Comment naissent les Kokiris ?

La conception sylvestre pour les Nuls.

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John Doe


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[ Fait suite à "...De comment retrouver Link" et du RP au Royaume des Songes. ]





Cela sentait âprement l’humus, le renfermé et la sciure. De curieux bourdonnements faisaient échos dans ce noir sans fin. Peut-être des fées ou peut être la mystérieuse naissance d’un Kokiri, qui sait ? Difficile à dire mais là n’était pas le sujet, l’important était de réussir à respirer . Arkhams était enfermé dans une gangue d’ambre cristallisée, maudite sève solide. Impossible de bouger englué comme il l’était. Fatigué d’inaction et affamé de liberté, ses yeux cruellement fermés à jamais le poussèrent à plonger dans le sommeil. A jamais peut être. Il le souhaitait d’ailleurs de plus en plus. Son minuscule monde vacilla et bientôt il oublia presque jusqu’à son existence même.
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« Ouin … ! Ouin … !
-Félicitations, c’est un petit garçon.
-Est-il vigoureux, guérisseur ?
-Menu mais vif, apte aux batailles, regardez ses poings vindicatifs !»
L’homme à la barbe grise et aux rides nombreuses souriait, fier d’avoir mis au monde le premier héritier de son vénéré chef de clan. Celui-ci répondit, laconique :
« Espérons que mon brave fils survive à l’hiver.
-Tout le village y veillera mon Seigneur. Il faut maintenant l’isoler de Dame votre Epouse, avec votre permission.
-Faites, mon ami, faites. Eduquez le bien.
Ouin … ! Ouin … ! »

Le monde s’évanouit, sourd de ses propres cris et aveugle de la petite lumière qui luttait contre ce froid abominable. Tout chancela de nouveau.
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« Sois plus lent, mon garçon ! L’hériter doit se mouvoir avec la perfection des Dieux. Recommence. »

Le maitre était strict et l’élève bougon. Il rechignait à répéter inlassablement les mêmes mouvements à l’épée, ferraillant contre un ennemi invisible avec un sabre de bois. Il s’exécuta et tout fut presque parfait car l’instructeur fit silence. Il se mit en tailleur et le débutant de même, rangeant son arme de frêne à sa ceinture de soie.

« Arkhams, fils héritier de Nikolaus le Gouverneur du Givre.
-Siglaus, fils cadet d’Alphred le Maitre de la Voie du Guerrier.
-Tu n’es pas sans savoir, petit Prince aussi rude que l’hiver, que tu as 13ans. Tu es un homme fait, tu prendras bientôt la place de ton Seigneur et père.
-Oui, Maitre. »

L’instructeur épéiste joignit les mains et fixa le sol, en pleine médiation de fin de séance. Arkhams fit de même avec respect. Et le monde trembla puis disparut.
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« Arrogant et rude fiston. Tu pourras rêver de tes futures gloires lorsque tu pourras boire l’alcool sans t’étouffer.
- Je suis plus ambitieux pour ce village que vous, Père. Nous avons une mine d’or non exploitée, un port de pêche qui ne souhaite que s ‘étendre et un vaste territoire désert à aménager. Et vous n’êtes qu’un Capitaine, un humble conseiller de sa Majesté, parmi tant d’autres. Moi je veux être chancelier, ministre ! »

Le père sortit son sabre et frappa son unique héritier avec la poignée, en pleins sur le front. Le monde s’assombrit.
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Aussi habile avec un pinceau d’écriture qu’avec une épée, le Prince des contrées du nord faisait l’inventaire avec une précision digne d’un Intendant Royal. Il dressa un rapide rapport sur le potentiel de son village, de son activité économique et conclut devant son père que tout était là, sous son nez, pour faire de son territoire un haut lieu, voire une capitale, voire une Cité-Etat indépendante de la royauté.

« Nous sommes une race rude, humble et travailleuse. Pas des parvenus. Restons simple et respectons les traditions, je t’interdis de faire du notre patrimoine un lieu de citadins, mon Fils.
-Mais Père …
-Il suffit.»

De colère, les yeux d’Arkhams ne voyaient que flou et rancœur face à ce paternel sans ambition. Le monde se brouilla.
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« Grand Argentier, on vous écoute. »

Le vieillard s’aida de la table pour se relever, ses bras maigres tremblaient d’effort sous sa riche robe de soie. Il éclaircit sa voix usé par les rapports, devant les autres et son Roi bien-aimé.

