Le blagueur et l'usurpateur.

Le plus grand sommet artistique d'Hyrule !

[ Hors timeline ]

Franc


Inventaire

0,00


(vide)

*Clap clap clap*

Une merveille, simplement une merveille. Toute la quintessence de la Paix et du Bon Gout était sculptée ici, gravée dans la Nature. L'architecte royal devait être touché par la grâce de Din, celle qui forge la terre. Un tapis de mousse, humide et tendre, des arbres lisses et blancs, des fleurs arc en ciel et quelques oisillons sauvages, amoureux de ce calme.

Le Bouffon Royal, habillé de ses plus belles parures exubérantes ne contempla certainement pas ce paradis, mais bien son corps. Scrutant ses frêles membres, sa peau ridiculement nacrée, mais rien, rien de rien. Il avait beau chercher sur lui une preuve incontestable de ce qu'il soupçonnait, mais rien. Il n'était pas Link, le Héros du Temps, il ne venait donc pas de retirer la Lame des Dieux du socle, il n'était donc pas au Saint Royaume. Car il s'y était cru, fou qu'il était, dans le sanctuaire des Sages. Mais que nenni, il était bien dans les Contrés mortelles d'Hyrule. Il tomba amoureux, instantanément, de ces lieux chimériques. Il aurait pu écrire un poème rien qu'en admirant cet insecte dévorant une fougère. Qu'il était laid, cet animal, mais qu'il était magnifique, en ce jour, dans ce jardin intérieur !

Les yeux moites de bonheur, il pénétra dans cette jungle de Beauté. Le grossier garde qui lui avait permis d'entrer lui remis la lettre que Fol avait écrite de sa main. La sentinelle, qui ne semblait pas savoir lire, avait confirmé à l'Ahuri de la Couronne que le Chancelier voulait bien le recevoir. Le Fou relu sa lettre, pour se rappeler du motif de la visite, tellement les jardins l'avaient hypnotisé.


Bonjour, Monsieur Imposteur.

Je me présente, je suis fou.

" Chancelier des Beaux-Arts et de la Culture " Alors ça ... Pompeux et inapproprié à toi, petit charlatan de pacotille.

Sais-tu à qui tu dialogues en ce moment même, sombre inculte ? Tu converses avec le Grand Fol ! Le plus magnifique et talentueux jouteur verbale, à la logorrhée divine.

J'incarne l'Art, je suis la Culture. Je suis la folie et le bonheur. Et toi qui es tu ? Un aristocrate gras et pédant ! Allez, je t'offre une chance d'être digne de ton statut usurpé. Moi, Fol le Superbe, te demande un rendez vous au Château d'Hyrule, dans ton bureau, ou ailleurs, afin de mesurer ton talent ! Si tu es digne d'être mon rival politique, tu deviendras mon maitre. Sinon, je prends ta place et j'incarnerais l'Esthétisme et l'Intelligence.

Ne te méprends pas, petit garçon, je suis déjà le Bouffon de la Princesse. Je suis, de fait et d'actes, ton supérieur hiérarchique.

Alors, un entretien dantesque pour confronter ma Folie et ta Chancellerie, devant toutes et tous ?






Fol referma son parchemin. Il se souvint maintenant qu'il avait utilisé l'encre la plus horrible possible, afin d'y tremper sa plume, dans le but de rendre la lecture pénible. Il suppose qu'il avait réussi. Le Bouffon referma le papier sur lui même et le rangea dans une de ses poches colorées. Enfin, après un long moment sans bouger, il se mit en route vers le cœur des jardins, là où devait se trouver celui qui était responsable des Arts en Hyrule.

Le Fou n'était pas bête, il connaissait très bien la politique et manipulait à merveilles les grands pontes de la royauté. C'est ainsi qu'il su qu'en ce pays verdoyant, le métier du Fou avait un ministère et pas des moindres, celui de la Chancellerie des Beaux Arts et de la Culture. Il entreprit alors de rencontrer l'homme politique en charge des bouffonades, son patron, en quelque sorte. Fol n'admettait aucun chef dans sa profession, et encore moins de rival dans le monde intellectuel. Le Bouffon était au dessus des lois, au dessus des Rois. Alors cet " Orpheos " était forcement un charlatan obèse et oisif, nageant dans l’opulence et la bêtise.

Le Fou de la Princesse Zelda entra dans le domaine de l'usurpateur, afin de tester son rang. A la fin de ce rendez vous d'Etat, beaucoup de choses changeraient.


« Tu es en retard, petit écolier ! En retard pour ton examen final. »

Aucune réponse. Etait il tellement occupé à ingérer de la graisse ou à cuver sa vinasse haute gamme pour oublier cette rencontre ?

« Qu'importe, gamin, Le Fol vient prendre ta place au gouvernement ! »

Il attendit. Le Bouffon se mit à faire le poirier en joignant ses pieds. Il ressemblait étrangement à une figure géométrique complexe, dont le nom ne peut être connu que par les fous adorant les si inutiles mathématiques.

« Bon, j'ai faim, y a t il des patates, dans ce jardin ? Il serait honteux de créer un jardin sans potager. »

Aucun signe de pomme de terre. Et pourtant, il avait scruté tous les recoins de ce parc divin en effectuant une gracieuse toupie. Le tout la tête à l'envers bien sûr ! Fol adorait les fleurs, oui, elles étaient la poésie, l'amour, la paix, la joie ... Et d'autres choses encore, plus niaises les unes que les autres. Il préférait toutefois légumes et féculents, ces plantes qui nourrissent le peuple, ce sont elles, les vraies fleurs de vie. Un pauvre se fiche bien d'être entouré d'orchidées somptueuses, s'il n'y a nul part deux ou trois carottes. Une Dirigeante sage devrait troquer cette surenchère de roses et de tulipes par des artichauts bien fournis, afin d'aider sa population à survivre en cas de pénuries. Fol oublia du même qu'il avait faim, dégouté par ce constat affligeant et par la toupie qu'il venait d’exécuter. Le coeur au bord des lèvres, il ferma les yeux afin de calmer son malaise et pour éviter de salir les dahlias avec sa vomissure !


