De passes et d'acier

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C'est dans un sourire malsain que son visage se déchira en deux, après que l'acier n'ai griffé sa chair un peu en dessous du nez. Ses dents jaunies par les années et la moisissure s'échappèrent aussi vivement que le fer avait frappé. Et son regard ; toujours aussi morne ; toujours aussi vide ne changea pas d'un pouce. Malgré le talon qui vint le cueillir le foi et malgré le fer qui éventrait son bras d'épée, dans une gerbe dorée. Il avait toujours sont petit sourire – assez involontaire, au demeurant – et ce regard inexpressif dans lequel l'Hylien plongeait le sien, bien moins avare en rage que sa langue ne l'était en paroles. La fureur qui l'animait accompagnait chacun de ses coups et chacun de ses coups faisait naitre une nouvelle plaie aux reflets de blé. Que pouvait-il faire, lui pauvre petit être tout juste capable de soutenir le regard de son adversaire, face à une telle tornade..? Rien. Rien sinon attendre que sa tête ne roule au pied de l'ennemi qui s'était présenté à lui en ce bien triste matin d'hiver qui de toute évidence serait son dernier.

Les doigts de l'Enfant-des-Bois gagnèrent la hampe de l'épée sacrée tandis que ses deux mains se rejoignaient pour un dernier assaut. Son pied s'ancra tant bien que mal dans la neige particulièrement vivace. Il pivota, les dents serrées. La lame de son adversaire se brisa sur le coup, tandis qu'il tâchait de se protéger. Excalibur trancha au travers de l'épaulière, avant d'attaquer la gorge, puis le bas du menton et de la mâchoire. La paille s'envola bien avant que la tête du mannequin n'épouse la poudreuse. Les brins retombèrent lentement, planant doucement sur l'air frais de cette saison qui gelait tout Hyrule. Il laissa son bras gauche retomber contre son flanc, et l'estoc de sa lame s'enfoncer elle aussi dans les petites dunes blanche, qui brillaient déjà, à l'aube.

Il se laissa un instant pour souffler, tandis que la chaume dégueulait un peu partout, ça et là. Son regard se porta sur le septième épouvantail, puis sur les vingt autres qui restaient encore intacts. Le vieux cuir qui bardait ses doigts grinça comme il avait grincé hier. — Comme il grincerait demain. Pliant les genoux, il s'éleva dans les airs suffisamment haut pour pouvoir prendre appui sur l'unique épaule encore en état de la précédente maquette. Et une fois à nouveau en suspension, il frappa de pic et de perce. L'alliage pénétra au travers du casque de bois comme le fer chauffé pénètre le beurre, et fora le tissu de bure sans la moindre pitié ni le moindre remord. C'était la colère qui menait son poing plus qu'aucune destinée héroïque ou qu'aucune marque divine. Cette colère même qui ronge le coeur des hommes les plus faibles et brise les rêves un à un pour ne laisser que la douleur ; la peine et le désespoir.

La gravité se rappela douloureusement à son être quand il fut contraint de lâcher son arme pour ne pas se briser le poignet dans la chute. Il avait beau être agile, souple et rapide à apprendre, il était encore tant de chose qu'il ne maîtrisait pas. Et bien qu'il aurait été difficile au soldat de paille, de bois et de tissu de clamer la victoire, il n'aurait guère pu la réclamer non plus. A terre, partiellement recouvert de neige et désarmé il lui semblait qu'il était plus faible et plus démuni que jamais. Dans un élan rageur qui ne lui ressemblait pas – c'est du moins ce qu'aurait certifié la plupart de ceux qui le connaissait, si pas tous –, il se hissa sur ses deux jambes avant de se saisir de la garde de son épée. D'abord à deux mains ; puis à une seule. Son pied pris appui une seconde fois à mesure qu'il ne se laissait aller à ce courroux qui le sapait plus qu'il ne l'aidait. L'acier s'extirpa sans mal du crâne improvisé. Le modèle d'entrainement se brisa en deux : le Sans-Lignage pesait volontairement dessus, et de tout son poids.

Il ferma les yeux, avant d'expirer à nouveau. — Plus longuement. Un nuage de vapeur s'éleva devant son visage. D'un geste rapide il s'épongea le front de l'avant-bras. Une goutte de sueur passa au travers les mailles du filet, et dévala son visage jusqu'à glisser sur sa paupière et gagner l'un de ces cils. Les étages supérieurs et les créneaux de la forteresse Gérudo volèrent en éclat. Belle hurla son nom. Brusquement, il s'éveilla derechef au monde qui l'entourait. Le sable se laissa porter par le vent et laissa place à la blancheur immaculée de cette neige aux teintes verglacées. Au moins n'avait-il pas vu les morts. Pas encore.

Excalibur s'embourbait dans la neige. Pas moins droite que dans sa stèle, elle semblait représenter cet honneur et cette symbolique qu'il n'avait jamais cherché. En ce matin, la facture céleste de l'épée lui pesait plus que jamais. Il la laissa, plantée dans le gel qui pavait les sols comme elle l'était jadis dans la pierre, pour mieux aller s'asseoir sur la souche qui faisait office de billot, non loin des figurine de chaume et de tissu. Aussitôt assis, le Fils-de-Personne prit sa tête entre ses mains et se massa le front comme les tempes tant bien que mal. Depuis l'amnésie partielle qui l'avait frappée, il peinait à s'avancer dans le Castel sans ressentir un profond malaise et souffrir de cuisantes migraines. De ces douleurs qui assombrissaient les coeurs et ternissaient les âmes. Il pesta en silence, tandis que l'adrénaline retombait peu à peu, et que le froid s'emparait de lui. Il était habité, lui aussi, par la même colère que celle des faibles pour la simple et bonne raison qu'il n'était en rien différent d'eux. Plus fort qu'eux ? Pfeuh. Plus chanceux, sans doute. Plus orgueilleux ? Vraisemblablement. Mais pas moins faible. Non, en vérité, la seule nuance résidait dans le fondement même de leurs ressemblances : si eux haïssaient le monde, sa fureur ne se dirigeait que contre lui même. Contre son impuissance, contre ses peurs, ses colères, et ses doutes. Il regrettait le temps de son enfance. Non pas parce que tout allait bien. — Pas que. Tout avait alors le mérite d'être plus clair dans son esprit ; et il n'avait guère à s'embarrasser de tant de questions. Au début, du moins. Bien vite était arriver le temps ou l'enfance prend fin. Trop tôt peut être.