« Je conseille à Votre Majesté d’augmenter les impôts des territoires du nord. Depuis la mort de leur Gouverneur, l’expansion fut manifeste. Ils deviennent riches et très influents, nous ne soupçonnions pas une telle croissance, elle semblait impossible. Ils exploitent leurs mines et la mer gelée de manière intéressante et leur armée s’accroit de jour en jour. Je conseille à Votre Majesté que le Royaume revendique ses richesses et aident ainsi le Royaume.
-Inutile, ces gens sont fiers et susceptibles, ils verraient ceci comme un affront, même si le Roi en décide ainsi. Seuls de plus forts impôts seront nécessaires.
–S’il plait à sa Majesté.»

Le vieillard se laissa tomber sur sa chaise et contempla ses rapports, monocle à l’appui, ne prêtant plus attention au reste de la réunion. Le monde se convulsa et tout disparut.
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« Mon Seigneur, tout est prêt.
- Parfait.»

Le Gouverneur du nord détourna son regard du messager grelotant et regarda la femme, assise sur le trône à ses côtés.

« Que Dame ma Mère me pardonne, il est temps. »

Comme d’ordinaire, elle regarda son fils Arkhams avec un œil terne, sans émettre le moindre son. Depuis la mort de son vieux mari, les décisions de l’hériter étaient allées à contre-courant des valeurs de son funeste époux. Le nord s’était incroyablement développé, le village était devenu ville, le petit port un grand lieu de commerce, le marché une bourse influente fixant les prix des denrées de tout le royaume. Arkhams se leva alors de son trône, beau comme un paon dans ses habits d’apparats. D’inutiles frusques luxueuses pour mener une guerre, mais elles faisaient fortes impressions sur les soldats, paraissait-il. Le monde disparut quand il ouvrit la porte, aveuglé par le soleil timide de l’hiver.
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« Votre comportement hostile est inacceptable au sein de la paix du roi. Je suis déçu, Gouverneur. Votre jeunesse n’excuse en rien vos actes, vous payerez les conséquences.
-La paix de sa royale Majesté était un affront pour ma famille. Depuis des siècles nos voisins vivent sur des terres qu’elles nous ont dérobées. Ma guerre pour les récupérer fut juste et propre.
-Répandre la mort n’est jamais propre, Gouverneur. Vous avez 14ans, vous avez le choix : une fessée paternelle ou les fers pour le restant de vos jours.»

La sarcastique supplique fit rire toute l’assemblée et empourpra Arkhams, à genou devant son Roi. Que répondre ? Le silence, comme il sied toujours devant une royale correction. Le Suzerain se leva dans un geste théâtrale.

« Votre père était un vulgaire vassale, trop timoré pour m’être utile. Ce n’est pas le cas de son fils. J’espère qu’il est fier car son unique héritier devient l’Argentier Royal en ce jour.
-Mais …Votre Majesté … ? Et moi ?
-Vous ? Le craquement de vos genoux m’insupporte depuis trop longtemps. Choisissez quelque résidence loin d’ici pour finir vos jours. »

Ainsi le Roi avait convoqué Arkhams non pas pour critiquer sa politique vengeresse mais pour lui offrir le Ministère des Finances ? Il jugea cette récompense méritée et ne sauta pas pour autant au plafond, tout ceci était logique et peu étonnant. Il apprécia cependant l’humiliation publique de son prédécesseur gâteux. La joie lui fit tourner la tête et le monde s’éclipsa.
~~~~~~~~~

60 années à gérer le Trésor Royal usait son homme. Arhams quitta la dernière réunion de sa longue existence, agrémentée de coups d’états discrets et ratés. Jamais il n’avait pu poser ses fesses sur le trône, mais jamais le Roi et son fils ne purent le soupçonner d’un quelconque complot. C’est ainsi qu’Arkhams finit sa vie. Une longue et trépidante existence de 74 années.
~~~~~~~~~



Sa main fut prise d’un réflexe fulgurant, il tenta de la porter à son front suant mais cela lui était impossible. Il était toujours enfermé dans l’ambre de l’Arbre Mojo. Son songe n’avait duré que quelques minutes mais il rêva d’une vie entière, d’une existence parallèle complète et excitante. De par son sommeil, Arkhams avait mué et alors il attendit. Il attendit que ses frères du Trône viennent l’aider à sortir de chrysalide et à jouir de son nouveau lui.