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

-Quelle corvée… murmura Orpheos pour lui-même, tandis qu’il parcourait les couloirs interminables du château d’Hyrule. Le soleil était bien haut dans le ciel, au dehors, et pourtant il venait de commencer sa journée. Durant la nuit précédente, il s’était occupé de régler toutes les affaires incombant à son grade de chancelier, et qu’on avait d'abord envoyées à de simples subordonnés de la princesse. En majorité des demandes de représentations de troupes et d’artistes divers au château.

Parmi toutes ces demandes écrites sur des parchemins jaunis, une lettre avait davantage retenu l’attention d’Orpheos. Pas seulement en raison de l’encre vert olive qui jurait horriblement avec la couleur du parchemin utilisé, mais surtout pour le ton employé. Vouvoiement bafoué, condescendance insolente, arrogance visiblement mal placée… L’auteur était, selon ses dires, le bouffon royal de la princesse Zelda. La lecture avait été particulièrement pénible, autant à cause de l’encre qui avait forcé ses yeux fatigués, qu’à cause de l’outrecuidance manuscrite du personnage.

Techniquement, Orpheos était le patron du Bouffon royal, et c’était certainement ce qui posait problème à ce dernier. Pourtant, le Chancelier des Beaux-Arts et de la Culture n’avait rien demandé. Il n’avait jamais mesuré l’importance de sa fonction, même avant son exil, et n’avait pas un sens des responsabilités aussi aigu que la princesse hylienne. Il n’avait pas réellement conscience qu’il faisait partie de la caste des dirigeants du royaume. En voyant le fou décrire Orpheos comme un "aristocrate gras et pédant", il avait réalisé que très peu de gens le connaissaient au moins de vue. Sans doute la faute à son exil.

Et puis le fou s’attaquait plus particulièrement à son art, à ses capacités de le défendre. C’était pour cela qu’Orpheos déambulait dans le château avec sa lyre sous le bras, vêtu de son habituelle tunique, mais décorée cette fois d’une cape blanche avec un contour finement brodé de fils dorés. Elle était rattachée sur sa clavicule droite par le blason de la maison d’Hyrule. Cette cape était l’habit des chanceliers, leur signe de distinction, qu’ils devaient toujours porter lors des réceptions ou des visites officielles. Ce symbole Hylien, l’aigle et la Triforce, était aussi brodé du même fil sur le dos du vêtement.
Au moment où Orpheos posa le pied sur la dernière marche des escaliers menant aux jardins du château, sous la fenêtre de son bureau, un attroupement de quatre suivants se précipitèrent vers lui.


-Chancelier, vous avez rendez-vous ? commença l’un d’eux.
-Nous devons vous accompagner, poursuivit un autre.
-Je vous demande pardon ? fit un Orpheos agacé, arrêté au pied des marches. Je n’ai nul besoin de suivants, surtout pas pour un entretien comme celui que j’ai maintenant.
-Mais le protocole veut que vous soyez escorté-…
-Peu m’importe le protocole, interrompit le chancelier, vous me mettez en retard.

Le chancelier se dégagea de ses suivants et partit ouvrir la porte à la volée, mais ce petit groupe importun le suivit jusque dans le jardin. Depuis quand avait-il besoin d’eux ? Avant son exil, jamais il n’avait été encombré de ces personnes. Ses allées et venues s’étaient toujours faites en solitaire, et surtout, sans cette cape spéciale aux chanceliers. Orpheos avait la fâcheuse impression qu’on le poussait à devenir aristocrate, alors qu’il n’en avait aucune des qualités. Il était un musicien errant et un simple ami de la princesse qui l’aidait à diriger ses terres, rien d’autre à ses yeux.
En s’avançant dans le jardin luxurieux du château, il entendit une voix au loin. Certainement celle du fou.


-Voudriez-vous partir ? demanda t-il sans se retourner vers ses suivants, toujours à ses trousses.
-Le protocole-…
-Vous provoquez un dérangement dont je me passerais bien, déclara Orpheos en se retournant enfin vers eux pour les regarder franchement. Je vous congédie.

Et cette fois, les suivants ne lui emboîtèrent plus le pas. Sans doute à cause du regard menaçant qu’il leur avait lancé.
Lorsqu’il arriva au milieu du parterre extérieur royal, muni de toutes ses fleurs, il tomba nez à nez avec un étrange personnage, gracile de corps et très blanc de peau -presque aussi claire que sa tenue.


-Bon, j'ai faim, y a t il des patates, dans ce jardin ? Il serait honteux de créer un jardin sans potager.


Debout sur les mains et les pieds joints en l’air, la tête à l’envers, le bouffon provoqua un vague froncement de sourcils chez le chancelier. C’était donc lui, le fameux bouffon royal qui lui avait écrit cette lettre au contenu si décalé ? Décalé autant que la pose qu’il était en train de prendre au beau milieu du jardin ?