Son haleine se condensait en même temps qu'il lui semblait que le givre s'invitait au plus profond de son être et s'attaquait à ses poumons. L'Hiver n'était plus juste extérieur : il était presque persuadé qu'il le respirait. En fait, s'il n'avait pas été de si sombre humeur, peut être aurait-il pris la peine de se couvrir un peu plus que de coutume. Au lieu de quoi, ses yeux restaient inlassablement fixés sur le cuir bouilli – et trempé – de ses bottes. Il s'essaya tout de même à un coup d'oeil vers l'Épée de Légende, mais le rayon de soleil qui frappait la lame l'aveugla. « Funérailles... — » Siffla-t-il, sans desserrer les dents et moins encore les lèvres. Le froid les colleraient l'une à l'autre tôt ou tard ; de toute façon.


Llanistar van Rusadir


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Après un ultime vacillement, la bougie s'éteignit. C'était la troisième dont la mèche s'épuisait depuis qu'il était assis avec ce scribe, occupé à éplucher des lettres venant de tout le royaume. Cela faisait plusieurs jours que des oiseaux et des messagers arrivaient au château, porteurs d'à peu prés toujours les mêmes missives, à quelques mots prés. Depuis l'arrivée de l'Hiver, Llanistar avait dû demander au trésor du royaume plus de moyens pour ravitailler ses hommes, pour placer des garnisons dans des endroits en proie à des raids de Ganondorf mais également pour commander aux forges plus d'armes et d'armures. Zelda avait accepté ces demandes, d'autant plus qu'elles étaient appuyées par le vieux Cerscastel. Mais pour cela, il fallait faire rentrer plus d'argent dans les caisses de la couronne.
C'était peu de dire que le royaume d'Hyrule était une contrée de paradis pour les nobles et les riches. En paix depuis des siècles, sous l'égide d'une famille royale sans trop de goûts luxueux, les puissants n'étaient pas habitués à devoir donner. Depuis son arrivée au poste de général, Llanistar s'était fait des ennemis en déclarant ouvertement que la guerre allait exiger de tous des efforts, et surtout auprès de ceux qui pouvaient largement se le permettre. Comme à Artensir, les imbéciles préféraient voir leurs domaines pillés ou leurs marchandises raflées que de payer un impôt extraordinaire. Cette attitude, le nordique pouvait le comprendre sur sa terre natale, puisque Jehovaren enchaînait les guerres d'agression contre des voisins pacifistes. Mais à Hyrule, c'était le royaume qui était attaqué ! Et pourtant...


« Une missive du comte des Trois Chênes qui affirme qu'il ne payera pas un impôt que ne payait aucun de ses ancêtres. Il ajoute trouver l'idée révoltante et bla bla bla... »

Llanistar pouffa en échangeant un regard quasi complice avec le scribe. L'homme, légèrement plus vieux que lui, semblait acquis à la nouvelle politique de Zelda. Si au début de la journée, il se montrait réservé et distant, plusieurs heures à lire et relire les même refus les avaient rapprochés, de sorte qu'ils en riaient presque tous les deux, à mesure que le tas de lettres ouvertes grandissait sur la table.
Bien sur, ils auraient pu s'arrêter là et envoyer tout ce parchemin alimenter le foyer de la grande salle, mais il y avait l'autre type de réponse. Certains nobles se souvenaient encore de la loyauté qu'ils devaient aux Hyrules, et ils répondaient favorablement à l'appel avec un sens de l'honneur et du sacrifice qui bouscula parfois Llanistar. Il se souvenait encore de ce vieil homme qui offrait au royaume la moitié de ses réserves de grain ainsi que le service militaire de ses trois fils. Présentement, la couronne avait besoin de plus d'hommes tels que lui, des hommes oubliant leur petit intérêt et prêt à donner à la hauteur de ce que le royaume et les Dieux leur avait donné. De vrais nobles, les seuls que le nordique appréciait, ceux qui se montraient à la hauteur de leur rang. Mais au final, ils représentaient une minorité largement écrasée par la majeure partie des mesquins et des avares. Llanistar ouvrit une énième lettre, lut des choses surprenantes à propos de la sexualité de sa mère et jeta le papier aussitôt qu'il eut rayé le nom du seigneur à qui il devait de tels propos. Un de moins sur lequel compter.


« C'est à se demander si ils se considèrent plus Hyliens ou riches. Et au final, ce sont les mêmes qui viendront se plaindre si l'armée n'a pas les moyens de les défendre. Je suis las de tout cela pour aujourd'hui, nous reprendrons demain. »

Le scribe hocha la tête et soupira autant de soulagement que de la même lassitude que le général. La fatigue se lisait déjà sur son visage alors que le soleil n'avait pas encore dépassé son zénith. Leur tâche avait débutée très tôt, bien avant l'aube. A présent que l'Hiver était tombé sur Hyrule, les journées ne duraient pas longtemps, de toute manière, aussi les bougies s'épuisaient elles largement plus que d'ordinaire.
Llanistar se releva et sentit son corps raidit par des heures sur une chaise sans bouger. Il s'étira, sentit ses blessures les plus récentes, celle de la bataille, le tiraillait légèrement. Au final, le nordique s'était plutôt bien remit de son duel perdu, au moins physiquement. Mais à chaque fois qu'il prenait un bain et passait de l'eau sur une de ses plaies au dos, il frissonnait en repensant au démon à la hache et à son amie, Tali.


« Bonne journée, général. »

La politesse du scribe le ramena à la réalité et il lui rendit son salut d'un signe de tête.
Le Rusadir se remémora de ses obligations pour le reste du jour, et réalisa qu'il avait au moins une heure pour lui avant une réunion d'officier. Etouffant dans ces salles chauffées, il sentit un besoin de voir le ciel et de sentir le vent d'Hiver sur sa peau. Car malgré son amour de Markand et des fruits de Rheinnor, régions ensoleillées de l'Empire, les racines ne sauraient mentir et Llanistar avait toujours préféré les neiges et le froid aux grandes chaleurs du Sud.
Il aurait pu tenter de voir Orpheos, bien sur, mais son amant avait besoin de repos et son état était encore trop faible pour que le général n'aille contre les recommandations du médecin royal. Il prit donc la direction des remparts encerclant la cour intérieure, murs d'où la vue était magnifique sur les alentours.

