Posté le 07/09/2015 20:33
Ses lèvres se déformèrent doucement, en silence. Dans la pénombre qui tapissait la masure en ruines. Si retrouver Belle n'avait jamais rien d'une épreuve, la jeune femme – en le serrant contre elle – appuyait maladroitement sur son corps moulu. Entre les courbatures et les plaies qu'il lui fallait encore panser, l'Hylien se sentait particulièrement vulnérable. Pourtant, il se laissa glisser entre les bras de la Princesse qui venait à sa rencontre. Sous ses doigts, le petit renard commençait à réagir, un peu plus agité. « Tout doux, tout doux... — » Glissa-t-il simplement, tâchant de calmer la bête comme Malon aurait su le faire. Au fond, le flamboyant de son pelage lui rappelait la jeune fermière. De la main, il flatta l'animal pour mieux l'apaiser, inspirant tant bien que mal. « Oh, en bas — » , tonna durement Fergus, « Tout va bien ?! » Le visage de l'Hylien paraissait entre deux pans de toit qui ne s'étaient pas effondré durant l'attaque du Dodongo. Le Dragon avait percuté la bicoque, avant de la séparer littéralement en deux. « Pas d'inquiétude ! » Souffla Link, sans nécessairement s'éloigner des bras de Zelda.
"Qu'est-ce que... —", commença-t-il, avant d'être coupé par la jeune femme. Elle parlait vite, plus que d'habitude. Sans un mot de plus, et en la laissant finir, le Sans-Fée glissa sa tête dans le cou de son amie. L'étoffe qui l'avait camouflée si longtemps avait toujours eu une odeur spécifique qu'il n'aurait su décrire mais qui le rassurait. « Toi aussi, tu t'inquiètes trop ~ » Murmura-t-il à l'oreille de la Belle, taquin. Il ne l'avouerait certainement pas – surtout pas après le bain où il avait côtoyé le Général – mais la savoir soucieuse à son égard le touchait. Après une minute de silence qui lui sembla filer comme une simple seconde, il entreprit de répondre aux premières interrogations de la dernière Nohansen. S'il y consentait, pour une fois, c'était d'avantage par inquiétude que pour véritablement lui narrer ses aventures. « Je... », se lança-t-il, cherchant les mots qu'il voulait placer sur ce qu'il pourrait dire. « Les combats ont été nombreux. Violents, aussi. » Souffla-t-il simplement, sans donner plus de détails. « Ganondorf a été repoussé, au sommet du cratère. Llanistar a réussi à l'en éloigner. » Il prit une inspiration, marquant une petite pause dans ses propos. « Certains des siens ont été capturés. D'autres se sont enfuis. Ceux qui n'ont pas réussi sont morts. » Le ton abrupt, peut-être même un peu sec. L'Hylien ramena le foulard sur son nez, masquant un pan des cicatrices qui lui barrait le visage par cinq fois, désormais. Derrière la glace de ses yeux, il revoyait pertinemment les flammes qui rongeaient le Fief d'Impa, les cadavres qui s'amoncelaient dans les rues, les entrailles qui jonchaient les pavés comme la terre battue. Il lui semblait que l'odeur de fer, de pisse et de chair brûlée revenait à l'assaut du Village avec plus de violence qu'auparavant. Sous le tissu, il grimaça. « Funérailles... ! », sifflait-il entre ses dents sans qu'aucun son ne perce ses lèvres. « Maudites. Pour les morts, pour les massacres, pour les innocents fauchés. Pour le prix du fer, pour celui du sang. » Plus que toute chose, il haïssait les batailles. C'était là le terrain du Rusadir, des capitaines, des chevaliers et de tous ces autres héros forgés par la guerre. Il n'en était pas un et aspirait à un autre destin.
