L' « Ancienne » de Cocorico

Hyrule's Journey

Lanre


Inventaire

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(vide)

Hyrule's Journey
(Narrateur forum, utilisation sur demande uniquement, Narrateur unique pour l'incarnation du personnage en RP)
L' « Ancienne » de Cocorico




 
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  Nom : Perdu dans les affres du temps depuis une éternité

  Prénom : Perdu dans les affres du temps depuis une éternité

  Surnom : L'Ancienne ; la Vieille de Cocorico ; Harpie ; Hag ; Criarde ; la Morte ; Pie-grièche ; Laide ; la Sorcière ; Pernicieuse

  Âge : A beaucoup, il semble impossible de donner un âge à la Doyenne de Cocorico. Pourtant l'ensemble de la population s'accorde  – bien à tort – à lui donner presque un siècle.

  Rôle : Là encore, la réponse est complexe. Harpie est de celles qu'on vient voir en cas de problème ; sans jamais l'avouer. Les rumeurs racontent qu'elle serait capable de biens des miracles... Ramener une amante partie, voler des coeurs, requinquer des messieurs dont l'âge fâche la virilité sont quelques unes des tâches qu'on lui prête. D'autres prétendent l'avoir vue danser nue, une nuit de pleine lune, sur des autels divins souillés et d'autres encore jurent qu'elle était par le passé un hérisson géant. La Vieille attire des curieux qui se gardent bien, cependant, de lui rendre visite.

  Métier : Cela fait bien longtemps que la vielle Hag ne travaille plus, ni aux champs, ni dans quelque artisanat que ce soit. D'aucuns la disent tantôt herboriste, tantôt soignante, tantôt cartomancienne.

 

 
Caractère
L'Ancienne de Cocorico n'est certainement pas la plus appréciée des habitants du Fief d'Impa. Les nombreux surnoms dont la population locale l'a affublée sont assez parlant et traduisent clairement la perception qu'ils en ont. C'est vraisemblablement l'un des rares points sur lequel ils ne se trompent pas : Pie-grièche est sans aucun doute la femme la plus difficile à vivre d'Hyrule. En permanence de sombre humeur, l'ancêtre passe le plus clair de son temps à éructer sur tout ce qui lui passe en tête. Souvent, elle est prise de crise de colère, durant lesquelles elle malmène tous les vivants qui osent gagner son antre. Le chat et le corbeau qui ont élu domicile chez elles ne sont que quelques uns des exemples de sa furie. Le premier a perdu une oreille depuis longtemps déjà et ne peut plus bouger sa queue. Quant au second, la perte des plumes de son cou trahit quelques uns des vices qu'il a subit.

On dit d'elle qu'elle méprise tout ; dénigre l'ensemble des combats et la futilité de chaque lutte. De celle du nouveau-né qui crie pour respirer à celle du vieillard qui s'agrippe tant bien que mal à ses derniers jours de vie, en passant par celle du marchand visant à s'enrichir, celle d'une Reine qui voudrait garder son trône comme celle d'un paria assez charismatique pour jouer les envahisseurs. On la dit également aigrie, méchante, pernicieuse et vicieuse. Comme si le temps et les larmes s'étaient chargés de broyer en elle tout le reste. Ses joues fripées semblent contenir les pleurs d'un passé dont la tristesse et la rancœur inondent encore jusqu'à l'avenir.

Nul ne saurait dire précisément ce qui la motive. De sa rage, de sa colère, de sa déception,  de son ressentiment, de sa morgue et de son dédain elle ne cache jamais rien. Toujours plus froide que les premières gelées, toujours plus grinçante et tranchante qu'une lame, la Vieille Femme vient néanmoins en aide à tous ceux qui trouvent le courage de lui demander. Ceux-là sont d'ailleurs de moins en moins nombreux, à mesure que passent les années... comme si la pauvre ancêtre les dévorait les uns après les autres. De nombreux on-dits courent sur cette femme qu'il ne faudrait jamais aller voir — être surpris en compagnie d'une autre âme que celle choisie devant les Trois est autrement plus toléré... apprécié même.

Mais chaque aide a son prix et sur ce point la négociation ne saurait exister. La Vielle le sait mieux que quiconque et profite de chacune des occasions qui se présentent à elle pour l'apprendre durement aux ignorants. Loin d'être avare, cependant, la Pernicieuse ne s'en prend que très rarement aux aumônières, escarcelles et autres bourses. C'est chose qui arrive, de temps à autres, mais ce n'est pas tant lié à la somme qu'elle pourrait y trouver qu'à la volonté du désespéré de s'accrocher à quelques piécettes. Ce que cette femme trouve dans l'aide qu'elle apporte aux autres n'est pas si désintéressé que cela pourrait sembler et jamais le prix n'est le même. Capable, dit-on, de sonder et de peser les âmes elle demande ce qu'elle peut trouver de plus cher. Tantôt un amant, tantôt un oeil, tantôt un enfant. Et toujours, d'une certaine façon, la joie de vivre.