-Le potager ne se trouve pas ici, déclara Orpheos pour répondre à la question solitaire et rhétorique du fou.
Le chancelier observa l’énergumène se démener dans sa position, son regard émeraude calmement posé sur lui et attendant de bien distinguer son visage. Jamais il n’avait vu cet homme, et cela était encore dû au fait de son retour trop récent au château. Mais la rencontre promettait d’être pleine de surprises.


-Alors c’est vous, le Bouffon de la princesse…


Franc


Inventaire

0,00


(vide)

Malgré la multiplications des images mirages dues à ses rotations, le Fou perçut avec exactitude les grognements d'un homme. Il ne daigna pas se tourner vers l’entrée, trop éreinté par les prouesses de gymnastes. Il capta les doléances de deux gardes de la reine, car leur fort accent des campagnes déformait les mots de la belle langue hylienne. Un troisième homme leur répondit avec lassitude, ses mots bien ronds ronronnèrent comme une mélodie. Fol reconnut son " maitre " à travers la voix bénie d'intelligence du Chancelier.

" Alors c’est vous, le Bouffon de la princesse… "

Le Clown redescendit sur la terre ferme. Il conclut qu'il avait vraiment abusé des cabrioles. Il se couvrit la bouche et tituba. Avec toute la force dont il disposait, c'est à dire pas grand chose, Fol tenta d'avancer vers Orpheos. Cuisant échec ! En effet, à peine eut il posé un pied devant l'autre, que sa deuxième jambe se déroba. Fol chuta, tout simplement. Son menu corps écrasa avec violence une buisson de roses épineuses. Les oiseaux se turent, comme s'ils étaient eux même tristes pour ce pauvre hurluberlu ! Cette pitié ne dura guère longtemps puisque les volatiles gracieux continuèrent leur chant, mais avec plus de force, afin de couvrir les bêtises du Bouffon.

La touffe de fleurs se mit à bouger en tout sens.


" Ceci devrait ...

Une forme blanche s'expulsa du buisson de fleurs rouges. La chose se posa avec habileté sur l'herbe. Cette forme n'était autre que Fol, bien entendu. Il s'inclina, une rose à la main, devant le Chancelier.

... Répondre à votre question.

Il se mit la fleur dans la bouche, telle une sorte de dragueur aux techniques impitoyables. C'était plus au moins le cas, ici, car Fol tentait de séduire son chef politique, de le convaincre de son incompétence, ce qu'il fit.

" Ainsi, je viens de vous prouver de mes Arts ainsi que ...

Il posa un genou à terre, les bras tendus vers le Chancelier.

... de ma Culture. Et ceci, en quelques secondes.

Après cette petite scène, Fol décida d'observer plus finement son interlocuteur. Il était assez grand, disons dans la moyenne. Il possédait un faciès banal, des cheveux étrangement coiffés. Ses habits en disaient plus long. Orpheos semblait s'être jeté littéralement dans le luxe avec cette tunique royale, gravée ici et là de symboles arrogants.

Cette analyse était livrée à l'emporte pièce. En effet, Fol, à l'intelligence subtile et habile, ne jugeait un Homme qu'après une étude approfondie. Dans sa vie, il avait eu la malchance de voir toutes sortes de personnages d'Etat. Mais ce genre d’énergumène, jamais. Le Bouffon était perplexe et cela se manifestait par son visage bizarrement tiraillé. Il avait noté la manière dont il avait renvoyé ses nobles et stupides suivants. L'attitude d'Orpheos était intrigante. Il était manifestement un artiste, bon ou mauvais, il en avait en tout cas l'apparence. Cependant il n'avait en rien les manières d'un dirigeant. Ses habits n'étaient pas portées avec une réelle fierté, mais avec mécontentement. Fol avait vu juste, il le savait.

Ce Chancelier n'était pas un réel Chancelier ! Il n'était pas factice, non non, il était simplement là pour combler un trône vacant. Le Bouffon connaissait bien Hyrule. Les artistes manquaient cruellement à l'appel. Fol se releva et fixa avec sévérité Orpheos. Il parlait à un égal, pas à un quelconque politique arrogant. Il cracha sa rose.


" Enlevez donc cette cape, mon ami. Elle ne vous sied guère. Faites comme moi, mettez vous à l'aise ! "

Le Fou quitta des yeux Orpheos et se précipita vers une arbre fruitier robuste. Il l'escalada tel un primate et se posa sur une branche, les jambes se balançant à la manière d'un enfant heureux.

" Tout le monde ici me connait. Je suis Fol, Bouffon de la Princesse Zelda, héritière de Nayru. Quant à vous ... Personne ne semble vous connaitre ! Mise à part votre titre usurpé, qui êtes vous, réellement ?

Fol abandonna son rôle de Fou durant ses quelques mots.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Orpheos était resté interdit. Le Bouffon royal venait de se livrer à quelques exercices -involontaires ?- de maladresse clownesque, en commençant par tomber tête la première dans un buisson de roses rouges plein d’épines. Le chancelier, silencieux, l’observa se démener pour se dépêtrer du buisson avec bruit.

-Ceci devrait ... répondre à votre question, déclara l’individu en tenant une rose dans sa main, avant de la coincer entre ses lèvres minces. Ainsi, je viens de vous prouver de mes Arts ainsi que -il posa un genou au sol et avança ses bras vers lui- de ma Culture. Et ceci, en quelques secondes.
-…Effectivement, constata Orpheos de manière laconique.

