Posté le 23/12/2013 22:10
L’absence de cri de son adversaire n’avait pas empêché un sourire de passer sur son visage, la présence du liquide carmin qui recouvrait à présent la lame de son épée suffisait à son bonheur. Le but n’avait pas été de faire souffrir la femme qu’elle affrontait, pas encore. Si elle avait heureusement une bonne expérience à l’épée, suffisante pour se débrouiller avec l’arme qu’elle transportait, il y avait des domaines dans lesquels elle pouvait être bien plus redoutable. Elle n’était même pas déçue que les vivres projetés dans la salle n’aient pas fait plus de dégâts, ils avaient au moins bien joué leur rôle de diversion. Ils ne pourraient plus servir à grand-chose d’autre de toute façon.
En revanche, elle était loin de s’attendre à voir l’intruse se jeter sur elle comme une furie. Elle aurait sûrement été plus à même de réagir en temps normal, mais sa tête qui commençait à lui tourner légèrement jouait sur son temps de réaction et l’inquiétait en même temps. Elle ignorait toujours la nature exacte de ce qui avait été lâché dans cette pièce, et était loin d’être vraiment protégée. Elle avait, en outre, eu le temps d’en respirer bien plus que son adversaire, et si cette dernière avait l’air si pressée d’en finir ce n’était pas bon signe.
Elle esquiva tant bien que mal les coups de dagues, forcée de reculer, mais elle n’eut pas le temps de réagir lorsque son adversaire fit un bon au dessus d’elle, et avant de totalement comprendre ce qui se passait, elle sentit le fouet s’enrouler autour de bras et la tirer violemment en avant. Ses vertiges ne l’aidant nullement, elle chuta lourdement, en colère. Si elle avait eu la moindre hésitation sur ce qu’elle s’apprêtait à faire l’instant d’avant, ses doutes étaient balayés. Cette femme le lui paierait cher.
Elle fulminait lorsqu’elle se releva lentement, le crâne douloureux, son corps endolori. Elle vit autour d’elle la mini-tempête qui s’était déclenchée et dont elle eu le plus grand mal à éviter les caisses, mais la haine lui donnait des ailes. Cependant, même sans être assommée par un nouveau choc, elle se sentait tout de même épuisée. Et si sa magie avait vacillé un instant, et que la barrière de la porte se faisait plus faible depuis un instant, elle choisit de la rompre complètement avant que sa fatigue ne laisse à l’intruse le loisir de la briser facilement. De toute façon elle aurait aussi besoin sous peu de respirer de l’air frais, elle n’avait aucune intention de mourir dans cette prison avec cette femme. En plus elle avait besoin de ses forces pour un tout autre projet, et se fichait bien que l’autre s’éloigne. Elle avait déjà ce qu’il lui fallait, et toute la distance du monde ne permettrait pas à la demoiselle d’y échapper. Surveillant son adversaire d’un œil pour s’assurer qu’elle ne revenait pas à l’assaut et préférait s’en aller ou rester en retrait, ses doigts glissèrent sur le fil de son épée, se couvrant du sang de celle qui l’avait tant mise en colère.
Beaucoup de gens dans ce royaume semblaient ignorer le pouvoir que pouvait avoir ce liquide, le lien étroit qu’il continuait à entretenir avec eux, et avec celui qui coulait encore dans leurs veines, et ce, même une fois sorti de leur corps. S’ils avaient su, son petit commerce aurait peut-être eu beaucoup moins de succès, ou du moins ses clients auraient-ils hésité plus longtemps ou payé cash plutôt que de lui laisser en gage de bonne foi un petit flacon de leur sang.
L’important, c’était qu’elle savait comment s’en servir. Cet homme qu’elle avait guidé jusqu’à une embuscade dans la forteresse, elle s’était servie du feu pour lui faire sentir toute la chaleur qui pouvait être transmise par la liaison établie avec son sang, à présent elle avait à portée un autre outil, bien plus vicieux. Un poison dont elle ignorait certes la nature exacte, et l’effet qu’il pourrait avoir, mais ce qu’elle avait pu observer sur les vivres qui les entouraient et produisaient déjà une odeur de pourriture que même le tissu devant son nez ne pouvait pas complètement cacher était prometteur. Peut-être avait-elle-même tout intérêt à chercher à en reproduire un semblable par ses propres moyens. Pour l’heure, il était répandu tout autour d’elle dans la pièce, offert sur un plateau. Ce serait son cadeau d’adieu. Elle se concentra pour établir la liaison entre le sang de la jeune femme et l’air autour d’eux, cet air vicié qui contenait les agents du poison. Le laissant doucement prendre place dans le sang pour s’y répandre, s’y diluer. Elle se demandait combien de temps il lui faudrait pour produire son effet sur la demoiselle, et déclencher le même processus que sur les aliments, ou un effet semblable. Est-ce qu’elle avait seulement prévu un contre-poison alors qu’elle comptait l’utiliser uniquement sur de la nourriture ?
Ses lèvres s’étirèrent en un large sourire.
« Avec mon bon souvenir. »