Posté le 21/04/2014 16:30
Dans l'obscurité, luisaient les fers âprement fermés sur ses poignets. Ce n'était ni la première fois ni la dernière fois qu'il se retrouvait à moisir au fond d'une geôle, mais c'était néanmoins une surprise que de prendre racine derrière les barreaux de Cocorico. Il avait du s'échapper, parfois. Il n'aurait pas imaginé être un jour un criminel saisi par la Garde Royale pour trouble à l'ordre public. Il ne s'en était pas moins rendu paisiblement. S'il savait reconnaître qui n'étaient pas ses alliés, il savait aussi lire suffisamment en ceux-là pour dire qu'ils n'étaient pas pour autant ses ennemis. L'Hylien garda la nuque courbée, alors que çà et là, vivait la prison, peut être plus sordide que ne l'avait été le Temple de l'Ombre. Quoique. Sans doute pas. Mais le fait est qu'il avait eu droit à une cellule au moins aussi sombre — une cellule de criminel.
Il contempla l'acier qui lui ceignait les poignets et le froid lui rappela combien il préférait le cuir aux plaques et aux armures de chevalier et des paladins de la foi du Royaume. Plus loin, au devant des tiges de fer noir, ses compagnons d'infortunes s'excitaient sans qu'il ne cherche véritablement à saisir ce qu'ils pouvaient exiger, dire ou quémander. Non, en vérité, l'ensemble de son attention allait à l'unique mercenaire qu'ils avaient réussi à capturer, et qui chantait une comptine assez noire. Il la connaissait, et savait qu'aucun enfant n'aimait l'entendre. Il y avait déjà trop de misère et trop de crainte pour insuffler un peu plus de peur chez les gamins.
Il ferma les poings, alors que la jeune femme abordait le couplet des défunts. Ses dents grincèrent, mais personne n'en saurait jamais rien : le capitaine qui avait ordonné leur arrestation, un peu plus tôt dans l'après-midi venait d'enfoncer une des portes de vieux bois de la baraque. Et visiblement, sa rage n'avait d'égal que la verve des deux gosses à exprimer il ne savait quel besoin de liberté. Il ne pouvait que les comprendre, au fond, mais ne le cherchait pas.
L'Enfant-des-Bois releva la tête, alors que l'officier approchait, drapé d'une cape de fourrure sans doute plus épaisse que les mailles qu'il portait. Sous la peau d'ours qui le protégeait du froid brillait une armure lourde, d'un alliage qui semblait aussi poli que du ver, et au blason gravé d'or et d'argent. L'aigle royal semblait le narguer de son regard qui jusqu'à présent lui avait toujours semblé bienveillant. Et quand bien même il n'avait jamais ignoré que plus vieilles étaient les couronnes plus entrelacés étaient les mensonges qui en composaient les branches, son coeur ne manqua pas de se serrer, à penser que c'était une représentation de Zelda elle même qui l'avait fait jeter aux fers. Il soutint en silence le regard de Jehan, tandis qu'au fond du sien dansait cet hiver qui l'habitait depuis si longtemps et lui permettait d'avancer. S'il connaissait le courroux de l'officier, il ne le craignait pas.
Le feu qui consumait la torche et donnaient à l'homme - et aux deux fantassins qui le suivaient, hallebarde en main - une prestance indéniable lui offrit également suffisamment de lumière pour distinguer un peu plus le visage de la tourne casaque. Le nez avait été brisé dans la bataille, et un moignon terminait son bras droit. Son faciès était marqué d'un sourire victorieux qui l'interpella sans doute plus que toutes les cicatrices qui témoignaient des combats qu'elle avait du mener. Contre des ennemis qu'il ignorait mais qu'il avait peut être connu. Contre la vie elle même, vraisemblablement. Sans parvenir à la prendre en sympathie, il réalisait que tous ne naissaient pas avec la même chance — et que si l'histoire avait été différente, peut être n'aurait-elle pas eu à virer dans ce chemin qu'elle avait pris.
Elle lui rendit également son regard, défiante et insolente. Moqueuse, alors qu'elle lui murmurait quelques mots doux qu'il préférait ignorer. Ses poings se fermèrent un peu plus. Le silence revint quand le soldat l'exigea d'une voix forte qui avait été celle qui, sur le champ de bataille, avait assuré la victoire du Cimetière. D'une phrase aussi brève que le ton n'était cinglant, il se détourna de la Soleil Rouge, pour mieux se recentrer sur la petite compagnie qui était partie à sa recherche. L'homme semblait fulminer de rage, face à un interdit - qu'il ignorait - qui avait été enfreint. Les chaines qui liaient les mains du Héros déchu tintèrent clair, alors qu'il s'essayait à leur résistance. Et si Darunia s'en serait débarrassé sans le moindre mal, lui ne parviendrait qu'à se rompre les os.
