Malheureux le pays qui a besoin de héros.

RP précédant la Quête de Nabooru. / Salle du Trône

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Abigaïl


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Déambuler dans le Castel Royal n'avait pas manqué de raviver des souvenirs nostalgiques chez Abigaïl. Depuis que le convoi de l'armée avait escorté avec succès leurs prisonniers du Fief jusqu'à la demeure de la Souveraine, les soldats de Cocorico s'étaient temporairement joints à ceux de la Citadelle, puisqu'ils avaient été invités à séjourner avec eux pendant un temps. Avant de reprendre leur route jusqu'au bercail, sans doute. Mais les deux corps d'armée s'étaient tant et si bien entendues que nul ne rechignait à l'idée de traîner quelques jours de plus... d'autant plus que les lieux étaient sujet à respect et admiration. Et si le château en lui-même recelait bien des splendeurs, la vieille salle de gardes était un lieu de vie et d'animations tel que Cocorico ne connaissait pas, notamment en raison de la ségrégation plus marquée entre les différentes ethnies qui s'y côtoyaient. Hormis cela, les quartiers des soldats de la Citadelle n'avaient pas changé d'un pouce, et leurs tablées se montraient tout aussi bruyantes qu'autrefois. Et c'était avec une certaine surprise qu'Abigaïl prit conscience de toute l'affection qu'il portait encore à ces lieux. Ce château et ses gardes qui, autrefois, l'avaient accueilli comme un des leur.

Cela ne faisait à peine que quelques années depuis que l'ex-Garde Royal avait été démis de ses fonctions premières, pour reprendre un grade moins remarquable au Fief de Cocorico suite à une blessure à la jambe. Et pourtant, il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée depuis son dernier passage au Château de la Reine. Abigaïl n'était pas un grand sentimental, mais il ressentit malgré tout un certain émoi à parcourir ces couloirs qu'il avait si bien connus. Tout avait paru plus vifs, plus colorés dans ses souvenirs, mais peut-être que le château avait encaissé le passage du temps - ou peut-être alors avait-il lui-même été plus impressionnable dans sa jeunesse. Quelle importance ? Les remparts se dressaient toujours autour de l'édifice, droits et fiers. Tout comme lui-même, en tant que soldat.

L'attaque du Ranch, il y avait des années de cela, avait suffit à le mettre à terre une fois. Mais le propre de l'homme était de pouvoir se remettre sur pied, peu importe la hauteur de sa chute. C'était ainsi qu'Abigaïl se tint ce jour-là, campé sur ses jambes fermes, face au lourd portail qui le menait à la salle du Trône. Le jeune garde qu'il avait été quelques années plus tôt aurait laissé sa nervosité l'emporter sur son sang-froid, mais l'homme qu'il était devenu ne céderait plus à l'impatience, bien qu'il ait toujours la gorge nouée. Sa Majesté l'avait gracieusement convié à une audience, sans doute sur la proposition du général des armées hyliennes. Rétrospectivement, Abigaïl comprenait bien que Llanistar n'était pas venu lui adresser gratuitement quelques mots sur leur victoire à Cocorico, lors de leur trajet du Fief jusqu'aux geôles de la Citadelle. Peut-être que son supérieur avait cru bon le prévenir, par voie indirecte, de l'entretien qui s'ensuivrait avec leur digne souveraine.


« Sa Majesté la Reine est prête à vous recevoir, messire, » lui glissa poliment le serviteur à travers l'entrebâillement de la double porte. L'instant d'après, celle-ci pivota sur ses gonds, actionnée par deux gardes de service dans la salle. Le soldat de Cocorico n'avait jamais apprécié la théâtralité qu'une audience requérait, mais c'était le jeu, et la Cour avait ses règles. Alors, il s'avança sans rechigner, le pas ferme et cadencé. Au lieu de son armure, il s'était apprêté d'une tunique civile assez austère, sans motifs ni broderies, mais toute sa carrure présentait un militaire que des accoutrements simples ne dissimulaient pas.