Passant sous silence les événements qui le concernaient personnellement, l'Enfant-des-Bois ne préféra pas revenir sur son combat contre Swann, pas plus que sur les visites qu'il avait pu rendre chez les blessés à la recherche de Malon et de Flora. Bien que n'ayant pas dit un mot sur lui, il avait déjà le sentiment d'avoir bien trop parlé. « Et toi... — » Se lança-t-il, comme pour fermer la conversation ; clore un chapitre dont il souhaitait la protéger. Laissant l'animal grimper sur le sein puis l'épaule de son amie, il la serra un peu plus contre lui. « Et toi, tu... — » Reprit-il, avant d'être soudainement coupé par une voix qu'il ne connaissait que trop bien. Ses lèvres se pincèrent sous le cache-nez, d'appréhension. Il connaissait suffisamment la princesse Zora pour savoir que, tôt ou tard, il écoperait de son lot de reproches. Sa voix s'éleva une nouvelle fois, bien plus glaciale qu'auparavant. Il garda le silence, gêné. Si Ruto ne lui faisait pas peur à proprement parler, il avait rarement été à l'aise en sa compagnie. Leur relation lui avait toujours paru trop étrange pour qu'il ne parvienne tout à fait à la cerner. Au fond, il avait toujours su comment se comporter devant Zelda, mais jamais devant la Zora... Quelque chose chez elle l'avait toujours troublé. Profondément.
"Eh beh, ça en fait du peuple !" Lança l'ouvrier, toujours perché sur le toit. « Surtout que ça devient dont bin rares, les Zoras dans eul'coin ! Mes salutations madame ! » La pioche perça l'ardoise, tintement durement sur la pierre. « M'voila bin content de savoir que les Zoras sont-y toujours vivants. » Une deuxième fois la pioche frappa le toit, après qu'il se soit débarrassé du premier morceau. « C'est pas tout, mais eul'gamin il a un peu de travail à terminer. Tu viens-tu, garçon ? » Bien que Fergus use de politesse vis à vis des arrivants et qu'il tourne ses réclamations sous forme de questions, Link n'était pas dupe. Il s'agissait d'un ordre comme personne ne lui en donnaient jamais. Grinçant des dents, il abaissa le cache-nez. « J'arrive. » Lâcha-t-il, sans véritablement cacher sa mauvaise humeur. Ses doigts glissèrent de la hanche de Belle tandis qu'il s'éloignait d'elle sans un mot de plus. Jetant un regard à la silhouette du vieil ours, toujours penché au dessus de la ravine provoquée par le Dragon, il reprit. c Son regard de givre croisa celui de Ruto. Il ignorait quoi lui dire précisément, mais il avait encore à l'esprit les conversations qu'il avait pu avoir avec Sheik après plus d'une dispute. Il savait pertinemment que la jeune femme avait des raisons de lui en vouloir — il ne l'avait jamais nié. Le dire de vive voix, cela étant, était plus compliqué. Baissant le regard plutôt que de soutenir les yeux de la Princesse Zora, l'Hylien chercha les mots. Leur dernier échange remontait au sac du Domaine de Talon. Il était plus ancien, même, et pas beaucoup plus cordial.
Bientôt, ses bras entourèrent la Zora. La dernière fois qu'il était allé chercher une étreinte, elle l'avait gratifié d'une gifle. Loin d'être doué pour les explications et les discours, il avait préféré suivre son instinct. Ne l'enlaçant que brièvement, le Fils-de-Personne ne tarda pas à défaire ses bras. « Allez bourreau des cœurs, ramène-toi ! On a encore toute la maison à mettre par terre », ironisa le charpentier. Link mit fin à l'étreinte, puis tourna le dos aux deux femmes. Après quelques pas, il s'arrêta, chercha Ruto du regard sans vraiment se retourner. « Ruto, je... — Excuses-moi. Il faudra qu'on parle. » Lança-t-il, à la fois timide et hésitant. Sans trop laisser le temps à la princesse de répondre, il s'agrippa à l'une des poutres qu'ils avaient installé comme échelle, pour gagner le toit. « C'est-y pas vrai ?! C'est un chantier ici, pas le marché ! » Lâcha Fergus, visiblement agacé. « Du calme, vieil ours... Je n'oublie pas ce que tu m'as demandé. » Le soupçon de complicité qui allégeait la voix de l'Hylien parvint à apaiser le vieillard, qui posa son instrument, comme pour mieux garder un œil sur la scène. Il ignorait qui était cette enfant qui s'avançait vers l'intérieur de la demeure, quand bien même son visage lui disait quelque chose. C'était aussi le cas de celui du gamin, mais les six cicatrices qu'il portait sur la gueule lui seraient restées en mémoire s'il l'avait déjà croisé.