 
Physique
De sa jeunesse, Laide n'a point gardé grand chose. Aussi sèche qu'elle ne peut être amère, sa silhouette cadavérique fait l'objet de nombreux commentaires chez celles et ceux qui ont osé pénétré sa tanière. La vieille femme ressemble presque plus à une morte qu'à la grand-mère qu'elle aurait peut-être pu devenir, si toutefois un homme avait accepté de la prendre pour épouse.

La pauvre femme n'a aujourd'hui plus de lèvres ; et les traces de morsures qui entourent encore sa bouche laissent à penser que celles-ci ont été dévorées par un animal sauvage. Ce ne sont pas les seules cicatrices qui mutilent son visage. Son nez semble s'être effrité tant et si bien q'un pan de son crâne apparaît pour le curieux qui poserait son regard au bon endroit. Parfois, quand la Sorcière s'énerve et hurle, l'os de sa mâchoire semble se dénuder. Ses yeux, renfoncés profondément dans sa gueule, brillent d'une lueur pâle dans l'obscurité. Les cheveux grisonnant qui coulent le long de son visage anguleux, décharné et mutilé sont plus cassants que le fer mal travaillé. Sur son cou fragile court une fine rigole, le plus souvent invisible, souvenir de vieux amants.

Ses épaules sont semblables à celles d'un bossu. Drapées le plus souvent dans un long suaire noir aussi vieux qu'elle ne semble l'être, il entoure ses bras frêles et remonte parfois jusqu'à ses mains. Certains disent que les restes d'une coquetterie déplacée et probablement jamais méritée lui interdisent de montrer la main droite, à laquelle manque deux doigts. Le pouce et l'index ont été tranchés si net qu'on pourrait croire que l'ancienne est née sans. Ce serait ignorer les marques de crocs qui apparaissent de plus en plus régulièrement sur les doigts qu'elle a su conserver. Les plus pragmatiques jurent que son chat est responsable, quand ils cherchent à en savoir plus. Les autres montent d'étranges récits, souvent surprenants, mais au fond personne ne saurait l'expliquer.

La doyenne semble ne jamais quitter le comptoir derrière lequel elle s’assoit ; tant et si bien que personne à Cocorico ne peut se vanter de l'avoir vue debout, ni même d'avoir aperçu ses hanches. Plus d'un curieux a même expliqué douter de la féminité d'une ancêtre jamais vue avec un homme et dont les cuisses sont restées cachées depuis des années. Les plus courageux vont jusqu'à tenter quelques quolibets... A condition de rester suffisamment loin de sa bicoque pour être sûr que la brise ne porte pas leurs mots à ses oreilles dont l'une  est tristement déchirée — à la manière d'une pièce de viande sur l'étal du boucher.

Histoire

/!\ L'histoire qui suit contient des passages potentiellement choquants ; violents à différents égards (physique, mais pas seulement). Sa lecture apporte beaucoup à la compréhension du personnage mais n'est pas obligatoire. /!\

Le vieux conteur soupira, ramenant sa main contre le haut de son crâne, avant de se gratter avec énergie. Devant lui, le feu brillait dans la nuit, illuminant les visages rêveurs des enfants qui buvaient chacun de ses mots. « Allons, allons... » Commença-t-il en se penchant vers eux, veillant bien à ne pas trop appuyer sur le luth qui reposait contre sa cuisse. « Harpie, ce n'est tout de même pas très gentil, mes enfants. » Reprit-il, fronçant le sourcil broussailleux, tandis que les gamins s'impatientaient. « Raconte-tout de même, grand-père ! », siffla l'un d'entre eux, avant que les autres ne reprennent en cœur. Poussant un nouveau soupir tout en repassant d'une main sa chemise bariolée, le vieil homme finit par accepter. « Très bien ; très bien ! Mais avant, qu'on m'apporte de quoi boire... j'ai la gorge sèche, par Din ! » Jura-t-il tandis qu'un des enfants courrait chez lui chercher une outre. Entre les ruines d'une des masures détruites de Cocorico, le vieillard observa avec attention son auditoire. « Alors, que savez-vous de l'histoire de l'Ancienne de Cocorico ? » S'enquit-il, scrutant calmement son jeune public, dans l'attente du retour du plus jeune. Grattant quelques cordes de son instrument en attendant la réponse de ses jeunes amis, il porta son regard sur une enfant manifestement timide, comme pour l'inviter à répondre. « Je... euh... » s'engagea-t-elle, hésitante, avant de reprendre. « Mon papa m'a dit qu'elle était née vieille et laide et que c'était pour ça qu'on l'appelle comme ça... » Lâcha-t-elle avec une sincérité et une assurance qui déconcerta le barde itinérant. Rares étaient les adultes à oser tenir ce genre de propos dans l'enceinte même du Bourg d'Impa. « Moi, moi je sais qu'elle est aigrie parce qu'elle trouve personne pour la coucher ! C'est mon tonton qui raconte ça ! » Tonna un autre gamin, ouvrant le débat. « En vrai, fit un autre, les Déesses l'ont maudite pour s'être crue jolie, alors que pas du tout, et la punir de son arrogance. » Le regard du jeune garçon était froid comme la glace et cherchait le sien. Sitôt qu'ils se rencontrèrent, le vieux ménestrel fut pris d'un frisson. Cet enfant l'effrayait.