Abigaïl n'eut pas même un regard pour les aristocrates installés de part et d'autre de la salle d'audience. Non pas qu'il les méprisait particulièrement : seulement, il avait levé la tête vers sa Souveraine, et plus rien dans cette salle ne comptait plus, tandis qu'il s'avançait vers elle. Sans doute en raison de ses anciennes fonctions, et même s'il était désormais un soldat de l'Armée avant d'être le soldat de la Reine, Abigaïl savait que sa loyauté pour la dirigeante du pays était si profondément ancrée en lui qu'elle faisait désormais partie de ses racines, au même titre que les devoirs qu'il portait à sa terre, à sa famille. Sur le tapis bleu roi brodé d'or, le soldat de Cocorico s'avança sans hésiter, et mit promptement genou à terre lorsqu'il fut suffisamment proche du trône pour se faire entendre sans hausser la voix.
« Votre Majesté, » prit-il le soin de bien articuler, les yeux baissés en signe de déférence. « C'est un honneur. »

Plier le genou devant la souveraine lui paraissait aller de fait. Il ne se redresserait pas avant qu'elle ne le lui commande, et bien au-delà d'un simple signe de soumission, il voulait lui assurer son allégeance. Abigaïl était profondément pieux, mais sa fidélité à toute épreuve ne venait pas de sa foi. La Reine était l'Elue de Nayru, bien entendu, mais elle était surtout une personne qui se dévouait corps et âme à ses fonctions. La trahison du Prince Dun avait été un coup d'autant plus difficile à encaisser pour le soldat de Cocorico qu'il savait exactement combien leur dirigeante était isolée au sein-même de son propre château. Combien de fois avait-il retrouvé la Princesse de la Destinée endormie à sa table à force de travailler, ou pire encore, combien de fois l'avait-il retrouvée éveillée, déambulant dans les bibliothèques royales comme une âme en peine, aux heures les plus sombres de la nuit ? Même entourée d'amis comme elle l'était, le poids de la gouvernance pesait sur ses épaules comme un lourd manteau qui ne la quitterait jamais. La dévotion que la Reine dédiait à son royaume ne pouvait inspirer que la plus grande fidélité de ses sujets.

Abigaïl attendit patiemment que la souveraine lui demande de se relever. Suite à cela, directement mais sans couper la parole à sa souveraine, le soldat de Cocorico s'enquit sans faire de détours :
« Est-ce que vous voulez entendre mon rapport sur les événements de Cocorico ? » Son manque de tact pouvait bien choquer les membres de la noblesse, il savait que sa Reine ne s'en préoccuperait pas. Pour lui, cette franchise était l'occasion d'offrir à la Cour une version non pas embellie de la réalité, mais une approche concrète qui ne permettrait pas d'ériger Abigaïl en une sorte de héros. Non, de Héros, il n'y en avait qu'un seul, et le soldat voulait s'assurer de ne pas en créer un second par inadvertance.

Car la royauté n'était pas le seul manteau qui pouvait contraindre une personne à ses devoirs, jusqu'à l'étouffer par moments. Des années plus tôt, bien avant même qu'il devienne Garde Royal, Abigaïl avait pu constater ce que l'héroïsme faisait de l'homme : lorsque son frère aîné Lessandre, un simple soldat parmi tant d'autres, avait sacrifié sa vie lors de la toute première attaque du Castel Royal, l'armée en avait fait un exemple pour tous les autres. Et pourtant, qu'avait-il fait hormis son devoir ? Longtemps, la question avait hanté le soldat de Cocorico comme une plaie qui refusait de guérir : Pourquoi les Hyliens avaient-ils donc besoin de figures héroïques ? Pourquoi Lessandre, et pas un autre ? Abigaïl, en raison de la renommée post-mortem de son frère, avait pu recevoir une somme importante d'argent en guise de dédommagement. Mais pourquoi le privilégier, lui et sa famille, lorsqu'une autre ayant perdu son mari soldat durant la même bataille recevait moitié moins ?