Astre


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Vortex dangereux, tourbillon déjanté de vagues et de vents, fusion terrible des éléments, absorbé dans le conflit de flux révoltés ; le givre lui collait aux lèvres tandis qu’il tentait de hurler, emporté contre son gré dans ce trou de couleurs et d’horreurs.
Il fut expédié hors du rêve comme un malpropre, bouté hors du royaume féérique par son seigneur inconnu. Cet endroit si oppressant lui avait semblé pourtant révélateur d’une vérité à tous ses malheurs ; il sentait qu’il était sur le point d’avoir la solution à son avenir. Le temps que ses yeux se réhabituent à cet univers convenable et réel lui permit de se rétablir entièrement également, car son corps était encore secoué de spasmes, signe que la passerelle entre les différents mondes n’était pas si bénigne.

Autour de lui des arbres à perte de vue ; il ne pouvait pas voir le bout de ce tunnel de feuilles et de bois. Il se frotta les yeux avec énervement, pour balayer cette vision agaçante. Il avança à tâtons, comme s’il n’y avait pas de lumière, comme s’il était plongé dans un cauchemar et qu’il ne parvenait pas à en sortir. Par chance son épée pendait à ses côtés, fidèle alliée de toujours, meilleure amie à jamais. Il la libéra de sa prison de cuir, et se força un passage à coups de tranchant. Pendant plusieurs heures il se perdit dans ce labyrinthe nature, pendant plusieurs heures il jura contre les déesses. Salopes, chiennasses, mal-baisées, brouteuses de gazon, gourgandines à prison, et c’étaient les moins pires. Après avoir rebroussé chemin une bonne dizaine de fois, il se retrouva dans une clairière plus que familière ; il lui semblait qu’encore hier il y était. L’antre de l’Arbre Mojo avait apparu dans son champ de vision comme par magie, et il se demanda sérieusement si l’antique vieille branche n y était pas pour quelque chose. Il s’avança, la haine déformant déjà ses traits, le pas incertain et la mine revêche.

« Tu ne serais pas en train de me prendre pour un con de jument ?! Des enfants de putains comme toi on en déracine tous les jours pour construire des châteaux… Tu voudrais que je te tranche et qu’on te mette un village sur la gueule ?! »

Astre était entré dans une colère noire ; il avait perdu son sang froid et il s’en était rendu compte. Il se demandait si le voyage intemporel-interdimensionnel-laisse-moi-vomir de rire n’y était pas pour quelque chose. Et là, à la manière d’un oiseau qui fiente, une idée lui jaillit hors de sa cervelle. Un souvenir, plutôt. Son vieux comparse, sodomite jusqu’au bout des ongles, le cureur de culs (ou coureur de jupons mâles), s’était fait avalé comme un troufignon par cette saloperie de mauvaise herbe. Il s’approcha de l’arbre, prêt à en découdre, prêt à lui faire chier son vieux pédéraste d’ami.

« Tu réfléchis à ce que je viens de te dire et tu me donnes une réponse, ou j’en viens tout de suite aux actes, minable ?! »


John Doe


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Distinguer le jour de la nuit n'était pas du domaine du possible, y-t-il pire torture que de perdre la notion du temps et de l'espace ? Une heure, un jour, des semaines, des années, impossible à dire. Arkhams était toujours emmailloté dans la résine dorée de l'Arbre Mojo, seul ceci était certain.


« Je me fais l'effet d'une larve qu'on nourrit de gelée royale. Je naitrais peut être Roi, qui c'est ?
- Ferme la, débile. Ta seule couronne est ton collier de chien Dragmire.
- Non, c'est le sceau de Saria qui m'emprisonne, pas la bénédiction de Ganondorf.
- Insecte, tu ne vaux pas plus qu'une termite sur la jambe de bois d'un clochard.
- Tu n'es qu'un boucher. La dernière fois, tu étais vieux et tu puais le rance, tu n'étais qu'un solitaire chien gal...
-... Il y a du bruit dehors, silence ! »


Des paroles colériques étouffées arrivaient à percer l'écorce du Divin Arbre et résonnaient faiblement dans sa coquille vide. Sans pour autant percevoir ce qu'il se passait et disait, il reprit espoir et l'énervement le fit bouger dans tous les sens. Ligoté de sève, l'effort était vain. Seul un ami serait assez fou et irrespectueux pour fendre l'armure de bois du Grand Mojo. Ce serait s'attirer les foudres des déesses. Seul un ami parjure le ferait. Des amis il en avait, mais des parjures, point. Il fut soudain choqué dans son âme de Kokiri qu'un étranger vindicatif vienne blasphémer son Père Mojo.