« Aucun d'entre vous ne dit vrai. » Fit-il simplement, mettant fin au débat, alors que l'autre enfant revenait, un tonnelet de vin sur le dos. « Merci, mon garçon. Apporte-moi ça et va t'asseoir, je vais commencer. » Reprit-il. Le temps était au récit.
***

« Anna ? Anna ! » S'éleva la voix de de Till, par dessus les rires et les chants. La jeune femme se retourna, ravissante, ses boucles noires encadrant son regard à la recherche de celui du menuisier. « Oui ? ~ » S'enquit-elle doucement, tandis qu'inconsciemment ses mains allaient chercher celles du jeune homme, sitôt qu'il avait su se rapprocher. « C'est une belle journée pour un mariage, non ? ~ » Le taquina-t-elle, avant qu'il n'ai pu ajouter quoique ce soit. Ses yeux sienne descendirent doucement, suivant la petite amulette que portait le garçon, avant de retourner sur les mariés qui dansaient au centre du cercle. « Tu dois être si heureux pour ta sœur ! » Reprit-elle, reportant à nouveau son regard dans le sien. « Je... — oui, oui... bien sûr. » Commença l'apprenti charpentier, le rouge aux joues, repensant à sa petite sœur. « Et bien quoi ? Souris un peu, au moins ! ~ » Lança-t-elle, tandis que ses doigts montaient tendrement jusqu'à la commissure des lèvres de Till, pour mieux simuler un sourire, son propre visage barré d'une moue heureuse. « Arrête ! » Chuchota-t-il, visiblement amusé, laissant ses mains à lui épouser nonchalamment les hanches de la demoiselle d'honneur. « Je voulais te parler de quelque chose ~ », souffla-t-il à son oreille, sans en dire plus, avant de déposer un rapide baiser sur la frontière séparant son cou de sa joue, pris d'un excès de courage. Les lèvres d'Anna demeurèrent pincées, le rouge gagnant ses propres joues. Des papillons dans le ventre, la brunette réalisa que sa respiration s'était accélérée. Un frisson lui parcourait l'échine quand elle parvint à articuler, encore soufflée. « A... Ah... ? » Hésita-t-elle, soudainement plus timide qu'une jeune enfant. « Oui ~ » Reprit l'artisan, retournant chercher ses mains. Les doigts de la jeune femme se refermèrent à nouveau sur les siens. « Tu parlais de mariage, non ? ~ » Commença-t-il, laissant l'immense sourire d'Anna-Jolie illuminer son beau minois.
***

Chantonnant une vieille chanson dont elle ignorait la provenance, la jeune femme s'attelait à la récolte sans parvenir à se concentrer sur ce qu'elle faisait. L'orge caressait doucement ses bras nu et dans son dos elle entendait quelques garçons complimenter à chaque fois qu'elle se penchait pour ramasser un peu plus de céréales, quand ce n'était pas le vieux Aleph qui s'énervait de ne pas voir le travail avancer plus vite. Usuellement énervée par ce genre d'attitude, Anna ne savait plus y penser aujourd'hui. Devant ses yeux revenaient toujours les lèvres de Till, la demande qu'il avait faite — qu'elle n'avait osé espérer si longtemps. Son cœur battait la chamade et elle se prenait déjà à imaginer la couronne d'iris et de lilas qu'elle voulait fabriquer. « Oui ! J'arrive ! » Hurla-t-elle simplement, tout de suite plus agacée, quand le vieillard se fendit d'un nouveau cri. Calant un peu mieux les brins d'orge dans le bac sur son dos, Anna-Belle se remit en route, sans un regard pour les trois idiots qui sifflaient en la voyant s'approcher. Une petit mélodie heureuse de nouveau sur les lèvres. « Loin, loin ; repousser le froid de l'Hiver loin ~ »
***