Lorsque le nordique arriva à la lourde porte de bois qui protégeait l'intérieur du castel du froid matinal et qu'il l'ouvrit, aussitôt, le vent s'engouffra dans le couloir, faisant claquer son long manteau bleu. Les Hyliens ne savaient pas apprécier ce vent ni la fraîcheur de ces jours blancs. Le général Rusadir n'aimait pas la neige car elle ralentissait la mise en oeuvre de ses stratégies, mais l'homme l'adorait. La neige lui rappelait Waundel, ses montagnes et ses vallées. La nostalgie efface ce dont on n'a pas envie de se souvenir, et ainsi Llanistar ne repensait plus aux tourments infligés par son père et ses frères lorsque sa mémoire le ramenait chez lui. Waundel avait un goût de paradis perdu, de havre tranquille.
En proie à une légère mélancolie, le nordique marchait lentement sur le rempart, passant sa main de chair sur la neige couvrant chaque créneau. Pour un homme aussi pressé, sollicité de toute part, des instants aussi tranquilles étaient une bénédiction.

Ils furent cependant écourtés par des cris étouffés mais audibles, venant de la cour, en contrebas. Llanistar, curieux, se pencha et vit que Link s'entraînait contre des mannequins. Excalibur tranchait sans relâche, maniée avec une certaine rage et une énergie intimidante. D'ailleurs, même si d'autres soldats s'exerçaient également, tous le faisaient à distance, comme si ils craignaient un accès de fureur du héros. Sans doute ne le connaissaient ils pas. Qui pouvait d'ailleurs s'en vanter, excepté Zelda elle même ? Link avait un côté profondément solitaire, le nordique avait au moins cerné ça de lui. Ca, et sa volonté sans faille, qu'il admirait. Il se demanda depuis combien de temps son frère de sang s'entraînait dans cette cour, par ce froid, et réalisa en voyant combien il semblait fatigué que Link pouvait très bien avoir commencé avant même que le soleil ne soit levé. C'était bien dans son style en tout cas.

Llanistar eut alors une idée en voyant Excalibur plantée dans la glace. Sans s'annoncer ni faire de bruit, il se dirigea vers l'escalier du mur et descendit jusque dans la cour. Silencieux, il s'approcha de l'épée toujours figée, glissa sa main sur la poignée et tenta de la soulever.
Il y parvint...un instant à peine. Ployant soudain sous le poids titanesque de l'arme, qui ne pouvait être que surnaturel, son poignet manqua d'être brisé et il dut lâcher Excalibur qui retourna fendre la glace. Le nordique eut un sourire à moitié rassuré, et à moitié triste. Triste car l'idée d'être un élu des déesses au lieu d'un simple mortel lui aurait plu. Rassuré car au moins, Link était bien celui que tous pensaient qu'il était. La force nécessaire pour lever cette épée, le jeune homme la possédait, et Llanistar devina que cette force ne résidait pas dans ses muscles mais bien dans quelque chose de plus haut, de plus noble. N'importe quelle brute peut se vanter d'être fort, mais pour brandir des épées comme celle là, il fallait autre chose. Il déclara alors, à voix haute, fixant toujours l'épée,


« C'est décidément un allié extraordinaire, cette lame. Tu crois que les dieux pourraient m'en prêter une de ce genre, à moi aussi ? »

Il s'était retourné vers Link et lui souriait d'un air espiègle, comme un enfant qui s'amuse du blasphème qu'il vient de proférer parce qu'il n'a pas encore assez peur des dieux.


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L'acier avait parfois ce profond défaut. Parfois, il se plaisait malignement à accueillir l'éblouissant éclat d'un soleil de bon matin, ou pire, celui d'un soleil au zénith. Parfois, l'acier prenait cette mesquine allégresse à aveugler les yeux mal-avisés qui osait se poser sur sa surface plus polie que celle d'un miroir. Mais la vérité était que l'Hylien n'avait pas osé. Certains diraient qu'il s'y était d'ores et déjà brûlé les ailes. D'autres qu'il savait pertinemment quoi voir au travers des images que renvoyait cette lame aussi mystérieuse et insondable que le plus profond des océans. Mais, au fond, bien peu savaient sa lassitude et moins encore sa colère.

Il avait vu le Général, là-haut sur ses remparts. Sans véritablement le voir, toutefois. Cette capacité à s'isoler presque entièrement du reste du monde lui avait sauvé la vie mainte fois par le passé, et ce avant même qu'il ait eu à brasser l'air de moulinets de fer pour la première fois. Son corps avait pris connaissance de tous ces éléments qui l'entouraient sans que son attention n'en soit pour autant dispersée. Du moins... C'était le cas. Avant qu'il ne se laisse aller à cette même haine qui lui inspirait tant de dégoût, jadis. Cette rage qui, somme toute, lui interdisait de poser le regard sur cette épée bénie des Trois.

L'Enfant-des-Bois poussa un profond soupir, avant de laisser son bras droit retomber sur son genou de nouveau rougi après avoir lourdement cogné le mur qui soutenait les mannequins, dans sa chute,  tandis que le gauche venait encore soutenir son front. Sur ses tempes coulait une sueur en contradiction avec la rigueur de la saison, et de ses lèvres sensiblement gercées s'échappaient quelques nuages de vapeur, à mesure qu'il ne haletait. Et à chaque fois que cette fumée au parfum presque plus amer que la bile qui serrait son coeur s'effritait sous la force du vent d'Hiver ; une certaine légèreté le gagnait de nouveau. Lentement, surement mais aussi inconsciemment, le blond menait son frêle esquif jusqu'à un îlot de sérénité qu'il était pourtant en passe d'oublier jusqu'à lors. Et il fut tenté de fermer les yeux — et de se laisser embarquer pour un voyage qu'il ne ferait sans doute jamais. Prendre la mer à nouveau, et naviguer jusqu'à ce que l'horizon devienne mirage, que le nord soit baigné d'une douce chaleur et le sud balayé par des bourrasques plus glacials qu'aucun des blizzards d'Hyrule. Trop de chose restaient à faire sur cette terre, et sans doute ne voudrait-il pas plus la quitter après qu'elles aient été accomplies qu'il ne souhaitait l'abandonner aujourd'hui.

