Posté le 01/11/2012 10:25
Arkhams, dans tout son mépris, fustigeait le plus fidèle d’entre les fidèles, le plus valeureux d’entre les valeureux, celui qui aurait donné sa vie pour lui, peut-être le seul qui aurait eu le courage et la folie de le faire. C’est en ignorant l’honneur de son chevalier que le fils des noirs lendemains attaquait le plus vilement, c’est en pointant son doigt sur la détresse d’Astre qu’il rentrait le couteau dans la plaie.
« Faible et arrogant tu es toujours, bâtard du Malin. Mais que feras-tu d'un tatoué aux fers rouges comme moi ? Maudit par le Mal, maudit par les Sages, hein ? Je ne sais que trahir et dériver dans l'opprobre… Tu aurais du me décapiter. N'as-tu aucune fierté ? Tu as besoin d'une laisse de cuir pour vivre, à ce que je vois. Mais je n'ai pas besoin de chien. Crache sur ma faiblesse au lieu de pleurer mon ancienne et glorieuse image. Je n'ai pas besoin d'une bonne femme adipeuse pour s'apitoyer sur moi. Comment comptes-tu nous faire devenir les rois de ce monde, si tu chiales, mon ami ? »
Et Astre sentit pétiller sa langue, oui, il sentit des picotements lui descendre dans la gorge pour finalement lui remonter dans le cerveau. Le déclic se fit, crac, point de merci pour les traîtres, point de compassion pour ceux qui ont lissé les pans de la robe des élites. Que de la haine, que du mépris, que de la violence. La situation lui semblait rocambolesque ; il était l’homme qui avait su suivre ses principes jusqu’au bout, il avait renoncé à mille plaisirs pour ne pas tomber dans le déshonneur. L’avidité de gloire, de richesses, tout cela l’avait repoussé, l’avait dégoûté, et c’était lui à présent qui se faisait condamner par l’être le moins innocent d’Hyrule. Alors la fierté revint ; elle se manifesta d’abord dans sa colonne vertébrale. Il quitta cette raideur de corps, il détendit son corps pour forcer sur sa langue. Ses yeux rouges promirent à qui les regardaient de sombres présages, où les cris ne s’arrêtent jamais, où les supplices sont aussi longs que les supplications.
« Tu es toujours trempé de culot. Le mépris te va mieux comme robe que celle de femme de chambre ; à force de te faire rosser le derrière par les Grands de ce monde tu as peut-être récupérer cette amertume longtemps enfouie en toi. Je l’espère en tout cas… »
L’adulte prenait le pas sur l’enfant, il essaya de montrer qu’il n’était pas aussi dévotement bête qu’il le paraissait, il voulait lui montrer qu’il faisait abstraction de la destination des insultes pour en mesurer la puissance.
« Tu es encore grand d’esprit malgré ta petitesse anatomique, mais suffisent les éloges. Je n’ai pas besoin de laisse, j’ai besoin d’un héraut, celui qui porte le flambeau, qui déchire les ténèbres et qui les contrôle. Il semblerait que ta main, à force de penchants dépravés, ait trop plié sous les efforts pour pouvoir encore se servir d’une épée. Tu n’es plus rien, à peine vomi du Sire du Malin. Autrefois guerrier, chancelier de la haine et de la grandeur, héraut sombre des princes novateurs, chambellan de la rancœur tu n’es aujourd’hui que la poupée ridicule de quelques imbéciles aveugles. Tu as fui ton courage, force est de constater que tu n’as jamais su l’employer à bon escient. Tu m’as tourné le dos, tu as tourné casaque et tu t’es retrouvé la peau grasse et luisante, le teint de pêche, l’œil malade mais la santé fraîche et l’assiette pleine ; tu as refusé ton statut de loup libre pour une portion du pouvoir. Mais de quel pouvoir ?! »
La colère était froide, le jugement sévère, mais certaines choses valaient d’être dites, parce que la souffrance qu’il avait endurée était telle qu’il ne pouvait décemment tourner la page sans lire la précédente, noire et crasseuse de sang séché.
« L’ombre guette, porteur de vents glacés. L’ombre guette chacun de nous, prête à nous dévorer et à nous envoyer subir mille tourments ; la vie est-elle si belle qu’elle vaille d’être vécue sans lutte pour rejoindre la mort ? Je ne pense pas. Police des mœurs, puissants moralisateurs, nous sommes deux des quatre cavaliers, mon ami. Nous pouvons les faire renaître, nous pouvons exhumer cette vieille entité qui, de grâce, fera plier nos ennemis. Tu es moi et je suis toi, ne l'oublie pas. »