« Comment tu me trouves ...? » Demanda-t-il, tâchant tant bien que mal d'observer son reflet dans le petit cours d'eau, à quelques lieues du Village Cocorico seulement. « Ca va ~ », fit-elle, moitié assise, moitié allongée dans l'herbe derrière lui. Son regard grimpa le long des chausses de Till, s'arrêta un temps à la naissance du dos, avant de reprendre sa route vers les épaules du menuisier. La nouvelle tunique qu'il s'était payée était brodée de fils d'argent ; à en croire le marchand itinérant qui venait de la Capitale. D'un beau vert d'été, elle avait aussi l'avantage de s'ouvrir juste assez sur son torse pour lui laisser profiter d'un spectacle dont elle ne savait se lasser. « Ca va ? C'est tout ? » Reprit-il, visiblement inquiet, toujours incapable de voir la mimique amusée qui étirait le visage d'Anna, dans son dos. L'habit lui avait coûté si cher qu'il craignait de ne pouvoir payer le pain, si Bohdan ne décrochait pas le chantier qu'il espérait. L'arrivée des Gorons l'agaçait profondément : ces êtres de pierre volaient le peu de travail que les Sheikahs voulaient bien laisser. Certes, la construction des nouveaux quartiers avançaient bien, mais les tensions continuaient à lui arracher le bouillon de la bouche. « Hm-m ~ » lança-t-elle simplement, s'élevant à la manière d'un chat, sans qu'il ne la voit. Il espérait porter cette même tunique le jour venu mais avait toujours été d'un naturel angoissé quand elle avait toujours su le rassurer. Une main glissa sur sa hanche, l'autre derrière sa tête, tandis que des lèvres se pressaient gentiment contre les siennes. Surpris, il ouvrit la bouche, sans même penser un seul instant à refuser le baiser... et quand elle se décida enfin à le libérer d'une étreinte qu'il ne voulait pas quitter ce fut pour lui sourire, énamourée. « Tu es très bien ~ » souffla-t-elle, laissant son doigt glisser le long de son col, cherchant doucement à passer sous le tissu. « Rappelle-moi... Quand se marie-t-on ? ~ » S'enquit-elle, une lueur joueuse dans le regard. « Quand seront passées le gelées ~ ça porte chance ~ » Murmura-t-il à son tour, la serrant plus fort. « Et tu veux vraiment attendre ? » L'interrogea-t-elle du tac au tac, la voix chantante, le regard décidé et emplie d'une douce chaleur. Les mains de Till ne tardèrent pas à glisser sous le tissu qui recouvraient ses épaules.
***

« Mais qu'est-ce que tu racontes, grand-père ?! Ce n'est pas l'histoire de Criarde ! » Beugla l'un des marmots, tandis que le conteur se servait une choppe de vin, interrompant son récit. « Qu'en sais-tu ? Tu y étais ? » le tança le barde, le ton sévère et le regard presque austère. Trempant brièvement ses lèvres dans le vin, il sermonna à nouveau le garçon. « Maintenant, tais-toi et écoute. Ou j'arrête de raconter. » L'auditoire entier s'enferma dans un silence aussi attentif qu'impatient, tandis que machinalement, les doigts du vieil homme revenait caresser les cordes de son instrument.
***

Essuyant d'un geste du bras le sang qui lui coulait sur la gueule, l'Hylien lança un regard noir au Goron qui venait de le renvoyer près de deux mètres en arrière. « Fils de pute de rocher de merde ! » hurla l'homme, saoul et profondément en colère. Sa main ne tarda pas à attraper une bouteille d'ale qui traînait sur l'une des tables de l'auberge et dans la foulée, le menuisier la jeta sur le Goron. Le verre se brisa sur le cuir épais de la créature, dont l'humeur ne semblait pas s'arranger. « Ekb'a. » Lança le Goron, avant de cracher au sol, manifestement son mépris. Ses deux yeux sombres comme la roche du Cratère fixaient Till tandis qu'il craquait chacune de ses phalanges. « La ferme ! » Siffla le charpentier, se jetant une nouvelle fois dans la mêlée. Son poing fila vers la large bedaine du résidant des montagnes, une lame d'appoint brillant entre ses doigts.

Le hurlement perça les fenêtres de la taverne, à peine étouffé par le froid manteau de neige qui égalisait tout au dehors. Till tomba à genoux, les yeux brouillés par la rage autant que par les pleurs. Son bras brisé reposait, poisseux et sanglant, dans sa main gauche. L'os fracturé – le radius – déchirait les chairs et les tissus comme une épée. Au sang se mêlait les larmes de sa haine et de sa douleur. « Petit homme est calmé ? » Ronronna le Goron de sa grosse voix. Son pas ne tarda pas à faire vibrer le plancher miteux de la bicoque toute aussi pauvre. Le travail ne manquait pas vraiment à Cocorico, mais les ressources si. Et en dépit des privilèges dont jouissaient une partie de la population, la faim et le froid se chargeaient de ramener tout le monde sur un pied d'égalité, des hommes aux Gorons en passant par les chats errants et les loups qui rodaient non loin du sinistre cimetière qui s’agrandissait de jour en jour. La peur et la misère se répandaient mieux qu'aucune des maladies qu'elles traînaient pourtant dans leur sillage. « Eh. » S'enquit l'homme de pierre, se rapprochant encore un peu du charpentier.

