Posté le 18/08/2012 16:49
"Aaargh... !"
En effet le choc fut dur. Le revenant dont les morceaux de peau pendaient jusqu'à chuter au sol venait de frapper Endë au crâne. Un coup de poing fichtrement bien placé, dans la tempe du jeune homme. Si l'attaque avait été effectuée avec une agilité imperceptible, se rapprochant presque du principe de la persistance rétinienne, la chute fut lente, très lente. Le corps du blond fut littéralement projeté à environ deux mètres. Et pendant qu'il parcourait cette petite distance aérienne, sa vision se brouilla. Il ne vit rien durant ce temps, quelques secondes à vrai dire. Un épais suaire noir s'était posé devant ses rétines, avait-il fermé les yeux ? Oui, mais même ouverts, le vide sidéral se faisait encore face à lui. Puis un flash apparut, parcourant toute cette distance noire. Une étoile salvatrice ? Elle grandissait progressivement jusqu'à ce que sa vision passe du noir à l'immaculé aveuglant. Il avait touché le sol à présent, frappant tout son dos. Un peu plus et son rachis cervico dorso lombaire n'était plus qu'un tas de vertèbres émiettées. Quelle chance il eut de ne pas subir une chute plus violente. Aucun dégât au niveau des os, il parvenait à bouger, mais la douleur était bien là malgré tout. Toujours ce flash omniprésent devant ses yeux bel et biens ouverts. Le pré-adulte tenta -et ce, tant bien que mal- de se remettre sur pieds. Il y parvint, mais titubait affreusement, le choc se faisait encore largement ressentir. Sa vision revint, et il vit le décor du lac, d'un flou tellement épais qu'il ne percevait réellement que les couleurs du lieu, un peu comme un tableau à l'aquarelle. Le paysage tournait, tournait, tournait, dansant dans des flammes de couleurs, un mélange psychédélique que seul un individu sous l'emprise d'une drogue forte aurait pu voir. À moins que ce ne soit un peintre diabolique qui se prêtait à l'ornement d'une fresque abstraite devant les yeux du garçon. Désorienté, ses pieds l'abandonnèrent aussitôt après qu'il se soit levé. Le Démon s'amuse à troubler sa vision. Que voyait-il, si ce n'était un mélange d'esquisses abominables ? Et le visage immonde du mort-vivant se dessina. Rêvait-il ? Ou bien étaient-ce là les dernières choses sensées nous apparaître avant de mourir ? Le garçon n'en était plus très sûr. Vivait-il encore ? Non, impossible qu'il soit mort, puisqu'il s'était relevé tout à l'heure. Ses yeux commencèrent à récupérer l'un des cinq sens qui leur revenait de droit. La vue, enfin. Endë était face au lac, devenu noir. Une immense créature canidée venait de surgir pour bondir ensuite non loin du jeune homme. Au contact du sol, les pattes du "loup" -s'il semblait en être bel et bien un- transformèrent l'herbe. Devenant herbe séchée, herbe morte, puis fragments végétaux décomposés. Le blondinet se demandait encore si sa vision ne lui jouait pas des tours. D'où venait cette créature du Diable ? Etait-il resté inconscient autant de temps ? Peu de renseignements à ce sujet, et chacun des combattants présents ici vaquaient d'ores et déjà à d'autres passe-temps belliqueux. Que se passait-il ? L'immense loup coloré, qui semblait s'échapper des rêves fantasmagoriques d'Endë quelques secondes plus tôt, semblait dégager une sorte d'aura malfaisante. Une toxine, un poison, quelque chose de mauvais pour l'eco-système et pour tout organisme vivant. Ses pensées se confirmèrent lorsqu'il vit de loin l'état du bras de la blonde un peu plus loin.