« Que cet hérétique se taise ! Il manque de respect au Vénérable !
- C'est donc un chêne, le Protecteur de la Forêt. Il n'y qu'un chêne qui puisse engendrer des glands comme toi. Si j'pouvais, j'pisserai dans ses entrailles.
- Calme toi et attends. Agite toi et ce monstrueux Arbre pourrait décider de te digérer. Tu es trop noble pour finir en composte ou en crottes de Mojo.
- Nourrir la terre Kokiri serait un honneur.
- Pourrir entre les racines de ce Protecteur sans force ? Plutôt sucer les orteils des Chanceliers que cela.
- J'ai mieux à faire que d'être un nutriment. »


Depuis son réveil, Arkhams ne cessait de parler seul. Son passé, son présent, son rêve parlaient de conserve, discutaient, évitant qu'il sombre dans une folie plus grave encore. Son passé impie rouspétait, son présent assagit en était choqué et son rêve lui dictait tempérance pour mieux survivre et mettre à bien ses projets futurs. Il attendit, ils attendirent.


Astre


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L’Arbre semblait enfler, oui, enfler jusqu’à paraître comme un donjon de bois avec une couronne de branche sur le toit. Astre n’aimait pas ce silence, car il était trop éloquent pour être une simple pénurie de mots. Il semblait que la première des plantes d’Hyrule se moquait de lui, l’ignorait comme le ferait un adulte mesquin envers un enfant pétulant. Des arômes de bois pourri flottaient dans l’air ; le grand Mojo, en avalant ce met peu ragoûtant qu’était Arkhams, n’avait-il pas fait une indigestion ? N’était-il pas en train de se faire ronger de l’intérieur, les sucs gastriques inefficaces contre cet ancien démon ? Malgré la perte de pouvoir du Kokiri, malgré son âme lavée à la pisse royale, l’entité qu’il était ne se rebellait-elle pas contre la forme que prenaient son enveloppe et surtout les malices artificielles dont elle aimait se rendre coupable ? Astre sentit une aiguille lui percer la cervelle et le sang bouillonner dans son crâne mal fait. Il tenait son épée, qui pointait vers le bas comme un animal obéissant. Le Chevalier noir se tenait la tête, terrassé par des doutes sérieux.

« Arkhams », héla-t-il en direction de l’arbre. « Mon Capitaine, mon frère, puisses-tu te repaître du sang de ce demi-dieu naturel et devenir ce que tu as toujours été et que tu n’as cessé d’être que depuis quelque temps malsain : un roi. »

Astre se redressa un peu plus, l’arme vers les cieux, les yeux brûlants et les traits concentrés. Un reste de nostalgie menaçait de le faire s’effondrer.

« Quitte donc cette morte-vie, épouse à nouveau les langueurs du monde, bois la chaleur d’Hyrule et récupère le trône que tu as laissé, celui de la majesté. J’étais ton chevalier et tu étais mon roi, j’étais ton disciple et tu étais mon maître. Je suis devenu paria, vandale, maraud, truand. Tu es devenu une créature, oui, la créature d’un maître désillusionné, abruti par de sinistres pensées aromatisées d’honneur et d’amour commun. »

Le regard embué du guerrier ajoutait un filtre bleuâtre sur les deux sphères de sang, et lui donnaient une profondeur nocturne démentielle.

« Car nous sommes l’avenir d’Hyrule ; Hyrule triomphe ou s’écroule ; Hyrule meurt mais ne se rend pas. »

Le sabre toujours en l’air, dressé telle une épée de Damoclès au-dessus de la forêt Kokiri, les idéaux incandescents du Chevalier noir faisaient plier les barrières de ses larmes, et le passé le submergea à nouveau, vagues de souvenirs admirables, adorables, et les visions de Tsubaki et de Withered l’emplirent d’émoi.
Il poussa un cri de désespoir, et se jeta à l’assaut de la forteresse kokiri.