Dans un geste motivé par la crainte de l'autre autant que par le courroux et l'ivresse, le travailleur de bois réitéra son erreur. Le sang gicla, alors qu'un deuxième cri envahissait l'auberge, sous les yeux terrorisés de l'ensemble des Hyliens qui assistaient à la scène, comme paralysés. La lame d'outil s'enfonça sans mal dans le dos du pied du Goron, malgré le cuir épais. Tant bien que mal, Till chercha à tirer son arme, mais avant qu'il n'y arrive, le genoux de l'homme de pierre le percuta en plein thorax, l'envoyant encore au sol. « DANNE ! » Hurla le Goron, arrachant le couteau de son pied avant de s'avancer plus brutalement vers l'Hylien, ses yeux embrasés par la même colère que celle qui avait motivé le coup de couteau. Paniqué, le garçon, essaya de ramper, de reculer, cherchant refuge sous l'une des tables, sans que personne ne bouge. Saisissant l'une de ses jambes, le Goron le tira à nouveau au centre de la pièce, avant d'attraper sa tête entre ses larges mains.

Le temps semblait suspendu ; jusqu'à ce que le menton de Till ne percute le sol, dans un bruit sourd.
***

« Ce que tu dis ne peux pas être vrai, grand-père... » Commença l'une des enfants, profitant à nouveau de l'instant de répit que leur laissait le conteur, incarné par une gorgée de vin. Çà et là, quelques enfants plus âgés semblaient s'être rapprochés, comme si les histoires effrayantes avaient le don de créer des amitiés. D'autres contenaient leur larmes tant bien que mal. « Et pourquoi ça ? » S'enquit posément le ménestrel, alors que la jeune fille cherchait ses mots. « ... Parce que les Gorons sont des gentils ! » Reprit la petite tête blonde, avant de regarder autour d'elle, cherchant le soutien de ses pairs sans le trouver. « Ma maman m'a dit qu'ils nous aident à combattre le méchant voleur du désert. Même qu'ils sont tout en pierre, qu'ils ont tous des grosses barbes et qu'ils n'ont jamais de femme ! Beeeerk ! » Conclut-elle, rapidement accompagnée dans son dégoût par les autres enfants.« C'est vrai, lui accorda d'abord le musicien, mais cela n'a pas toujours été le cas et cette histoire est plus vieille qu'il n'y parait. » Le silence retomba sur l'auditoire, alors qu'il se servait une nouvelle chope de vin. « Ah bon ? » Interrogea finalement l'un des gamins. « Pour sûr ! » Jura le conteur. « Ce récit se passe à une époque ancienne où nos alliés n'étaient pas nos amis et où Cocorico était encore en construction. Cela ne fait pas cent ans, ni même deux-cent ans que tout cela s'est produit, mais bien plus ! Certes, la Impa qui s'est installée la première à cet endroit était morte depuis belle lurette, mais le Castel des Prime n'était pas bâti de pierre — et les Prime ne régnaient pas encore sur ce fief. Même la Princesse Zelda n'était pas née, pas plus que le père de son grand-père. » Les enfants observaient attentivement, mais le conteur se concentra un instant sur le feu qui faiblissait. Sans un mot, il ajouta une bûche au brasier, conscient que les petits insisteraient pour connaître d'autres récits. « Et Anna... Qu'est-ce qui lui est arrivée après la mort de son amoureux ? — » Demanda une jeune fille, visiblement curieuse. « Oh... et bien... elle s'est emmurée dans le chagrin, avant de faire vœux de fidélité et de jurer ne pas connaître d'autre homme. On dit d'ailleurs qu'elle s'est enfermée dans une solitude qui l'aurait rendue folle. De douleur, certes, mais aussi à lier. »
***

La jeune femme inspira longuement, encore inquiète. Elle savait pertinemment qu'Eyla, la sœur de Till, n'approuvait absolument pas sa volonté de quitter les ordres religieux. Elle avait été on ne peut plus clair à ce sujet : la foi dans les Trois était dorénavant la seule chose qui pourrait lui permettre d'avancer.

Seulement, elle n'avait plus foi. Plus foi en rien, et moins encore dans des Déesses qui répandaient souffrance et morts derrières elles. Bien sûr, elles n'avaient jamais été des êtres de bonté, ni même de miséricorde, mais elle ne pouvait pas se résigner à les vénérer jour après jour, nuit après nuit, alors qu'un après sa disparition, quelques semaines avant leurs épousailles, la douleur n'était que plus forte. Sa main droite tremblait quand elle osa effleurer la lourde coupole de granit, au fond de laquelle sommeillait divers artefacts. « Allez, Anna... — », souffla-t-elle, les yeux toujours fermés et les joues noyées de larmes, comme pour s'encourager. « Allez... — » Du doigt, elle recompta l'ensemble des reliques, qu'elle avait mis de longs mois à collecter. Ici, une pincée de sel gris ; là, un cœur de cerf. Sur la gauche, le tibia d'une enfant de moins de 3 ans, un peu plus bas, de l'essence de mort. Sur la droite, une fiole du sang de Till. Un peu plus loin, entre l’œil d'une hase, l'omoplate de son défunt père, une mèche de cheveux d'Eyla et de la chair ; un athamé. Sans un mot, elle glissa l'ensemble des objets le récipient de pierre, et entrepris de les broyer à l'aide d'un mortier. La sueur perlait sur son front, sans qu'elle ne puisse dire si c'était la fièvre qui la rongeait depuis un an, ou si l'effort la fatiguait. L'effrayait.

