Posté le 12/11/2014 14:12
Le carrosse cahotait durement sur le chemin rendu irrégulier par endroits. La Couronne était impuissante jusqu’au point de ne pas entretenir ses routes les plus importantes, tout allait mal ! Mais l’Eglise d’Hyrule serait là pour compenser le problème. Peu importe le porteur de la Couronne, le culte des Trois Déesses subsisterait, et les braves gens continueraient de se masser derrière ses représentants pour sauvegarder leurs âmes éplorées.
Sauver des âmes, c’était précisément le but de la visite de la prêtresse de Farore au village Cocorico. Elle s’était mise en retrait dernièrement pour digérer, malgré elle, l’échec de son alliance avec le Sombre Link. Il lui fallait toutefois repartir sur le pied de guerre : le Pontife en personne avait récemment été jeté dans les cachots du château d’Hyrule, sur ordre direct de la Princesse Zelda.
Il n’en avait pas fallu davantage pour que l’image de l’Eglise, habituellement si propre sur elle, se retrouve ternie. De plus, avec une prêtresse de Din en perdition, et avec une prêtresse de Nayru en disgrâce, l’équilibre des plus hautes têtes de cette Eglise se retrouvait menacé. Il fallait à tout prix que la prêtresse de Farore, la dernière des trois qui soit apte à apparaître devant le peuple, redresse la barre du navire afin qu’il reprenne la route initialement tracée. Il en allait de la crédibilité de l’Eglise.
-Nous sommes presque arrivés, ma Dame ! annonça le cocher.
La prêtresse risqua un coup d’œil hors du carrosse. Le Mont du Péril grossissait à vue d’œil pendant que les chevaux amenaient la jeune femme vers sa destination. Suivie de cinq carrosses et précédée d’un autre, elle s’autorisa à savourer l’instant présent ; rien n’était plus jouissif pour elle que de penser à ce qu’elle comptait faire. Un frisson d’excitation parcourut son échine, et un rictus déforma ses lèvres en forme de bouton de rose empoisonnée.
L’arrivée des sept carrosses dans le village, en plein après-midi, fut hautement remarquée de tous. Les chevaux hennirent, les gens s’écartèrent, les sabots tapèrent, et le rassemblement de la population autour de cette délégation religieuse se fit tout naturellement.
La porte du second carrosse s’ouvrit la première, grâce à son cocher qui laissa descendre une prêtresse de Farore d’humeur conquérante. Le pas de la jeune femme s’écrasait fermement sur la pelouse grasse.
-Citoyens de Cocorico ! s’écria la religieuse. Nous demandons instamment à chacun d’entre vous de bien vouloir s’approcher. Les Déesses vous en seront gré !
Les villageois vinrent innocemment autour de la prêtresse, conservant une formation en cercle. Tous les autres carrosses laissèrent sortir des membres de l’Eglise vêtus de robes blanches, qui portaient le symbole de la Triforce dans leur dos, bientôt rejoints par des soldats venus de la garde privée de l’Eglise. Ils portaient tous un casque décoré du symbole de la Triforce, mais certains d’entre eux s’étaient munis d’une ceinture marquée du sceau de la déesse Farore, avec un ensemble de vêtements amples verts et blancs. Ceux-ci étaient l’escorte personnelle de la représentante de Farore chez les mortels. La dite représentante, elle, évoluait gracieusement près de l’arbre au milieu de la place dans une de ses éternelles robes de couleur émeraude.
-Comme vous ne le savez que trop bien, les temps sont de plus en plus durs, et les nuages couvrent lentement notre beau royaume ! Regardez la couleur de celui qui ceinture la montagne, voyez comme il est gris ! Un danger plane à proprement parler au-dessus de vos têtes ! Il est certain que Ganondorf Dragmire ne saura jamais vous protéger de lui-même, et de sa folie, mais ouvrez les yeux ! La Couronne non plus ! Notre souveraine a déjà maintes fois prouvé son impuissance face aux menaces qui nous guettent toutes et tous !
Pendant le discours enfiévré de la prêtresse, les soldats et les membres de l’Eglise avaient commencé à s’éparpiller partout dans le village, ne laissant que quelques-uns d’entre eux pour accompagner leur dirigeante. Les habitants de Cocorico avaient beau ne pas encore comprendre ce qui se tramait, tout le monde percevait visiblement la gravité de ce qui motivait la prêtresse à venir chez eux.
-C’est parce que ces deux grandes puissances sont incapables de prendre soin de vos vies et de vos terres que je me trouve indirectement ici ! Entre ces deux promesses de destruction, l’Eglise est la seule institution qui soit capable de sauver les habitants d’Hyrule ! La foi en nos Déesses permettra éternellement à vos âmes de vaincre le Malin et de ne pas se laisser emporter par lui ! La foi !
