Posté le 14/04/2012 01:16
Le suaire qui recouvra ses yeux l'apaisa. Pour un instant il s'autorisa à clore ses paupières sur les deux billes bleues qui lui permettait de voir. Un instant, il s'autorisa à souffler. Prendre une seconde de répit, avant de repartir dans la bataille.
Il inspira profondément – et avec quelques difficultés, soyons francs – avant de faire de nouveau un moulinet de la main gauche, et de déchirer ce voile d'ignorance qui le coupait du monde extérieur. Une brève retraite en son sein. Un bref instant passé avec une rousse qu'il ne pourrait jamais oublier. La seconde qu'il avait passé les yeux fermés, il ne l'avait pas vu se dérouler seul. Et même si jamais elle ne le quittait réellement, Malon s'était clairement dessinée sur le fond noir.
Quittant cette image chère à son coeur, et laissant de côté ses inquiétudes (il ne savait toujours pas ce qu'il était advenu de la rouquine, suite à l'assaut sur le Ranch..!) pour le temps que durerait l'affrontement, encore, l'Hylien s'arma de patience, et de courage. Il ne pouvait de toute façon faire autrement.
Il sentait le poison se mouvoir dans sa jambe, et gagner son corps entier. Infiltré dans la plaie, transporté par le sang, escorté par cette brûlure intense, le venin faisait effet, et violemment. Loin d'être uniquement paralysant, il arrachait au jeune homme des douleurs aiguës. Si celles-ci ne transparaissaient pas sur son visage, ou son corps, c'était en parti du aux effets de la substance, qui l'empêchait de bouger, plus que par volonté pure.
Le Croisé ne s'était pas encore relevé, ni n'avait donné signe de vie, mais le blond était loin d'être dupe : il en faudrait plus que l'effondrement de plaques d'armures pour le jeter à terre. Peut être la hache avait elle fait mouche..? Peu probable. Aucune trace de sang, pas la moindre traînée carmin ne maculait les pierres de sables, à l'endroit de la chute. Et les Déesses savent qu'un coup pareil aurait fait suffisamment de dégâts – une morsure mortelle, pour qu'un épanchement sanguin soit inévitable.
La logique voulait donc que son ennemi en eût réchappé. Le Champion de Farore pesta devant tant de théâtralité, tant de mise en scène. Pourquoi vouloir faire durer un suspens stupide à ce point..? Ce duel apparaissait-il comme un jeu, aux yeux de ce sinistre combattant ? Bien que toujours calme en apparence, c'était le genre de pensée qui provoquait chez lui une colère forte. Quelque rage dangereuse, feu noir insatiable (à ceci près que jamais il ne s'était retrouvé dans pareille situation.). Il en venait à faire au Cid Gris le même reproche silencieux qu'au Prince : la vie ne devait pas être un jeu. Quelques soient les circonstances.
Hélas, force avait été de constater que cette mentalité se développait de plus en plus souvent. Un mépris de la vie qu'il répugnait. Mais chaque fois, il en était frappé, surpris, tant cela lui était incompréhensible. En dépit du poison qui infectait ses veines, ses doigts se resserrèrent sur la garde d'Excalibur. Il fixait les décombres, tandis que grondait en lui l'ire qui animait ses membres, qui faisait battre son coeur. Le même sentiment que celui éprouvé contre Ganondorf (en moindres proportions).
Dès lors que le prophète du Gérudo pointa le bout de son nez, il fut accueilli. Le Héros lui même ne s'attendait pas à cela, et le trait qui se ficha à deux pas à peine de la tête de son adversaire. Pas plus que celui-ci, néanmoins, c'était certain.
L'archer ne tarda pas non plus à se présenter. A croire qu'il était devenu coutume d'attendre avant de se montrer. Mais l'aide qu'apportait cet inconnu était la bienvenue, et loin de lui l'idée de la dénigrer.
Link attrapa l'outre tant bien que mal, malgré son état de paralysie – non pas total, mais bientôt généralisé aux deux jambes – mais ne commença pas à boire.
Tout allait vite. Trop vite. Sans avoir ajouté quoique ce soit, le Croisé s'engouffra (fut engouffré ?) dans des ténèbres plus sombre que l'ébène. Bientôt l'homme fut entièrement happé, et dans un bruit de succion atroce, il disparut définitivement. Sans être un pleutre, l' « garçon de la Forêt » ne pourrait prétendre avoir été indifférent à cette matière opaque et – il lui semblait – vivante. Il n'aurait su dire pourquoi, mais il était persuadé que cette chose qui venait d'emmener l'inféodé du porteur de la Force était douée d'une volonté propre, d'un esprit, de vie, à proprement parler. Et cela lui faisait froid dans le dos.
Le silence retomba sur le parvis de la Citadelle. Il fixa un instant la gourde, et la décapuchonna. Son intuition et son nez le portaient à croire qu'il s'agissait de potion rouge, mais il n'aurait pu y mettre sa main à couper. La seule façon de le savoir était de suivre le conseil de celui qui venait de l'aider (le sauver..?). Il n'avait pas vraiment le choix de toute façon : ou il attendait ici que le poison termine son oeuvre, ou il tentait le tout pour le tout. Et loin d'avoir le temps de tergiverser, il releva la tête, prêt à boire.
La longue rasade qu'il avala lui semblait en effet être de la potion rouge. Quelque peu différente de celle de la vieille de Cocorico, mais bel et bien quelque dérivé de la même mixture. Faisant attention à ne pas terminer le récipient, l'homme en vert reboucha l'outre et la renvoya à son propriétaire, avant d'exprimer sa gratitude.
"Merci. Je ne sais qui tu es, mais je te dois beaucoup. Les Déesses te gardent !"
La boisson avait un effet anesthésiant tout à fait appréciable. À mesure qu'il sentait son énergie se recomposer, et le produit se diffuser dans son organisme, il sentait la douleur refluer. Ses défenses renforcées, elles luttaient plus activement contre la substance qui enduisait la lame du Cid. Il sentait le poison reculer, la fièvre s'éloigner. Pour un temps. Il lui fallait faire au plus vite.
Adressant un dernier regard à son protecteur dont il ignorait tout, il hocha la tête, en signe de remerciement, puis s'enfonça dans la forteresse en elle même.