Posté le 09/09/2012 14:47
Elle lui demandait son nom. La lassitude aurait pu s’emparer du garçonnet trop vite devenu grand comme le typhon s’empare d’une ville ; avec brusquerie, sans prévenir… Aucun signe avant-coureur qui aurait alerté ce changement d’humeur. Car lorsque la gloire s’est donnée le mal de vous bercer d’illusions, vous croyez avec foi que votre nom brillera en haut du Livre des héros pour toujours, jusqu’à la nuit des temps. Mais c’est se tromper que de penser que vous ne tomberez pas dans l’oubli. Astre, le bras destructeur du Malin, le roi de la propagande, du pamphlet saignant de haine et de rancœur, habitué à la dépression de ses émotions, sourit. Il suffit. Il est fini le temps de se morfondre, la croisade reprend, les saints récupéreront les terres sacrées et ce dans le sang des infidèles. Ceux qui auront oublié son nom auront une réminiscence très brutale lorsqu’il chevaucherait sur son fier destroyer, épée et hache dans les mains, à tailler dans le vif la chair de ces ovins couards au cerveau éteint. C’est dans cette vitalité nouvelle qu’il puisa une certaine modestie :
« Astre. Appelez-moi Seigneur, nous sommes entre nous après tout. »
Son sourire de fripon faisait s’effondrer les esprits les plus courageux. Dans ses yeux une lueur nouvelle, non pas celle de la vengeance mais celle de la reconquête. Oui, il était fin prêt à se relever, à faire brûler son âme pour en recueillir les cendres et se gagner une nouvelle virginité spirituelle. S’il pouvait tout recommencer à zéro la vie qu’il avait menée jusqu’à présent, il ne changerait rien. Il souillerait son âme encore et encore à boursoufler ces impies paillards d’hématomes et de coupures. Car Astre est un tueur, un assassin, un guerrier qui ne peut atteindre la transcendance que dans la lutte sanglante et sans fin. Ses épaules se rehaussèrent ; la vie jusque-là refluée aux confins du matérialisme le plus abrupt, coulait à présent sans encombre dans son corps fatigué. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait heureux.
« Mais rassurez-vous, mes pitreries sont terminées. Nous allons tester les talents de ce Chevalier-ci, et voir s’il est aussi aisé pour lui de manier l’épée que de s’abandonner aux méditations. »
Sans prévenir, la lame jaillit hors de sa prison de cuir et l’étreinte du vent sur l’acier froid la fit briller de mille feux. Rictus de plaisir, il se lança sur cet énergumène, prêt à en découdre, à saigner du cochon, à récupérer sa fierté évanouie et revenir sur Hyrule en seigneur sans maître.