Bien sûr, la Reine Zelda n'avait sans doute pas été au courant de ce qui s'était tramé à ce moment-là, dans leur valeureuse armée. Cette dernière avait toujours fonctionné comme une instance à part, tout du moins avant l'arrivée du général Llanistar. Le vieux Cerscastel lui-même, plus âgé que Sa Majesté et grand homme d'expérience, n'avait peut-être pas eu son mot à dire. Difficile de poser la responsabilité sur le dos d'une seule personne, et Abigaïl n'allait pas s'aventurer à accuser qui que ce soit, et encore moins une autre instance que la sienne (la trésorerie royale, par exemple). Mais si le fait était dépassé depuis longtemps, l'interrogation, elle, était restée. Et désormais, si le soldat de Cocorico estimait grandement le seul Héros qui comptait à ses yeux, il se méfiait des surhommes que l'armée hylienne pouvait se créer dans les moments les plus opportuns.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Fut un temps, qui lui semblait loin à présent, où c'était son père qui présidait les audiences sur le siège où elle se trouvait aujourd'hui. Simple observatrice, parfois sur invitation de son Père, parfois furtivement grâce à la petite fenêtre qui donnait sur les jardins intérieurs, elle avait toujours été curieuse de ce qui pouvait se passer dans cette pièce. Elle se souvenait comme la salle lui semblait alors gigantesque, combien elle la trouvait magistrale. Souvent, pour s'occuper entre deux leçons et à défaut d'amis pour occuper son temps libre, elle avait joué à remonter le long tapis qui la traversait, arpenté déjà par tant d'autres avant elle. Un coup chevalier rentré de mission, un coup simple demoiselle venue quérir la sagesse de sa Majesté, elle avait endossé de nombreux rôles devant les tribunes vides. Pourtant, même seule et ancrée dans son personnage, elle ne pouvait contenir une certaine appréhension en s'avançant sur le tapis, comme si son public invisible la jugeait. Il ne lui était donc pas difficile d'imaginer que l'entrée dans cette salle sous le regard attentif de réels observateurs pouvait être intimidante.

Mais le passé appartenait au passé, et à présent, c'était elle qui supervisait les audiences. Plus question de divaguer comme alors. Les gardes venaient de faire entrer son invité et elle le suivit du regard alors qu'il s'avançait jusqu'à elle. Son visage ne lui était pas inconnu, et ce n'était guère étonnant puisqu'il avait fait partie de sa garde personnelle. Quand bien même elle ne le connaissait pas personnellement, elle l'avait croisé plusieurs fois au château. Mais même si elle l'avait mieux connu, il n'était guère question de familiarités et de retrouvailles dans ce contexte officiel. Elle se contenta donc d'un sourire pour le détendre si tant est qu'il en ait besoin, tout en l'invitant à se relever.

"Je vous en prie, relevez-vous."

Elle s'apprêtait à lui révéler la raison de sa présence. S'il devait se douter que cette audience était en rapport avec ses faits d'armes lors de l'attaque de Cocorico, elle ignorait s'il avait été mis au courant des détails exacts de ce qu'elle avait à annoncer. Mais avant d'avoir reprit la parole, elle eut la surprise de l'entendre proposer de faire son rapport.

En vérité, comme il pouvait s'en douter, elle avait déjà pris connaissance du rapport transmis par Llanistar. De même qu'elle s'était autorisé dans le secret un rapide passage à Cocorico. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle elle n'avait pu recevoir plus tôt le garde et n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer la prisonnière dont il avait permis la capture, malgré une grande curiosité à son égard. Elle n'était rentrée au château que la veille et avait dû rapidement recouper les informations obtenues sur place et celles qui lui étaient rapportées. Pourtant, même si ce n'était pas la raison de la présence du garde en ces lieux, un témoignage de plus ne serait pas superflu pour ne pas risquer d'omettre la moindre information. Dans l'agitation, peu de gens avaient assisté directement à l'ensemble des événements, et si elle avait eu la chance de croiser Link, il s'était montré assez peu bavard sur le combat qui avait eu lieu. Comme souvent. L'homme qui lui faisait face était donc le seul dans cette pièce à avoir vécu l'épisode dans les moindres détails, et elle était curieuse de les connaître.

De plus, elle ignorait si tous les nobles présents dans la salle avaient la même connaissance qu'elle des événements de Cocorico. Dès lors, une mise en situation ne pourrait qu'introduire au mieux ce qu'elle avait à dire. Elle avait d'ailleurs le sentiment qu'il était important pour son invité de leur rapporter son propre récit des événements qui l'avaient mené jusque là. Qu'il ne s'agissait pas juste d'une habitude de soldat mais d'une proposition délibérée.

"Faites donc. Nous serions ravis d'entendre votre rapport sur votre intervention à Cocorico et la capture de Swann Dragmire."