Un instant, il laissa son fardeau rouler au sol comme on laisse s'effondrer une besace bien trop lourde et bien trop encombrante. Un instant, il redevint le petit homme, puis l'adulte qu'il avait été et qu'il aurait pu être. Fatigué, certes. Blessé, certes. Mais droit. Silencieux à la façon d'un arbre, solide à la manière d'une roche. « Par delà ces tours, solides et hautes ; » Commença-t-il à fredonner, dans un murmure, reprenant grossièrement l'un des chants d'espoir que ses pérégrinations avaient eu loisir de lui enseigner.  « Par delà ces montagnes dures et froides ; » L'air n'avait pas ce sang-bleu qui faisait de certaines chansons de douces et belles mélodies. Il n'avait pas ces atours lyrique, pas plus qu'il ne connaissait de rimes subtiles : ça n'était guère qu'une prose roturière parmi les proses paysannes.  « Au dessus des ombres, le soleil ; plus haut que les nuages gris, les étoiles — »

Sa voix ne portait pas loin. Elle ne portait jamais très loin, au fond, et moins encore quand il chantait.  Il aurait fallu, indéniablement, tendre l'oreille pour saisir la portée de ces mots de fermier — de fermière en réalité, qu'il se laissait aller à prononcer de nouveau. Si loin que remonte son esprit, il était encore en possession d'un Fragment divin et de la Bénédiction d'une Déesse, la dernière fois qu'il avait susurré cette mélodie appris à force d'écoutes discrètes chez Malon. Et finalement, il réalisait doucement qu'il n'avait pas changé. La Grand-Pièce de Ganondorf était noyée dans le sang, étouffée par les tripes et les cadavres. S'amoncelaient corps sans vie, armures explosées et gamins démembrés. Triste impuissance qu'avait été la sienne, à ce moment là. Triste impuissance qu'était encore la sienne aujourd'hui. Son estomac se nouait encore tandis que lui revenait les images de tous  les enfants d'Hyrule, morts pour elle. Jetés dans une boucherie qui tenait plus de l’exécution publique que du véritable affrontement. Et si, sans cesse et jusqu'à présent, sa colère s'était dirigée contre un Parjure et Voleur, il en allait différemment aujourd'hui. Car la rage qui l'habitait et berçait ses membres d'une agréable chaleur alors qu'il éventrait quelques mannequins était la même que celle qui l'avait poussé à promettre à Belle la tête de son époux.

"Le jour est loin d'être terminé, Llanistar." Souffla-t-il à son ami, d'un ton plus apaisé que le visage qu'il avait pu montrer la veille tandis que le Général chérissait son amant retrouvé. Ses yeux revinrent à l'acier qu'il n'osait plus contempler auparavant. Ils suivirent silencieusement les lignes de l'épée, ses courbes, jusqu'à gagner la main de fer — tribut que le Nordique avait payé pour Hyrule également. Et sans doute l'officier cherchait encore à comprendre le sens de ses mots, qui reprenaient en vérité la chanson de Flamboyante, quand il se hissa sur ses deux jambes, faisant fi de la fumée qui s’élevait depuis sa bouche, de la sueur qui tamisait son front, et du sang qui imbibait l'étoffe de ses chausses. « Qui sait si tôt ou tard cette épée ne sera pas tienne. » Glissa-t-il encore, tout en s'approchant de la Lame qui l'avait choisi voilà des années plus tôt. Ses doigts gagnèrent la hampe - particulièrement froide - d'Excalibur. Il lui semblait que le froid transcendait le cuir qui bardait ses poignets. Il tint bon. « Garde à l'esprit que ça ne reste qu'une épée, au fond. »  Continua-t-il, tandis que l'estoc fendait de nouveau la glace, imperceptiblement, en sens inverse. « Ça reste un fardeau plus qu'un cadeau. » Il avait tenté d'expliquer la même chose à la Princesse. Peut être l'un deux saisirait ce qu'il voulait dire par là.

Lentement, mais sûrement, l’Épée de Maître s'extirpa à son piédestal de verglas.  Et bientôt, le Fils-de-Personne se laissa aller à un moulinet. Un instant, il songea à proposer à Llanistar de la manier. Un instant, avant de se souvenir de différents événements. D'abord, le sommeil dans lequel il avait été plongé pour gagner le droit de porter l'acier à la hanche (dans le dos, en l'occurrence). Puis, Rauru, qui lui expliquait pourquoi personne d'autre ne pourrait brandir cette arme à sa place. Enfin, l'échec cuisant de Zelda, quand il avait du affronter Ganon. La jeune femme avait bien essayé de tirer l'alliage céleste hors de terre, sans jamais parvenir à le faire bouger d'un pouce.

Alors, il ne la proposa pas. Au lieu de ça, d'un regard tantôt malin, tantôt complice, dans l'esprit de l'air qu'arborait le Rusadir après sa tentative, le Sans-Lignage lâcha un petit coup de poing dans l'épaulière de plates du soldat.  « Hé, tu sais quoi ? » s'enquit-il. « Je suis persuadé qu'avec ou sans cette lame, tu te défens mieux que moi ! » Et, comme en de rares instant, Link décocha un sourire à son ami. Son frère de sang.


Llanistar van Rusadir


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[HRP]Le quote sert juste à mieux rendre un truc dans le post, je reviendrais à la normal après.[/HRP]
« Le jour est loin d'être terminé, Llanistar. »

Le nordique haussa un sourcil en constatant que son frère de sang semblait de bien meilleur humeur que la veille, lorsqu'il était arrivé au château en lui ramenant Orpheos. Depuis qu'il avait constaté l'attitude sombre et distante de Link, il n'avait pas cessé de se questionner sur les raisons qui le poussait à rester ainsi ostensiblement à l'écart, sans parvenir à trouver de réponse. Le général en savait trop peu sur son ami, ignorait tout du périple enduré avec Impa ou même de sa relation avec le château et la cour. Llanistar se doutait bien que tous les deux partageaient une aversion certaine pour les courtisans et les intrigues sournoises entre ceux là, mais Link lui avait paru comme affecté dans sa chair, comme malade, au sein de ces murs. Réentendre la voix de son frère et le voir revenu à un état normal le soulageait donc autant que le retour de son amant, sain et sauf.

