Posté le 04/06/2012 01:47
Ce jour là, Llanistar avait cru mourir, par deux fois. Ce jour là, il avait combattu au delà de ce qu'il était capable de supporter et avait dû abdiquer lors des évènements finaux, à bout de forces. Ce jour là néanmoins, il se sentait mieux que jamais depuis plusieurs années. Le gout âpre et acide du combat, le son vivifiant de l'acier contre l'acier, la frénésie qui s'emparait de chaque combattant lorsque les épées étaient dégainées...Tout cela lui avait manqué. Elle était loin à présent cette époque où il menait plusieurs légions à la bataille en chargeant, devant la première ligne en hurlant le cri de guerre des Rusadir. Disparu le temps des bannières dressées, de la gloire auprès du peuple et du respect de ses hommes. Et cela lui manquait, il le savait à présent.
Enfermé dans sa mélancolie, sa déprime, il n'avait cessé de se poser la question : pourquoi suis donc si malheureux ? Et quand bien même la perte de son unique amour continuait de l'affecter, il avait conscience qu'autre chose le travaillait au plus profond de lui même. Maintenant, il savait. Le premier jour de son exil, l'amoureux et le général étaient tous deux morts et Llanistar ne s'était jamais trouvé de meilleurs rôles dans la vie. Son enfance n'était pas heureuse, être mage ne lui avait jamais plu et il n'avait jamais été seigneur ni père. Rien ne restait plus de lui qu'une épave, dérivant sur les flots de sa vie alors qu'il avait eu un jour, un temps le sentiment d'être le seigneur des mers. Et voilà que pour la première fois depuis une éternité, le nordique regardait sereinement le soleil se coucher.
Monté sur l'une des rares montures encore en état de supporter le voyage, Llanistar tenait le chancelier Orpheos devant et contre lui de sa main restante afin de l'empêcher de tomber. L'homme ne s'était pas éveillé à la suite de son combat et le nordique avait refusé de laisser à d'autres le soin de s'occuper de lui. Orpheos l'avait sauvé des ombres et une dette se devait d'être payée. Il avait donc commencé le voyage sitôt qu'il s'était senti en état de monter sans risquer de défaillir, laissant le prince et quelques hommes à la citadelle avec comme recommandations de quitter le lieu aussi rapidement que possible. Llanistar avait été le premier étonné lorsqu'il avait donné ses ordres. De quel droit pouvait il commander à des soldats ? Mais aucun d'entre eux n'avait émit d'objection et tous s'étaient exécutés sans attendre.
Et tandis qu'il dominait le désert de dunes sans fin, le calme l'avait envahit et même cette région inhospitalière lui apparaissait comme magnifique. Ses inquiétudes étaient pour son compagnon, qui n'avait pour l'instant pas encore montré de signes d'un réveil imminent. Dans quelles brumes oniriques pouvait bien se trouver Orpheos à cet instant ? Qu'avait il subit lorsqu'il s'était aventuré dans les ombres ? Sans doute le chancelier répondrait il à cette question mais il fallait encore regagner le château.
Llanistar fit signe à la colonne des Hyliens de continuer à avancer sur la piste de pierre. Car si Ganondorf avait su rendre le voyage d'aller ardu, son départ de la citadelle rendait le retour aisé. En effet, depuis le sanctuaire où le spectre les avait guidé jusqu'à la citadelle serpentait une large route composée de lourdes et imposantes dalles de pierres gravées. L'expédition reprenait donc la direction du château. Meurtrie, elle pouvait au moins se réjouir d'avoir réussit à libérer le prince...Néanmoins la peur tiraillait chaque combattant. La peur que la princesse n'ait été touchée par l'attaque sournoise de leur ennemi. Mais malgré cette angoisse, ils savaient que courir ne servirait à rien. Ils devaient faire au plus vite sans épuiser leurs forces. C'est dans cet esprit que la compagnie traversa puis sortit du désert à la nuit tombée. Après un sommeil court et agité pour beaucoup, ils reprirent leur route à travers la vallée gérudo puis la plaine d'Hyrule.
Le troisième jour se levait quand ils arrivèrent enfin au bourg d'Hyrule. Le pont levis était baissé pour leur passage et sitôt qu'ils entrèrent, plusieurs soldats vinrent aux nouvelles, s'enquérant d'un ami parti à l'assaut ou de nouvelles plus générales. Llanistar repéra ce qu'il devina être un officier et s'approcha de lui. Dés qu'il vit Orpheos, toujours inconscient sur la même selle que le nordique, ce dernier l'interpella.
