Posté le 03/01/2014 19:15
Le bout de ses doigts effleurèrent en douceur la longue cicatrice qui la décorait du ventre jusqu'à sa côte ; elle n'était pas la seule mais certainement la plus impressionnante. Malgré tout le travail des réputés médecins du Castel qui avait travaillé ardemment pour la remettre sur pied, il restait encore de trop nombreuses traces qui lui rappelait son dernier séjour dans sa propre maison. Elle ne savait qu'elle devait être la bonne conduite à tenir alors : céder à la colère, se révolter une nouvelle fois contre le tyran pour finir dans un pire état que fut le sien quelques semaines auparavant, ou bien relâcher ses nerfs et ses larmes une bonne fois pour toute et repartir de l'avant, l'esprit plus sain. La première idée lui paraissait la plus facile mais c'était cette même pensée qui l'avait conduit vers sa propre chute. Quant à la seconde, elle s'y refusait catégoriquement. Nabooru ne saurait laisser la tristesse l'envahir et la tirer vers de sombres cauchemars qui ne ferait que rabaisser un moral déjà faible.
A force de ressasser tout cela, celle qui fut la Reine des gérudos en finissait dépitée et se morfondait dans sa chambre dans l'anonymat le plus total. Incapable de se laisser abattre pour autant, elle avait déjà imaginé moult plans et scénarios pour retourner au cœur de sa Forteresse. Dans ses rêves les plus fous elle se dressait devant ses sœurs et le Seigneur du Malin, l'épée brandie au-dessus de sa tête, victorieuse et à l'allure imposante de respect et d'inspiration ; elle avait mis fin à la guerre et à la crise d'identité de son peuple. Mais dans les plus noirs elle était défaite sous un ciel orageux. L'air est lourd et chaud. Irrespirable. Sa main peine à brandir son épée. Celle de l'ennemi la frappe d'un revers en pleine poitrine et elle tombe se noyer dans une flaque carmin. A terre, sa dernière vision avant de mourir n'est qu'un vaste désert de cadavres puants que la pluie s'empresse de nettoyer.
Quelle que fut ses chances de réussite, Nabooru savait que contre-attaquer n'aiderait en rien le royaume ou ses sœurs. Mais, par les déesses, quelle fin grandiose cela pourrait être pour une âme guerrière ! Elle s'y voyait déjà chevauchant avec ses plus proches et fidèles amis, les équidés lancés au triple galop sur le pont menant à la Forteresse ; puis le passage entre les deux falaises. Ils sont repérés mais il est déjà trop tard, la flèche de son arc vient transpercer une gorge et ils envahissent la cour en poussant des hurlements barbares. S'il y avait une mort à choisir, elle se serait logiquement contentée de celle-ci.
Trois coups à sa porte la tirèrent de ses rêveries. La Sage de l'Esprit, installée dans l'encadrure d'un fenêtre, ne se leva pour aller ouvrir. C'était peut-être les médecins qui venaient prendre des nouvelles de son état ou l'une de ses sœurs du désert qui venait squatter sa chambre. Toutes les réfugiées n'étaient pas aussi bien traitées qu'elle, à fortiori. « C'est ouvert », lança-t-elle sans entrain particulier. Elle s'étonna de voir la Princesse passer le pas de sa porte. Seule. Presque aussitôt qu'elle fut entrer et qu'elle la vit, la gérudo descendit de son perchoir et s'approcha de quelques pas en sa direction. Elle s'apprêta à prendre la parole pour signaler sa surprise mais elle fut coupée. D'autant qu'elle se souvienne de leurs - assez rares - entrevues, Zelda avait toujours un côté très cérémonieux, prudent et respectueux. Elle en arracha malgré elle un sourire à la rouquine, qui s'empressa de faire une légère tape dans l'épaule de la Princesse dans la foulée.
" Eh ça va, ma grande ! Je veux bien comprendre que tu... que vous vouliez y mettre les formes, Princesse. Mais regardez-moi : ça va, je vais bien. C'est difficile mais je supporte ce qui m'arrive, c'est mon rôle. "
La jeune femme secoua la tête de gauche à droite en tournant les talon pour aller chercher de quoi couvrir le haut de son corps. Déjà il y a quelques mois elle avait agis de la même façon en apprenant le retour de Ganondorf en gardant ses problèmes pour elle-même. Elle était persuadée qu'en parler ne résoudrait rien, et probablement pour ne pas trahir sa propre fierté et celle de son peuple elle refuserait de se morfondre devant la Princesse des hyliens. Il en allait de sa légitimité, de son honneur. « Ce pays est si froid », pensa-t-elle tout haut en attrapant le premier bout de tissu qui suffirait à cacher ses cicatrices. Une manière comme une autre de justifier de les couvrir pour ne pas être la cible de tous les regards.
Elle était néanmoins très heureuse de sa visite. D'une par la spontanéité du geste, de deux parce que rares étaient les visiteurs et qu'elle se demandait justement depuis un moment quand est-ce qu'elle pourrait parler à la jeune Nohansen. Si elle se moquait gentiment de son côté très serein et prudent, elle savait que la jeune femme avait toujours les pensées très claires et très justes. Une forme de sagesse comme rares en possédaient ; et certains osaient critiquer son jeune âge ? Nabooru ne comprenait pas le peuple hylien. Jamais content, toujours sur la défensive, ils étaient aussi nombreux à critiquer leurs seigneurs. C'était parfaitement désolant... A coup sûr, son échec pour repousser Ganondorf devait avoir son influence ici au Castel et la blondinette devait en avoir prit pour son grade également. « Allons-y », souffla-t-elle avec moins d'entrain et plus de sérieux qu'à l'accoutumée avant de sortir de sa chambre.
Il n'y eu pas de mot pendant un moment. Quand bien même la Reine Gérudo faisait tout pour paraître la moins sensible aux événements de ces dernières semaines, Zelda devait avoir flairé son malaise et lui laissait tout le temps qu'il lui fallait pour mettre ses idées en ordre. Dès ses premiers mots, elle l'avait compris : elle voulait faire en sorte de la brusquer le moins possible. C'était d'ailleurs très bien vu de sa part, car encore ce jour-là l'Exaltée était loin d'être dans une forme olympique. Ses traits tirés témoignait de plusieurs nuits agitées ; pour cause, on ne dors jamais mieux que chez soi. Même si elle appréciait énormément les efforts fournis pour son confort, rien ne lui faisait oublier l'air braisé du Désert et chaque grains d'or qui le composait. Par Din, qu'est-ce qu'elle aimerait y retourner dès le prochain lever de soleil... !
" J'apprécie que tu sois venu ", soupira-t-elle au détour d'un couloir. " Les visiteurs ne font pas foule devant la porte de ma chambre. Mais surtout pardonne-moi de ne pas être passé plus souvent ces derniers mois. Là, j'ai l'impression de faire l'aumône. C'est désagréable. "
Nabooru avait effectivement très peu quitter son désert ces derniers mois. Quelques escapades anonymes au quatre coins d'Hyrule n'avait que peu de poids face aux longues journées passées entre les murs de la Forteresse, pensant qu'elle y serait à l'abri de la colère de Ganondorf. Comme elle espérait ne plus jamais se tromper aussi bêtement à l'avenir...
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