insectoïde. Il ne pouvait pas ne pas l’entendre, en revanche.

Avant de charger, l'animal poussa un rugissement violent et rauque. Sans baisser l’échine, il sentait la sueur y perler. Ses poils se dresser. Ses tempes, poisseuses et poissées, martelaient le temps comme les plus dynamiques des caisses de guerre. Et pourtant ce n’est qu’au dernier moment qu’il vit la bête arriver. Elle avait une mandibule brisée traînant partiellement dans la neige. Ses nombreux yeux brillaient d’un jaune ocre nourri par l’angoisse tandis qu’un pan entier de sa chitine avait noirci et s’était fissuré sous l’effet du bûcher. La masse du coutelas pesa un peu plus sur sa paume, à mesure que ses jointures blanchissaient tant il serrait fort la lame.

Sans y réfléchir à deux fois, le vagabond bondit sur sa droite, s’arrachant de justesse à la trajectoire du démon. L’insectoïde fila sans s'arrêter, retournant la terre, déracinant les jeunes arbres que l’hiver et les éléments n’avaient pas encore achevés. L’espace d’une seconde, alors que les crocs passaient à quelques pouces de son arcade, il l’avait entendu haleter. « Raaaaaaaah... — », grogna-t-il, à moitié enterré sous la poudreuse. Son corps entier le lançait, comme quand Qu’aanach’ le molestait, enfants. Ramenant tant bien que mal son bras contre ses côtes, Lanre s’extirpa avec peine des fourrures blanches. Non sans un râle sourd, de douleur. « Ggnnnh — », siffla-t-il entre ses dents, en manque d’air. L’animal qui l’avait piétiné poussa un rugissement de terreur, déjà bien loin. Ils ne le rattraperaient pas, quand bien même ils l’auraient souhaité.

A quatre pattes, l’ancien esclave toussa de nouveau. La respiration sifflante, il finit cependant par se relever, veillant à prendre appui sur la seule jambe qui ne lui tirait pas de plaintes. D'un regard obscurci par le sang et la nuit, il chercha après la gosse et le marchand avant de réaliser que la fournaise refluait, doucement. Devant la forêt embrasée, la silhouette du marabout dansait, noire sur l'ambre des flammes. « Je vais contenir les... — », hurla-t-il de sa voix fuselée, avant qu'une déflagration n'abatte un important rameau, couvrant ses cris dans un vacarme assourdissant. « Elle ne s'en sortira pas seule ! Pars avec el... — », s'époumona-t-il encore avant d'être coupé une seconde fois par les claquoirs avides et cuivrés. Il n'était pas bien sûr de comprendre comment procédait l'adolescent mais déjà la jeune fille s'avançait, titubant, vers lui. Elle manqua de s'effondrer mais à sa chute il opposa son épaule. Elle était plus faible qu'un faon, incapable de tenir sur ses deux jambes. En vérité elle lui semblait si frêle, qu'il avait l'impression qu'il pourrait lui saisir le crâne et le broyer aussi aisément qu'on casse une noix. L'autre avait raison. Elle ne tiendrait pas cinq coudées seule.

"Ne compte pas sur moi pour te porter... —", maugréa-t-il, le flanc encore meurtri, douloureux, froissé. Il glissa toutefois le bras de l'ancienne détenue Gérudo contre son dos, à la naissance de son cou. Sa propre main, toujours vissée au coutelas d'ivoire, vint épauler Eorah, glissant jusqu'à mis-dos. Loin d'eux, à plusieurs jours de marche, la Capitale dominait les plaines avoisinantes. Le chemin allait être long.