Le Londëyantien ravala difficilement sa salive. Non, plutôt une nouvelle gorgée de sang. Après tout, son nez cassé déversait encore un peu de sa précieuse hémoglobine, cette dernière se réfugiant dans le premier endroit qu'elle rencontrait, la bouche du garçon. La douleur était insupportable. De toutes parts, le garçon était blessé. Le nez, une joue, une tempe, le plexus, le flanc. Mais il en fallait plus pour le tuer. Il avait la tête dure, et une ténacité à toute épreuve. Après tout, le Désert lui-même l'avait formé. En cet instant d'ailleurs, ô combien il regrettait de ne point pouvoir user de sa magie des dunes. Le sable du lac est mouillé, impossible de tenter quoi que ce soit. Le loup monstrueux laissa exploser son aura autour de lui, ce qui créa une sorte d'onde invisible, agissant comme une supernova, les flammes en moins. Le jeune homme fut à nouveau projeté en arrière. Il n'en pouvait plus de tout ça. Si son courage n'était pas à toute épreuve, il se serait tout simplement jeté à l'eau pour en finir une bonne fois pour toutes. L'eau... Quelqu'un y nageait. Un garçon, visiblement quasiment aussi agé que lui, ayant des traits identiques. Un blond. Endë essaya de se relever, tout en regardant l'individu trempé. Une nouvelle personne sortit la tête de l'eau à quelques mètres de lui. Une femme cette fois, rousse et particulièrement belle. Quoiqu'on ne put guère tellement le remarquer au vu de ses cheveux complètement ravagés par l'eau. Endë crut reconnaître-là les traits d'une Gerudo, mais il n'en était pas sûr. Ces deux personnes devaient probablement venir de la vallée, d'ailleurs. avaient-ils sauté dans la rivière... ?
Il fallait se relever. Très dur exploit encore une fois que d'y parvenir. Le corps d'Endë semblait devenir lourd comme une pierre. À quatre pattes, il se tenait face au sol, luttant par tous les moyens contre la gravité qui souhaitait le ramener dans une étreinte avec la terre. Ou bien était-ce son propre corps qui n'avait plus de force. Les membres tremblants, il se remit à genoux. Continuant de se relever, il toussa une gerbe de sang. Le pauvre bougre était également égratiné de partout. Sur pieds et tremblant encore à cause de la douleur, il s'adressa aux deux nouveaux baigneurs :
"Ahhh..."
Hélas non. Il avait le souffle coupé et ne put guère proposer son aide, il n'en était de toutes façons pas capable. Plus capable. Le trop-blessé empoigna son épée une énième fois et la planta dans le sol pour s'appuyer dessus. Il voulut pleurer, crier sa douleur, mais n'en fit rien. Si ses yeux se fermaient maintenant, ce serait certainement la fin. Et il ne fallait pas, non. Le guerrier aux trois sabres s'exclama à haute-voix, ce qui fit sursauter le blond.
"Ecoutez-moi tous ! J'aurai aimé en apprendre davantage sur vous tous, vous qui n'avez pas hésité à braver les dangers pour sauvez votre prochain... mais pour l'heure, cette fille a besoin de soins au plus vite ! Je l'emmène donc au Bosquet Sacré voir Saria !"
À ces mots, le Londëyantien tira une tête d'enterrement. Sa mine prit une autre teinte. Il s'en allait, les effectifs diminuaient de deux. Ce qui était bien trop pour le peu qu'ils étaient, et le peu qui étaient encore en état de se battre. Comment allaient-ils faire ? Après quelques pas, l'homme aux cheveux verts s'exclama de nouveau.
"Mon nom est Galastop, souvenez-vous en car nous nous recroiserons tous un jour, j'en suis persuadé ! À la prochaine, Compagnons... Que le vent vous accompagne !"
... "Compagnons". Cela sonnait étrangement aux oreilles du blond. Comme si... ses paroles étaient empreintes de vérités. Ils se reverraient tous. Endë y croyait. Et les mots de l'homme redonnèrent espoir et courage au jeune homme d'Andùnësil. Tout n'était pas perdu, tout pouvait encore arriver...
"Bien, Galastop... Je vais faire mon possible pour venir à bout de cette chose. Je doute tout de même que mon corps ne me le permette encore. Mais je n'abandonnerai pas. La détermination ne plie sous aucun joug."
Un nouveau souffle de vie prit possession du corps du guerrier. Le dernier encore debout, visiblement. Les paroles de Galastop dissipèrent presque sa douleur. L'adrénaline naissait une nouvelle fois. Endë retira son épée du sol et regarda un instant son reflet sur la lame, avant de la pointer vers le démon canidé.
"Montrons-lui qui nous sommes, Sverdsol."