La panique l'avait envahi alors qu'il courrait au travers des bois. Son frère avait disparu, il lui fallait tout faire pour le retrouver, mais il ne pouvait se permettre de quitter la protection de la forêt sans prendre quelques précautions.
Trottant à travers les racines centenaires, le Mojo parvint enfin à la cachette secrète qu'il partageait avec son jumeau. Pendant un instant, un bref instant, il aurait crut le retrouver là, à l'attendre et à se moquer de sa terreur, mais le retour à la réalité ne se fit pas attendre : il était seul. Il ne prit pas plus de temps à pleurer sur son sort. Aussi vif que son corps de bois le lui permettait, il attrapa un petit sac fait d'écorce et de feuilles qu'il avait chippé à un Kokiri en vadrouille. Une petite bouteille d'eau – chippée elle aussi –, quelques graines et une noix mojo aveuglante. C'était tout ce qu'il pouvait faire rentrer dans le sac, aussi, il le referma rapidement avant de reprendre sa route en sens inverse.
Sautant ou glissant entre les racines et les basses branches, Tükrak n'était plus certains d'avoir prit le même chemin que lorsqu'il était avec son frère. A nouveau, la panique l'emporta sur son bon sens et il finit par faire du surplace en tentant de se repérer. La forêt était grande, mais il pouvait se gausser d'en connaître une bonne partie par cœur, aussi, il essaya tant bien que mal de reconnaître son chemin. Peine perdue, il n'était sûr que de deux choses, la première, il se dirigeait bien vers la lisière du bois, la deuxième, il n'allait pas du tout atterrir là où il avait perdu son frère. Il aurait put rester là encore longtemps à paniquer, à pleurer sur son sort, mais son instinct d'aîné reprit le dessus et le força et reprendre sa course. Vite plus vite, trop vite pour ses petites jambes de Mojo, il finit par trébucher et roulé-bouler sur la terre humide.
Grognant, gémissant, il se releva en pestant sur la douleur qu'il pouvait ressentir – qui a dit que le bois n'avait aucune sensation ? -. D'un geste vif, il récupéra son chapeau champignon d'un geste rageur avant de l'enfoncer à nouveau sur son crâne feuillu. Un soupir lui échappa alors qu'il se rendit compte que sa précipitation pourrait lui être fatale, même dans la forêt qu'il connaissait comme le dos de sa main... Ou pas ?
Un regard lui apprit que cette partie là de la forêt, si elle lui semblait vaguement familière, ne lui disait pas grand chose, et ses deux certitudes d'un peu plus tôt s'envolaient peu à peu. S'il avait put pincer les lèvres de frustration, il l'aurait fait, mais comme il en était incapable, il secoua simplement la tête pour reprendre son chemin plus prudemment. Ce fut à ce moment qu'il fit une bien étrange rencontre. Il n'avait jamais vu d'humains dans la forêt. En réalité, il en avait vu, mais de loin, car ceux-ci étaient réputés dangereux et mauvais. Seuls les enfants étaient tolérés. De temps à autres, les Mojos s'amusaient à les perdre pour en faire des Skull Kids, Tükrak appréciait grandement la compagnie farceuse des Skull Kids, mais ce n'était pas le moment d'y penser.
En face de lui, une singulière créature se tenait. Adossé au mur d'une construction bien trop sophistiqué pour être l'oeuvre de Kokiris, il semblait se reposer.
Perplexe, la peste s'avança avec une grande précaution. Sa curiosité prenait le dessus sur la panique qui l'avait envahi un peu plus tôt... Et puis, cette créature, ni adulte ni enfant lui semblait bien inoffensive vue comme ça, il ne risquait certainement pas grand chose, encore moins dans son habitat naturel, n'est ce pas ?
Doucement, très doucement, il se rapprocha du jeune hylien jusqu'à se retrouver à ses côté pour l'observer. Il était pâle, très pâle, et un bandeau occultait ses yeux. Curieux, le Mojo en oublia presque le danger que les humains pouvaient représenter pour son peuple. « Hé » tenta t-il « Qu'est ce que tu fais dans la forêt ? ».
Aucune réponse, il crut même que cet humain l'ignorait par un fait exprès. Un peu vexé, le Mojo hésita sur la marche à suivre. Dans son esprit enfantin, il était impossible de se concentrer sur plusieurs chose à la fois, et lentement, l'image de son frère laissa place à un plan pour se venger d'un affront qu'on ne lui avait pas fait.
Convaincu qu'il trouverait de l'eau plus tard, il déboucha sa bouteille pour... La renverser sur la tête de l'inconnu. Son forfait accompli, il éclata d'un rire caractéristique au Mojo, d'une voix enrouée et étouffée sous le bois, avant de courir se réfugier un peu plus loin. Il se posta au pied d'un arbre et se cacha sous son champignon, le gardant plus ou moins relevé pour observer la scène, étouffant ses moqueries au maximum, serait-ce suffisant pour passer inaperçu désormais ?