Les deux hommes se dévisagèrent ensuite. Fol était un énergumène au physique bien particulier, et Orpheos avait beau fouiller sa mémoire, il ne retrouvait pas le souvenir d’avoir vu quelqu’un lui ressemblant de près ou de loin. Son interlocuteur était réellement pâle, et il possédait un corps plutôt maigre pour quelqu’un de son âge. Son visage était celui d’un homme visiblement intelligent, son regard ne flanchait pas malgré ses pitreries, et il ne valait peut-être mieux pas se fier à son métier ou son apparence pour le juger habilement. Il le sentait.
Orpheos nota que le regard du Bouffon s’attarda un peu plus longuement sur sa tenue de Chancelier. Et à l’observer de plus près, le Bouffon semblait intrigué par le musicien qui ne se sentait guère à l’aise dans sa cape d’un blanc immaculé. Et finalement, lorsqu’il se releva, le Bouffon conclut son inspection par un regard sévère.


-Enlevez donc cette cape, mon ami, déclara enfin le Fou en crachant sa rose. Elle ne vous sied guère. Faites comme moi, mettez-vous à l'aise !

L’homme accourut vers un arbre voisin pour l’escalader, les grelots de son chapeau tintant joyeusement au bout de ses pointes. Orpheos, lui, ne retira pas sa cape.

-Tout le monde ici me connait,
lança l’homme en balançant ses jambes du haut de sa branche d’arbre. Je suis Fol, Bouffon de la Princesse Zelda, héritière de Nayru. Quant à vous ... Personne ne semble vous connaitre ! Mise à part votre titre usurpé, qui êtes-vous, réellement ?

Orpheos perçut le changement de ton du Fou. Décidant de mêler réserve et honnêteté, il répondit en gardant ses yeux levés vers les siens.

-Personne ne me connait plus car je reviens de ce que nous appellerons un voyage. Un voyage long de plusieurs années. Mon nom est Orpheos, et j'ajouterai que mon titre de Chancelier n’est aucunement usurpé.

Orpheos s’avança de quelques pas vers l’arbre où était perché Fol, l’obligeant à lever un peu plus la tête pour conserver une vue sur lui.

-N’allez pas croire que je suis arrivé à ce poste trop facilement. Je connais les affres d’une vie d’errance, et n’ai jamais cessé d’exprimer mon goût pour la musique. Y compris dans ce château. Et pour vous répondre, je ne peux enlever mon habit de Chancelier même s’il ne me sied guère. J’ai à respecter certains codes…

Orpheos ne croyait pas à ce qu’il venait de dire. Lui, dompté par certains de ses devoirs ? C’était bien ce qu’on aurait dit.
Le Chancelier eut conscience qu’une grimace méprisante venait de passer sur son visage fin, malgré lui, et eut tôt fait de reprendre une expression plus neutre. Mais Fol avait certainement remarqué ce changement.


-Moi non plus, je ne vous connais pas. Je n’ai pas le souvenir d'avoir déjà vu un Bouffon à Hyrule, mais j'en ai croisé au cœur de plusieurs contrées étrangères, lors de mon "voyage". Ceux que j'ai vu étaient d'ailleurs souvent vulgaires, même pour leur grade. J’ose croire que vous serez différent d'eux.

Orpheos se demandait bien quand est-ce que ce Bouffon avait été engagé par Zelda, mais il se remémora soudain la raison de cet entretien avec lui.

-Vous avez, en tout cas, assez d’audace pour m’envoyer la lettre que vous savez… fit Orpheos avec un certain amusement dans la voix.


Franc


Inventaire

0,00


(vide)

Vie d'errance, solitude, communion avec la nature ... La veille rengaine des faux artistes en somme ! Le Fou était fou mais point assez pour faire part de ses remarques internes, il en allait de soi. Le plus important n'était pas le passé mais le présent. Orpheos était responsable de la santé intellectuelle d'Hyrule. Il n'était pas grassement payé à gratter sa harpe sur l'herbe en dessous d'un ballet de moineaux. Toutefois Fol ne sembla pas vouloir brusquer ce "rebelle" politique. Il décida de prouver au jeune homme ce qu'était un vrai Bouffon. Amadouer la souris avant de la dévorer en quelque sorte.

Il joua donc sur les sentiments, bousculant les conventions et dirigea la conversation vers des terrains plus personnels, terrain où le Fou était particulièrement à l'aise, lui qui montrait son derrière à chaque passant et qui insinuait des choses peu recommandables. Fol se lança donc dans cette bousculade, pour gêner le Chancelier. Ce dernier avait aimé sa lettre, vraiment aimé.


« Que vous devez être seul, à la tête de l'Etat mon pauvre ! Ensevelis sous des vélins grotesques d'artistes mièvres et sans talent. Ô triste ami ... ! Vous avez jeté votre dévolu, votre coeur même, sur mon ébauche de lettre tel un amoureux transi sur un mot de sa chère et tendre ! Mon courrier était tel un rayon solaire perçant votre ciel sombre de tristesse. »

Fol mima le malheur avec beaucoup d'effets stylistiques, devenant presque niais. Il avait les bras ballants, la bouche ridiculement tordue vers le bas. Il pleura, pas avec sincérité bien entendu ! Ses larmes de reptiles n'étaient que jeu d'acteur. Le Bouffon ajouta ceci.

« Oh mais ... peut être n'avez pas d'amante à qui confier vos mésaventures ? Il prit l'air choqué, les yeux bien ronds, la main couvrant sa bouche grande ouverte, Vous ne pensiez quand même pas que ma lettre qui vous a séduite, était une déclaration ?! »

Dans un geste théâtral il se détourna du Chancelier, il feignit les sanglots à grands cris désespérés. Soudain, de but en blanc, il cessa sa comédie dramatique et se tourna vers Orpheos. Il fit un énorme clin d'oeil à l'harpiste.

