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« Les entends tu, Grand roi ? Le grondement des tambours, le tonnerre éclatant des trompes et les choeurs chantant ta puissance et ta gloire. Ils t'appellent, ils invitent le monde entier à te rejoindre et à mettre un genoux en terre devant toi. Ils proclament ta force et prédisent ton triomphe. Les entends tu, Ganondorf ? Jamais n'a existé plus belle harmonie, car c'est de ta légende qu'il s'agit. Et donc, de la notre. »
Le Lion écouta et entendit. Les tambours qui faisaient vrombir la terre et les coeurs. Les trompes qui tonnaient, clair et fort. Les choeurs divins dont une voix, particulière et unique à ses oreilles, ressortait. Assis en tailleur dans une pièce parfaitement close, uniquement éclairée par un feu sans foyer, Ganondorf entendait tout cela, et il souriait. Pour une fois, le démon parlait vrai : cette musique frôlait la perfection, et il était heureux de l'entendre enfin. Il était temps. Prenant une longue inspiration, il aspira un long et fin volute de fumée d'encens, qui parcouru son corps et le replongea dans un état étrange, à mi chemin entre le sommeil et la pleine conscience. Sauf que le gérudo ne se reposait pas plus qu'il ne laissait les rêves l'envahir. Ce moment était tout entier dédié à le préparer au mieux à ce qui allait advenir, si Din se tenait toujours à ses côtés.
Au coeur de la Forteresse du désert, Ganondorf profitait de ses derniers instants de calme et de sérénité. Depuis plusieurs mois, il avait reposé son corps et son esprit, afin d'apaiser les blessures infligées par ses ennemis, dans la bataille féroce qu'il avait mené. Sa main passa sur son épaule, où seule une fine cicatrice témoignait encore du passage rapide mais terrible de la lame d'Excalibur. La lame sacrée l'avait caressé en quelques endroits mais son repos avait porté ses fruits : plus que jamais, le Lion se sentait prêt à rugir et à chasser ses proies sans aucune retenue ni pitié.
« Amusant. Souvent, j'en viens à douter que tu es bien celui que la destinée à choisi... Et en cet instant, je n'ai plus qu'une seule certitude ; le destin ne s'est pas trompé. Tel que je te vois à présent, la plus haute montagne ne saurait t'arrêter, Dragmire. »
Le visage de Ganondorf se déforma en un rictus mauvais, tandis que ses yeux s'ouvraient pour embrasser les ténèbres autour de lui. La flamme qui l'enveloppait vacilla, puis s'éleva haut en grondant. S'étant relevé, il lui commanda de lui ouvrir la voie, d'un geste empreint de pouvoir, et déclara au démon, avant de traverser la porte ardente,
« Nous verrons bien si toutes les montagnes sont prêtes à plier devant moi. »
La voie le mena en quelques instants à destination. Ganondorf ressentit brusquement une immense châleur, ainsi que les tendres contacts de ses flammes qui l'entouraient avec bienveillance et loyauté, jusqu'à ce que l'air froid de son monde ne s'impose à lui. Un courant d'air nocturne soufflait dans sa grande salle, lorsqu'il apparut aux yeux de tous, devant son trône. Tous l'attendaient, au garde à vous, avec une maîtrise exemplaire.
Il y avait là son élite. Une part de ses meilleurs gérudos, sélectionnées par Aveil pour leurs qualités de combattantes, leur indépendance au combat et leur fidélité. Le Lion les connaissait et les estimait toutes, sans exception. La dite Aveil n'était pas parmi elle, puisqu'il l'avait chargé de la défense de la forteresse, pendant son absence... Il leva la main ouverte, en roi saluant ses troupes. Celles ci répondirent en frappant de leur lance sur le sol, d'un unique mouvement synchronisé. La sensation pure du pouvoir lui parcouru l'échine sous la forme d'un frisson de plaisir. Rien ne plaisait plus à Ganondorf que de profiter de ces instants où sa majesté s'exprimait concrètement. C'était le lot de tous les hommes de pouvoir, la drogue des Rois.
Parmi cette troupe, au premier rang, se dressaient ses plus fidèles, ses enfants. Malgré l'absence de certains, déjà sur place, le gérudo éprouvait une fierté qui tenait plus à celle du père que celle du chef de guerre, tandis qu'il observait les meilleurs des siens, prêts à se lance dans la bataille. Le clan était une meute de Lions, il était temps de le rappeler à tous.
Sans mot dire, le Seigneur du Désert descendit les marches de son trône et prit ses armes des mains de plusieurs servantes qui s'étaient approchées. Il se ceintura du fourreau de sa longue épée, glissa son bras dans les courroies d'un bouclier d'acier noir orné d'argent et prit dans son autre main une lance d'argent plus grande que lui. Enfin, il se baissa pour laisser une des gérudo enfiler un casque à cimier rouge, noir comme le reste de son armure. Celle ci n'était pas aussi lourde qu'il avait l'habitude d'en porter, mais après tout, pour cette bataille, la vitesse comptait plus que tout.
Enfin paré pour l'affrontement, Ganondorf Dragmire s'approcha de ses enfants, et leur adressa à tous et chacun un sourire plein de complicité malsaine. Ils savaient dans quoi leur roi les engageait, et pourtant la peur n'était visible sur aucun visage, et ne faisait trembler aucun bras. Alors, derrière lui apparut un étrange point noir, comme trou dans la trame du monde. Puis, le point s'étendit, élargissant le trou jusqu'à être encadré par deux colonnes de la grande salle. Le portail fut parcouru par un éclair, puis un second et finalement il s'ouvrit. Alors, la pique du Lion s'abattit sur le sol, aussitôt suivie de toutes ses filles, et la voix puissante du gérudo s'éleva.
« Souvenez vous de ce jour, mes enfants, car il sera à vous, pour l'éternité ! Et que le Fléau de Din leur fasse regretter de s'être opposé au Grand Roi ! »
Une clameur univoque lui répondit, à laquelle il répondit par un profond et terrifiant rugissement. Puis, sans rien ajouter d'inutile, Ganondorf se retourna et franchit le portail.
Quelques instants plus tard, il se trouvait dans le cimetière de Cocorico. La nuit était tombée et la lune restait masquée par un voile de nuage épais. Les cieux étaient avec lui. Le Lion s'avança d'un pas, tandis que derrière lui, sa troupe l'avait suivit et allait se ranger de par et d'autre du portail. Il eut alors un sourire particulier pour celles qui l'attendaient.
« Félicitations mes filles. Swann, Prêtresse, est il temps de déchaîner notre colère ? »
La réponse n'avait pas vraiment de sens, et la question avait plus valeur de plaisanterie. Si le portail s'était ouvert, Ganondorf savait bien que ça n'était pas en vain. Et de toute manière, aucune difficulté n'aurait pu lui faire renoncer à cette bataille. Il avait beaucoup trop attendu pour supporter d'attendre une nuit de plus. Autour de lui, la troupe avait presque finie de s'amasser. Tous n'attendaient plus qu'une chose.
« Mes enfants, vous connaissez vos ordres. Que la chasse commence ! »
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