Posté le 03/02/2014 22:47
Il la laissa se presser contre lui, à mesure que ses bras ne dessinaient de douces arabesques dans sa nuque. Sur ses lèvres, un petit sourire qu'elle ne verrait pas, mais qu'elle ne manquerait vraisemblablement pas d'entendre. Cette petite fille lui avait manqué, et il savait apprécier le confort que formait l'alcôve dans lequel elle le capturait tendrement. Cette petite fille..? L'Hylien ne put s'empêcher, alors qu'ils tournaient l'un et l'autre au rythme des tambours et des talons, du courage et de l'allégresse d'un peuple toujours en deuil mais prêt à fêter les vivants, de la regarder. Ses yeux longèrent les courbes du visage de la Prêtresse, avant de poursuivre vers épaules, d'épouser innocemment les rondeurs qu'elle présentait involontairement, et réalisèrent qu'elle n'était plus cette enfant qu'il avait connu et secourue lors du dernier Hiver, à la porte du Ranch. Si rien n'avait fondamentalement évolué, l'attitude et le port qu'adoptait l'Enfant de Nayru n'étaient plus les mêmes. Elle ne devait tenir de l'enfant que ce que les hommes et les femmes de foi se devaient de garder, mais il ne doutait pas à quel point elle était devenue femme. Peut être était-ce la guerre qui l'avait changée ? Peut être était-ce, encore une fois, sa faute ? Peut être avait-elle perdu ce charme et cette naïveté par essence qui avait toujours fait d'elle ce qu'elle était ; au yeux du vagabond ?
Un léger silence s'installa entre les deux amis, portés par une musique qui n'avait plus grand chose de l'éloge aux Déesses. Et puis, Flora se risqua à ouvrir les lèvres, comme pour monter à l'assaut de tous les doutes de l'Enfant-des-Bois. Quoiqu'elle puisse avoir laissé derrière elle, il savait désormais qu'elle n'avait pas abandonné sa maladresse. Non pas qu'il eut été lui même plus adroit dans une situation semblable — ses pensées l'amenèrent à toutes les fois où la gène avait dicté ses mots plus que de raison, mais le ton de la jeune religieuse était aussi hésitant que ne l'étaient ses pas de clerc. Le sourire qui s'était dessiné sur le visage ne s'effaça pas, et touché par son amie, il l'attira doucement contre lui, profitant d'un rapprochement de chorégraphie.
La Danse dictait à leurs pieds là où ils devaient aller, à leur bras jusqu'où ils devaient se hisser, et tandis que cet art dont il ne connaissait que quelques bases – tantôt enseignées par Saria, tantôt découvertes au gré de ses voyages, tantôt appris au contact de Zelda – les emmenaient valser, ils subirent un nouveau virage. Du coin de l'oeil, le blond distingua une carrure particulière, imposante ; unique. Il n'eut guère besoin de plus pour reconnaitre Darunia. L'ivresse de coeurs meurtris enflammait à nouveau les cendres du brasier qui prenait Cocorico aux tripes quelques heures plus tôt. Ses doigts glissèrent jusqu'à se détacher de la Prêtresse, brisant ainsi l'étreinte qu'elle avait tendrement initié. Pour autant, il tâcha aussi bien que faire se peut de ne pas perdre le contact : sa main flirta d'abord avec l'épaule de la jeune femme, avant de couler sur son bras, comme l'eau coulait parfois le long de ces petites écailles qui parsemaient sa peau, et coloraient ses joues d'un éclat bleuté. Et quand il arriva à la main de la demoiselle qui chutait presque, il laissa de côté la subtilité pour l'attraper ouvertement et commencer à la faire tournoyer sur elle même. Un tour, puis deux. Pas trois.