John Doe


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L'univers gondola. Arkhams avait beau fermer les yeux, persuadé qu'un autre songe venait encore calmer son calvaire d’ennuis, mais rien. Ce n'était pas un mirage, sa geôle bougeait belle et bien. L'animal gigantesque dont il était le frugale repas devait se tordre, se mouvoir ou autre. La gangue d'ambre se mit à chauffer, engluant ses vêtements et à fondre lentement. L’épaisseur du cristal de bronze s'amenuisait et son prisonnier sentait la liberté tendre son bras vers lui.
Arkhams et sa damnée camisole molle se déplaçaient dans l'Arbre, passant de ses obscures entrailles vers le sommet. Il fut malmenait dans tous les sens, la bile au bord des lèvres, on le mâchouillait semblait-il. La sève n'était plus qu'une fine pellicule qu'il hésita à détruire. Il gardait cela une fois sa libération, pour un acte théâtral. Il transpercerait ce placenta comme un papillon hors de son cocon. Un bruit de grotte brisa son fantasme de gloire, l'Arbre raclait sa gorge, préparant son odieux crachat arkhamsien. Le Vénérable éructa sans grâce aucune son virus, sa termite, hors de sa bouche.

La chrysalide contenant la pauvre larve dragmirienne percuta l'herbe et Arkhams put enfin voir. Le monde Kokiri était doré de soleil et derrière la carapace de jus d'érable tout n'était qu'ambre. D'un poing vengeur il détruisit sa coque végétale avec aisance et dignité. Il resta écroulé sur le sol, avalant l'oxygène trop pur, lui qui n'avait exhalait que sciures et renfermé durant des jours, des semaines. Une éternité passa avant que ses ridicules poumons s’accommodent. Il se rendit compte qu'il était quasi nu et qu'il crevait de froid. L'hiver avait du vomir son givre sur Hyrule avant l'heure. Quelle ironie ! Arkhams qui renait à la fin de l'automne, lui qui incarnât dans sa jeunesse l'hiver au sein des Kokiris.

Il jeta un coup d'oeil au bosquet de l'Arbre Mojo et vit la Sentinelle Verte endormie, ses paupières d'écorces fermées et la bouche suintante de sève. Son Sceau des Damnés criait de cracher au visage du Vénérable, celui de Saria lui criait de s'agenouiller devant le Père Kokiri. Arkhams ne fit ni l'un ni l'autre, il rassemblait les lambeaux de son esprit éparpillé entre ses différents lui. La découverte d'Astre sur les lieux étaient comme un vent balayant les feuilles mortes de son esprit éparse. Son cerveau lui objecta de brandir son arme contre le Chevalier Noir, de punir ce rat renégat. Lui conseilla en même temps de lui vouer un culte macabre, lui qui était son sauveur. Mais aussi de l'ignorer. Que faire donc ?



« Je ne peux te tuer, Le Sceau de Saria le lui interdisait.
- Je ne peux t'aimer, Sa raison le lui interdisait.
- Enfant terrible, toi qui viens de me sauver et qui sais que je ne peux rien pour toi, qu'es-tu venu me demander ?
- Arkhams "mille-casaques" ne sera jamais ton salue. Arkhams trahit, Arkhams déteste, Arkhams n'aide jamais. »


Astre


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Le grand mojo l’avait vomi, recraché cet enfant qu’il ne pouvait pas concevoir. Il était contre-nature d’enfanter un démon, qui plus est l’un de ses souverains. Celui-ci, gluant de sucs, luisait sous l’astre faiblard. Sa morgue naturelle, sa conscience et ses idéaux menaient une guerre et lui torturaient le visage d’indécision et de doute. Astre restait abasourdi, la tristesse pesant sur ses paupières, devant ce miraculé.
Tout suant par l’effort, le Chevalier noir gardait une rigidité formelle et étrange ; ses yeux ne semblaient pas croire ce qu’ils voyaient.


« Enfant terrible, toi qui viens de me sauver et qui sais que je ne peux rien pour toi, qu'es-tu venu me demander ? »

Ses oreilles ne croyaient pas elles-mêmes ce qu’elles entendaient. Il se consumait sur place, vil serf affranchi et devenu vilain indigne de se trouver devant son ancien seigneur. Seigneur, non… Ami, frère de sang et de fer. Autrefois l’idéal, le modèle.

« Je… » balbutia-t-il. Les larmes perduraient au fond de ses yeux, et le chagrin de mille années de tourment crachait sa salive amère sur les joues du malandrin.

« Je… » réessaya-t-il, toujours sans succès, faible de langue et de geste devant cet enfant-roi qui lui clouait par sa seule présence toute réplique. Il tenta de se révolter contre cette auto-censure, et ses yeux dosèrent un peu de volonté dans son être éteint. Il lâcha son épée, dont le sol muqueux étouffa les cris de protestation. Le corps raidi, une sorte de stupéfaction instinctive qui lui bouffait le ventre.

