Posté le 12/09/2014 15:08
Malgré le soleil, l'air était toujours frais à la campagne. Le manque de vêtements et la faim ne faisaient qu'amplifier le phénomène, donnant à la pauvre petite silhouette à la chevelure violette des allures d'épouvantail dévoré par le vent.
Treize ans, un âge où les responsabilités arrivent. Mais pourtant son regard bleuté suivait sans répit la course effrénée d'une petite fille derrière son papillon. Personne ne voulait jouer en sa compagnie, et personne ne l'avait jamais voulu. Sa maman faisait trop peur à tout le monde, à hurler toute la journée, puisque déjà enivrée au lever du soleil, sans qu'on sache si c'était le fruit de l'alcool du matin ou les restes de celui de la veille au soir. La jeune femme aux allures de vieillarde avait déjà agressé physiquement des enfants et verbalement leurs parents. Le mari n'était que rarement là, et quand il l'était, sa surdité le préservait, mais l'empêchait aussi d'intervenir.
L'ouverture d'esprit n'étant pas ce qu'on recherchait le plus, Negaï était automatiquement mis dans le même panier. Pourtant, même avec cet homme qui ne le regardait pas et cette femme qui le frappait plus qu'elle ne l'embrassait, ses yeux débordaient toujours d'un amour infini. Un rien captivait son intérêt, et il avait eu ce don de trouver la beauté là où personne ne prenait la peine de la chercher.
Alors oui, le petit épouvantail était malheureux. Mais sans son intervention, la petite fille offrait au monde la beauté de ses mouvements, de sa joie, de ses rires. Sans son intervention, elle gardait les yeux rivés sur autre chose que la misère que sa mine représentait. A cet âge, l'innocence est le plus beau des cadeaux, et Negaï préservait au mieux ce présent. On grandissais suffisamment vite, et il refusait d'accélérer le processus.
Mais un petit éclair rouge-orangé attira son attention. Un petit garçon, plus jeune que lui, et tout aussi maigre. Ses vêtements semblaient en piteux état, vue de loin. La chose violette ne put s'empêcher de s'identifier à lui. Il ressentait sûrement plus que tous les "quelqu'un" du coin, mais il n'était "personne". Sans réfléchir, il se lança à sa poursuite, ses pieds nus se prenant dans sa robe rapiécée et trop grande pour son corps qui prenait tout son temps pour grandir.
"Attends ! Attends !"
Enfin les deux enfants furent à la même hauteur. Negaï dominait le petit roux d'une tête, mais ça ne valait pas la peine d'être relevé. Un grand sourire plein de promesses et d'espoir illumina sa bouille pleine de crasse.
"Tu veux jouer avec moi ?"