"Le Général a quitté le Village dans la matinée d'hier. Il escortait plusieurs prisonniers jusqu'au Castel, en compagnie de quelques soldats qui se sont démarqués." Toujours suspendu à un peu plus d'un mètre au dessus du sol, Link se laissa finalement tomber de l'échelle de fortune, sans en avoir gravi le moindre échelon. Le plancher grinça quand ses bottes l'épousèrent à nouveau. « Heureux de te voir debout... L'aumônier avait peur que l'infection ne t'emporte. » Le blond garda la suite de ses propos pour lui, poussé par une espèce d'intuition. Il ignorait comment Ruto pourrait réagir face à ce qu'elle estimerait peut-être être une rivale et ne souhaitait certainement pas attirer sur la Prêtresse plus d'ennuis qu'elle n'en avait déjà. Il l'avait longuement cherchée sans pouvoir la retrouver, jusqu'à avant l'assaut. Sans connaître les gens d'Église, il ne leur faisait pas plus confiance qu'il n'appréciait les Déesses. Il n'aurait su l'expliquer mais il lui paraissait clair qu'il pouvait représenter un danger pour son amie.
"Foutredin !" Persifla Fergus, avant de sauter à son tour. Il n'avait jamais été quelqu'un d'insistant, et pourtant les trois attaques qu'avait connu son village l'avait transformé. Aujourd'hui, il craignait le retour de Ganondorf et de ses démons. Il savait que cela n'était qu'une question de temps et pour ça, il souhaitait que sa demeure soit le mieux préparé qu'il puisse être. Jadis, qu'un apprenti discute avec quelques amis ne l'aurait pas dérangé. Aujourd'hui, c'était une autre histoire. « 'Trop vieux pour c'genre de conneries.. », grimaça-t-il tant bien que mal en cherchant à retrouver son équilibre, après l'atterrissage. Son genou le faisait salement souffrir, comme par temps de pluie et les crissements du parquet faisaient écho à sa douleur. Il n'eut pas le temps de sentir le sol se fissurer. Il ne l'entendit pas non plus se briser : il tombait déjà. Sa main se referma, par réflexe, autour du pied de son camarade. Bien vite, tout deux glissèrent le long de la galerie. « Ugnh... — » Le râle qui s'échappa de ses lèvres ne remonta probablement pas jusqu'en haut, s'il en jugeait par la lumière qui perçait. La tête lui tournait. « Gamin ? GAMIN ?! » Hurla-t-il, de plus en plus fort à mesure que la douleur ne l'assommait. Il ignorait où ils étaient, mais sa jambe lui faisait atrocement mal. Tapotant son membre de sa main, il réalisa que celui-ci était étrangement chaud. Humide également. « Shhhht. » Souffla simplement Link, en s'approchant de lui. « Surtout ne fais pas de bruit. » Murmura-t-il ensuite, en s'approchant de la jambe de son compagnon. Aux aguets, l'Enfant-des-Bois se méfiait de nouveau. Ses doigts glissèrent jusqu'à la dague qui pendait à sa ceinture, tandis qu'il pestait contre lui même. Si seulement il avait daigné prendre une véritable lame avec lui, plutôt que de s'attacher à ce point à la discrétion...! « J'ai mal...! » Gémit le pauvre homme, cherchant l'épaule de l'Hylien avec ses mains. « Je sais. » Répondit-il, simplement, à l'affut des grattements, des murmures et des lamentations propres aux nécrophages. La question n'était pas de savoir s'il y en avait, mais combien ils étaient... « C'est une fracture ouverte. Ne bouge pas. Pas du tout, d'accord ? » S'enquit-il, doucement, comme pour rassurer le vieil homme. Il n'y voyait guère plus clair que lui, mais il avait conscience de deux choses : le bruit ne tarderait pas à attirer les Effrois et les autres charognes et il lui était impossible d'avancer ou de remonter en compagnie de Fergus. Son tibia déchirait sa jambe et même s'il ne voyait que trop peu dans l'obscurité, il sentait l'odeur du fer, celle du sang.