"M'lord ! M'lord ! Etes vous Llanistar van Rusadir ?"
Bien qu'étonné qu'un hylien puisse le connaître, le nordique répondit sans perdre contenance.
"C'est bien moi officier. Es-ce vous qui commandez ici ? Le soldat hocha la tête et Llanista poursuivit.Bien. Je veille sur le chancelier, tombé dans le sommeil au cours du combat. Pouvez vous nous ouvrir les portes du château qu'il soit mit en sécurité et soigné ?"
Nouveau hochement de tête et l'officier transmit aussitôt l'ordre à ses hommes de former une ligne au devant de la compagnie pour faciliter leur arrivée à la forteresse royale. Llanistar essaya de retenir le visage de cet homme. Dans les mois à venir, Hyrule aurait besoin de soldats prompts à réagir et vifs d'esprits. Ce soldat en était un. Et le nordique pensait bien avoir affaire avec lui prochainement. Le cortège se mit donc en branle et sans qu'il en eut conscience, Llanistar se retrouva à sa tête. Alors qu'ils arrivaient à la place du marché, les habitants s'amassèrent autour d'eux et le nordique tenta de cacher dans son manteau sa blessure à la main. Nul n'avait besoin de voir cette marque de faiblesse. Pour eux, il était un noble, droit et fier sur sa monture. C'était tout ce qu'ils devaient voir. Ni sa fatigue, ni ses blessures. Un symbole se doit d'être glorieux et Llanistar s'efforçait de se souvenir comment l'être.
Dés qu'ils arrivèrent dans la première cour du château, la compagnie se dispersa. Certains suivirent des officiers pour faire leur rapport, d'autres semblèrent se réjouir à l'idée d'un repos bien mérité, d'autres repartirent vers la ville dans l'idée de se changer les idées et d'autres allèrent vers les jardins royaux en quête de calme. Llanistar démonta de cheval et, prenant orpheos dans ses bras malgré son unique main, se fit mander un médecin pour le chancelier. Ce dernier arriva sans délai et lui demanda de le suivre jusqu'au appartement de l'homme inconscient. Là, le nordique l'installa sur son lit et il s'assit dans un siège confortable qui se trouvait là. Il prit quelques instants pour se détendre pleinement en fermant les yeux. Depuis combien de temps n'avait il plus sentit le confort d'un pareil trône ? Une année, il lui semblait. Plusieurs jours de cheval ont le don d'épuiser n'importe quel homme et Llanistar n'était pas des plus endurants. Quand il sentit les douleurs de ses crampes s'apaiser, il prit le temps d'observer l'antre du chancelier.
La pièce était peu chaleureuse ; ni le sol, ni les murs de pierre n’étaient décorés. Droit devant l’entrée, seule une grande harpe dorée avait été placée près de la fenêtre, d’où le musicien pouvait admirer la vue du Mont du péril au loin. Le lit à baldaquin où il reposait faisait face à une cheminée dont le bois restait inusité. A gauche de celle-ci se trouvait une commode richement ornée ; à droite, le siège sur lequel il était assis, et devant, un guéridon qui croulait de livres poussiéreux. Des livres qu’il n’avait peut-être pas le courage de parcourir, qu’en savait-on.
Lorsque le médecin eut finit de l'examiner, il déclara qu'il allait chercher de quoi le remettre sur pieds et Llanistar accepta de rester pour veiller sur lui. D'après ce qu'il avait comprit, la princesse était occupée. Elle aurait surement le temps de l'accueillir plus tard. Il aurait surement à parler avec elle. Une idée lui trottait dans la tête. Une idée folle mais à laquelle il tenait. Avec lenteur il s'approcha du lit et examina son occupant. Sans aucun doute, Orpheos était beau. Plus encore même. Ce genre d'homme doté par les dieux d'un visage parfait que le sommeil rendait comme innocent. Et tandis qu'il observait son compagnon, Llanistar ne pouvait s'empêcher de se demander.
*Qu'as tu bien pu faire pour te trouver ainsi, béni des dieux ?*
Le regard du nordique descendit vers sa main...Ou plutôt là où elle aurait dû être. Tous, ils avaient laissé une partie d'eux même à la citadelle, ce jour là. Un sacrifice pour chacun. Le sien était élevé mais il n'était pas mort. Et tant que la vie subsistait, l'espoir ne mourrait pas. Et Llanistar ferait tout pour qu'il ne meurt jamais.