Sa main gauche tremblait encore, quand elle attrapa l'athamé, avant de le porter jusqu'à son index et son pouce. « Courage, Anna... Courage.. » Souffla-t-elle à nouveau, avant de se fourrer un boule de chiffon entre les lèvres, déterminer à ne pas faillir.

Pas à ne pas hurler.
***

Une voix sourde, éraillée et presque inaudible envahit la petite pièce, s'exprimant dans une langue qu'elle ne connaissait pas mais qu'elle parvenait néanmoins à comprendre. Le sang inondait le plancher, goûtant vers l'étage inférieur, tandis que la pauvre femme demeurait recroquevillée sur elle même, tenant sa main mutilée. Dans la coupole, entre les os, les organes et la peur, dans le sang et la mort, flottaient ses deux doigts. Ni ses larmes ni ses craintes ne parvenaient à la soulager. « Oui.. — », siffla-t-elle tant bien que mal mais sans hésiter, entre deux sanglots. Une nouvelle fois, la voix tonna, secouant les murs, ouvrant les fenêtres et décrochant l'un des rares miroirs qu'elle avait jamais possédé. La jeune femme se recroquevilla un peu plus sur elle même, tandis que l'air s'électrifiait. Dans la coupole, le sang bouillonnait, sifflait, tournait sur lui même et dessinait d'étranges arabesques. Au dehors, la nuit semblait tomber sur cette masure seulement et sur aucune autre, sans que rien ni personne sinon elle ne puisse le voir. Sur son visage ses lèvres s'étiraient, comme autant de cicatrices, traçant un sourire qu'elle avait oublié. Ses bras, ses jambes, ses joues, ses épaules son dos, ses seins, son ventre se parsemaient tous de fines entailles dont le sang coulait à flot. Lentement mais sûrement, l'enfant se vidait de son être. Ses yeux sienne perdaient peu à peu leur couleur alors que la vie la quittait. « Oui..! » Murmura-t-elle à nouveau, dans un toussotement où elle crut cracher ses poumons. Mais rien de cela ne se produit. D'entre ses lèvres tuméfiées ne sorti qu'un étrange filament bleuté, presque invisible. Les premiers pouces de fumée semblait presque irréel ; mais la douleur la rattrapa bientôt. Bien assez vite pour qu'elle comprenne qu'une puissance lui arrachait toutes les entrailles, organe après organe, os après os, muscle après muscle. Elle chercha à hurler, sans que le moindre son ne s'échappe de sa bouche, pourtant grande ouverte. Elle suffoquait. Sa main gauche agrippa le plancher, griffant le bois jusqu'à entailler les planches, mais aussi ses propres doigts, en recherche de  la moindre bouffée, d'air réalisant soudainement qu'elle mettait bien plus que sa vie en jeu.

Puis la fumée bleue finit de quitter son corps. Déjà au sol, elle ne pouvait plus s'effondrer, cependant le mal reculait peu à peu. Les entailles se refermèrent, sans un bruit, sans une cicatrice. Ses lèvres retrouvèrent leur galbe et leur rouge de la veille. Ses yeux se teintèrent à nouveau de la couleur qu'ils avaient toujours connu.

Elle suffoquait toujours.
***

De la main, la jeune femme caressa doucement les cheveux noir cendre de Till, assoupi. Son torse s'élevait doucement, à mesure qu'il respirait à nouveau. Ses lèvres, qu'elle avait tant baisées jadis, s'entrouvraient pour la première fois depuis un an. La nouvellement Sorcière retenait à grande peine les sanglots qui lui brûlaient les yeux mieux qu'aucun bûcher n'avait jamais brûlé aucune Macrale. Elle soupira, laissant sa main gauche glisser jusqu'au torse de son amant, sans remarquer le tic qui l'habitait. Les mains du mort se crispaient, sans cesse, fermant le poing pour ensuite le rouvrir, avec une force qui aurait suffi à arracher les doigts d'un vivant.
***

« Till ? » S'enquit-elle, inquiète, quelques jours après le retour du jeune homme, qui sommeillait toujours. « Till, j'ai besoin de t'entendre... » Glissa la jeune femme, les larmes aux yeux. Depuis qu'il lui avait été ramené, l'Hylien ne cessait de se détériorer. D'abord son bras s'était brisé, de la même façon, puis des rictus de souffrance étaient apparus sur son visage, sans que jamais il ne s'éveille. Rapidement, son cou s'était tordu, comme si le Goron qui l'avait tué avait réitéré son oeuvre. Chaque jour, elle avait tenté de le ramener à elle. « Till ! » Hurla-t-elle, profondément désespérée, tandis que les sanglots éclataient enfin. Le faciès de son fiancé s'était déjà terni des premières traces de décomposition, mais elle l'enserra dans ses bras tout de même, comme s'il ne s'agissait que d'un enfant endormi.