« Oh mais si vous le souhaitez, je peux continuer à vous envoyer des lettres afin d'ensoleiller vos journées de travaux ! J'écrirai même en ... rose, mon mignon ! »

Il sentait qu'il avait touché la cible, détruisant une conversation quasi sérieuse, mettant fin à un rendez vous d'affaire officiel. Rien ne pouvait se passer normalement avec un vrai Bouffon, et encore moins avec le Roi des Fous. Il enchaina.

« Je vais vous faire aimer amoureusement ma Folie, mon chéri ! »

Il émit un sourire carnassier mêlant son amusement avec son ambition. Il aurait sa place coûte que coûte. Il se contenta de déstabiliser le Chancelier des Beaux Arts. Pour Fol, l'affublé de Chancelier de la Culture était une honte, Orpheos n'était qu'un simple troubadour de cour royal, se souciant peu ou proue de son peuple qu'il se devait de réjouir. Un Fou autant qu'un ministre était dans l'obligation morale d'amuser la population effrayée d'Hyrule par les affres immondes de la guerre contre le Mal. Le seul rempart contre le Malin était non pas les armes bénies de divers chevaliers, mais le Courage de gens simples munis d'un sourire heureux. Orpheos ne jouait que les faux mélancoliques dans une prison dorée. Le Fou œuvrait pour les paysans en les divertissant de sa folie. Il aurait sa place, il l'aurait.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Orpheos commençait à ne pas apprécier la tournure que prenait la discussion. Fol se montrait un peu trop à l’aise dans l’exercice de la compassion flatteuse pour être honnête. Mais peut-être que le costume et la tête du Bouffon ne l’aidait pas à se rendre crédible, non plus.

-Que vous devez être seul, à la tête de l'Etat mon pauvre ! Ensevelis sous des vélins grotesques d'artistes mièvres et sans talent. Ô triste ami ... ! Vous avez jeté votre dévolu, votre coeur même, sur mon ébauche de lettre tel un amoureux transi sur un mot de sa chère et tendre ! Mon courrier était tel un rayon solaire perçant votre ciel sombre de tristesse.


Orpheos avait effectivement apprécié la lettre du Bouffon pour son audace, mais elle avait plus relevé du divertissement que d’un "rayon de soleil dans un ciel de tristesse", pensa-t-il.
D’ailleurs, sous ses yeux, Fol caricaturait le malheur en faisant du mime ; non sans un certain talent. Il réussit même à forcer des larmes à sortir de ses yeux, qui eux n’exprimaient pas du tout la tristesse, évidemment.


-Oh mais ... peut-être n'avez pas d'amante à qui confier vos mésaventures ? Vous ne pensiez quand même pas que ma lettre qui vous a séduite, était une déclaration ?!


Toujours dans la simulation et l’exagération, Fol lâcha de grands sanglots bruyants. Puis, à son clin d’œil un peu trop appuyé, Orpheos se demanda sincèrement sur quel genre de Bouffon il était tombé. Beaucoup devaient, sans doute, trouver déroutante l’attitude de celui-là.

-Oh mais si vous le souhaitez, je peux continuer à vous envoyer des lettres afin d'ensoleiller vos journées de travaux ! J'écrirai même en ... rose, mon mignon ! Je vais vous faire aimer amoureusement ma Folie, mon chéri !


Oui, quel genre de bouffon pouvait avoir un tel sourire ? Fol venait de détruire tout le caractère officiel de leur entrevue… Par plaisanterie, ou par stratégie ? Orpheos ne le savait pas encore, mais sa cape de chancelier lui paraissait de plus en plus incongrue sur ses épaules. Elle qui était censée se porter lors des rendez-vous officiels, n’avait pas sa place dans ce début de comédie. Il n’aimait pas beaucoup l’attitude de son interlocuteur, en tous les cas.

-Je vais vous poser une question…
dit très calmement le chancelier, sourcils froncés et regard baissé vers l’herbe habilement coupé. Qu’est-ce que tout cela signifie ?

Le musicien avait relevé les yeux vers le Fou, parfaitement sérieux.

-Parlons-en, justement, de votre lettre. A mes yeux elle était très claire, malgré l’encre parfaitement épouvantable que vous avez utilisée pour l’écrire. Vous m’insultiez de charlatan au cours de ses lignes, et aujourd’hui, vous vous faites consensuel en face de moi ?

Orpheos avait repris les airs et le ton froids qui le caractérisaient tant. Ceux pour lesquels on ne l’avait pas beaucoup apprécié, lorsqu’il était à la cour avant son exil. Lui faire "aimer amoureusement sa folie" ? En plus de son caractère homosexuel, le sous-entendu était aux limites de la grossièreté. Fol jouait avec les limites de celles-ci sans tomber dedans, preuve d’une habileté certaine dans l’art de la dialectique, et sa volonté de mettre mal à l’aise devenait trop voyante pour quelqu’un comme Orpheos.


-Je ne pense pas que vous ayez peur de moi pour jouer les flagorneurs. Vous vous êtes qualifié, dans votre lettre, comme mon supérieur hiérarchique. Peut-être êtes-vous simplement inconscient, en dépit de votre apparente intelligence… ou peut-être voulez-vous me berner pour mieux prendre ma place de chancelier ?