« Je suis venu secourir un ami de longue date. Et toi... Un grand frère ne devrait jamais abandonner son benjamin. » lui reprocha-t-il, une tristesse amère secouant sa voix comme on tire sur un rideau. Il se redressa pleinement, toisa Arkhams de ses deux torches, et d’un ton plus calme et placide lui demanda :

« Toi qui viens de répondre à mon appel, qu’es-tu venu répondre ? ». Car sous couvert de phrases mystérieuses une question brillait, inévitable. Vas-tu me rejoindre.


John Doe


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Foetus grelottant sur pelouse froide, personnalités en chiisme, frère aimé puis détesté et trahit, c'en était presque trop. Se tenant une tête débordante de voix intérieures et lourde d'une migraine ineffable, il aurait eu tôt fait de barbouiller le Bosquet du Protecteur d'un fond d'estomac périmé et fermenté par son mois de captivité. Mais il en fallait manifestement plus pour faire dégobiller le personnage à demi-nu. Adolescent soldat, capitaine de brigade, général des armées, traitre damné, porte-étendard, larron crasseux, incarnation du Malin. Grandeurs et décadences que tout cela. Autant de titres, de surnoms que de vies vécues. Était il en passe de gagner l'immortalité ? Pourquoi pas après tout. Et en ce jour tout recommençait, encore une fois. Son existence était un serpent qui se mordait la queue, interminable et minable chemin.

Astre, bafoué dans son orgueil, hurlait comme un loup devant la Lune-Arkhams. Qu'était-il devenu, ce faux frère, un gentilhomme ? Non, un déchet de nostalgie, un fier-cul, un traine savate, un briscard et un vétéran d'époques que plus personne ne se souvient. Affamé de gloires et obèse d'indignité, ce gamin adulte avait été laissé à la dérive. Il aurait pu pleurer de pitié si Astre ne se roulait pas déjà dans la niaiserie.



« Faible et arrogant tu es toujours, bâtard du Malin. Mais que feras-tu d'un tatoué aux fers rouges comme moi ? Maudit par le Mal, maudit par les Sages, hein ? Je ne sais que trahir et dériver dans l'opprobre. »


La déception suintait de ses paroles. Arkhams regagnait de son acidité naturelle, le destin ayant mit du gros sel sur les plaies purulentes de son âme.


« Je ne t'apporte aucune réponse, mais que des questions.
Je possède un Trésor à conserver et un Hiver à apporter. M'aideras-tu ? Donneras-tu tes forces pour moi qui en suis indigne ? Je vais te trahir, encore, un jour ou l'autre. Peut être même y trouveras-tu la mort, cette fois. Les mauvaises herbes comme toi ne sont pas infaillibles, Astre. Un gèle plus rude qu'un autre risque de t'achever. »



Officier parmi les officiers, son frère faisait parti des hommes qui comptaient sur Hyrule. Mais ce lieu était ingrat envers les forts. D'autres lieux auraient fait de lui un Roi, voire un Dieu, mais ce fou était resté en ce Royaume qui ne voulait pas de lui.


« Tu aurais du me décapiter. N'as-tu aucune fierté ? Tu as besoin d'une laisse de cuir pour vivre, à ce que je vois. Mais je n'ai pas besoin de chien. Crache sur ma faiblesse au lieu de pleurer mon ancienne et glorieuse image. Je n'ai pas besoin d'une bonne femme adipeuse pour s'apitoyer sur moi. Comment comptes-tu nous faire devenir les rois de ce monde, si tu chiales, mon ami ? »


Lord "mille-casaques" Arkhams termina son discours trop long par un sourire. Beaucoup de question certes, mais surtout une réponse. Il cracha. Cela signifiait oui.


Astre


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Arkhams, dans tout son mépris, fustigeait le plus fidèle d’entre les fidèles, le plus valeureux d’entre les valeureux, celui qui aurait donné sa vie pour lui, peut-être le seul qui aurait eu le courage et la folie de le faire. C’est en ignorant l’honneur de son chevalier que le fils des noirs lendemains attaquait le plus vilement, c’est en pointant son doigt sur la détresse d’Astre qu’il rentrait le couteau dans la plaie.