Le chant repris, sans que la jeune femme ne se soucie du piquier qui s'approchait d'elle, pour la faire taire. Il n'avait fallu qu'un regard de la part du capitaine à ses hommes pour que pleuvent les premiers coups au travers des barreaux. Et tandis que les paroles et le rire cynique s’étouffaient dans le bruit des des chaires meurtries et des os brisés, les jointures du vagabond blanchissaient. Elles resteraient, certes, invisibles dans l'obscurité mais le blizzard qui balayait ses yeux saurait traduire son ressentiment mieux qu'aucun coup qu'il aurait pu porter. « Les crocs du Lion plus aiguisés qu'aucune épée déchirent la cité ; Des Nohansens les derniers bastions tomberont et dans le sang l'histoire du Lion nous écrirons »
S'il n'y avait personne pour y prêter attention, Link ne tarda pas à sentir sa patience se désagréger, à mesure que l'un mendiait un pardon quelconque, pour un vol aussi anodin qu'oublié, que l'autre s'acharnait à invectiver les soldats qui n'étaient pas occuper à matraquer le seul indice dont il disposait. Le capitaine, rutilant, se montra finalement devant lui. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il comprit à quel point il n'était plus que l'ombre de ce qu'il avait été. Si jamais il avait inspiré l'espoir un jour — comme Rauru, l'Arbre Mojo ou d'autres avaient plusieurs fois essayé de le craindre, il n'était guère qu'un paria aujourd'hui. Un de ceux dont la simple présence dans les villes et les hameaux devient insoutenable, un de ceux condamné tacitement à l'exil. Il avait beau préférer les plaines, l'odeur de la sève ou la douce froideur de la neige aux bruits, à l'excitation et aux relents des cités le simple fait de ne pouvoir y entrer suffit à lui couper le souffle. Le poing du capitaine au fond de son foie aurait certainement eu le même effet. Un paria, un réprouvé. L'espace d'un instant, il en parvint même à oublier les innocents à feu et à sang évoqués dans la chanson.
Mais le parangon de vertu qu'étaient le gradé ne tarda pas à le ramener sur terre. Il voulait des réponses...? Le vagabond ne prit plus la peine de défier son regard ou quoique ce fut de la sorte. Des réponses, il en voulait également. Non pas parce qu'on avait tenté de le tuer — une fois de plus. Non pas parce qu'une trentaine de brigands avaient décider de lui tendre une embuscade, mais bien parce qu'il lui semblait clair comme de l'eau de roche qu'il ne s'agissait que d'une diversion. Et si les autres prisonniers avaient été débarrassés de leurs effets, personne n'avait pu le défaire de l'acier qui dormait dans son dos. Jouant aussi soudainement de l'épaule que le garde ne l'avait laissé sonné auparavant, il parvint à tirer Excalibur, en dépit des menottes qui maintenaient ses poignets. Et profitant du geste de recul du soldat, le Sans-Lignage emboutit d'un estoc la serrure. D'un chassé, il tira son épée et dégonda le battant de fer forgé. Son regard rencontra celui du capitaine. Les hommes avaient cessé de battre leur première détenue, comme paralysé par une surprise singulière.
L'officier fut le premier à tirer l'épée. L'acier fila en direction de sa tête, mais le Fils-de-Personne n'esquissa qu'un seul mouvement. Il doutait de la volonté de ces hommes à le tuer et n'en avait pas non plus la moindre intention. Ce qui n'empêcha pas son son épaule droite de percuter violemment les abdominaux protégés d'une armure de Jehan. D'un bref jeu de jambe - ses bras se trouvant foncièrement limités et bloqués -il souleva le garde pour le faire rouler sur son dos. L'armure cliqueta sourdement quand le militaire s'effondra au sol, sur le dos. Et avant même qu'il ne se soit relevé, il envoya le pommeau de sa lame frapper l'estomac du premier fantassin. Un simple coup de genou suffit à le jeter au sol.
Quand l'estoc de la hallebarde manqua de le délester un oeil, il fut presque tenté de remercier les Déesses pour la chaîne qui minimisait ses mouvements. Coincé dans un des maillons, l'acier du piquier n'avait pas pu gagner son visage. Brusquement, le prisonnier fit tourner ses avant-bras d'un quart de tour vers la gauche, forçant l'autre à faire de même ou à lâcher son arme. Une fois de plus, la surprise se révéla sa meilleure alliée. Link finit par baisser sa lame, quand l'autre se retrouva désarmé. D'un regard plus violent que le blizzard et plus froid que le givre, il lui fit comprendre ce qu'il attendait de lui. Bientôt, le garde commença à battre en retraite, et Excalibur s'enfonça à nouveau dans l'alliage de la serrure.