Franc


Inventaire

0,00


(vide)

[ Navré du retard, bel enfant ! Toutes mes excuses bel éphèbe ! Mille pardons mon mignon ! ]





Fol n'était point fou, on ne sera jamais de le repréciser. Certains imbéciles pensent que si, c'est pourquoi il est toujours très utile de le marteler sans cesse à chacune de ses fantasques aventures. Mais était il en train de vivre la dernière d'entre elles ? Plausible en effet puisque le Chancelier perdait de sa sympathie face à la Bêtise. La Bête ( de pouvoir ) et le Bête ( de drôlerie ) étaient peut être sur le point d'en venir aux griffes. Formule inexactes chers amis, car le Bouffon avait pour habitude de couper ses ongles très courts afin de ne pas trouer ses gants de velours, don d'hospitalité de sa Maitresse. Il ne concevait pas de vivre mains nues car seul son esprit devait toucher l'univers ! Magnifique philosophie n'est-ce pas, que celle de ne vouloir percevoir le monde qu'avec son âme et non pas avec sa chair bien trop subjective ? Ah ! Sacré Fou !

Le Chancelier perdait donc patience. Fol cessa alors son jeu stupide afin de ne pas gagner quelques coups de sabots mal placés. Il se dressa de toute sa splendeur et entama un monologue politique navrant et soporifique.


« Pensez vous sincèrement que ce magnifique spectacle de Folie soit un subterfuge pour vous leurrer mon ami ? Seriez vous plus fou que le fou qui ne fait qu'interpréter la folie ? Quel manque de respect à l'égard de mon art ! Je loue le vôtre, faites de même pour le miens, incapable malotru.

Répondons ensuite à vos interrogations Monsieur le Ministre. Le peuple est soumis à vous d'une manière parfois répugnante. Il est mu par un mutisme congénitale. Moi, le Fou, suis doué de la Parole avec un grand P.
( Fol fit claquer sa langue dans une imitation de flatulence afin d'illustrer ses propos de " P ". ) Du haut de votre trône, seule la provocation que je manifeste éveille votre intérêt. Je viens juste de montrer la voie au peuple afin qu'il retrouve sa voix. Pari gagné, je me tiens devant vous.

Je flagorne comme vous dites pour capter votre attention sur chacun de mes mots soigneusement mesurés. Encore une fois, objectif accompli. J'ai ouïe avec souffrance les râles des petites gens. Tristes à mourir ils sont, morts ils seront par le spectre de la déprime du Vilain. Faire couler le sang des mauvais n'apporte que haine. La paix doit provenir de la joie autant que des armes. Votre incompétence au bonheur mènera nos gens à leur perte. Tous ne sont pas doués ou idiots au point de jouer les Bonfons de Cours pour avoir gîte couverts et protection comme le Fol. Il veulent sourire comme je le fais, mais sans mon costume minable ! Ils ne veulent pas lécher le sang du Mal et se repaissent de leurs intestins pourrissant au soleil. »


Il entama une pause bien méritée. Non pas pour soulager sa langue mais pour permettre à l'homme d'Etat d'assimiler son discours. Il reprit.

« Vous et moi sommes les enfants de l'art. Nous ne manions pas le glaive de la Justice mais le divertissement du Paradis. Hé ! Je vous vois venir, Orpheos, ne concluez pas que vous êtes aussi talentueux que moi. Nenni mon enfant ! »

C'est alors que Fol s'approcha du Chancelier avec la démarche d'un guerrier. Toutes gamineries avaient disparu de ses traits. Ses yeux fusillèrent avec sévérité le sous fifre de la Princesse.

« Je suis ce que vous n'êtes pas. Je suis drôle, vous êtes dramatique. Je suis humble, vous êtes pédant. Je suis le peuple, vous n'êtes rien. Je suis Roi, vous êtes conseiller de Princesse. »

Faisant fi de sa pose de grand homme, Fol exécuta une somptueuse roue. Autant pour le spectacle que pour éviter un coup de poing impulsif. Il tira enfin la langue, amusé et fatigué de tout le sérieux qu'il avait fait preuve.

« Bah ! Je vous laisserais votre chambre et votre cape si vous y tenez tant. Mais ne conservez pas un rôle qui n'est pas le vôtre. Les saltimbanques garnissent les banquets de notes musicales, pas plus. »

Il avait abattu toutes ses cartes. Les jeux de ce genre n'était pas sa spécialité. Il perdait toujours ! Malchanceux il se retrouvait très souvent en sous vêtement lors de parties endiablées. Mais même en caleçon, le Fou conservait toujours une carte sous sa manche, ou plutôt, sans son slip ici !


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

[A mon tour de m'excuser pour l'attente, mais cela ne devrait pas se reproduire !]



Fol crut comprendre l’agacement progressif d’Orpheos, et devint -enfin- un peu plus sérieux face à lui.

-Pensez-vous sincèrement que ce magnifique spectacle de Folie soit un subterfuge pour vous leurrer mon ami ? Seriez-vous plus fou que le fou qui ne fait qu'interpréter la folie ? Quel manque de respect à l'égard de mon art ! Je loue le vôtre, faites de même pour le miens, incapable malotru.

Orpheos avait envie de répondre qu’il ne comprenait, de toute façon, pas grand-chose dans l’art de la pitrerie. L’humour lui avait toujours cruellement manqué, et il ne concevait pas de se rendre ridicule devant les autres pour les faire rire. Sans doute valait-il mieux ne jamais se prendre au sérieux pour exercer un tel métier ; et cela, le musicien en était très peu capable. A part peut-être en étant ivre.

-Répondons ensuite à vos interrogations Monsieur le Ministre, poursuivit l’étrange individu. Le peuple est soumis à vous d'une manière parfois répugnante. Il est mu par un mutisme congénital. Moi, le Fou, suis doué de la Parole avec un grand P. Du haut de votre trône, seule la provocation que je manifeste éveille votre intérêt. Je viens juste de montrer la voie au peuple afin qu'il retrouve sa voix. Pari gagné, je me tiens devant vous.