« Link. Merci, pour Orpheos. Je ne sais pas si j'aurais pu continuer sans lui. »

Llanistar savait que le héros ne se battait pas pour les honneurs ni pour les remerciements, mais il ne pourrait pas échapper à la gratitude de son frère. Le général lui devait beaucoup, plus sans doute que n'importe qui à Hyrule mis à part la princesse elle même, et il espérait que Link prenne sa gratitude pour ce qu'elle était, sincère et éternelle.
L'Hylien se leva, et s'approcha de lui. Llanistar avait remarqué que le regard du jeune guerrier s'était attardé sur sa main de fer, qui tenait toujours la poignée de son épée. Il éprouvait alors une sensation étrange, comme si sa main était toujours là, au bout de son poignée, en chair et en os. C'était une sensation qu'il éprouvait régulièrement mais jamais aussi nettement. On aurait dit que c'était l'arme divine qui lui procurait cette sensation apaisante.


Comme si sa main avait été plongé dans un feu, Llanistar ne put tenir la poignée un instant de plus. Ainsi rappelé brutalement à la dure réalité, il considéra avec déception le membre de métal qui semblait le narguer, froid et figé à jamais. Puis son regard revint à l'épée de légende. Le nordique ne pensait pas avoir rêvé mais il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il avait pu entendre et ressentir. Excalibur, par un simple contact, l'avait arraché à l'une de ses douleurs les plus dures à porter : la perte de sa main. Et plus que cela, une présence dans l'épée, ou bien l'épée elle même lui avait parlé. Dans une langue inconnue, bien que familière. Il y avait là un mystère obscur pour le général, assez méfiant devant tout ce qui sortait de l'ordinaire. Tandis qu'il réfléchissait, Link s'était approché de lui et avait posé sa main sur son arme.

« Qui sait si tôt ou tard cette épée ne sera pas tienne. Garde à l'esprit que ça ne reste qu'une épée, au fond. »

Lui mentait il ou ignorait il ce qu'avait ressenti son frère ? Llanistar penchait pour la seconde option. Link n'était pas du genre à lui cacher des choses et il n'avait jamais irradié de la même aura, la même puissance que Zelda ou Ganondorf. Il était un guerrier, le meilleur de son temps peut être, mais pas un mage doué d'un grand talent pour la magie. Le connaissant, il était parfaitement possible qu'il n'ait pas conscience de la valeur d'Excalibur. Désireux de lui objecter ce qu'il venait de ressentir, le nordique allait lui répondre quand l'Hylien poursuivit,

« Ça reste un fardeau plus qu'un cadeau. »

Llanistar ne pouvait que le comprendre. Depuis qu'un Oracle l'avait désigné comme sauveur et libérateur des peuples de l'Empire, la vie du dernier des Rusadir avait basculé dans une lutte sans merci contre la tyrannie, en dépit de ses désirs et de ses rêves. Sacrifiés ses ambitions comme ses envies de paix et ses projets de famille. Sa vie s'était alors lancée sur une voie de laquelle on ne pouvait se détourner... Et Link connaissait cela, aussi. Son frère lui répondit donc,

« Ca n'est pas un véritable cadeau. Ca n'est que l'instrument que les dieux t'ont donné pour que tu accomplisse la tâche. Un coup de main intéressé... Il posa sa main sur celle de Link, sur l'épée, et lui sourit légèrement avant d'ajouter, solennel, ...Mais ça n'en reste pas moins un grand honneur que d'être son porteur. Je suis sur que de grands hommes ont brandi cette épée. Des hommes droits, qui défendaient les faibles et ceux qu'ils aimaient. Comme toi, Link. Quand à moi, ce sont d'autres dieux qui m'ont poussé sur cette voie, je ne saurais brandir Excalibur. Elle t'appartient. »

Llanistar ne pouvait nier que cette lame l'avait attiré, fut un temps. Lorsqu'il n'était encore qu'un étranger répondant à l'appel d'une princesse à qui on avait volé son mari, lorsqu'il suivait un héros inconnu jusque dans les sables les plus féroces, lorsqu'il avait affronté avec lui la sorcellerie de leur ennemi. Cette épée, qui repoussait le mal et tranchait les ténèbres, il l'avait désiré pour lui et pour son combat. Mais connaître Link lui avait fait comprendre que lui seul en était digne. Aussi, il retira sa main d'Excalibur et en décrocha son regard. Lui avait une autre arme, son don.
D'un simple coup d'oeil, il réalisa que plusieurs soldats étaient venus s'entraîner, profitant du soleil d'hiver qui faisait scintiller le manteau blanc de neige et de glace qui couvrait la cour. Un certain nombre l'observait, lui et Link, l'air intrigué, comme en attente de quelque chose. C'est alors que son compagnon, une lueur maligne dans le regard, lui décocha un léger coup de les épaulières, ajoutant,


« Hé, tu sais quoi ? » s'enquit-il. « Je suis persuadé qu'avec ou sans cette lame, tu te défens mieux que moi ! »

Le héros le gratifia d'un sourire complice que Llanistar connaissait trop bien. Un sourire de guerrier, d'homme, de frère. Le nordique réalisa ce que lui proposait Link et il lui rendit son sourire. Après tout, ils ne s'étaient jamais mesurés l'un à l'autre, bien que chacun se soit observé à l'action. Il y avait là une occasion en or, que le général comptait bien ne pas laisser passer. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas affronté quelqu'un de son niveau, voir supérieur à lui. Il lui répondit avec un ton bravache inhabituel chez lui,

« Je n'en suis pas si sur, mais autant vérifier ça selon la règle ! Hey, toi ! Il fit signe à un écuyer oisif à côté du stock d'arme d'entrainement, Deux épées, en acier ! »

Les armes d'entraînement n'étaient pas aiguisées mais avec de l'acier, on pouvait tout de même ressentir de la douleur, et donc se donner à fond. Et c'était bien ce qu'il comptait faire. Taquin, il déclara à Link,

« Je te laisse le choix des règles. Premier à terre, première touche, bouclier ou non et le nombre de manches. Tant que nous en restons à l'épée, tout me va pour te mettre une raclée ! »

Déjà, le bruit commençait à courir et leur public à s'assembler autour d'eux.