Abigaïl


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Un seul mot de la Reine suffit pour qu'Abigaïl se remette sur ses deux pieds. Tout en levant les yeux vers le trône fièrement dressé, le soldat contempla pendant l'espace de quelques secondes le visage souriant et lumineux de sa Souveraine. « Faites donc, » lui indiqua-t-elle avec une certaine solennité, le regard empli de clémence. « Nous serions ravis d'entendre votre rapport sur votre intervention à Cocorico et la capture de Swann Dragmire. »

Abigaïl acquiesça une fois, le dos droit et le regard franc. Il chercha brièvement ses mots, avant de se lancer dans le récit concret de l'attaque. Pas de généralisation, pas d'embellissement, juste les événements tels qu'il les a vu, de son point de vue factuel : « J'étais de garde le soir de l'attaque, mais pas eu le temps de prendre la relève. Y'a eu du boucan dehors, je suis parti voir. Du feu prenait, les gens se dispersaient, pas l'ombre du capitaine. J'ai gueulé pour évacuer ceux qui restaient, puis j'suis parti vers la place centrale pour retrouver les troupes. »

Une pause. Il réorganisait ses souvenirs du raid. Mais il ne tarda pas à reprendre, avec la même assurance : « Sur la place, pas de soldat. Mais Swann Dragmire, dos tourné, et le Héros du Temps en face. Entre les deux, des guerrières du Malin. Personne m'avait vu, j'ai foncé sur la Dragmire... Mais... Trop rapide, la lionne. Une cotte de maille cachée sous la chemise, et quand même capable de rouler hors de portée, après avoir encaissé le premier coup. J'ai jamais vu ça. » Malgré l'hostilité qu'il éprouvait pour Swann, était-ce un soupçon de respect qui traversait les yeux pers du soldat ? Quoiqu'il en soit, il ne tarda pas à se dissiper, ne laissant derrière lui qu'une certaine amertume. « Ses sbires l'ont couverte. Le Héros et moi, on les a tué. Perdu de vue la Dragmire, mais elle préparait son coup. De la magie, je sais pas trop. Elle a fait monter la brume, m'a envoyé valser dans la fontaine... tout ça avec des bouts de papier. »

Abigaïl ne s'y connaissait pas assez en matière de magie pour s'attarder là-dessus. Alors, il continua dans ce qu'il connaissait le mieux, à savoir : le combat. « Le Héros a pris le relai, le temps que je me relève. On a tenté de l'avoir sur deux fronts, mais... impossible de la toucher, et Din sait qu'on a essayé. Pile quand on arrivait sur elle, y'avait toujours un truc... De nouvelles sbires pour la défendre, et puis même, à un moment, un gros chat sorti de nulle part. » Le soldat tenta de ne pas trop grincer des dents rien qu'à y repenser. « Elle m'a renvoyé valser d'un coup de magie, avec ses renforts pour me distraire... et quand je me relève ? Y'avait un truc pas net. Le sol tremblait, ça grondait au loin, un volcan je me suis dis. Le Roi Dodongo, j'ai su après. Bref, Swann était toute seule face au Héros et moi, l'a dû demander à ses guerrières de se casser sans elle. La bataille tournait pas en leur faveur, elle savait bien. Et là, la patrouille a déboulé à ce moment, je les connais bien... Se sont mis sur l'offensive pas loin de la Dragmire. Ils allaient l'arrêter. »

Il n'avait pas envie de raconter la suite. Mais il le fallait bien. Alors, sur un ton résigné, il continua : « Elle a balancé des noix mojo. Puis des explosifs. Les poutres cramées ont pas tenu le coup, la bâtisse la plus proche est tombée sur nous. Coup de pot, j'étais placé le plus loin, ai pu dévier les débris avec le bouclier. Le Héros a traversé une fenêtre, si ça c'est pas le signe que c'est l'Elu des Déesses... Bref, la patrouille s'est tout prise. Tous morts. Et la Swann encore debout, à nous narguer derrière... » Ses yeux dévièrent un bref instant, lorsque les souvenirs se firent trop vifs. Mais il se ressaisit bien vite, et il reprit plus fermement : « L'est vif, le Héros, presque aussi rapide que la Dragmire. S'est jeté sur elle, se sont battus à ras du sol, cherchait à l'immobiliser. J'suis allé récupérer une arbalète des mains de Todd... un des gars de la patrouille... puis me suis posté, en gardant la Swann dans mon champ de tir. Juste au cas où elle penserait à se casser. »

