Posté le 24/02/2013 02:01
Swann fut surprise lorsqu'une bête hideuse - elle se rendit compte que c'était un chat qu'après - sauta sur le comptoir de la Pernicieuse. Elle eut au moins le mérite d'arrêter la scène macabre qui se jouait depuis déjà de trop longues secondes à son goût. La griffe de la vieille femme revînt à la normale ; le sang s'échappa en quantité de la plaie. Comme d'habitude, c'était toujours assez impressionnant à voir mais il n'y avait pas à s'en faire pour autant. Le Cygne avait reçu des blessures plus terribles, la dernière en date étant ce bras qui s'était brisé en mille morceau lorsqu'elle avait sauté de la suite royale. Elle avait souffert ce jour là, vraiment. Elle avait même failli en mourir. En comparaison de qu'on venait de lui faire, c'était bien plus difficile de s'en remettre. Il était juste assez gênant que l'épais filet sanguin ne continue de couler jusqu'au coin droit de ses lèvres, lui laissant par la même occasion l'amer expérience de goûter ce qui de nombreuses fois avait jailli par sa faute.
Elle n'aimait pas le sang ; déjà le voir, ça ne l'enchantait pas. Le sentir dans son gosier était juste insupportable. Une fois libérée de sa cage de feu, elle cracha par terre le trop plein qui lui restait dans la bouche, avant de l'essuyer d'un revers de manche. Elle avait à peine vu le chat s'envoler par l'une des fenêtres lorsque la perfide sorcière lui avait donné un magistral coup de coude. Elle attrapa la cape, qu'elle avait laissé tomber au sol, puis en déchira un bon morceau d'un geste aussi brusque que soudain avant de le plier en quatre et de l'apposer contre la plaie. Avait-elle mal, maintenant ? A peine. Mais elle avait déjà laissé filer assez de sang comme ça pour la journée. Elle en vînt à pester contre la vieille femme, qui reprit d'un ton beaucoup plus conciliant. Comme si rien de tout cela n'était arrivé.
Elle venait de la traiter de faible... « Et ta sœur ? » osa penser Swann, le regard noir fixé sur la vieille peau qu'était cette femme abjecte et repoussante. Elle se garda bien de l'offenser, mais sa colère ne s'effaça pas pour autant. Elle était toute tendue, depuis que la cage s'était refermée sur elle. D'abord par crainte, ensuite par souffrance, enfin par haine. Si sa lame n'avait pas encore rencontré le gosier de la sorcière, c'était bien parce qu'elle en avait besoin. Et puis, qu'avait-elle à tirer d'un excès de colère ? Elle efforçait de ne plus suivre ses états d'âme dorénavant, quand bien même parfois cela était difficile. Après tout, si elle avait dû attendre de se calmer véritablement et de prendre du recul sur chaque situation depuis sa mort, le temps s'en serait allongé au double.
L'obstination. Que savait-elle, la vieille peau, de son obstination ? L'assassin dragmirois n'était pas là pour faire causette, que diable ! Bien sûr, bien évidemment même qu'elle se concentrait essentiellement sur le pourquoi de sa venue en ces lieux en des temps si glaciaux. Sans cela, elle serait morte depuis longtemps. C'était une faiblesse, certes, tout autant qu'elle était une qualité indéniable de la femme aux cheveux ébènes. Une seule pensée, une seule direction à la fois ; pas deux ni trois. Une seule, quand bien même elle oubliait le reste. Elle en était peut-être devenu têtue à force ; parfois cela pouvait virer à l'obsession, aller savoir. Qu'importe ! Tant que cela vous donne une raison d'avancer.
Et d'où était-elle inquiète, d'abord ? Diantre, qu'elle arrête de lui raconter de telles sornettes pour se concentrer sur l'essentielle, elle aussi ! Quelle mise en scène... Elle n'était pas soucieuse, simplement mal à l'aise. Elle appréhendait, comme toute femme intelligente se devait de le faire. Elle n'était pas en terrain connu ; la magie la barbait. Elle n'y comprenait pas grand-chose, et c'était pour ça aussi qu'elle était ici. Alors elle poussa un soupire de soulagement lorsque l'on vînt - enfin - à parler affaire ! Ses mauvaises pensées, qui avaient rempli son esprit avant de posséder son être, qui l'avait rendu haineuse, qui lui avaient tendu tous les nerfs du corps ; elles furent balayer par les tous derniers mots de la Pernicieuse. Enfin, elle redevenait sereine. Même si ça ne l'aidait en rien concernant ce qu'elle devait dire à présent.
" Puisque vous abordez enfin la question... " railla subtilement la femme-au-félin, dont le regard vînt balancer d'une potion à l'autre. Puis après un petit moment, elle reprit : " Je serais prête à vous donner ce que bon vous semblera. Faisons ça bien, faisons ça vite ; je commence à avoir un peu faim, pas vous ? "
Il était amusant de constater que le ton employé était particulièrement naturel, bien qu'un poil nonchalant. Aucun sourire ne venait arborer son visage, on eut dis qu'elle ignorait avoir déranger la vieille peau en plein repas, ce qui était pourtant facile de deviner aux lambeaux de chaire coincés entre ses dents. Elle ne se privait pas de cette petite pique, alors que par plusieurs fois elle s'était sentie offensée. Bien entendu, elle aurait pu tout aussi bien tenir sa langue, mais puisqu'en face on ne se privait pas... Qu'importe. C'était dis. Et surtout, le plus important : elle donnerait ce qu'on voudrait d'elle. Elle était au moins vraie dans ses paroles ; l'une de ses rares qualités, bien qu'on ait oser la traiter de menteuse un peu avant. Qu'importe, ça aussi, c'était balayé. Seule la marque et son prix importait dorénavant.