Posté le 14/02/2013 21:12
Le labyrinthe qui protégeait le Bosquet s'était purement et simplement noyé sous les pluies diluviennes qui avaient investi les cieux puis envahi les nuages avant de laisser éclater les fureurs qu'étaient les leurs. Les flammes avaient reculé, les eaux étaient montées. Et si celles-ci savaient être incroyablement silencieuses, elles ne n'avaient pas su, cependant, abuser l'Hylien. Il n'avait croisé aucun de ces mastodontes qui gardaient autrefois les lieux, à chacun de ses passages. Il n'avait pas rencontré non plus une seule forme de vie agressive, qu'il s'agisse de Mojos — carnivores ou cracheurs de noix, ou d'éventuels Loups Gris, et il s'était demandé si l'incendie puis le déluge n'avait pas « purifié » les domaines sylvestres d'une faune et d'une flore qui pouvait parfois sembler violente.
Ceci l'avait néanmoins renseigné sur bien des choses, à commencer par le fait que ça ne serait ni un Gardien-au-mufle-de-Chien ni un canidé solitaire qui s'avancerait au delà du dédale dominé par les marais. Ils ne mentaient pas sur la présence d'intrus en son sein. Le nénuphar glisse sur l'eau, mais elle crie sa douleur quand des jambes l'écartèlent. Ses doigts restaient fermement verrouillés sur la hampe du fer sacré, toujours au repos dans sa gaine. Ses yeux guettaient le couloir, unique accès au Sanctuaire ; à moins de ne venir du Temple de la Forêt. Un instant, l'idée lui vint de se cacher contre l'une des hauteurs qui coupaient perpendiculairement le chemin, et délimitait les contours de la clairière de Saria. Se faisant, il n'aurait plus qu'à tirer l'acier, et attendre que les inconnus s'avancent pour faucher sans prendre de risque. Il s'y refusa.
Des voix raisonnaient, plus bas, entre les murs de terre. Elles ricochaient sur la vase des marécages nauséabonds, et s'effondraient trop tôt pour que l'Adulte-au-Pays-des-Enfants n'en saisisse les mots, les intonations, les sonorités. Il ne pouvait qu'en déduire que ce qui approchait ne tarderait plus tant. Et ce raisonnement appuyé sur des constats portés par ses sens s'avéra rapidement être juste. Ce que ses oreilles pointues d'Hylien lui annonçait, ses yeux au reflets polaires le lui confirmait. Au bout du chemin, l'onde semblait s'enfler sous des silhouettes qu'il ne discernait pas encore.
Le Fils-de-Personne ne conserva guère plus longtemps cette posture propice à l'affrontement, quand il comprit qu'il s'agissait d'une de celles avec qui il avait vécu les dix premières années de sa vie. Sa main gauche quitta la fusée d'Excalibur, et son bras retomba doucement contre son flanc. Il cessa aussi de jouer des doigts comme il le faisait avec la main droite depuis quelques minutes — depuis le premier bruit qui lui avait paru suspect, depuis que le « Petit-Être » avait décidé de se terrer. Il le sentait contre lui, effrayé et tremblant, et le savait invisible. Si le Héros n'était pas d'un naturel angoissé, il avait très vite appris que la vie ne tenait parfois qu'à un fil si mince qu'une simple mili seconde d'égarement pouvait l'effiler si pas le rompre tout à fait. C'était ce genre de reflexes qu'un gamin un peu débrouillard d'une dizaine de printemps était capable d'acquérir soudainement pour ne pas se retrouver enterré à peine jeté hors du berceau.
Link s'accorda le droit de souffler alors que s'évacuait lentement la tension pour faire place au soulagement. Plus s'avançait cette tignasse vert pin, plus il était rassuré. Et inconsciemment, il savait que son propre ressenti influait sur celui de l'espèce de Feu-Follet qu'il avait retrouvé. L'être agissait comme une éponge et avalait ses propres craintes pour s'en nourrir et ressentir l'effroi plus encore qu'aucun des deux ne le faisait auparavant (le blond n'était pas effrayé, néanmoins, juste conscient du danger permanent que représentait le fait d'être en vie). L'Esprit incandescent s'était décidé à reparaître sur son épaule droite, plus léger et presque plus joyeux. Il esquissa un bond, et se retrouva sur le pommeau de l'Épée de Maître, avant de disparaitre à nouveau, pour mieux revenir sur son épaule droite. Petit ballet serein qui témoignait du calme qui les gagnait tout deux.
Sur ses lèvres se dessinaient les prémices d'un sourire. Il n'avait rien oublié de ce qui avait pu le travailler trois jours auparavant, mais la joie de retrouver son amie n'en était pas – ou si peu – ternie. Tout au long de sa traque pour cette chose qu'il ne parvenait à identifier mais qui se tenait sur cette plateforme de chair, d'os et de tissus, il n'avait pas été à même de penser à autre chose qu'à son objectif. Cette magie l'obsédait de la même manière que ne l'avaient fait les rêves au Loup, quand il avait – agréablement – faussé compagnie à Nabooru. Pour autant, la simple vue de Saria lui rappelait combien il avait été inquiet pour elle, en la laissant en proie aux flammes. Il était heureux de constater de ses yeux qu'elle n'avait rien (en apparence tout du moins) et alors qu'il s'apprêtait à l'accueillir, le visage rieur, c'est sa voix à elle qui s'éleva, presque tranchante. Et sans que ça ne soit volontaire, son propre faciès se referma.
"Saria." Lâcha-t-il, comme un écho à l'apostrophe de la Kokiri. Le rire avait quitté sa voix, celle-là qu'on avait souvent tendance à trouver bien trop peu enjouée, et qui ne s'exprimait qu'en de rares occasions sur des sujets légers.
D'autres arrivaient avec elle. L'un avait les cheveux d'un azur profond et semblait presque aussi jeune d'aspect que les Enfant-des-Bois. Sur son torse, quoiqu'un peu rougi, l'emblème des Chevaliers. Un ami de Conan, donc, et très certainement de la Sage pour qu'elle l'amène jusqu'ici. Sot qu'il avait été, vraiment, de croire que c'était un de leurs derniers lieux à tous les deux. Derrière ce couple s'en approchait doucement un autre, et il réalisa qu'il connaissait, de visu au moins. Un blond, qui lui évoquait quelque chose sans qu'il ne parvienne à mettre un nom dessus. Les voyages avaient toujours été monnaie courante dans sa vie de nomade, et il l'avait sûrement croisé à une quelconque occasion par le passé. Quant à la dernière arrivante, une jolie brune, plus fine et petite que lui mais qui portait un arc, il lui semblait l'avoir déjà aperçue trois jours plutôt, alors que ne craquaient les pins, mugissaient les vents et dévoraient les flammes. Son regard polaire s'était arrêté un instant sur chacun d'entre eux, un bref instant.
"Comment vont les autres ? Et l'Arbre ?" S'enquit-il, simplement, en ramenant ses yeux de givres sur Saria. Il était conscient de la tension qui véhiculait dans l'air, sans nécessairement en saisir la teneur, mais une nouvelle fois sa langue trahissait cette propre froideur qui s'exaltait de lui, unique armure contre le climat qui s'installait doucement mais sûrement.