Son récit s'achevait. C'était rare qu'il parle autant, mais cet exercice de rigueur ne lui paraissait pas désagréable pour autant. Il avait juste besoin de réagencer ses pensées embrouillées. « C'est là que... j'ai pas tout compris. Y'a eu un genre de... double de Swann, qu'est apparu d'un coup, derrière le Héros. Un genre de piège magique. Je sais pas. Sauf qu'il l'avait prévu ? S'est retourné direct, lui a pas laissé le temps de l'égorger, et hop. Capturée. Après ça, lui a suffit de gueuler pour que je rapplique, et c'était fini. J'avais Swann entre les mains. Et lui, s'est cassé sans un regard en arrière. M'étonnerait pas qu'il soit parti sauver d'autres gens dans les feux, après ça. Même si... Cocorico... » Le regard du soldat s'assombrit, alors qu'il repensait à tous les dégâts qu'avait subi son Fief. Mais il reprit contenance, et il conclut avec solennité : « Mais vous savez le reste. Fin du rapport. »

Il garda les yeux rivés sur sa Souveraine, droit et fier à la manière des hommes d'armes, dans l'attente de ses commentaires, de son verdict. Il était à sa disposition, et il voulait le lui montrer. Des mots s'attardaient dans son esprit, des questionnements et des revendications qu'il gardait fermement scellés derrière la barrière de ses lèvres : là n'était pas le moment. La Reine parlerait, et après - seulement après - pourrait-il éventuellement s'autoriser à faire entendre de nouveau sa voix.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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La princesse laissa passer un instant de silence uniquement troublé par quelques murmures dans la salle. Elle avait déjà eu l'occasion de se renseigner sur ce qui s'était passé, mais les événements avaient été assez rapides et embrouillés sur le champ de bataille pour que chaque personne ait ses propres expériences et détails à apporter. Sans compter que les émotions transparaissaient mieux dans un rapport oral que dans les retranscriptions écrites qu'on lui avait transmises. Elle était certaine que Link ne lui en aurait jamais raconté autant. Elle était d'ailleurs assez peu habituée à revivre en récit ses combats puisqu'il ne les lui racontaient jamais. Qui plus est, le sort de Cocorico, et celui réservé à ceux qui avaient eu la malchance de s'y trouver la peinaient toujours autant.
Elle se reprit toutefois. Un silence résigné ne pouvait plus rien pour Cocorico ou ceux qui y avaient perdu la vie cette nuit-là. Elle était là aujourd'hui pour s'occuper d'un survivant qui avait lui-même sauvé des vies et placée hors d'état de nuire une des responsables de ce carnage.


"Merci."

Ce mot contenait à lui seul toute sa reconnaissance pour le jeune homme. Aussi bien pour l'histoire qu'il avait accepté de revivre avec elle et l'auditoire présent que pour son engagement sur le champ de bataille. Sans doute aussi pour être venu en aide à Link. Tout Héros qu'il soit, le fardeau était lourd pour une seule paire d'épaules, et elle ignorait dans quel état il en serait sorti seul. Le soldat semblait sûr des capacités du Héros. Zelda, de son côté, avait des sentiments paradoxaux sur la question, entre l'admiration et une confiance sans faille, et la crainte qu'un jour il ne s'en sorte moins bien.

"Tous ici sont maintenant au courant de la bravoure dont vous avez fait preuve sur le champ de bataille. C'est la raison de votre convocation ici."

Ses mains prirent appui sur les accoudoirs du trône et elle se releva délicatement avant de s'avancer vers Abigaïl.

"Le général m'a dit le plus grand bien de vous, et plus que jamais nous avons besoin de gens fiables pour organiser la défense du royaume."

Arrivant à la hauteur du soldat, elle fit signe à un page qui attendait un peu plus loin. Ce dernier les rejoint rapidement, portant un coussin rouge surmonté de deux parchemins et d'une petite médaille en métal. En forme d'écu doré, elle était ornée de l'oiseau vermeil qui constituait les armoiries de la famille royale. De sa main gantée, Zelda récupéra la décoration, pour la fixer à l'uniforme du garde.

"Ceci, c'est le symbole de notre reconnaissance, en mon nom, en celui de la couronne, en mémoire des soldats qui se sont battus à Cocorico, et pour les services que vous avez rendus au royaume."