"Toi aussi. ~" Souffla-t-il à l'oreille de l'enfant-qui-n'en-était-plus-une, alors que la vitesse la propulsait à nouveau contre lui. La gigue les sépara à nouveau, pour mieux les rapprocher ensuite. Un instant ses esprits filèrent vers Zelda, et il se demanda quand il reverrait sa tendre amie. Ils allèrent aussi à Malon, et cette fougue si douce et si flamboyante qui l'avait toujours habitée. Une fois n'est pas coutume, il repensa à une époque révolue sans qu'il n'ai eu le temps de la connaitre. Cette enfance qu'il n'avait vécu qu'à moitié lui manquait. Ce temps tout juste assez présent dans sa mémoire pour qu'il s'en souvienne les impressions. Couleurs, odeurs, formes, chaleurs et joies. De ces relents de fête et dans ce sourire, il retrouvait la flamme de ses souvenirs. « Et pour te répondre... ~ » Commença-t-il, avant qu'un tambour ne claque aussi sèchement que précisément. D'un instant à l'autre, les sonorités changèrent du tout, à mesure que le Roi-dans-la-Montagne ne s'invitait sur scène. Bientôt, les chants populaires Hyliens se mélangèrent aux rythmes traditionnels et ancestraux des Gorons. Deux autres frères du Brise-Roc commencèrent ensuite à chanter et marquer leurs vocalises de percussions aussi typiques du peuple de Pierre que les songes n'étaient l'attribut du Poisson-Rêve. Le festival improvisé se teinta irrémédiablement d'une couleur résolument métisse, tandis que deux peuples s'unissaient pour devenir le Hyrule qu'il avait toujours connu.
"Pour te répondre, jeune femme ... ~" Lâcha-t-il, un peu plus fort pour qu'elle l'entende par delà tout ce vacarme musical, tout en accentuant sur sa nouvelle condition, comme désireux de lui tirer un nouveau sourire. « Je vais bien, jeune dame. ~ La journée a été longue et harassante, mais j'en suis sorti en un seul morceau. » Et il espérait que ce fut le cas pour Malon aussi. S'il n'avait aperçu sa chevelure nulle part, il avait été rassuré de voir que le bâtiment dans lequel il l'avait laissée la veille n'avait pas brûlé. Tout aussi fou que cela puisse paraître... Il avait arpenté les rues et les ruelles à la recherche d'un signe de vie, mais à défaut d'en trouver, il n'avait rien discerné qui soit preuve de sa mort. L'angoisse existait encore, il était cependant bien plus serein, sans pour autant cesser de s'inquiéter. Sans doute ne le pourrait-il jamais.
Comme pour cacher son trouble, le vagabond qu'il était emmena à nouveau Flora dans une valse, souhaitant garder ses craintes et ses peurs pour lui même. — Comme à chaque fois, en vérité. S'il était quelque chose de dur à lui arracher, il s'agissait bien de confidences, ou d'appréhensions. Peut être était cela qui lui avait valu, de la part des hommes du Jarl, le surnom de brave. Cette capacité à murer son effroi derrière un mur de pragmatisme, factice quand les vies des êtres dont il était le plus proche étaient en jeu. Factice, mais apparent néanmoins.
La peau tendue sur la structure creuse résonna de nouveau, marquant la fin de la danse. Dans une mimique presque ridicule, tant elle était satyrique vis à vis des manières qu'il tâchait d'adopter, il effectua une courbette digne des plus maladroit des parangons de la cour de Zelda. « Voilà qui marque la fin de notre rencontre, ma Soeur ! » Continua-t-il, toujours en jouant sur ce protocole qu'il n'avait jamais accepté, au fond. La sueur sur son front luisait à la lumière du feu et drapait son visage d'une douce parure d'or et de sang. Secrètement, il échangea un regard avec le Goron aux allures et aux réflexes de vieil ours, avant que ses yeux ne reviennent à la Ponte del Carmen. Un petit air amusé tira ses lèvres un instant, avant qu'il ne se redresse. « Joyeuse danse, Flora ! » Susurra-t-il à son oreille, en s'éclipsant sur le côté, tandis que ses doigts se fermaient tant sur l'Ocarina de Belle que sur la petite statuette de Flamboyante.