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Il s'était contenté d'un hochement de tête aussi sobre que lapidaire, quand le Général avait abordé la question d'Orpheos. Sans s'en douter jusqu'à l'instant où les deux hommes s'étaient retrouvés, l'Hylien avait fini par comprendre que c'était bien plus qu'un allié qu'il avait ramené au Castel. Et ce qu'il s'agisse de Zelda ou de Llanistar. Un accueil certainement bien plus froid que ce que ce dernier aurait pu souhaiter, toujours dans le ton de ce mal-être qui s'était emparé de lui la veille. Relativement, au moins.

Mais les deux bretteurs avaient eu l'occasion de discuter, après quoi. Discuter autour d'une lame plus qu'autour d'une table et d'une choppe ; comme la dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés dans une situation similaire. Et s'il n'était pas certain que Belle ait saisi le message qu'il avait tenté de lui faire passer, il avait le sentiment que l'officier comprenait mieux son être — en ce point précis, au moins. Il n'en restait pas moins des points de désaccord, qu'il n'irait cependant pas discuter. Pas aujourd'hui, ni ici. Sans rejoindre le Nordique sur les questions d'honneurs et de grandeur, il ne désirait pas développer plus avant quoique ce fut. Ne serait-ce parce qu'il ignorait les raisons du choix de l’Épée de Maître. Il préférait mille fois l'ombre discrète et solitaire au héros brûlant de milles feu dorés, mais la vérité était telle qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qui faisait de lui un homme susceptible de brandir Excalibur plus qu'un autre. C'est pourquoi il avait pris le chemin du silence, comme souvent. Trop, peut-être.

Les hommes s’amassaient peu à peu. Les regards avec eux. Il ferma un instant les yeux, conscient de toute cette mise en scène qu'il montait, sans que Llanistar ne réalise à quel point elle était calculée, vraisemblablement. Comment le pourrait-il..? C'était tout sauf dans ses habitudes, et il n'y avait nul besoin de le connaître véritablement pour comprendre qu'il n'avait jamais voulu attirer le regard et moins encore briller. Pour autant, il lui semblait au plus profond de son être qu'il était nécessaire qu'il le fasse en ce jour et en cette heure. Parce que s'il savait à quel point un symbole pouvait être futile, il savait également à quel point cette futilité marquait les hommes et leur coeurs. Mieux qu'aucun serment, sans doute.

L'écuyer finit par arriver, les bras encombrés de deux épées à bout rond, ainsi que d'une rondache de bois et d'une targe cloutée. L'Enfant-des-Bois leva les deux suaires de chaire, pour découvrir le regard de l'Etranger dans lequel il plongea le sien, déterminé à affronter tout ce spectacle qu'il mettait en place sans que personne ne s'en doute. « Alors je me permets de te laisser la targe. » Souffla-t-il, comme un murmure un secret des plus importants à un ami proche, tout en se saisissant d'une des épées - la plus courte - et du pavois circulaire. Il décocha ensuite un sourire à son adversaire. Un de ceux que seuls partagent les amitiés forgés par la guerre ; chauffée dans le brasero des batailles et cristallisée dans la peine partagée.

Il s'arracha aussitôt que le Rusadir se soit équipé de son écu et de son épée. La rondache était à la targe ce que le glaive était à l'épée, et sa légèreté était un de ces atouts que Link avait toujours favorisé. Pourquoi, sinon, ne partirait-il pas au combat enfermé dans un de ces carcans de plates et d'acier comme la plupart des hommes de troupes ? C'était tout juste s'il portait des mailles. Et cela n'avait  pas toujours était le cas.

D'un bond en arrière, il avait su s'éloigner de son adversaire, sans pour autant trop se rapprocher des mannequins éventrés qui agonisaient dans son dos. D'un bref regard, il estima la distance qui le séparait de Llanistar. Suffisante pour juger succinctement de la qualité du travail de forgeron, que le soldat de métier devait connaître autrement mieux qu'il ne le faisait : si l'un s'entraînait vraisemblablement souvent, c'était loin d'être exactement le cas pour l'autre. Pas de la même façon, du moins. La lame pesait bien peu dans son poing, en comparaison de l'épée céleste qu'il avait l'habitude de tenir. Légère, et sans doute trop pour qu'il ne se sente à l'aise avec. Qu'importe. D'un moulinet, il jugea de son équilibre. Parfaite pour l'exercice, sans doute, mais bien plus dangereuse pour son porteur que pour son ennemi dans un véritable combat, il lui semblait.

Tout autour d'eux, les clameurs commençaient à s'élever. Ses jambes se fléchirent, et son bras droit vint se placer partiellement devant lui, sa lame derrière (presque dans la même position que celle qu'il préférait avant de se lancer dans une attaque circulaire) alors que son dos se courbait vers l'avant. Les hommes brûlaient sans doute de voir le début de l'affrontement, et s'il avait toujours davantage tendance à se laisser aller au combat, il prit cette fois un instant pour établir un semblant de stratégie. Il jaugea Llanistar différemment ; comme il ne l'avait encore jamais fait. De la même façon qu'il l'avait pour le chef de file des mercenaires, sur le chemin de ronde de la herse de la Forteresse de Pierre, aux portes du Désert. De la même façon qu'il avait jaugé Ganondorf enfant, avant de déférer dans une bravoure qui semblait tenir plus de la témérité suicidaire que de l'incarnation du courage.

Il laissa tremper l'estoc arrondi de son épée dans la neige encore fraîche de la matinée, avant de s'élancer aussi soudainement qu'il n'avait reculé auparavant. Et loin d'avancer à petit pas, le Fils-de-Personne se permettait des foulées qu'aucune armure n'aurait jamais autorisé. Car à se battre ainsi qu'il était vêtu, il perdait certainement en protection mais le récupérait tant en liberté de mouvement qu'en légèreté ou en discrétion. Autrement plus ardu de surprendre un adversaire quand le moindre geste fait assez de bruit pour tirer toute une garnison de son sommeil.