Une fois l'insigne attaché, elle se saisit du premier des deux parchemins roulés, pour le tendre à Abigaïl.

"Et ceci, c'est la preuve de votre nouvelle affectation. Vous serez dorénavant premier sergent de Cocorico. Vous commanderez une troupe d'une vingtaine d'hommes sous le commandement direct du capitaine Jehan."

Le parchemin, signé de sa main, informerait ses supérieurs du nouveau poste qu'il occupait.
Elle savait que plus qu'un cadeau c'était là une tâche difficile qu'elle lui confiait. Après les nombreux assauts portés à Cocorico le travail était énorme, et si personne n'aurait pu dire si l'endroit allait de nouveau être frappé ou non, il était normal que cette crainte soit bien présente. Cependant, il s'agissait d'autant plus d'une marque de confiance.


"Je compte sur vous pour lui prêter assistance au mieux. Ce village a suffisamment souffert. Il est devenu une zone stratégique qui aura besoin de tout les renforts possibles."

Sans doute une meilleure coopération avec les Gorons serait-elle aussi nécessaire, mais chaque chose viendrait en son temps.
Ses yeux passèrent du dernier parchemin à Abigaïl qui se tenait toujours bien droit face à elle. Il s'agissait toutefois d'une annonce de nature un peu différente, et elle ne pouvait se départir de l'impression que le silence du jeune homme était forcé. Elle eut un sourire, en se demandant si en une telle occasion Link aurait tenu si longtemps sa langue avant de lui faire part de sa pensée. Mais elle n'ignorait pas le désamour de son ami pour ce genre de cérémonie officielle, et l'imaginer accepter de se prêter au jeu était déjà surprenant en soi. Sans doute le soldat était-il plus habitué à ces circonstances et à ce qu'elles impliquaient.


"Ce n'est pas tout, mais avant ça j'ai l'impression que vous souhaiteriez vous exprimer."


Abigaïl


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« Merci. »

Ce seul mot, prononcé par la Souveraine, suffit à rompre le silence lourd qui s'était abattu dans la salle du trône suite au rapport du soldat. Comme pour accuser réception de la parole royale, Abigaïl acquiesça d'un mouvement sec de la tête. Ses yeux revinrent à sa Majesté, alors même que celle-ci quittait gracieusement son siège. Et bien qu'il gardât le silence, le visage toujours grave, quelque chose en lui s'alarma. Il se doutait bien de ce qui allait se produire, et bien qu'il eusse toujours respecté les conventions, il ne portait pas pour autant les cérémonies d'intronisation dans son coeur.

« Tous ici sont maintenant au courant de la bravoure dont vous avez fait preuve sur le champ de bataille. C'est la raison de votre convocation ici. Le général m'a dit le plus grand bien de vous, et plus que jamais nous avons besoin de gens fiables pour organiser la défense du royaume. » Lentement, le pas digne et le port altier, la Princesse de la Destinée s'approcha du soldat. Malgré la réserve de celui-ci, les propos de sa Majesté touchèrent une corde sensible. Une sincérité désarmante était inscrite sur son visage noble, et Abigaïl eut la confirmation qu'il ne servait pas seulement la bonne cause ; il servait aussi la bonne personne.

Sur un signe de la part de la Souveraine, un jeune page s'approcha. Le protocole avait été visiblement établi d'avance, car celui-ci lui présenta un coussin de velours, sur lequel trônaient deux parchemins officiels et une insigne métallique, qui représentait le fameux oiseau vermeil de la famille royale. Abigaïl n'était pas très expressif par nature, mais lorsque la Reine accrocha d'elle-même la broche à son uniforme, il sentit sa gorge se nouer sous le coup de l'émotion. Il ne cilla pas, mais quand il croisa le regard de sa Majesté, ses yeux brillaient.


