Posté le 30/08/2010 07:31
Il venait de lancer l'un des deux rouleaux dans les flammes du foyer. Elle regarda avec délectation le papier noircir et se tordre, destiné à finir en cendres. Le geste était bien sûr symbolique, s'il avait obtenu ce papier, il pouvait sans doute le remplacer, mais elle appréciait l'initiative. Elle ne savait pas ce qui l'attendait exactement, mais elle savait ce qu'elle évitait, et c'était tout ce qui comptait à ses yeux. Elle se débrouillerait toujours, elle le savait, elle l'avait toujours fait jusqu'à présent. Parce qu'elle ne comptait que sur elle même, elle était sûre de ne jamais se retrouver au dépourvu. Elle ne se retourna vers lui que lorsqu'il posa l'autre rouleau dans sa main, toujours tendue.
« Vous n’avez pas hésité, c’est surprenant, il semblait que ce que l’on m’a dit sur vous est vrai, j’espère qu’il en est de même pour… vos autres services. Pour ma part, vous m’excuserez de garder l’anonymat, mais dans ce genre d’affaire il ne réussit guère d’être connu n’est-ce pas ? »
La question ne nécessitait pas de réponse et elle n'en donna pas, son sourire flottant toujours à ses lèvres. Elle n'y vit qu'une confirmation de ce qu'elle avait pensé de prime abord lorsqu'il avait évoqué l'arrêté royal, il ne s'agissait pas de n'importe qui, et il ne tenait pas à laisser de quelconque trace de son implication dans l'affaire qu'il lui confiait. Ses clients habituels ne souhaitaient certes jamais que l'affaire s'ébruite, mais ils ne prenaient pas tant de précautions. Elle le comprenait. Elle-même ne se serait pas fait confiance.
Lorsqu'il retira sa main, elle s'empressa de glisser le parchemin dans une poche de son tablier de serveuse. Il était inutile de garder ce dernier en main pour l'instant et de risquer d'attirer l'attention d'éventuels clients curieux dessus. D'autant plus qu'il lui confirma qu'il ne souhaitait pas qu'elle prenne connaissance de son contenu tout de suite. Ainsi donc la mission pouvait s'avérer dangereuse et même mortelle ? Évidemment, elle n'avait pas besoin de désceller le parchemin pour le savoir, aurait-il pris la peine de se procurer un arrêté royal et de toute cette mise en scène s'il s'était s'agit d'une simple affaire comme on lui en confiait habituellement ? Elle avait compris dès l'instant où elle avait donné son accord qu'il ne s'agirait de rien de comparable à ce qu'elle avait pu réaliser précédemment. Néanmois sa décision ne s'en trouvait pas ébranlée, elle n'avait aucune envie de moisir dans une cellule, et la perspective de plonger dans l'inconnu ne lui faisait pas peur. Elle aurait pu avoir peur si elle avait compté sur un quelconque soutien, mais il n'en était rien. Elle vieillait elle-même sur sa vie, et ne se trahirait jamais. Certaines personnes se sentent intouchables et capables de tout traverser si elles sont réunies, dans son cas ce sentiment se rattachait à sa solitude.
Elle fut cependant surprise lorsqu'il lui fit savoir qu'elle était en droit de refuser la mission. Elle rangea l'information comme on entasse des babioles qui pourraient servir mais auxquelles on n'est pas sûr de toucher un jour. Après tout, la lâcheté n'était qu'un concept dont elle n'avait que faire, et elle n'aurait jamais hésité à abandonner le bateau en route, qu'elle dispose d'un accord ou non, si elle avait estimé que les risques étaient plus grands que les avantages qu'elle en tirerait. Il semblait l'avoir bien compris, puisqu'il évoqua les termes du contrat, et la récompense sur laquelle elle pourrait compter une fois le travail achevé.