« Anna ? Qu'est-ce que tu fais ? » La voix d'Eyla sonna comme le glas qu'elle redoutait plus que tous les autres. « Anna ?! » Lança-t-elle à nouveau, horrifiée. Ses deux mains barraient son visage, tordu de peur et de reproches. « C'est Till ? C'est toi qui à fait ça ?! » Hurla la jeune femme, sans que son amie ne réponde. D'un bond, Eyla se jeta sur la Sorcière, avant de la pousser loin des restes de son frère. « NON ! » Hurla celle-ci, alors que la sœur du menuisier abattait lourdement un tabouret sur le crâne du cadavre. « NON ! » Cria à nouveau la Sorcière. Mais le torse de Till ne se soulevait déjà plus.
***

« Pourquoi Anna n'a-t-elle pas tué Eyla ? » Demanda la même jeune fille, toujours aussi curieuse, alors que le conteur toussait fort. Reniflant ostensiblement, il s'enveloppa dans une pelisse sombre qui cachait sa chemise colorée, et replaça sa toque sur le haut de son crâne. « Ca, mon enfant, personne ne le sait. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle s'en est mordue les doigts. Au sens propre. »
***

« C'est ici qu'elle habite », glissa Eyla, dressée devant la porte de la masure, quatre individus dans son dos. Deux hommes, deux femmes. Une famille, si elle avait bien compris, tous passé maître dans l'art du brigandage et du meurtre. « C'est une sorcière. » Ajouta-t-elle ensuite, inquiète pour la sécurité de l'opération. Très clairement, elle craignait son ancienne amie. « Je viens. » Conclut-elle, l'air déterminée. « Vous n'aurez la paye q'une fois que je l'aurais vue enterrée. » Le deux chefs de famille hochèrent la tête d'un air entendu. Le père jeta un regard au fils, qui s'avança vers la bicoque.

Sur la porte de bois, le fils frappa trois coups secs. Les minutes passèrent, sans réponse, et il enfonça la serrure d'un coup de sa masse de fer. La petite troupe investit rapidement la demeure, sans y trouver trace de la Sorcière. « Thormod, on monte tous les deux. Vous, prenez tout ce que vous pourrez porter. » Murmura le père, avant d'attirer le fils vers les escaliers et l'étage. A pas de loup, les deux hommes s'avancèrent, jusqu'à apercevoir une silhouette brisée par les larmes, en pleurs sur un cadavre. La fille se retourna vers eux et hurla, de terreur à l'évidence. Le père se jeta sur elle, pour l'immobiliser, mais elle n'hésitait pas à se débattre à coup de pieds, de griffe, et de tout ce qui lui passait par la main. D'un violent crochet du droit, le fils parvint à la calmer, laissant le sang poisser ses tombes et troubler sa vision. La jeune femme chercha encore, tant bien que mal, à s'échapper, mais l'un des deux hommes la maintenait fermement. « On va s'amuser un peu... » sifflota celui qui lui écartait grand les jambes, alors qu'elle luttait pour ne pas sombrer dans l'inconscience.
***

« T'as-tu finis ton affaire Olseig », grimaça la grande bringue blonde, les bras chargés de gri-gri, de bijoux et de richesses en tout genre.« On peut-tu passer aux choses sérieuses, m'tenant ? » Termina-t-elle, sous les yeux horrifiés d'Eyla. La robe de la sorcière, déchirée ça et là, était maculée de son propre sang et doucement la jeune femme réalisait ce qu'elle avait demandé aux quatre bandits. « Ouais, ouais... », grogna le père, tout en reboutonnant ses chausses. L'homme tira une dague à couillettes de sa ceinture, bien conscient que sa proie revenait doucement à elle. « L.. —  Laissez-moi... », implora-t-elle, la voix saccadée par des larmes, rampant tant bien que mal en arrière. « Oh non, guenon ! » Hurla le fils, bondissant à son tour sur elle. Elle chercha à le repousser se protégeant le visage de ses mains, et frappant comme une furie de ses pieds, mais l'acier fut le plus dangereux. Une dernière fois elle suffoqua, alors que la dague dessinait dans son cou une fine rigole carmin.
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« Voilà votre argent », grommela Eyla, tendant la petite bourse aux quatre bandits. Son regard évitait consciencieusement la dépouille d'Anna, encore secouée de spasme, tandis que le plancher buvait le sang qui fuyait sa petite gorge fragile. Ses yeux vides s'étaient teintés d'un blanc laiteux. « Vous n'étiez peut-être pas obligé de...  —  », commença la sœur du menuisier, hésitante comme jamais.
« Oh, ça non. » L'air se mit à vibrer, comme ébranlé par une voix similaire au verre qu'on broie, tantôt stridente et aiguë ; tantôt rocailleuse et en provenance d'abysses oubliés. Les cinq se retournèrent vers le cadavre sans vie de la Sorcière, de nouveau debout ; l'épaule démise comme celle d'un bossu, le sang dégoulinant de sa gorge sur sa robe blanche, poissant son corps déjà souillé. « Ça, non. » Reprit-elle sans qu'aucun ne bouge. Ils ne le pouvaient de toute façon plus. Tournant le cou de façon à se briser la nuque de la même façon que Till, la Sorcière contempla les cinq meurtriers qui avaient osé la tuer. « Je ne... Je ne voulais pas... —  » lança Eyla, avant d'être subitement coupée. Son corps s'envola, désarticulé, sans que la Morte ne bouge d'un pouce, avant de percuter lourdement le mur derrière elle. Ses bras en croix, elle chercha a articuler quelque chose. « Shht. » Souffla la Sorcière, de sa triste voix. Dans un silence surnaturel, les traits du visage d'Eyla se décomposèrent, à mesure que sa mâchoire ne s'arrachait littéralement à son crâne.