Il arrivait à son ennemi. Bientôt, dans un peu plus de trois pieds, il n'y aurait que l'acier pour les séparer. Du moins... C'est ainsi que combattaient la commune mesure des guerriers, fussent-ils tourne-casaque, chevaliers ou Fine-Lame du Roi. Il n'était aucun d'entre eux. D'un simple pas de diagonale, il se déporta sur la droite de Llanistar, et balança son bras, comme pour fendre de la hanche à l'épaule. Trop loin, indéniablement pour ne serait-ce que frôler l'homme d'arme, mais la gerbe de neige décolla plus vite que ne l'aurait fait une flèche. Et le Sans-Lignage comptait suffisamment sur son adresse pour aveugler au moins temporairement le fils de feu le Duc de Waundel. Quoiqu'il puisse en être, le vagabond continua d'avancer. Dès qu'il lui fut possible de le faire, il frappa de nouveau. La tranche de sa lame fila vers l'arrière du genou, prompt à chercher les tendons qui, en combat réel représentait l'un des points faibles les plus stratégiques. Un homme incapable de tenir debout est un homme mort.


Llanistar van Rusadir


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Lorsque Llanistar eut bloqué la targe contre son bras avec une sangle, sa main de fer l'empêchant de l'empoigner, il referma ses doigts restants autour de l'épée que lui tendait l'écuyer. Link avait choisit la plus courte, tout comme la protection la plus légère. C'était là ce qui les différenciait, le nordique et lui. Quand le second misait sur son agilité et sa vitesse, le premier avait été à une autre école. Pour avoir affronté des hommes de tous horizons, le Rusadir n'ignorait pas les forces et les faiblesses du style de combat qui était le sien et jamais il n'avait estimé nécessaire d'en changer.
Klaveen avait fait de lui un roc, une colonne de pierre. Dans un combat à l'épée, de fait, l'agilité n'était pas une arme absolue. Un homme bien protégé et suffisamment vif dans sa défense pouvait se protéger de tout. L'adversaire se retrouvait alors à combattre un mur. Un mur prêt à rendre les coups.

D'un bond, Link s'était éloigné. Profitant de la distance entre eux, Llanistar prit un instant pour soupeser son arme et fit quelques moulinets avec. L'épée n'était pas aussi longue ni aussi bien équilibrée que la sienne, mais elle ferait l'affaire. Du coin de l'oeil, le général repéra que de jeunes soldats se joignait au cercle de curieux qui s'était formé autour de lui et de son frère de sang. Ce combat qui ne devait être qu'un entraînement commençait à porter un enjeu : celui du respect de ses hommes. Tous connaissaient la valeur de Link, mais si le Héros ridiculisait la tête de l'armée...
Llanistar inspira profondément, en fermant les yeux. Un instant et un souffle plus tard, il était prêt à se battre. Son regard se posa sur Link, et se mit à l'observer comme il le ferait avec un ennemi mortel. Il ne fixait ni les yeux ni la lame de son adversaire mais légèrement au dessus de son épaule droite. Un réflexe, appris sur les champs de bataille, qui lui permettait de mieux sentir les assauts ennemis. Conscient que la situation demandait un peu de spectacle, il asséna à Link une pique moqueuse,


« Tu sais comment je réponds aux garçons insolents ? Je leur donne la correction qu'ils mérit... »

Llanistar n'eut pas le temps de finir sa phrase que déjà son frère se lançait contre lui. Sa lame vint effleurer le sol et expédia des éclats de glace vers le nordique. Un geste rusé mais qui marchait mieux avec de la poussière et du sable. Le Rusadir n'eut qu'à lever sa targe pour protéger ses yeux tandis que le héros s'approchait de son jarret. Un botte habile, mais déjà vue.
D'un coup vif du plat de sa botte, le nordique écarta l'épée ennemie et profita de la position vulnérable du héros, encore emporté par son élan, pour lui expédier une estocade en direction du bras toujours tendu. Puis se déportant sur le côté en pivotant sur un pied, il reprit un appuis solide et parti à la riposte. D'un bond vif, il revint au contact de Link et le pressa de coups rapides de quarte et de quinte de manière à l'habituer à parer sur son flanc droit et sa tête. Enfin, espérant le surprendre, il porta sa targe violemment contre la sienne, en y mettant tout son poids, tandis que son épée allait chercher la jambe de l'hylien.


Link

Héros du Temps

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Comme il l'avait supposé, l'étranger parvint à échapper au tranchant de l'arme qu'on lui avait confié. Comme il l'avait supposé ; et comme il l'avait espéré. Si Llanistar n'avait pas été à même de se tirer de cette première passe d'arme, la situation aurait été bien différente... — et certainement pas pour le mieux. Il savait (ou du moins, croyait savoir) l'efficacité du Général pour commander les troupes mais ils n'avaient jamais eu l'occasion de s'observer au combat, de se jauger. Somme toute, il préférait nettement l'idée que l'officier ne soit pas qu'un tacticien mais également un bretteur capable. Et s'il savait déjà quelle serait l'issue de ce défi, il comptait évidemment se renseigner – voire se rassurer – sur ce point.

Le nordique contre-attaqua vivement. Il aurait été sot de ne pas le faire,  mais plus que tout l'Hylien aurait été inconscient de ne pas s'y attendre. Jouant de ce qui faisait sa préférence pour les mailles faces aux plates, il décolla. Le bras du Rusadir fendit l'air tandis que l'estoc de sa lame frappait précisément où se trouvait son coude un instant plus tôt. Soit beaucoup trop bas. L'air frais balaya ses cheveux, brièvement, tandis qu'il s'élevait encore pour quelques fractions de secondes. Bientôt, il amorça la rotation et avant même que l'officier n'ai baissé son bras, les bottes de l'Enfant-des-Bois s'enfonçaient dans la neige. Si celle-ci n'aidait que peu à la réception, il parvint à se stabiliser sans trop de mal, jambes semi-fléchies, prêt à réagir à un nouvel assaut. Qui ne se fit pas attendre. Le guerrier revint aussitôt qu'il lui était possible de le faire, pour porter de nombreuses offensives sur son flanc droit.