*Ce que je souhaite ...*
Ce qu'elle souhaitait ... ? L'argent était utile. Mais elle n'était pas vénale. Elle savait que si l'argent en suffisance permettait un certain confort de vie, en excès il n'était plus d'aucune utilité. Que faire de rubis si on n'a plus besoin de rien, quelle utilité de les accumuler ? Il ne lui servirait à rien de courir des risques démesurés pour être couverte d'or si un travail facile et rapidement expédié lui permettait d'en obtenir suffisamment pour ne pas rencontrer les barrières de la pauvreté. Un objet ? Comment une jeune fille qui n'avait jamais souhaité s'attacher à personne aurait-elle pu rattacher sa vie à un objet ? Son souhait était justement de n'avoir besoin de rien et de se suffire à elle-même. C'aurait été impossible si elle avait voué sa vie à un objet. Bien sûr, il lui était arrivé de chercher à se procurer un objet, mais uniquement parce qu'elle en avait l'utilité directement que ça soit de manière directe ou de façon plus indirecte en le vendant. Pas d'attachement sentimental.
« … Et ma foi, vous ne seriez plus inquiétée par la Justice Hyrulienne de votre vie ? »
L'annonce ne tomba pas dans l'oreille d'une sourde. C'était l'ultime confirmation de l'importance de son "nouvel employeur". Elle eut l'impression qu'elle venait de tirer une carte joker. Son boulot de chasseuse de primes lui permettait d'obtenir des sommes d'argent conséquentes rapidement. Sans cela, elle aurait dû travailler beaucoup plus longtemps à l'auberge et aurait perdu de sa liberté. Mais il y avait un revers à la médaille, si les sommes étaient si conséquentes, c'était à cause des risques encourus. Bien sûr, chaque travail confié causait ses propres difficultés, mais une grande part des risques restaient liés à la justice. Et si jusqu'à présent elle pensait avoir toujours bien nettoyé derrière elle, et n'avoir pas laissé d'élément compromettant, nul ne pouvait savoir de quoi demain serait fait, et son identité elle, ne pouvait pas rester secrète, le risque nul n'existait pas dans le métier. Elle n'avait pas peur, mais la tranquilité d'esprit supplémentaire qu'elle pourrait obtenir n'en était pas pour autant négligeable. Un point restait cependant à préciser à ses yeux.
"La proposition est ma foi fort alléchante. Je ne souhaite rien que je ne possède déjà, et l'argent seul, même en grande quantité, ne justifie pas de risquer sa vie. Mais je suppose que vous savez ce que vous m'offrez en m'otant le poids de la justice, puisque vous l'avez utilisé vous-même plus tôt comme une menace. Toutefois...", son regard se posa à son tour sur l'arrêté royal, maintenant illisible, "Peu de gens ont la possibilité d'offrir un tel présent. Serait-il présomptueux de ma part de vous demander si vous êtes en mesure de me fournir la preuve qu'une telle récompense m'attend bel et bien ?"
Elle n'avait que présumé qu'il disait vrai jusqu'à présent, son assurance l'avait convaincue qu'il était ce qu'il prétendait, et elle n'avait à aucun moment douté de la nature des papiers qu'il lui avait apportés. Elle ne doutait pas vraiment plus qu'avant. Mais il tenait apparemment à son anonymat et elle ne pourrait être convaincue de la récompense qu'il attendait et qu'il avait les moyens de la lui fournir que s'il pouvait obtenir une preuve tangible. C'était d'autant mieux s'il pouvait prouver non seulement qu'il était en mesure de lui offrir ce qu'il lui faisait miroiter, mais aussi qu'il était prêt à tenir parole.
"Ne vous y trompez pas, je ne refuserai pas votre proposition dans le cas contraire. La valeur de cette offre vaut à elle seule de tenter sa chance quels que soient les risques, et si j'avais réellement douté de votre importance, je ne serais jamais allée aussi loin. Néanmoins, ne nous voilons pas la face. Vous êtes direct et je le serai aussi, vous attirer de ma part une détermination et une loyauté sans faille pour cette affaire serait dans notre intérêt à tous les deux."