« Faible et arrogant tu es toujours, bâtard du Malin. Mais que feras-tu d'un tatoué aux fers rouges comme moi ? Maudit par le Mal, maudit par les Sages, hein ? Je ne sais que trahir et dériver dans l'opprobre… Tu aurais du me décapiter. N'as-tu aucune fierté ? Tu as besoin d'une laisse de cuir pour vivre, à ce que je vois. Mais je n'ai pas besoin de chien. Crache sur ma faiblesse au lieu de pleurer mon ancienne et glorieuse image. Je n'ai pas besoin d'une bonne femme adipeuse pour s'apitoyer sur moi. Comment comptes-tu nous faire devenir les rois de ce monde, si tu chiales, mon ami ? »

Et Astre sentit pétiller sa langue, oui, il sentit des picotements lui descendre dans la gorge pour finalement lui remonter dans le cerveau. Le déclic se fit, crac, point de merci pour les traîtres, point de compassion pour ceux qui ont lissé les pans de la robe des élites. Que de la haine, que du mépris, que de la violence. La situation lui semblait rocambolesque ; il était l’homme qui avait su suivre ses principes jusqu’au bout, il avait renoncé à mille plaisirs pour ne pas tomber dans le déshonneur. L’avidité de gloire, de richesses, tout cela l’avait repoussé, l’avait dégoûté, et c’était lui à présent qui se faisait condamner par l’être le moins innocent d’Hyrule. Alors la fierté revint ; elle se manifesta d’abord dans sa colonne vertébrale. Il quitta cette raideur de corps, il détendit son corps pour forcer sur sa langue. Ses yeux rouges promirent à qui les regardaient de sombres présages, où les cris ne s’arrêtent jamais, où les supplices sont aussi longs que les supplications.

« Tu es toujours trempé de culot. Le mépris te va mieux comme robe que celle de femme de chambre ; à force de te faire rosser le derrière par les Grands de ce monde tu as peut-être récupérer cette amertume longtemps enfouie en toi. Je l’espère en tout cas… »

L’adulte prenait le pas sur l’enfant, il essaya de montrer qu’il n’était pas aussi dévotement bête qu’il le paraissait, il voulait lui montrer qu’il faisait abstraction de la destination des insultes pour en mesurer la puissance.

« Tu es encore grand d’esprit malgré ta petitesse anatomique, mais suffisent les éloges. Je n’ai pas besoin de laisse, j’ai besoin d’un héraut, celui qui porte le flambeau, qui déchire les ténèbres et qui les contrôle. Il semblerait que ta main, à force de penchants dépravés, ait trop plié sous les efforts pour pouvoir encore se servir d’une épée. Tu n’es plus rien, à peine vomi du Sire du Malin. Autrefois guerrier, chancelier de la haine et de la grandeur, héraut sombre des princes novateurs, chambellan de la rancœur tu n’es aujourd’hui que la poupée ridicule de quelques imbéciles aveugles. Tu as fui ton courage, force est de constater que tu n’as jamais su l’employer à bon escient. Tu m’as tourné le dos, tu as tourné casaque et tu t’es retrouvé la peau grasse et luisante, le teint de pêche, l’œil malade mais la santé fraîche et l’assiette pleine ; tu as refusé ton statut de loup libre pour une portion du pouvoir. Mais de quel pouvoir ?! »

La colère était froide, le jugement sévère, mais certaines choses valaient d’être dites, parce que la souffrance qu’il avait endurée était telle qu’il ne pouvait décemment tourner la page sans lire la précédente, noire et crasseuse de sang séché.

« L’ombre guette, porteur de vents glacés. L’ombre guette chacun de nous, prête à nous dévorer et à nous envoyer subir mille tourments ; la vie est-elle si belle qu’elle vaille d’être vécue sans lutte pour rejoindre la mort ? Je ne pense pas. Police des mœurs, puissants moralisateurs, nous sommes deux des quatre cavaliers, mon ami. Nous pouvons les faire renaître, nous pouvons exhumer cette vieille entité qui, de grâce, fera plier nos ennemis. Tu es moi et je suis toi, ne l'oublie pas. »


John Doe


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Tamponner le bout d'une botte dans un tas de fumier et vous aurez tôt fait de sentir la douce odeur de merde. Âcre était le relent acide d'Astre, aussitôt piqué dans son orgueil étoffé de contes et légendes noirs. L'âne au dos vouté après un coup de fouet dans l'aine était devenu le destrier morbide d'autrefois. Décidément, le Lord des jours gelés était doué pour retourner les âmes, la Reine Zelda aurait été inspirée de le prendre comme Chancelier. Mais convaincre le paysans râleur qu'il a assez à manger alors que ses gosses n'ont que la peau sur les os ne l’intéressait pas. C'aurait pu être amusant, certes, mais Arkhams nourrissait de plus grands projets que la cohérence sociale d'Hyrule. Et cela passait par piquer ce chien fou d'Astre, de le faire hurler de son aiguillon venimeux.