Les sourcils affinés du chancelier se froncèrent brièvement ; seule réaction qui parut sur son visage. Où Fol voulait-il encore en venir ?

-Je flagorne comme vous dites pour capter votre attention sur chacun de mes mots soigneusement mesurés. Encore une fois, objectif accompli, disait le bouffon sur le ton qui était le sien. J'ai ouïe avec souffrance les râles des petites gens. Tristes à mourir ils sont, morts ils seront par le spectre de la déprime du Vilain. Faire couler le sang des mauvais n'apporte que haine. La paix doit provenir de la joie autant que des armes. Votre incompétence au bonheur mènera nos gens à leur perte. Tous ne sont pas doués ou idiots au point de jouer les Bonfons de Cours pour avoir gîte couverts et protection comme le Fol. Il veulent sourire comme je le fais, mais sans mon costume minable ! Ils ne veulent pas lécher le sang du Mal et se repaissent de leurs intestins pourrissant au soleil.

Orpheos devait avouer que Fol avait terriblement raison sur un point : faire couler le sang n’amènerait rien de bon à la population d’Hyrule. Il voulut néanmoins répliquer sur ses insinuations douteuses, selon lesquelles le musicien était un incompétent, mais son interlocuteur poursuivit encore.

-Vous et moi sommes les enfants de l'art. Nous ne manions pas le glaive de la Justice mais le divertissement du Paradis. Hé ! Je vous vois venir, Orpheos, ne concluez pas que vous êtes aussi talentueux que moi. Nenni mon enfant ! déclara Fol… avant de se rapprocher d’Orpheos, soudainement devenu menaçant. Je suis ce que vous n'êtes pas. Je suis drôle, vous êtes dramatique. Je suis humble, vous êtes pédant. Je suis le peuple, vous n'êtes rien. Je suis Roi, vous êtes conseiller de Princesse.
-Vous le pensez réellement ? répondit le chancelier avec un plaisant sourire, pendant que le bouffon lui tirait la langue.
-Bah ! fit-il. Je vous laisserai votre chambre et votre cape si vous y tenez tant. Mais ne conservez pas un rôle qui n'est pas le vôtre. Les saltimbanques garnissent les banquets de notes musicales, pas plus.
-Alors c’est réellement ainsi que vous me voyez ? lança Orpheos. Vous avez aussi peu de considération pour quelqu’un que vous ne connaissiez même pas de visage, il y’a quinze minutes ?

Orpheos commençait à y voir clair. La dernière réplique du bouffon ne laissait aucune équivoque : il le menaçait dans sa place de chancelier. Orpheos avait pourtant expliqué s’être longuement absenté, Fol aurait dû comprendre pourquoi le chancelier des Beaux-arts et de la Culture n’avait encore rien pu faire pour son peuple. Il n’était revenu que quelques jours auparavant, s’était à peine réinséré, et cet homme ne lui laissait déjà pas le temps de souffler ! Il n’était pourtant pas si bête que voulait bien le laisser croire son attitude fantasque.

-J’ai pris soin de vous expliquer, avec une certaine diplomatie, ma situation de récente réinsertion dans le circuit artistique. Mais je constate qu’en réalité, vous vous en moquez bien… Quelle que soit ma situation personnelle ou ma position vis-à-vis du peuple, vous voulez, de toutes les manières, réellement prendre ma place en me forçant à la quitter par je ne sais encore quel moyen. N’est-ce pas le cas ?

Le regard et la voix du chancelier s’étaient faits encore plus durs. Redevenir un bloc de glace était bien plus aisé, pour lui, que montrer de la chaleur humaine. Fol, lui, semblait pouvoir jouer sur les deux tableaux sans aucun problème.

-Vous ne me jugez pas compétent ? La princesse, si. Mais puisque vous remettez mon statut en cause, j’accepte de vous montrer ici et maintenant ce que je sais faire. Si vous le voulez réellement, bien sûr.

Orpheos retira enfin sa cape de chancelier, qui l’avait incommodé jusque-là, en continuant de fixer le bouffon dans les yeux.

-Cette entrevue n’a désormais plus rien d’officiel, déclara-t-il en laissant tomber l’étoffe sur l’herbe.


Franc


Inventaire

0,00


(vide)

Fol scrutait la cape royale dégringoler dans l'air agité par une fine petite brise. Elle s'écrasa avec volupté dans l'herbe très bien entretenue. Cela donna l'occasion au Fou de se rendre compte du travail intense de la pelouse des Jardins de la Royauté. Elle était coupée avec forte précision. C'est pourquoi il ne put réprimer son irrésistible envie de la caresser de son gant.

Chaque brin soigneusement courbé par le vent était un régale pour les yeux. Accroupi, Fol survolait le gazon avec délicatesse, de peur de briser ce magnifique tableau. Il se dit alors à lui même, à voie haute, le regard toujours planté dans le sol fertile :


« Nul être, même inspiré de Dieu, ne peut rivaliser de génie avec le talent de la Nature ... »

Bien que Fol soupira cette phrase poético-philosophique avec mélancolie, on pouvait aisément attribuer cette assertion à une pique envers Monsieur le Chancelier. Fol continuait de penser qu'il se vantait trop et qu'il ne méritait pas sa position, contrairement au Bouffon très zélé.