Plusieurs villageois approuvaient par des hochements de tête ce que martelait la prêtresse avec force. La propagande demeurait efficace dans la bouche d’agents publics comme elle, surtout avec le respect qu’imposait sa fonction.
Toujours dans le même temps, les soldats et les religieux commençaient à revenir vers la place où elle se livrait à l’un de ces laïus dont elle avait le secret. Plusieurs escortaient de force quelques villageois, des hommes pour la plupart, vers la prêtresse.
-Mais la foi qui habite une Terre sacrée telle que la nôtre ne peut être renforcée qu’en éliminant ceux qui lui sont nuisibles ! reprit-elle devant la foule incrédule. Ces inconscients ou ces criminels magiciens qui s’adonnent à l’art interdit de la magie noire, ceux-là doivent être jugés ! Pour le bien de tous les autres, de tous les croyants sains, l’Eglise doit purifier les âmes noircies de ces hérétiques ! Autrement, les Déesses ne sauront se pencher sur notre sort pourtant suffisamment triste déjà ! Elles puniront l’ensemble du peuple pour la faute de quelques hors-la-loi ! Pouvez-vous accepter cela ?!
Là encore, plusieurs têtes allèrent dans le sens du discours de la prêtresse, en s’agitant vivement de gauche à droite. Elle, bien décidée à faire forte impression, s’avança vers l’un des hommes que les soldats tenaillaient fermement. La religieuse en vert lui offrit son plus mortel sourire.
-Qu’avons-nous là ? interrogea-t-elle malicieusement.
-Nous avons trouvé un autel de sorcellerie dans son grenier, répondit l’un des gardes de l’Eglise. Trois corbeaux égorgés y étaient déposés.
-Voilà un passe-temps qui n’est guère propre et joli… commenta la prêtresse avec une ironie malicieuse. Que l’on prépare le bûcher pendant que je vais examiner les autres hérétiques.
-A vos ordres.
Les villageois les plus proches répétèrent la parole de la prêtresse dans l’oreille de leurs voisins, et ainsi de suite. En moins d’une minute, tout Cocorico fut informé qu’une exécution religieuse allait avoir lieu sur la place. Voilà un spectacle auquel plus personne n’était habitué !
-Vous l’aurez compris, s’exclama la prêtresse devant une femme que des soldats maintenaient par le bras, ceci est une Inquisition ! L'exécution de la volonté des Déesses ! Toute personne qui soupçonnerait quelqu’un d’autre de pratiquer la magie noire, n’importe qui parmi les habitants de ce village, est invitée à nous le faire savoir rapidement ! Oui, il est temps d’en finir réellement avec l’hérésie en Hyrule !
-Jamais vous ne parviendrez à étouffer toutes les croyances, ou à interdire toutes les pratiques, rétorqua hargneusement la femme.
-Je n’en serais pas si certaine à votre place, répliqua la prêtresse. Occupez-vous donc d’adresser quelques dernières prières aux Déesses, mêmes proférées dans l’hypocrisie qui caractérise les déviants tels que vous. Je dis cela dans l’intérêt de votre âme et de son salut…
-Je t’emmerde, salope, va brûler en enfer !
D’un mouvement brusque, la femme hérétique cracha sur la joue de la prêtresse. L’un des deux gardes de son escorte personnelle se chargea aussitôt de lui enfoncer un puissant coup de poing dans le ventre, lui faisant pousser un gémissement de douleur étouffé. S’essuyant délicatement à l’aide d’un mouchoir de tissu, la religieuse s’approcha après que la déviante eut légèrement relevé le menton.
-C’est toi qui va brûler la première, pauvre créature damnée, ronronna la fanatique. Allumez les torches !
Le bûcher était maintenant fin prêt, monté à l’aide du bois que les membres de l’Eglise étaient partis chercher dans les réserves de plusieurs villageois. Les hérétiques y furent amenés en file tandis que la prêtresse montait sur l’estrade avec fierté, dominant du regard tous ceux qui la contemplaient avec la plus profonde stupeur. Une agitation générale avait finalement gagné Cocorico, car il y’avait bien trop longtemps qu’on n’avait plus pratiqué d’inquisition en Hyrule, et l’organisation par surprise de celle-ci venait de jeter sur les braves gens un malaise très aisément palpable.
Y’aurait-il un imbécile assez fou pour s’y opposer ? Y’aurait-il quelqu’un d’assez peu éduqué pour s’opposer à la parole d’une personne qui représentait la Déesse créatrice de vie ? Celle-ci en doutât fortement. Les torches brûlaient férocement dans les mains des gens de l’Eglise, et il était presque trop tard pour voler au secours des condamnés, qui s’agitaient désespérément pour échapper à la poigne des gardes religieux.
-Liez ces malheureux au poteau ! La purification de leurs âmes doit maintenant commencer !
Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.