Après quelques minutes de supplice, un second cadavre s'effondra sur le plancher vieilli de la bicoque. Le regard blanc de la Pernicieuse se porta sur les brigands, toujours immobiles ; terrorisés.
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«Brrrr, siffla le conteur visiblement refroidi, J'ignore si cette histoire qui me donne la chair de poule, mais j'ai comme l'impression qu'il fait plus froid... » Les enfants s'étaient également emmitouflés dans des petites pelisses prêtées par leurs parents. A chacun des mots du barde, une étrange fumée blanche s'échappait de sa bouche, comme s'il parlait au cœur de l'Hiver quand l'Automne n'était pas encore terminé. « Les bandits aussi, elle les a tués ? » S'enquit un gamin, dont la main avait rejoint celle d'un autre enfant. « Non, pas du tout. » Expliqua le ménestrel, alors que les marmots surpris s'impatientaient. « Qu'a-t-elle fait, alors ? » Un petit sourire étira les lèvres du vieillard.« Bien pire que les tuer. La Vieille de Cocorico les a maudits, tous autant qu'ils étaient. Elle a fait d'eux des monstres,  des créatures abominables. Ils sont  fourberie, colère, rancœur, rage , perfidie. Ils sont jalousie, agonie folle et éternelle.» Une fois de plus le silence retomba sur l'auditoire, captivé. Avec un peu de chance, les enfants sauraient lui offrir un peu plus que du vin... Un rôti porc. Ah, par les Déesses, qu'il se languissait d'un bon rôti de porc ! « Ce sont des Poigneurs ? » Le conteur opina du chef. « Les premiers. Mais la Sorcière ne s'est pas arrêté là : la Mort  l'a rendue plus puissante que jamais. Vous l'appelez Pie-grièche, mais dans d'autres cultures les gens seraient moins aimables. Plus à l'Ouest, par delà le désert, on l'appellerait Hag. Au Sud, ce serait probablement Liche. »

Les enfants demeuraient silencieux. La température continuait à baisser et le conteur reprit son récit. « Les saisons ont passé ; puis les années et enfin les âges. Lentement mais sûrement, le Néant avec lequel la Sorcière avait marchandé reprenait son dû. Et, dans sa nouvelle existence, la Faim de vie était toujours plus forte. Jadis ravissante, la jeune femme commença par se dévorer les gencives ; s'enlaidissant alors. Puis, après les lèvres, elle commença à convoiter la joie des vivants. On dit parfois qu'elle en dévorait quelque fois, des imprudents qui osaient lui manquer de respect. Mais les corps de chasse de l'Eglise étaient plus puissants, autrefois, et elle n'avait rien à gagner à se faire remarquer. C'est ainsi qu'elle finit par commencer à manger ses propres jambes, jusqu'à mi-cuisse pour l'une et jusqu'au genou pour l'autre, dit-on. » Il marqua une courte pause, le temps de se ressaisir d'un peu de vin. Ses propres lèvres se gerçaient doucement, brillants çà et là d'un bleu froid. « La vieillesse a également fini par la frapper et la haine à la rendre complètement folle. On entend parfois que les deux animaux qu'elle aime garder avec elle sont en vérités d'anciens apprentis qui l'auraient déçue. On dit qu'après près de six-cent ans, la Vieille est effectivement devenue aigrie ; qu'Anna est morte. C'est vrai. A dix-neuf ans. Mais qui ne le serait pas, aigrie ? » Un corbeau croassa, brisant le silence. Brusquement, le feu pourtant puissant, prit fin. Dans son dos, le vieillard cru distinguer le cri qu'on prêtait aux arbres de la Macrale, quand elle utilisait leurs branches pour pendre les insolents. « Qui ne le serait pas en, effet ? » Murmura le garçonnet qui l'effrayait déjà tout à l'heure. Il avait le sourire mauvais et les yeux vides ; blanc.