Dans tintement plus sourd que ceux d'Excalibur, les fers des deux hommes se percutèrent, alors que le vagabond repoussait une énième provocation de son adversaire. Et pour que celui-ci s'obstine autant sur son côté droit, il devait y voir une opportunité quelconque qui, pour l'heure, échappait à l'Hylien. Le talon de ses bottes s'ancra un peu plus dans le sol lisse — et froid. Son bras droit monta rencontrer l'épée de son vis-à-vis, et pour la première fois ce fut le bois qui stoppa l'acier. Le craquement n'avait rien de comparable à celui des deux lames et avant même que le poignet de Llanistar ne reparte en arrière, Link sut que sa rondache resterait marquée par la force de l'assaut. Son talon glissa sur la glace, et il réalisa – sans doute un peu tard – la feinte que tentait son ami. Il n'avait pas le temps d'un regard, mais se doutait du mouvement qui serait celui du Fléau de Markand. Et puisqu'il savait que le Duc de Waundel viserait en priorité des points stratégiques, il balança son bras d'épée contre le sien. Le fil des armes sonnèrent clair alors qu'il arrêtait la course du Rusadir vers sa jambe, tout en acceptant néanmoins la targe qui entreprit de caresser son torse. La tête d'un clou s'enfonça entre deux de ses cottes.


L'attaque était prévisible, mais il avait pallié au plus urgent. Le souffle lui manqua un instant. L'officier avait été rapide, indéniablement. En l'espace d'une petite seconde, aussi brève que qu’inattendue, leur regards se croisèrent. Lui sombre, le sien de givre. C'est pendant cet instant de suspense, ou le temps semblait comme figé – et qui faisait le plus souvent parti des moments les plus intenses d'un véritable affrontement – que le Fils-de-Personne amorça sa contre-attaque. Aussi soudainement que succinctement, il joua de l'épaule droite, jusqu'à faire passer son propre bras par dessus le pavois du Seigneur-d'Ailleurs, le coinçant entre son humérus et sa cage thoracique. Ainsi faisant, il découvrait Llanistar de sa protection la plus élémentaire. Dans le même temps, il monta la jambe qu'il avait su protéger pour tenter un coup de genou au foie, que son frère-de-sang risquait de ne pas oublier de sitôt. Profitant ensuite de la faille qu'il avait ouvert au prix d'un sévère coup de targe, il renversa sa rondache de façon à n'en utiliser que la tranche. Sans laisser au Nordique le temps de réagir, il lui asséna un deuxième coup, visant la gorge et plus spécifiquement la glotte. Les attaques portées au faciès ou au cou étaient souvent les plus effrayantes, à en croire ses différents voyages ; et affrontements.


Il espérait parvenir à faire reculer Llanistar. Et, s'il réussissait les deux assauts qu'il avait tenté, il y avait bien peu de chances que son adversaire reste aussi étroitement impliqué dans une mêlée de la sorte. S'il avait porté son armure, rien n'aurait été semblable, mais au vu du simple uniforme qu'il portait il devait revenir de tout un tas de paperasse. Vraisemblablement la même qui occupait longuement Zelda.


Llanistar van Rusadir


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De toutes les leçons qu'avait pu recevoir Llanistar dans ses jeunes années, la plus importante lui venait de son meilleur professeur, Klaveen. Dans la montagne d'enseignements que le Kaer-Général lui avait transmit, il en était une qui lui avait sauvé la vie un nombre incalculable de fois : Dans un combat, il faut toujours garder la tête froide. Et de fait, rien n'était plus important que cela.
Les réflexes, la vitesse, la précision, toutes ces qualités essentielles ne sont rien sans le contrôle, le calme impérieux que l'esprit doit imposer au corps. C'était là la différence entre un soldat et une brute, entre un guerrier et un barbare, entre un homme et une bête. Cette leçon, même un élève difficile comme Llanistar en avait saisit la justesse et la valeur. Pourtant, le général d'Hyrule eut du mal à conserver son calme glacial lorsqu'il réalisa que son petit tour avait plutôt fonctionné. Link l'avait certes stoppé dans la moitié de son geste mais le nordique sentait le contact de la chair et du tissu contre le bois de son bouclier. Sa satisfaction était aussi grande que pouvait l'être son estime de son adversaire. Si il n'y a nulle gloire à défaire un novice, porter un coup à un maître est toujours plus marquant.

Llanistar ne put retenir un sourire en coin qui dû trahir la pointe d'orgueil naissante dans son esprit. Il y eut un instant de silence, où lui et le héros se trouvaient pressés au corps à corps, les pieds fermement ancrés au sol. Puis, Link lui jeta un des regards dont il avait le secret. Un regard impénétrable mais qui signifiait beaucoup. Et alors, le nordique paya son orgueil.
L'Hylien, d'une manière inconnue de Llanistar car sans doute totalement improvisée, bloqua avec son bras la targe du nordique contre lui et, tandis que ce geste surprenant attirait toute l'attention du général, le blond envoya son genoux violemment vers son foie. Le choc diffusa une violente douleur dans tout le flanc de l'exilé, lui faisant perdre son souffle. Néanmoins, ce coup prit permis à Llanistar de quitter pour de bon l'engourdissement dans lequel il baignait encore en partie, conséquence de plusieurs heures de paperasse ennuyeuse. Pleinement éveillé par la douleur, le nordique n'eut besoin que d'apercevoir le tranchant du bouclier et l'amorce du coup pour contrer. Profitant que la jambe du genoux frappeur n'avait pas retrouvé son appui, il lança la sienne pour faucher le héros dans son mouvement, et le faire chuter, tout en s'écartant lui même en arrière.
Malgré sa posture tordue, entre son dos cambré et son bras de bouclier toujours tendu en avant, Llanistar parvint à garder son équilibre et à se dégager d'un geste de secousse du dit bras. Mais à peine  avait il retrouvé son appui qu'il s'élançait à nouveau en avant. Passant au dessus du bouclier du héros, il alla frapper le bras qui le portait d'un coup brusque du pommeau de son épée puis il le percuta violemment avec son bouclier, qu'il portait contre son épaule afin de lui donner un poids plus conséquent. On aurait pu dire de cet assaut frénétique qu'il était insensé, mais de fait, Link lui même avait impulsé un rythme effréné. Et tout bon combattant sait qu'il n'y a que deux solutions dans une telle situation : subir ou enchérir. Llanistar n'était pas de ceux qui subissent.