Étalé sur son flanc comme un nourrisson débile et baveux, il grelottait car le vent du nord soufflait. Le Mojo avait épousseté son esprit des perversions dragmiriennes à coups de sucs gastriques et la brise le nettoyait des rares débris restants de sa honte. Le Traitre aux milles méfaits regardait avec envie les fourrures simples et douillettes de son Comparse.



« File moi tes frusques, je ne vais quand même pas épurer cette terre à poils. Quoi que ça ferait plaisir à sa Majesté Zelda, elle qui n'a jamais vu de braquemart fertile.»


Lord "mille-casaques" Arkhams se releva, corps jeune et humide, pâle d'hypothermie, ses attributs ballotant avec disgrâce. Son estomac grogna de faim, de même que sa lourde virilité.


« Mais le monde attendra, je suis affamé de chair, autant cuite et assaisonnée que vive et fraiche. »


Un crachat céleste et tiède commençait à mouiller la forêt, le temps tournait au moche, assurément. Il tendit la main, paume vers le haut. Il commanda à son cerveau de refroidir les veines de sa dextre et la pluie tombant aux alentours d'elle devint neige. Nager dans la panse du Vénérable Arbre Mojo lui avait rendu quelques pouvoirs. La Sage lui avait rendu son physique, le Protecteur lui avait rendu sa magie. Autant de Kokiris généreux qui ont soigné l'avatar de leur perte future. Arkhams sourit à cette ironie. Bien que fringuant, il se rendit compte qu'il était perdu dans un Hyrule qui ne contenait aucune famille, guilde, fraternité pour lui. Il ne put cacher sa peur et son appréhension.


« Où allons nous ? »


Astre


Inventaire

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(vide)

« File moi tes frusques, je ne vais quand même pas épurer cette terre à poils. Quoi que ça ferait plaisir à sa Majesté Zelda, elle qui n'a jamais vu de braquemart fertile.»

Il était nu comme un ver, lui qui avait rongé la pomme géante que représentait l’Arbre à connaissances Mojo. Son corps frêle d’homme miniature était cloqué de chair de poule ; il tremblotait comme une vieille mémé atteinte de Parkinson, sous le froid automnal. Son sexe n’était qu’une crevette bleue, et maigre qu’il était le froid l’emporterait si on ne faisait pas quelque chose.
Astre consentit à se défaire de l’une de ses couches de vêtements. Ah, tu l’ouvres un peu moins, ta grande gueule. Il lui balança cette couverture en peau de bête, certes de mauvais goût, mais qui valait tout l’or du monde lorsque l’hiver frappait à la porte des chaumières.

« Tiens, prends ça, petit gueuse. T’auras l’air d’une putain, mais bon, après tout, on n’est plus à un client près », se renfrogna Astre en sentant le vent percer son armure de textile maintenant incomplète. Quel bon seigneur il faisait, à s’écorcher de son deuxième épiderme de tissu et de cuir pour ce minable…

« Mais le monde attendra, je suis affamé de chair, autant cuite et assaisonnée que vive et fraiche. »

Le Chevalier noir était d’accord avec son comparse ; un bon civet de lapin arrosé de bière serait un mets peu raffiné mais qui nourrirait l’esprit autant que le corps. Il imaginait déjà le feu joyeux brûlant dans son âtre fumant, les cris et les rires avinés des péqueux et des culs terreux, les serveuses vulgaires mais bien faites, aux hanches larges et aux seins lourds. Plongé dans cette torpeur, il salivait à l’image d’un chien errant devant un rat crevé.

« Où allons-nous ? » demanda son ami grelottant, probablement impatient de se remplir la panse de bonne chère et de bonne bière, de s’inonder l’âme d’alcool, de réduire son esprit à l’état de fumée. Et l’ex-sénéchal partageait ce point de vue qu’il imaginait être celui de son ami. Les rêves de gloire et de grandeur commencent toujours dans une brasserie, les coups d’état débutent toujours dans la beuverie… et se terminent dans la cellule. Mais on n’y était pas encore.

Astre répondit, le ton enjoué quoique nuancé d’une étrange nostalgie.


« Mais… Vers la vie, mon ami !... Vers la vie. »