« Ceci, c'est le symbole de notre reconnaissance, en mon nom, en celui de la couronne, en mémoire des soldats qui se sont battus à Cocorico, et pour les services que vous avez rendus au royaume. Et ceci... » Avec bienveillance, la Reine lui remis en main propre les deux rouleaux de parchemins. Le soldat ne manqua pas d'en apprécier la symbolique. « ...c'est la preuve de votre nouvelle affectation. Vous serez dorénavant premier sergent de Cocorico. Vous commanderez une troupe d'une vingtaine d'hommes sous le commandement direct du capitaine Jehan. »

Abigaïl s'y attendait. Toute la cérémonie l'y avait préparé. Malgré tout, c'était avec une certaine réserve qu'il accepta le présent - le fardeau - des deux mains. Ses pensées s'entrechoquaient bien contre son gré, il était clairement hors de sa zone de confort ; malgré tout, une fois le premier parchemin reçu, il mit encore une fois genou à terre devant la Nohansen. Il n'avait pas beaucoup d'affection pour les spectacles, mais il y participait de bon coeur, ne serait-ce que par respect pour elle. « Ma Reine, » prononça-t-il avec révérence, la tête toujours ployée en signe de soumission. Il n'avait pas assez de mots pour exprimer sa reconnaissance à juste titre.

« Je compte sur vous pour lui prêter assistance au mieux, » continua la Souveraine, le ton grave et solennel. « Ce village a suffisamment souffert. Il est devenu une zone stratégique qui aura besoin de tous les renforts possibles. »

Le soldat le savait, sans doute mieux que personne dans cette belle assemblée de têtes bien mises. Quelques années plus tôt, il avait aimé la Citadelle comme eux, pour tout ce qu'elle avait pu lui apporter : il fut un temps où le Castel avait été son foyer, son refuge, son sanctuaire. Mais c'était Cocorico qui l'avait accueilli dans les jours les plus éprouvants de sa vie, alors que ses blessures et que la dissolution de son corps de garde l'avaient mises à terre. C'était à Cocorico qu'il avait appris à faire ses preuves, et pour Cocorico qu'il avait de nouveau tiré sa lame au clair, la tête droite et l'honneur rétabli.

Le fief avait été attaqué par l'armée du Malin par deux fois. Tout comme lui, Cocorico avait connu le déracinement, la dispersion, le déchirement du deuil. Mais tout comme lui, Cocorico se redressera. Elle ne ploiera pas le genou tant qu'Abigaïl avait encore assez de sang dans ses veines, assez d'air dans ses poumons pour la protéger.

La Souveraine esquissa un sourire presque attendri lorsque leurs yeux se croisèrent à nouveau. Avec clémence, elle finit par s'enquérir :
« Ce n'est pas tout, mais avant ça j'ai l'impression que vous souhaiteriez vous exprimer. » Et pendant l'espace de quelques secondes, le soldat oublia presque ce qu'il était venu quémander en acceptant de se plier à la cérémonie.

Tout en se relevant, il s'éclaircit la gorge, sans doute gêné par l'émotion qui lui contraignait encore la voix. Mais lorsqu'il prit la parole, son visage avait retrouvé toute son austérité :
« Ma Reine, » répéta-t-il tout d'abord, « c'est trop d'honneur. J'ai rien demandé... mais je comprends. Je vous décevrai pas. Je défendrai Cocorico jusqu'à ce que je meurs, et ça, j'le jure, que les Trois m'en soient témoins. »

Suite à cela, il entra dans le vif du sujet : « Mais j'ai réfléchi, votre Altesse. Et y'a pas à être stratège pour comprendre que ça aurait pu se passer un peu mieux, la nuit de l'attaque. Du côté des Gorons, déjà. Paraît que leur grand chef, leur patriarche ? L'aurait pris quelques gars de Cocorico pour ses ennemis, sur la montagne, avant que le Dodongo dévale. L'est grand temps de se rallier avec eux, pour qu'à la prochaine on se fasse plus avoir. Y'aurait p't'être pas eu autant de morts si dès le départ, on s'était mieux organisé. » Il souffla, brièvement, avant de reprendre avec fermeté : « Déjà pas facile rien que dans le Fief, avec la séparation qu'y'a entre les Hyliens et les autres. Le Capitaine a pas la tête à ça, faut encore faire tout le reste, reconstruire, gérer les troupes, former les patrouilles... Mais Princesse, tout ça, ça peut attendre que pendant un temps. Et là, ce temps, on y est plus. C'est dépassé. »

Plus il parlait, plus il semblait réaliser à quel point le problème traînait depuis longtemps. Il ne se souciait même plus de paraître discourtois tant l'affaire lui semblait urgente. « Si vous pensez vraiment que j'suis digne de ce titre, je peux le faire. Me suffit d'une lettre, avec votre sceau, et j'y vais. Dès que je suis rentré, je grimpe la montagne et je rencontre le chef Goron. Lui rappeler les vieilles alliances. » Une détermination brute et inflexible s'ancrait dans ses yeux pers, comme une promesse à tenir. « La prochaine fois, le Malin passera même pas les portes du bourg. »


