Posté le 12/07/2016 23:05
La brise était douce et chaude, le ciel dégagé. Ce temps des plus cléments sonnait l'heure de chasse sur Hyrule.
A son réveil matinal, comme tous les jours, Kaya ouvrit les volets grinçants de la seule fenêtre présente en cette pièce. C’était sa bouffée d’air frais quotidienne. Pour son frère, ce n’était rien qu’un bruit immonde et une lumière trop forte l'arrachant à son sommeil, auxquels il dut s’habituer.
Revigorée, elle esquiva une vague de grommellement en s’enfuyant de la chambre. Oui, la même chambre, mais pas le même lit. Leur demeure ne présentait pas assez de pièces pour pouvoir les séparer.
Celow’yn, apportait un revenu pour deux. C’est ce qui leur permettait de tenir la masure tant bien que mal. Alors, n’ayant pas de travail, cette dernière pouvait bien au moins partir chercher la viande pour le déjeuner. Ce n’était pas grand chose, mais cela permettait de faire quelques économies, en attendant d’obtenir un bon travail et son indépendance.
Dans ce qui sert de cuisine, la jeune femme s’enfonça un morceau de pain dans la bouche avant de repartir se vêtir. Une simple chemise débraillée et un pantalon de cuir étaient suffisants. Il était inutile de s'encombrer, à part pour faire plus de bruit et alerter les animaux. Les préparatifs courts et terminés, elle enfila ses bottes et ses arbalètes, empoigna son sac pour sortir. La préparation du repas, la toilette, viendraient après.
Le soleil montait déjà dans le ciel, et quelques oiseaux commençaient à siffler. Le village était alors encore silencieux, sans personne pour la déranger. Ce fut un paysage paradisiaque, dont elle ne prit même pas le temps d’admirer, l’ayant déjà vu maintes fois. Pourtant, on y sent le vent courir la plaine, le soleil nous réchauffer. On y éprouve la liberté. Et c’est peut-être la plus belle sensation du monde. Sauf qu'il n'y a plus que les touristes pour s'émerveiller. L'habitude gâche tout.
De toute manière, en cette journée, Kaya n'avait qu'une idée en tête ; A l’affût du moindre bruit, la Sheikah s’élança dans la plaine d’Hyrule. Elle la connaissait si bien, cette étendue sans murs. C’était peut-être un des endroits où elle se sentait le plus en danger, étant entièrement à découvert. Cependant, c’est aussi son chez-elle, où elle se sent en sécurité. Son terrain de chasse.
Mais il n’y avait pas une bête pour se prélasser sous le soleil, ce qui n’est pas normal par si beau temps. Tout chasseur aguerrit comme la demoiselle y verrait un signe de danger, les animaux étant réputés pour mieux flairer les périls que les humains. Qu’importe, il fallait trouver de quoi se nourrir.
Kaya se baissait dans les hautes herbes, avançant accroupie, prête à tirer. La moindre proie ne devait lui échapper. Sinon, c’est encore le ventre vide et le moral amoindri qu’ils iraient se coucher. Mais ne trouvant rien, ce cirque dura bien une heure. Jusqu’à ce qu’elle rencontre la lisière de la forêt.
Elle ne la connaissait pas, et, n’avait pas non plus un sens de l’orientation exceptionnel.
Tout Non-Kokiri ou Non-Fée s’y perdant, devient irrémédiablement un monstre.
Oh, elle ne voulait pas devenir un Skull Kid, c’est sûr... Mais devenir une Kaya affamée ne l’enchantait pas non plus.
Sur le point de regagner la vaste plaine, un magnifique cerf se risqua à travers les arbres.
Ni une ni deux, elle tira. Son bras se raidit en l’espace d’un instant, son doigt pressait la détente. Une flèche partit, fendant l’air, sifflante, perçante. Elle tua la bête sur le coup, ayant transpercé l’oeil, n’abîmant en rien sa fourrure.
Cependant Kaya maudit ce réflexe qui lui étira trop brusquement le muscle du bras, et qui lui avait pourtant apporté le dîner. D’une légère grimace, la Sheikah se massait doucement le bras, tout en pénétrant la forêt Kokiri. Le paysage fut immédiatement moins lumineux, plus humide. Moins accueillant. Alors tout en récupérant sa flèche, elle se jurait de partir le plus vite possible, après avoir examiné sa proie.
Elle se pencha vers elle, passa ses doigts entre les fins poils de son pelage. La qualité de sa toison était superbe. Le sourire en coin, Kaya comptait déjà les rubis qu’elle pourrait en obtenir, le repas qu’elle pourrait cuisiner. Et ces bois. Parlons-en, de ces bois… Majestueux, solides, avec encore un peu de velours dessus.
Une véritable aubaine.
Enthousiaste, la jeune femme déplia un grand pan de tissu qu’elle avait emporté dans son sac, et essaya d’en faire passer un bout sous sa prise, pour pouvoir la transporter. Jamais elle n’avait eu d’aussi gros gibier. Elle n'était pas sûre d'en avoir la force, mais il le fallait.
C’est donc pendant qu’elle s’affairait à cette tâche nouvelle qu’une présence se fit sentir. Étrangement, c’est toujours lorsque l’on termine un travail harassant que des personnes s'intéressent à ce que l’on fait.
“Désolée, mais je m’en sortirai seule.” annonça-t-elle, peut-être dans le vide. Elle ne s’était même pas retourner pour savoir si une personne se tenait dans les parages ou non. Les chasseurs trop curieux du butin des autres, elle en avait l’habitude.
Une fois debout, le front en sueur et le bras criant douleur, elle jeta des coups d’oeil discrets autour d’elle, d’une méfiance naturelle. Kaya protégeait son gibier comme on protège un enfant.
“J’vous ai dit de partir.”
Si ses yeux ne distinguaient rien, Kaya en avait assez apprit des esprits sauvages pour déceler une présence grâce aux autres sens.