« Il vous est fortement déconseiller, ami de la Chancellerie, de comparer nos côtes de popularités auprès de sa Majesté la Reine. Après tout, je doute qu'elle vous appelle pour narrer une histoire drôle lorsque celle ci prend son bain, contrairement à moi ! »

Le Fou se releva et décrocha ses yeux de la magnifique pelouse avec regret. Il se promis intérieurement de leur écrire un poème. Son coeur était ému, cela valait bien un petit texte artistique ! Il daigna enfin faire attention à Orpheos et se souvint qu'il avait effectivement enlevé son habit de noble.

« Je sens en vous la peur. Une lente agonie angoissante qui vous pousse à vous dévêtir devant moi afin de me charmer de votre corps d’éphèbe. Mais je ne suis pas de ce bord là ! Hé bien non, coquin, je ne cesserais de chasser votre trône de Lettres et de Notes. »

Le bouffon déplia ses muscles affutés. Tellement affutés qu'ils étaient si minces que presque inexistants. Il se demandait encore quel défis le Chancelier lui avait lancé. Toutefois, pour laisser une chance à ce dernier de se défendre, il prit une décision importante.

Fol agita étrangement ses mains devant lui pour faire apparaitre, par quelque tour de passe passe savamment travaillé l'objet de son défis. Une rose rouge sortie de sa manche.


« Oh ... Pardon. »

Il lança la fleur qui se planta dans l'herbe. Il agita de nouveau les mains et une faux d'une taille respectable apparu d'une brume soudaine entre ses doigts agiles.

« Tout se règle dans le sang, dans cette contrée barbare et inculte. Respectons alors cette coutume ! »

Fol bluffait et il espérait vraiment qu'Orpheos décline cette invitation sordide à se battre.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Fol avait eu l’air de paraître plus sérieux. Il en avait paru étrangement crédible, malgré son allure d’escogriffe complètement plongé dans son monde de pitrerie. Mais à nouveau, il parut y repartir loin en commentant ce que lui inspirait l’herbe coupée du jardin… En outre, le cadet des soucis du chancelier, blasé de nature, au point d’oublier celle qui demeurait entres les murs de ce château. Il ne releva même pas le semblant de pique inséré dans cette petite phrase du bouffon.

-Il vous est fortement déconseillé, ami de la Chancellerie, de comparer nos côtes de popularités auprès de sa Majesté la Reine, reprit-il. Après tout, je doute qu'elle vous appelle pour narrer une histoire drôle lorsque celle-ci prend son bain, contrairement à moi !

Le Fou releva son corps et ses yeux, face à Orpheos. Celui-ci dut s’avouer qu’il marquait là un point. A dire vrai, le corps nu de la princesse ne l’avait d’abord jamais beaucoup intéressé, et ensuite, l’humour était tout sauf son point fort. Orpheos n’en avait qu’avec de l’alcool dans les veines.

-Je sens en vous la peur. Une lente agonie angoissante qui vous pousse à vous dévêtir devant moi afin de me charmer de votre corps d’éphèbe. Mais je ne suis pas de ce bord là ! Hé bien non, coquin, je ne cesserais de chasser votre trône de Lettres et de Notes.
-Vos avances ne m’atteignent pas plus que vos menaces, s’égaya le chancelier sans se départir de son air pourtant sérieux.

Le bouffon continua son numéro devant lui, en plantant une rose rouge sortie de sa manche dans l’herbe.


-Oh ... Pardon.

Il avait dû sentir le regard ennuyé du musicien… pour faire apparaître, dans la brume, une grande faux qu’il tint soudain dans ses mains.

-Tout se règle dans le sang, dans cette contrée barbare et inculte. Respectons alors cette coutume !

Les épaules d’Orpheos se relevèrent et sa mâchoire se durcit ; il n’avait pas son instrument sur lui, son arme. Il n’en avait d’ailleurs aucune à sa disposition, et il était par là-même impuissant. Si le combat se déclarait, il partait avec un sérieux désavantage.


-La plaisanterie continuerait-elle, ou abandonnez-vous cette fois votre masque drolatique ?
rétorqua-t-il pas effrayé le moins du monde, mais prudent. Je pensais qu’un homme comme vous, qui vante les bienfaits de l’art, et qui ne semble pas tenir particulièrement à voir le sang couler, répondrait à mon invitation d’une manière plus pacifique.

Des gardes avaient commencé à se regrouper sur les murailles intérieures du château, entourant le jardin, et Orpheos en voyait appeler leurs comparses.

-Prenez garde à ce que vous faites. Lancer une attaque en ces lieux et contre ma personne, en ces temps difficiles, revient à porter atteinte contre la princesse Zelda. Je répliquerai si vous m’attaquez, même si je n’y tiens pas, mais la garde nous arrêtera d’une minute à l’autre.

En effet, quelques autres soldats s’étaient postés avec leurs armes à l’entrée du jardin, surveillant les moindres mouvements des deux artistes prêts à oublier leur propre culture, pour celle du combat.


-Me lancer vos reproches relève de votre plein droit. Mais si, à ma réponse, vous ne trouvez aucune autre alternative que celle du sang à verser, je vous invite à quitter ces jardins. En me laissant votre divertissant souvenir, ainsi que la conscience que vos yeux ne cesseront de lorgner sur moi. Ou plutôt, sur ma place de conseiller à la cour.

Le chancelier était clair : si son homme persistait dans sa folie qui n’était désormais plus simulée, il le chasserait. Ses yeux verts longèrent toutefois sa faux, prêts à la voir en action. Qu’est-ce qu’un Bouffon pouvait bien faire avec une telle arme ? Pouvait-on se proclamer tout à fait innocent avec elle ? Orpheos en doutait.


1