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Il ignorait sans doute à quel point la princesse lui était reconnaissante. Elle n'ignorait en rien le fardeau qu'elle plaçait sur ses épaules. Il s'agissait certes d'une marque d'estime, mais elle était consciente qu'il s'agissait aussi de jours difficiles à venir. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'elle ferait si un jour quelqu'un en arrivait à refuser de continuer le combat, ce que cela signifierait pour Hyrule. Mais le soldat n'en fit rien, il ploya le genou et accepta devant tous la tâche qu'elle lui confiait. Et ce simple geste donnait à la jeune femme un regain d'espoir. Rien n'était perdu tant qu'elle aurait des gens en qui placer sa confiance.

Zelda prêta alors une oreille attentive à ce qu'il s'était jusque là forcé à taire, jusqu'à obtenir une occasion de parler. Et le simple ton qu'il employait suffisait à faire comprendre combien l'affaire lui semblait urgente. Et elle l'était. Ils n'avaient plus le luxe de se passer d'alliés  potentiels. Elle savait l'amour du chef Goron pour la vie en autarcie, sa tendance à vouloir régler seul les problèmes qui se présentaient à son peuple tant que la situation n'était pas désespérée. Mais les Gorons dépendaient d'Hyrule, et la réciproque était tout aussi vraie. Tout comme elle devait prendre contact avec la princesse Zora, il fallait inciter les Gorons à travailler main dans la main avec eux. À au moins collaborer avec les autorités du fief le plus proche qu'était Cocorico pour commencer.

Les paroles du soldat sonnaient juste, et si elle ignorait ce qu'en penseraient les nobles autour d'eux, elle était assez habituée au franc parler de Link pour ne pas prendre ombrage face à une vérité délivrée de façon brute.

La princesse saisit le second parchemin avant de s'adresser au page qui l'avait porté jusque là.

"Apportez-moi de quoi écrire je vous prie."

Elle n'eut pas à préciser plus sa demande puisqu'il en avait suffisamment entendu pour comprendre de quoi elle avait besoin exactement.

En attendant qu'il revienne elle se tourna à nouveau vers le soldat en hochant la tête en signe d'approbation.

"Je savais que Darunia n'était pas très souvent en contact avec les autorités de Cocorico mais j'ignorais à quel point les dissensions engendrées étaient fortes et impactantes. Je compte sur vous pour lui faire comprendre l'importance de rester unis par les temps qui courent."

La jeune femme lui tendit toutefois le parchemin qui avait attendu jusque là.

"Vous aurez donc à passer par Cocorico. Je vous confie aussi ce message à transmettre à vos collègues qui s'y trouvent toujours. Il annonce l'arrivée de renforts, ainsi que la hausse de la solde de ceux qui ont pris part aux combats récents et des rations envoyées au village. C'est peu en comparaison de ce qui est arrivé, mais nécessaire pour faire face aux difficultés."

Elle tourna la tête alors que le page revenait avec le nécessaire d'écriture sans doute emprunté dans son bureau, le tout posé sur un petit support plat en bois.

"Merci."

Sans attendre elle se saisit de la plume et du parchemin pour rédiger un laisser-passer. Le servant n'avait oublié ni la cire, ni la bougie, et elle eut tôt fait d'appliquer le sceau qui ajouterait encore plus de poids à sa signature.

Se tournant à nouveau vers Abigaïl, elle lui remit le laisser-passer.

"Il vous ouvrira les portes de la montagne et du Village Goron. Puissent les Déesses veiller sur vous."

Jadis déjà elle avait envoyé un messager auprès du chef Goron, bien que plus jeune et en agissant dans le dos de son père plus qu'officiellement à l'époque. Link ne lui avait jamais raconté ce qui s'était exactement passé pour que le chef Goron accepte de lui confier la pierre ancestrale dont il avait la garde, et avec le recul elle doutait que sa seule parole ait suffit. Sans doute pourrait-elle lui poser la question à l'occasion. Pour l'heure, elle espérait que le soldat réussirait tout aussi bien à faire entendre raison à Darunia.